L’intensification du dialogue social fait courir un risque d’épuisement professionnel aux élus du personnel
26/05/2021
Tout en se félicitant d’un accroissement des contacts entre les élus du personnel et les employeurs durant la crise sanitaire, contacts ayant permis l’adaptation en urgence des conditions de travail, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) s’inquiète du manque de moyens dont disposent les CSE pour répondre aux nouveaux défis sur l’organisation du travail et le télétravail.
Via un questionnaire en ligne, l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a cherché à savoir comment les représentants du personnel et les directions des entreprises ont perçu l’impact de la crise sanitaire sur le dialogue social et les relations sociales. Sur les 1 415 personnes qui ont répondu à cette enquête en ligne du 12 janvier au 26 février 2021, on compte une large majorité d’élus du personnel (81% dont 66% relèvent d’entreprises privées) par rapport aux employeurs (15%). Les répondants appartiennent, pour 65%, à des entreprises de plus de 250 salariés, les 50-249 salariés comptant pour 26% et les moins de 50 pour 9% (1).
Une intensification du travail liée au dialogue social
Après d’autres travaux, cette étude met tout d’abord en relief une intensification de la charge de travail liée au dialogue social. Cet alourdissement est perçu par 66% des répondants. Il est lié à une accélération du rythme des réunions entre élus et employeur (pour 44% des répondants), mais aussi à davantage d’échanges hors réunion entre élus et employeur (39%), à une augmentation des temps d’échanges entre les élus eux-mêmes (42%) et enfin à une augmentation du temps d’échanges entre les élus et le personnel (28%).
Commentaire de Marion Gilles, qui pilote les questions liées au dialogue social au sein de l’Anact : “Ce fort engagement dans le dialogue social est une tendance positive. Ce dialogue soutenu entre les représentants du personnel et les directions a permis de faire face à la crise, pour traiter de façon paritaire les problèmes. Les CSE ont contribué à régler dans l’urgence des questions comme l’ajustement au plus près du terrain des protocoles sanitaires”.
Seuls 27% des répondants estiment que les élus du personnel ont pu mener un travail d’analyse
Aux yeux de 84% des répondants, les représentants du personnel ont participé à la résolution des difficultés éprouvées dans les entreprises, 69% citant la mise en oeuvre de mesures comme la prévention des risques, les plans de continuité de l’activité, le télétravail, l’activité partielle.
Mais si 60% considèrent que les élus ont su partager l’information sur la situation économique de l’organisation, seuls 27% estiment qu’ils ont pu mener un travail d’analyse, par exemple pour identifier les postes télétravaillables ou faire évoluer l’évaluation des risques.
C’est là un “axe d’amélioration” pointé par l’agence. Serait-ce lié au raccourcissement des délais de consultation et d’expertise imposé aux CSE pendant une partie de l’état d’urgence sanitaire, dont le Conseil d’Etat a récemment jugé qu’il s’agissait d’une disposition imposée de façon illégale ? “Notre consultation ne permet pas d’établir ce lien. Mais dans certaines situations, il s’est avéré en effet difficile de travailler sur une réévaluation des risques dans des délais réduits. Là où le dialogue était en revanche bien installé, cette contribution du CSE à l’actualisation du document d’évaluation des risques s’est bien produite !” nous répond Marion Gilles.
Pas assez d’échanges entre les élus et les salariés
Pour celle-ci, s’il faut se féliciter de la multiplication des échanges, y compris informels, entre élus et direction, cela ne doit pas se faire au détriment des contacts entre élus et salariés. Or le questionnaire montre qu’il s’agit d’un point faible, sans doute lié à la faiblesse des moyens dont disposent les CSE. En effet, comme on le voit sur le schéma ci-dessous, seuls 14% des acteurs du dialogue social disent avoir constaté un assouplissement de la part de l’entreprise au sujet des heures de délégation, et seuls 13% ont eu des ressources supplémentaires pour maintenir le lien avec le personnel, alors même qu’une majorité (56%) estiment que l’entreprise a su adapter ses moyens techniques de communication à la crise sanitaire, notamment grâce à la visioconférence.

