CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION
Astreinte : dès lors que le salarié est tenu d’être disponible un certain nombre de jours par mois pour pouvoir être joint et répondre à une éventuelle demande d’intervention immédiate au service de l’entreprise, il est contractuellement soumis à des astreintes, peu important qu’il ait la possibilité de choisir, modifier voire annuler ses jours de disponibilité (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-10.956).
CDD de remplacement : le CDD de remplacement qui ne comporte pas le nom et la qualification du salarié remplacé est réputé à durée indéterminée, la seule mention de la catégorie professionnelle dont relève le salarié remplacé ne suffisant pas quand elle comporte plusieurs qualifications (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-21.535).
Période probatoire, accord collectif : si l’accord d’entreprise prévoit que l’affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d’une période probatoire et que le salarié ne donnant pas satisfaction devra être réintégré dans le même emploi ou dans un emploi similaire à celui antérieurement occupé, le salarié qui n’a pas fait l’objet d’une telle réintégration à l’expiration de la période probatoire est promu définitivement dans son nouveau poste (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-10.962).
Altercation provoquée, dépression, accident du travail : un syndrome dépressif déclenché par une altercation avec un supérieur doit être pris en charge en tant qu’accident du travail, peu important que le salarié victime soit à l’origine du différend, à défaut d’établir que l’accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail du salarié, avait une cause totalement étrangère au travail (Cass. 2e civ., 28 janvier 2021, n° 19-25.722).
Cadre dirigeant, autonomie : un cadre dirigeant doit jouir d’une réelle autonomie de son emploi du temps, ce qui n’est pas le cas d’une salariée qui était tenue d’être présente au siège de l’association aux heures de présence des autres salariés (Cass. soc., 3 février 2021, n° 18-20.812).
Inaptitude et poste de reclassement : est abusif le refus d’un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail, qui avait été interrogé avant et après la proposition de poste, la société ayant renouvelé au salarié inapte à la suite de cette consultation sa proposition, en précisant la réponse du médecin du travail (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-21.658).
Travail de nuit : il appartient à celui qui le conteste de démontrer que le travail de nuit est étranger à toute nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. Or, l’ouverture de nuit d’un établissement de vente au détail mettant à disposition de sa clientèle des biens et services ne s’analyse pas en un service d’utilité sociale et l’ouverture des magasins Monoprix hors Zones Touristiques Internationales jusqu’à 22h30 n’est pas indispensable à l’activité économique de l’entreprise. L’accord relatif au travail de nuit est annulé et il est interdit aux sociétés de l’UES Monoprix d’employeur des salariés après 21h au sein des magasins hors ZTI (Tribunal judiciaire de Nanterre, 9 février 2021, n° 20/01810, communiqué sur demande).
Grève, compétence du juge judiciaire sur la voie publique : le juge des référés judiciaire ne peut accueillir la demande de l’employeur tendant à interdire aux salariés grévistes et à toute personne agissant de concert avec eux d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique, en-deçà d’un périmètre de 200 mètres autour de l’hôtel, et à être autorisé à défaut à faire appel à la force publique, puisque le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir dans ce cadre des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.021).
Harcèlement sexuel, sanction, obligation de sécurité : l’employeur doit prendre des mesures pour éloigner l’auteur de harcèlement sexuel du poste occupé par la salariée victime ; en se contentant de prononcer un avertissement à l’égard de l’auteur, l’employeur commet un manquement à son obligation de sécurité qui est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et en justifier la résiliation judiciaire (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-18.149).
Temps partiel modulé, requalification, avenant : en cas d’avenant ou de nouveau contrat à temps partiel modulé, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d’exécution, la requalification de ce contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu’il devait travailler selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu’il était placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il se trouvait dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur. Aussi, si les conditions de la requalification sont réunies à une certaine date, la conclusion d’un avenant postérieur doit obliger les juges du fond à vérifier qu’elles sont également remplies après la conclusion de cet avenant (Cass. soc., 17 février 2021, n° 18-26.545).
Temps partiel modulé, requalification, durée du travail : ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l’année, ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l’accord d’entreprise ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n’a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement (Cass. soc., 17 février 2021, n° 18-16.298).
