Négociations salariales : l’étude de Syndex

18/02/2025

Lors d’un webinaire en décembre 2024, Syndex a évoqué les grandes lignes d’une étude réalisée avec l’aide du cabinet SIA Partners sur 1 159 accords collectifs portant sur les salaires, et signés entre le 30 juin 2023 et le 1er juillet 2024 dans 6 branches professionnelles. Le cabinet d’expertise publie aujourd’hui une synthèse de cette étude selon laquelle : 

  • 63 % des accords prévoient des augmentations générales et collectives (avec 9 % de ces accords comprenant des mesures planchers) ;
  •  36 % des accords prévoient des augmentations individuelles ;
  • 23 % des accords mentionnent la prime de partage de la valeur (PPV), avec un montant moyen de 624€.

Source : actuel CSE

Les partenaires sociaux renforcent le paritarisme dans les groupes de protection sociale

20/02/2025

Mardi 18 février à près de 23 heures, les représentants des organisations syndicales et patronales se sont quittés sur un projet d’accord national interprofessionnel. Ce nouvel Ani consolide le paritarisme dans les groupes de protection sociale (GPS) et promet de nouveaux moyens aux administrateurs.

Ils ont déjoué tous les pronostics… non sur la possibilité d’un accord mais sur leur heure de sortie. Enfermés au Medef depuis 9 heures du matin, les chefs de file et leurs délégations ont terminé tard dans la soirée. Cela valait le coup car après deux suspensions de séance, dont une causée par une recherche de mandat du patronat, un projet d’accord a vu le jour. Il s’agit du quatrième accord de ce type depuis novembre 2024 (avec les seniors, l’assurance chômage et les mandats de CSE). Le thème des GPS était par ailleurs inscrit à l’agenda social autonome de 2021.

Le document de 27 pages remplace le précédent Ani de 2009 après plus de deux ans de travail des partenaires sociaux qui ont commencé la phase de diagnostic en 2023. Plusieurs fois ajournées en raison de l’actualité politique et sociale (dissolution, censure, retraites), la négociation termine donc sur un succès, sur lequel le plus laudateur fut Jean-Eudes Tesson (Medef) : “Il n’est pas encore signé mais on peut avoir confiance dans une majorité de signataires. Je crois pouvoir parler de fierté collective, parce que ça s’est construit tous ensemble”.

La CFDT s’est montrée aussi très satisfaite du texte : “Nous avons finalisé tous les points de blocage, en essayant de garder les fondamentaux : réaffirmer la gouvernance paritaire tout en donnant des moyens”. Jocelyne Cabanal a d’ailleurs indiqué qu’elle apposerait son avis positif pour la signature de son organisation. Si les autres syndicats ont préféré rester prudents dans l’attente de leurs instances, leurs représentants se disaient assez optimistes.

Qu’est-ce que les GPS ?

Pour mémoire, les groupes de protection sociale assurent à la fois une mise en œuvre des régimes de retraite complémentaire Agirc-Arrco et proposent des solutions de protection sociale (santé, retraite, prévoyance, de manière collective ou individuelle) grâce aux mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurance qui leur sont affiliées. Parmi les plus célèbres, on peut citer Malakoff HumanisAG2R La Mondiale ou encore l’Ircem. Ils sont gérés de manière paritaire par des représentants des organisations syndicales et patronales, représentés à égalité dans les conseils d’administration.

Les salariés ont souvent affaire aux GPS sans bien les connaître par le biais de leurs contrats collectif de prévoyance et de mutuelle santé négociés par l’entreprise. Par ailleurs, le CSE est informé et consulté sur toute mise en place d’une complémentaire santé (article R.2312-22 du code du travail). Il est également représenté auprès des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale, des mutuelles établies dans l’entreprise ainsi qu’auprès des commissions de contrôle de ces institutions (article R.2312-41 du code du travail).

Dans ce nouvel accord, les partenaires sociaux les dotent d’une raison d’être consistant à définir pour chaque GPS la couverture retraite et l’assurance complémentaire, la prévention en santé, des services innovants, solidaires et accessibles par un accompagnement tout au long de la vie, la promotion de la qualité de vie, la santé et au travail et les conditions de travail, ainsi que l’engagement social et environnemental.

Une intensification du paritarisme

Le préambule de l’accord revient largement sur la dimension paritaire de la gouvernance des GPS, les partenaires sociaux s’assurant de la pérennité et de la qualité des services rendus aux salariés, aux branches et aux employeurs. Ils doivent également, et c’est l’esprit de l’accord, “disposer au niveau du groupe des moyens de gouvernance et de contrôle”.