Sur ce point, l’Anact tire le signal d’alarme : “Sans adaptation de leurs moyens, les élus du personnel confrontés à cette intensification du dialogue social risquent un épuisement professionnel”, met en garde Marion Gilles. Cette dernière suggère donc aux employeurs de faire preuve de souplesse dans la gestion du crédit d’heures des élus, de leur offrir un appui technique pour consulter par exemple le personnel, de mettre à disposition les mails des salariés, car tout ce qui facilite les remontées de terrain sera aussi bénéfique à l’entreprise.
Les relations sociales sont restées stables pour 53%, mais se sont dégradées pour 35%
Quant aux relations sociales au sens large, qui vont au-delà des échanges formels dans les IRP, les auteurs de l’étude estiment le bilan “en demi teinte”. En effet, si ces relations sont perçues par plus de la majorité (56%) comme n’ayant pas changé avec la crise sanitaire, pour 35% des répondants, elles se sont dégradées, cette dégradation étant marquée entre l’encadrement et les salariés (34% des répondants le soulignent), entre la direction et les représentants du personnel (29%), et même entre les salariés (27%). Des chiffres qui augurent de possibles tensions dans certaines entreprises.
Pour l’Anact, ces perceptions vont de pair avec les conditions d’exercice des mandats dans les entreprises : les organisations où les échanges sont fréquents sont justement celles où la perception d’amélioration des relations sociales est la plus forte.
3 priorités pour l’avenir : l’organisation du travail, le télétravail, la reconnaissance
Voilà donc pour la période passée, mais quid des semaines et mois à venir ? L’Anact, qui a cherché à savoir si élus et employeurs estimaient avoir besoin de nouveaux outils et nouveaux types d’accompagnement afin de “gérer” au mieux le déconfinement qui s’annonce, estime que son enquête apporte une réponse positive. Pour 67% des répondants, la crise a fait émerger de nouveaux sujets de dialogue social et de négociations. Les trois sujets majeurs cités sont :
- l’organisation et les conditions de travail (66% des répondants citent ce thème);
- le télétravail (53%);
- la reconnaissance des métiers et des compétences (38%), un thème qu’il faut peut-être relier à la demande syndicale de reconnaissance des travailleurs de deuxième ligne.
Problème : moins de la moitié des répondants affirment disposer des outils et méthodes d’évaluation ou d’analyse leur permettant de traiter ces thèmes prioritaires.

Comme on le voit ci-dessus, les besoins identifiés ont trait à des outils techniques (76% des réponses), à davantage de compétences (69%) ou à la création de nouvelles thématiques d’échanges et de négociation (67%). A cet égard, la faible proportion de personnes ayant répondu au questionnaire qui indiquent que la crise sanitaire et sa gestion ont fait l’objet d’un retour d’expérience dans les IRP (seulement 16%) ne lasse pas d’inquiéter, à moins que ce ne soit le signe que, en janvier ou en février, au moment du questionnaire, les personnes interrogées estimaient n’être pas encore sorties d’une situation d’urgence afin d’en tirer les leçons…
(1) 24% des répondants relèvent des services, 18% de la santé et action sociale, 17% l’industrie, 13% des activités finances-assurances, 8% du commerce, etc. Quant aux IRP présents dans l’échantillon de l’Anact, on dénombre 1 100 CSE, 769 commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), 28 conseils d’entreprise, 943 délégués syndicaux, etc.
Représentativité syndicale : la CFDT devance la CGT, l’abstention progresse
27/05/2021
La nouvelle mesure de la représentativité syndicale pour le cycle 2017-2020, marqué par la création du CSE, voit la CFDT confirmer sa première place devant la CGT, en baisse comme FO, tandis que la CFE-CGC et l’UNSA progressent, la CFTC étant stable. La hiérarchie syndicale ne sort pas bouleversée de ces résultats marqués par une progression de l’abstention.
Au printemps 2017, pour la deuxième mesure de l’audience électorale des organisations syndicales (lire notre article), la CFDT devançait la CGT pour la première fois dans les élections professionnelles des entreprises privées. Quatre ans plus tard, avec un paysage des institutions représentatives du personnel bousculé par l’apparition du comité social et économique (CSE) en lieu et place des CE, CHSCT et DP, un paysage également chahuté l’an dernier par la crise sanitaire, les résultats du nouveau cycle électoral (1er janvier 2017 au 31 décembre 2020, voir ci-dessous notre infographie) confirment la première place de la CFDT, même si cette dernière perd des voix (1).