Retraite progressive, convention de forfait en jours : le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelles les dispositions de l’article 351-15 du Code de la sécurité sociale dont il ressortait qu’étaient exclus du bénéfice de la retraite progressive les salariés ayant conclu avec leur employeur une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, même lorsque cette convention prévoyait un nombre de jours travaillés inférieur au plafond légal ou conventionnel. En effet, priver ces salariés de toute possibilité d’accès à la retraite progressive, quel que soit le nombre de jours travaillés dans l’année, constitue une différence de traitement qui est sans rapport avec l’objet de la loi (Conseil constitutionnel, décision n° 2020-885 QPC du 26 février 2021).
Rémunération variable, fixation tardive des objectifs : la Cour de cassation confirme qu’en l’absence de fixation des objectifs par l’employeur en début d’exercice, et notamment en cas de fixation tardive des objectifs, le salarié peut prétendre au versement de l’intégralité de sa rémunération variable, en l’espèce à hauteur du bonus cible maximum (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-17.246).
Télétravail, frais professionnels : l’Urssaf a complété sa fiche relative aux frais professionnels liés au télétravail qui indique désormais qu’une allocation forfaitaire prévue par une convention collective de branche, un accord professionnel ou interprofessionnel, ou un accord de groupe, est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de charges sociales dans la limite des montants prévus par accord collectif, dès lors que l’allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés. Si le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération pourra être admise, mais à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié. En l’absence d’accord, l’allocation forfaitaire globale allouée à un salarié en situation de télétravail est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations dans la limite globale de 10 euros par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine ; cette limite augmente proportionnellement en fonction du nombre de journées hebdomadaires télétravaillées : 20 euros par mois pour 2 jours, etc. (Fiche URSSAF, mise à jour le 29 janvier 2021, communiquée sur demande).
Heures supplémentaires, versement de primes : le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d’une part, doivent s’exécuter dans le cadre d’un contingent annuel et, d’autre part, ouvrent droit à un repos compensateur (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-12.193).
Maladie, visite de reprise, paiement du salaire : la visite de reprise à l’issue de laquelle le salarié a été déclaré apte à reprendre le travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique met fin à la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie, et l’employeur est tenu de reprendre le paiement des rémunérations au salarié qui se tient à sa disposition, peu important le recours exercé devant l’inspecteur du travail contre la décision du médecin du travail (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-24.102).
Travail dominical : la contrepartie accordée aux salariés travaillant le dimanche, prévue par une convention collective ou par la loi, n’est pas applicable à un salarié travaillant le dimanche en infraction aux dispositions légales et réglementaires sur le repos dominical ; ce salarié ne peut donc solliciter que la réparation du préjudice subi à raison du travail illégal le dimanche (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-21.897).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL (MOTIF PERSONNEL)
Licenciement, clause de mobilité, refus de changement d’affectation : est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un agent de service dont le contrat comportait une clause de mobilité géographique dès lors que, même si le changement d’affectation était conforme à celle-ci, la modification imposée au salarié ne reposait sur aucune nécessité établie de l’entreprise, laquelle a fait un usage abusif de la clause de mobilité contractuelle (Cour d’appel de Paris, 3 novembre 2020, n° 18/11579, arrêt communiqué sur demande).
Résiliation judiciaire, nullité du licenciement : lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d’une même instance, le juge, qui constate la nullité du licenciement, ne peut faire droit à la demande de réintégration (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-21.200).
Nullité du licenciement, réintégration impossible : le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’est pas de nature à le priver de son droit à réintégration si son licenciement est jugé nul dès lors que l’ancien employeur ne prouve pas que sa réintégration était matériellement impossible (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-20.397).
Suspension du contrat de travail, faute grave : la Cour de cassation rappelle que, pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté (Cass. soc., 3 février 2021, n° 18-25.129).
Transaction et clause de non-concurrence : la transaction dans laquelle les parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relativement à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, comprend les obligations liées à la clause de non-concurrence. Postérieurement à cette transaction, le salarié concerné ne pourra donc pas demander le paiement de la contrepartie financière à cette clause (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-20.635).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE
CSP, délai de contestation : le délai de contestation de la rupture ou de son motif est de 12 mois et court à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, peu important que la rupture du contrat de travail intervienne postérieurement à cette adhésion (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-16.564).
PSE insuffisant, préjudice, responsabilité extracontractuelle d’un tiers : si les salariés licenciés pour motif économique ont bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du PSE et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, cette indemnité répare également les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et de la perte d’une chance d’un retour à l’emploi optimisé en l’absence de moyens adéquats alloués au PSE. Les salariés ne peuvent donc pas à ce titre engager la responsabilité extracontractuelle de la banque ayant accordé des crédits ruineux à l’employeur (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 18-23.535).