L’essentiel se trouve cependant à l’article 10 du projet : il permet d’éviter que la direction d’un groupe ne tente d’évincer les partenaires sociaux de sa gestion. On trouve ici les traces d’un véritable traumatisme pour les organisations syndicales et patronales : il y a un an, le GPS le plus connu du grand public, AG2R La Mondiale, connaissait une crise sans précédent. Son directeur, Bruno Angles, était accusé par les syndicats de vouloir supprimer le paritarisme de la gestion du groupe, en visant une privatisation du groupe sous la forme de société anonyme (lire les articles de Mediapart et des Echos).

Afin que la situation ne se reproduise pas, les partenaires sociaux prévoient une double majorité paritaire dans les instances de direction du groupe prudentiel. Ainsi, “les représentants des organismes paritaires affiliés disposent d’une majorité des voix au conseil d’administration de la structure du groupe prudentiel. (…) Toute affiliation au sein de [la gouvernance paritaire] ne devrait pas avoir pour effet de porter atteinte à la majorité paritaire. (…) Dans le cas où il n’existe pas de majorité paritaire au sein du conseil d’administration de la structure prudentielle, notamment en raison de situations existantes, une double majorité est instaurée à la demande d’un représentant des organismes paritaires affiliés pour une décision qu’il juge stratégique (…)”.

Par ailleurs, les représentants des organismes paritaires affiliés doivent disposer d’une minorité de blocage définie par les statuts de la structure de groupe prudentiel ne pouvant être inférieure à 34% des voix.

C’était un point majeur pour plusieurs syndicats. Le chef de file de Force Ouvrière, Éric Gautron, avait d’ailleurs mis dans la balance la signature de FO au cas où les dispositions négociées ne lui convenaient pas lors de la réunion précédente. Mardi 18 février, il a indiqué : “Avec cet accord il y aura un avant et un après. Le paritarisme ne pourra plus être attaqué comme il l’a été”. A la CGT, Denis Gravouil reconnaît les avancées : “On réaffirme le modèle des GPS car la tentation du marché est tout proche”.

Autre progrès pour les partenaires sociaux sur la transparence de la gestion : l’article 15 prévoit qu’à compter du prochain renouvellement du directeur général d’un GPS, “toutes les organisations de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel seront représentées au sein du comité des rémunérations. Il rend compte au bureau du conseil d’administration de l’Association sommitale”. Les partenaires sociaux disposeront donc d’un droit de regard plus étendu.

Pour la CFE-CGC de Christelle Thieffine, “il s’agit de la non-dilution de la gouvernance paritaire. Nous avons insisté sur la légitimité qui repose sur représentation importante du monde paritaire”. À la CFTC, Frédéric Romain explique que “cette double majorité permet de se prémunir de toute potentielle acquisition de marché qui se retournerait contre le caractère paritaire”.

Les signatures des confédérations seront connues à l’issue de leurs instances dans le courant du mois de mars.

Deux ans d’expérimentation sur les moyens des administrateurs
Chaque organisation syndicale dispose d’administrateurs désignés par les confédérations dans les groupes de protection sociale. Toutes ont réclamé davantage de moyens, notamment en temps de préparation des réunions, afin de rendre les mandats plus attractifs. La CPME d’Éric Chevée pointait le coût que cela occasionnerait pour les employeurs. Mais il s’est finalement résolu, en fin de journée, à penser que “la plupart des irritants étaient réglés”.

Les articles 17 à 22 du projet fixent des règles d’exercice du mandat : assiduité, déontologie, incompatibilités, confidentialité, parité hommes-femmes et limite d’âge de 70 ans. La fonction de chef de file est davantage reconnue. Les administrateurs devront désormais bénéficier d’autorisations d’absence de la part de leur employeur afin de participer aux réunions, mais l’exercice de leur mandat “ne doit pas porter préjudice à leur carrière professionnelle”.

À titre expérimental pendant deux ans, ils seront désormais remboursés des frais de garde d’enfants. Une attention particulière est également portée à leur formation. Il reviendra en revanche à chaque GPS de leur accorder du temps spécifique (un peu comme des heures de délégation pour un élu de CSE). En contrepartie, un rapport sera transmis par le GPS aux organisations mandantes sur leur assiduité, les remboursements de frais, leurs indemnités, le suivi de leur formation et le remboursement de salaire aux employeurs.

Marie-Aude Grimont