5 millions de votants sur 14 millions d’inscrits
Avec 26,77% des suffrages, la CFDT affiche une légère progression (+ 0,4 point). Si elle voit dans cette place un signe de confiance de la part des travailleurs qui “ont fait le choix d’un syndicalisme utile” et “d’une organisation syndicale puissante”, la confédération s’interroge toutefois sur la progression de l’abstention, qu’elle relie avec la disparition des délégués du personnel intervenue avec le CSE. De fait, les élections professionnelles, qui ont vu voter 5,4 millions de salariés sur 14,1 millions d’inscrits, enregistrent une chute de 4,5 points de la participation, qui plafonne à 38,42%.
57% de participation aux élections CSE, contre 63% en 2017
Certes, cette participation est tirée vers le bas par les abstentions record du dernier scrutin des entreprises de moins de 11 salariés (5,4% de participation à l’élection TPE !) et des élections de chambre d’agriculture. Mais les salariés ont également moins voté aux élections CSE (57% au lieu de 63% pour les précédentes élections CE et DP). La direction générale du travail (DGT) et le Haut conseil au dialogue social se disent pour l’heure incapables de savoir si la crise sanitaire a perturbé, et dans quelle proportion, le bon déroulement des élections, surtout que certains passages au CSE n’avaient pu se faire fin 2019.
La mise en place du CSE dans un délai contraint et la crise sanitaire expliquent pour beaucoup la moindre participation
Pour FO, la chose est entendue : “Ce cycle a été très largement perturbé par la mise en œuvre des ordonnances travail de 2017 (..) En forçant à la mise en place des CSE dans un délai contraint, elles ont rendu d’autant plus difficile la mobilisation des structures syndicales confrontées à un afflux au même moment de protocoles électoraux à négocier (…) Cela, à quoi s’est ajouté en mars 2020 le confinement face à la pandémie de Covid 19 explique pour beaucoup une moindre réussite en termes de participation, qui demeure cependant dans ce contexte d’un niveau confortant l’importance des syndicats”.
“Il faudra tirer toutes les leçons du cycle que nous venons de vivre, notamment pour voir comment susciter une plus forte participation au scrutin TPE. Mais les partenaires sociaux ont tous témoigné de leur volonté de faire vivre ce scrutin”, a réagi hier Jean-Denis Combrexelle, le président du Haut conseil au dialogue social. Pierre Ramain, le directeur général du travail, a également insisté sur le fait que le taux de conformité des 65 000 procès-verbaux électoraux des CSE était supérieur à 99%. Au passage, notons que la DGT n’est toujours pas en mesure de comparer le paysage des IRP avant les ordonnances à celui qui résulte de la mise en place du CSE.
Rappelons que cette mesure de l’audience électorale sert de base à la reconnaissance de la représentativité syndicale depuis la loi de 2008, et qu’elle conditionne donc la capacité ou non des organisations syndicales (OS) à signer : un accord d’entreprise (un accord n’est valable que s’il rassemble la signature d’OS représentant plus de 50% des suffrages exprimés, sauf dans un accord de branche (30%) ou un accord national interprofessionnel (30%). Un syndicat est reconnu représentatif s’il obtient au moins 10% des suffrages dans l’entreprise et au moins 8% dans les branches et au niveau national. Au niveau des branches et au niveau national, les poids électoraux qui est reconnu est appelé “poids relatif” : il s’obtient en recalculant les scores obtenus par les syndicats une fois exclues les organisations n’ayant pas obtenu au moins 8% (voir notre infographie ci-dessous). Ce poids est donc important puisqu’il contribue à creuser les écarts. Ces seuils permettent à un syndicat de signer des accords collectifs ou de s’y opposer, puisque des OS représentant plus de 50% des suffrages peuvent s’opposer à un accord de branche ou à un accord national interprofessionnel. |
Si l’abstention inquiète les observateurs, force est de constater que le paysage syndical évolue peu dans ses grandes lignes.