Transaction, indemnité, engagement unilatéral : l’employeur s’engageant par un accord atypique ou un engagement unilatéral à verser une indemnité transactionnelle dont les montants avaient été fixés selon un barème ne peut subordonner le versement de cette indemnité à la conclusion par chaque salarié d’une transaction individuelle (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-19.076).
SALARIES PROTEGES
Grève, liberté de circulation des représentants du personnel : la liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux au sein de l’entreprise est un principe d’ordre public, qui ne peut donner lieu à restriction qu’au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus, et qui s’exerce de la même façon en cas de mouvement de grève. En l’espèce, les représentants participant au mouvement de grève ont adopté des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel (usage de mégaphone et montée dans les étages de l’hôtel pour interpeller et intimider les salariés non-grévistes, distribution de tracts aux clients, cris et usage de sifflets ; entrée de force dans une chambre de l’hôtel). Ces comportements étaient abusifs et constituaient par conséquent un trouble manifestement illicite, donc les restrictions provisoires imposées par l’employeur, consistant dans un premier temps dans l’interdiction d’accès à l’hôtel, puis dans un conditionnement de l’accès (entrée sans sifflets, ni mégaphone, ni chasubles ; contact à distance par un membre de la direction ou de la sécurité, interdiction d’entrée dans les chambres d’hôtel sans autorisation), étaient justifiées et proportionnées aux abus constatés (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.021).
IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE
Consultation du CSE, OPA : dans le cadre de l’annonce par Veolia de son intention de déposer une OPA volontaire portant sur le solde des actions de Suez suite à son acquisition d’actions, le Tribunal judiciaire a jugé que les CSE de Suez n’avaient pas à être consultés à ce stade. En effet, même si l’auteur du projet objet de la consultation du CSE peut être un tiers, mais les questions objet de la consultation doivent être reliées au pouvoir de décision d’un organe dirigeant qui oblige l’entreprise. Ainsi, l’article L. 2312-15 du Code du travail prévoyant que le CSE peut adresser des propositions pour amender un projet impose à l’employeur d’y apporter un réponse motivée, ce dont il déduit que l’employeur, seul débiteur de l’obligation de consultation, doit disposer du pouvoir d’amender le projet soumis à la consultation. Or, Suez ne dispose au jour du jugement pas de cette prérogative puisque le projet n’émane pas des organes dirigeants actuels de Suez qui sont d’ailleurs opposés au projet présenté par Veolia (Tribunal judiciaire de Nanterre, 3 février 2021, n° 20/09953, communiqué sur demande).
Réduction des mandats, mise en place du CSE : un accord qui prévoit la mise en place d’un CSE à une certaine date a nécessairement pour conséquence la réduction des mandats en cours des membres des anciens CE qui prennent fin au jour de la mise en place du CSE (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.021).
SYNDICATS
Licenciement nul, discrimination syndicale, intérêt à agir du syndicat : le licenciement discriminatoire d’un salarié, fondé sur son appartenance syndicale ou son activité syndicale, est de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession et donc à constituer l’intérêt à agir d’un syndicat, que le salarié licencié soit un salarié protégé ou non (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-17.182).
Accord collectif, intérêt à agir du syndicat : la violation des dispositions d’un accord de branche cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, qu’il appartient au juge d’évaluer (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-16.283).
Désignation du RSS : le critère de transparence financière est rempli si les formalités d’approbation et de publicité des comptes sont en cours d’accomplissement (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-18.040).
STATUT COLLECTIF
Terminologie dans les accords collectifs : l’accord collectif ayant institué un comité de groupe avant la mise en place du CSE peut continuer à recevoir application, en substituant les termes de « comité social et économique » aux mentions relatives aux anciennes institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-24.400).
Modulation dans le temps des effets de l’annulation de la clause d’un accord : depuis les ordonnances Macron de 2017, le juge peut décider de moduler dans le temps les effets de sa décision d’annulation de tout ou partie d’un accord collectif. La Cour de cassation confirme à cet égard la décision des juges du fond de maintenir pendant 18 mois une clause annulée d’un accord collectif, afin d’éviter un travail considérable et particulièrement compliqué, voire inefficace, de remise en l’état pour des salaires versés pendant une dizaine d’années. En effet, ce report de l’annulation de la clause permettait la sauvegarde de l’intérêt général puisque ni les salariés ni les employeurs n’étaient lésés par cette décision (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-13.977
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