CGT en baisse, CFE-CGC et UNSA en hausse
La CGT, qui s’est pourtant imposée dans le récent scrutin TPE, poursuit son érosion avec 22,96%, contre 24,85%, soit une baisse de 1,9 point. La confédération, qui rappelle être toujours le premier syndical dans le public, admet “un déficit de présence” dans les entreprises, déficit “à combler pour redevenir la première organisation dans le secteur privé”. Mais le syndicat met aussi ce résultat sur le compte du bouleversement du dialogue social provoqué par les ordonnances Macron et le CSE : “La mauvaise volonté du patronat, couplée au dogmatisme gouvernemental, a encouragé de nombreuses entreprises à ne pas s’acquitter de leurs obligations légales ou, pour le moins, à freiner la mise en place de ces nouvelles instances. De nombreuses pratiques discriminatoires, lors de la constitution de liste et particulièrement envers celles de la CGT, ont aussi été relevées, ce qui est proprement scandaleux”.
La CGT est suivie par FO, également en baisse (15,24% au lieu de 15,94%), tandis que la CFE-CGC améliore sa position (11,92% en moyenne et 20,71% dans le collège cadre contre 9,43% et 19,39%en 2017), de même que l’UNSA (5,99% au lieu de 5,35%, l’union autonome assurant doubler la CFTC si l’on tient compte du score dans le public) et Solidaires (3,68% au lieu de 3,46%) alors que la CFTC se maintient au même niveau (9,5% au lieu de 9,49%). “Cette progression conquise dans les entreprises, au cœur des institutions représentatives du personnel, rattrape les résultats décevants obtenus récemment dans les TPE”, a commenté Cyril Chabanier, le président de la CFTC.
“Dans un contexte de recul général de la participation, notre organisation est la seule des organisations syndicales représentatives à augmenter son nombre de voix”, a réagi hier souligne François Hommeril, président de la CFE-CGC, une position également revendiquée hier par Laurent Escure : “L’UNSA est la seule organisation syndicale non catégorielle à progresser en points et en voix (plus 20 000 par rapport à 2017)”. Le syndicat autonome assure être désormais présent “devant 27 % des salariés des entreprises pouvant voter en CSE”.
Les écarts de voix entre 2017 et 2021
Si l’on s’en tient aux chiffres et aux écarts en voix entre 2017 et 2021, il y a les perdants :
150 000 voix perdues pour la CGT;
53 200 voix perdues pour FO;
39 600 voix perdues pour la CFDT;
20 800 voix perdues pour la CFTC.
Quant aux gagnants, il s’agit de :
la CFE-CGC : +38 500 voix;
l’UNSA : +19 900 voix;
Solidaires : +3 100 voix.
Les arrêtés de branche publiés à partir de septembre
L’arrêté de représentativité des organisations syndicales au niveau national devrait être publié en juillet prochain, et donc confirmer la représentativité nationale interprofessionnelle des CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC, ces syndicats obtenant plus des 8% de suffrages. En juillet sera également présentée la mesure de l’audience des organisations patronales. Enfin, a précisé Anne Sipp, sous-directrice des relations individuelles et collectives du travail à la DGT, les arrêtés de représentativité syndicale au niveau des branches seront publiés de septembre à fin 2021.
Hier, Solidaires s’est déjà montrée assurée d’obtenir sa représentativité dans au moins 30 conventions collectives (industrie, commerces, animation, culture, etc.) et dans des nouveaux secteurs (prévention et de la sécurité, caoutchouc, librairie, des sociétés d’assistance, etc.). L’UNSA revendique sa représentativité dans 78 branches professionnelles, “soit 27 % des salariés du privé contre 19 % il y a 4 ans”.
(1) Ces chiffres ont été présentés mercredi 26 mai aux partenaires sociaux par le Haut conseil du dialogue social, dont le président est Jean-Denis Combrexelle. Ces chiffres agrègent les résultats des élections aux CSE (au lieu des élections DP et CE auparavant), du scrutin TPE et des élections des conseils d’administration des chambres d’agriculture.
Il est possible de faire annuler des élections avant le scrutin !
27/05/2021Adobe Stock
Celui qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée.
Par définition, l’annulation des élections ne peut être demandée qu’après qu’elles aient eu lieu. L’article R. 2314-24 prévoit d’ailleurs que “lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n’est recevable que si elle est faite dans les 15 jours suivant cette élection ou cette désignation”. Et cette disposition est d’ordre public. Mais qu’en est-il si l’élection est contestée à l’occasion de la contestation du protocole préélectoral ? La Cour de cassation répond à cette question pour la première fois à notre connaissance (Cass. soc., 12 mai 2021, n° 19-23.428).
Demande d’annulation du protocole préélectoral et des élections avant le scrutin
Dans cette affaire, à l’occasion de l’organisation des élections professionnelles, un syndicat conteste le protocole préélectoral et demande corrélativement l’annulation de l’élection. Pour ce faire, il saisit le tribunal d’instance (tribunal judiciaire) le 13 mai 2019, alors que le premier tour de l’élection se tient le 29 mai.
Le jugement déclare irrecevable la demande d’annulation de l’élection professionnelle au motif qu’elle est demandée avant le déroulement du scrutin.
Le syndicat oppose que si l’article R. 2314-24 du code du travail, fixe une date limite au-delà de laquelle la régularité de l’élection ne peut plus être contestée, “il n’interdit pas de formuler le recours dès que l’irrégularité est apparue, même antérieurement à l’élection.”
Inutile pour le syndicat de réitérer sa demande d’annulation des élections dans ce cas
Et la Cour de cassation est d’accord mais elle en précise les conditions. Les juges commencent par rappeler qu’il résulte de l’article R. 2314-24 du code du travail que concernant la contestation portant sur la régularité de l’élection, la déclaration n’est recevable que si elle est faite dans les 15 jours suivant cette élection. Puis ils tempèrent en expliquant que le syndicat “qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée.”
En d’autres termes, si l’annulation du protocole préélectoral implique la nullité de l’élection, cette dernière peut bien être demandée avant le scrutin, corrélativement à la demande d’annulation du protocole.
► Remarque : dans cette affaire, la nullité du protocole n’est pas reconnue, et la Cour en déduit que l’annulation de l’élection devient sans objet, cette demande étant fondée sur l’irrégularité du protocole en application duquel le scrutin est organisé.
Attention ! La nullité des élections doit être expressément demandée. En effet, si au cours d’un contentieux préélectoral, l’annulation du protocole est obtenue, il faut demander l’annulation des élections dans le délai de forclusion de 15 jours suivant le scrutin. A défaut, l’élection est purgée de tout vice à l’issue de ce délai (Cass. soc., 4 juill. 2018, n°17-21.100).
Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent social
Il est déconseillé aux élus de boycotter la réunion au cours de laquelle le CSE doit rendre son avis consultatif
25/05/2021
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Même si la majorité des membres du comité social et économique (CSE) a décidé de quitter la réunion après une suspension de séance, l’avis consultatif émis sur un projet de cession par les élus restés présents est valable.
Certains élus pensent que les délibérations du comité social et économique (CSE), et notamment ses avis consultatifs, ne peuvent être valablement adoptés qu’en présence d’un minimum de membres à la réunion. En partant de ce postulat, ils considèrent que l’absence des élus de la majorité syndicale empêchera le CSE d’émettre son avis, et l’employeur de terminer sa procédure d’information/consultation. Erreur, car le postulat de départ est totalement faux !
A l’époque du comité d’entreprise, il a été jugé “qu’aucun quorum n’étant fixé pour l’adoption d’une résolution, d’une décision ou d’un avis du comité d’entreprise, la délibération prise par un seul de ses membres du comité à la suite du départ des autres membres est régulière”. Dans cette affaire, les juges ont considéré que l’avis donné par un seul membre d’un comité central d’entreprise sur un projet de licenciement économique était valable, même si les autres élus avaient quitté la réunion (Cass. soc., 30 sept. 2009, n° 07-20.525).
Dans un jugement du 7 mai 2021 (lire en pièce jointe), le tribunal judiciaire de Nanterre adopte, sans surprise, la même règle pour le CSE.
Une partie des élus quittent la réunion du CSE avant le vote
Le 8 mars 2021, le comité social et économique de la société Prisma Média est réuni pour donner son avis consultatif sur un projet de cession des titres de la société au groupe Vivendi. Après restitution du rapport de l’expert mandaté par le comité et à la suite d’une suspension de séance, onze des dix-huit membres du CSE adoptent une résolution par laquelle ils font savoir qu’ils ne pourront pas émettre un avis éclairé concernant le projet. Ils quittent la séance, alors même que la présidente du comité avait annoncé qu’elle poursuivrait la réunion et ferait procéder au vote sur le projet malgré cette décision. La réunion continue et les sept élus demeurés présents émettent un avis favorable sur le projet de cession.
Pour le tribunal judiciaire de Nanterre, saisi en accéléré le 5 mars 2021 par le CSE pour faire condamner l’employeur à lui communiquer des informations complémentaires sur le projet de cession, “aucun quorum n’étant fixé pour l’adoption d’un avis du CSE, la délibération prise par les membres du comité restés présents est régulière”. En conséquence, l’avis émis par les sept élus restés présents était valable et mettait fin à la procédure d’information et de consultation. Les demandes du comité tendant à la transmission d’informations complémentaires et à la prolongation du délai de consultation étaient donc sans objet.
Les délais préfix ont changé la donne
Remarquons pour conclure qu’il est d’autant plus risqué de boycotter une réunion au cours de laquelle le CSE doit rendre un avis consultatif que le code du travail impose aux élus de rendre un avis à l’issue d’un délai préfix. Si aucun avis n’est exprimé à l’issue de ce délai, le comité est réputé avoir été consulté et avoir donné un avis négatif, ce qui permettra à l’employeur de passer à l’étape suivante en mettant en œuvre son projet (article L. 2312-16 du code du travail).
Même si aucun élu n’est présent au moment du vote, l’expiration du délai de consultation fait automatiquement présumer un avis négatif du comité social et économique. Il est également illusoire de penser qu’il est possible d’arrêter le temps en intentant une action en justice. Comme le rappelle le tribunal judiciaire de Nanterre, le fait de saisir le juge d’une demande de communication des informations manquantes n’a pas eu pour effet, conformément aux dispositions de l’article L 2312-15 du code du travail, de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis.
Bernard Domergue
Nouvelle illustration de la notion de circonstances exceptionnelles permettant un dépassement du crédit d’heures
26/05/2021
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L’absence de plusieurs élus, dont celle du trésorier adjoint, peut justifier un dépassement du crédit d’heures pour circonstances exceptionnelles par le trésorier du comité d’établissement. Une solution a priori applicable au CSE.
Comme en avaient le droit les élus du CE, les délégués du personnel et les membres du CHSCT, les membres du CSE peuvent dépasser leur crédit d’heures en cas de circonstances exceptionnelles. Cela vaut pour les élus titulaires (article R. 2314-1 du code du travail) et les représentants syndicaux au CSE (article R. 2315-4). Toute la question est ici de savoir ce qu’on entend par “circonstances exceptionnelles”.
D’après une ancienne jurisprudence, toujours valable, pour que des circonstances exceptionnelles soient reconnues, il faut qu’elles constituent une activité inhabituelle nécessitant de la part des représentants du personnel un surcroît de démarches et d’activité débordant le cadre de leurs tâches coutumières en raison, notamment, de la soudaineté de l’événement ou de l’urgence des mesures à prendre (Cass. crim., 3 juin 1986, n° 84-94.424). Un arrêt rendu le 12 mai 2021 par la Chambre sociale de la Cour de cassation nous permet de disposer d’une nouvelle illustration.
Des absences d’élus
Dans cette affaire, les juges ont considéré que “l’absence de plusieurs membres du comité d’établissement, dont celle du trésorier adjoint en arrêt maladie” caractérisait bien l’existence de circonstances exceptionnelles. Le dépassement de 8 heures pratiqué par le représentant du personnel, trésorier du CE, était donc justifié. D’où la condamnation de l’employeur à payer les heures en question.
A priori, cet exemple de circonstances exceptionnelles est transposable au comité social et économique.
On peut néanmoins souligner que les élus du CSE disposent aujourd’hui d’une certaine souplesse dans la gestion mensuelle de leurs heures de délégation qui n’existait pas pour les anciennes instances représentatives du personnel. Ils peuvent à la fois mutualiser et reporter dans certaines conditions leurs heures de délégation. Ces possibilités de partage et de report pourraient en pratique les amener à moins avoir besoin d’invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier un dépassement ponctuel de leur crédit d’heures mensuel.
Frédéric Aouate, rédacteur en chef du Guide CSE