La proposition de loi transpose l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 10 décembre 2020 par les partenaires sociaux en vue de réformer la santé au travail. Elle contient également des mesures afin de décloisonner la santé publique et la santé au travail.
Où en est-on ?
Le 17 février 2021, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, la proposition de loi.
Elle avait été déposée le 23 décembre 2020 par les députées Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean et plusieurs de leurs collègues.
Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 2 février 2021.
L’essentiel de la proposition de loi
C’est la première fois qu’un accord national interprofessionnel (ANI) est transposé par un texte présenté par des parlementaires. Les autres ANI ont toujours été transposés par des projets de loi.
La proposition de loi renforce la prévention au sein des entreprises et décloisonne la santé publique et la santé au travail. Le contenu du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est renforcé. Une conservation successive du document est prévue pour assurer la traçabilité collective des expositions.
Les missions des services de santé au travail (SST), qui deviennent les “services de prévention et de santé au travail” (SPST), sont étendues (évaluation et prévention des risques professionnels, actions de promotion de la santé sur le lieu de travail…). Les SPST seront notamment chargés des campagnes de vaccination et de dépistage.
La création du passeport prévention, prévu par l’ANI, est actée. Toutes les formations suivies par le travailleur sur la sécurité et à la prévention devront figurer dans ce passeport. Sur amendement des députés, ce passeport sera intégré dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences qui doit se déployer en 2021 pour l’ensemble des salariés.
Toujours en matière de prévention, la définition du harcèlement sexuel au travail est alignée sur la définition pénale du harcèlement sexuel.
Le texte améliore, par ailleurs, la qualité du service rendu par les services de santé au travail. Ces derniers devront offrir un socle de services, tel que prévu par l’ANI et feront l’objet d’une procédure de certification. Leurs règles de tarification sont revues. Afin d’assurer un meilleur suivi des travailleurs, l’accès au dossier médical partagé (DMP) est ouvert au médecin du travail qui pourra l’alimenter (inversement il est prévu que les médecins et professionnels de santé du patient puissent consulter son dossier médical en santé au travail -DMST).
Diverses mesures visent aussi à assurer un meilleur accompagnement de certains publics, notamment vulnérables, et à lutter contre la désinsertion professionnelle. Les SPST devront mettre en place une cellule dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle. Les médecins du travail pourront recourir à la télémédecine. Une visite de mi-carrière professionnelle (à 45 ans à défaut d’accord de branche) et un rendez-vous “de liaison” sont créés. Le suivi en santé au travail est étendu aux intérimaires, aux salariés des entreprises sous-traitantes ou prestataires comme aux travailleurs indépendants. Un amendement élargit les dispositifs d’accompagnement permettant de tester un nouveau poste de travail, que sont le contrat de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE) et l’essai encadré (destiné aux assurés en arrêt de travail).
La proposition de loi réorganise enfin la gouvernance de la santé au travail, en adaptant l’organisation interne des SPST, en élargissant les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions à d’autres membres de l’équipe de santé et en renforçant le pilotage national. En particulier, les médecins de ville pourront contribuer au suivi médical des travailleurs et le statut d’infirmier en santé au travail est consacré au niveau de la loi. En outre, à l’initiative des députés, les masseurs-kinésithérapeutes et les ergothérapeutes pourront intervenir dans les équipes de santé au travail.
S’agissant du pilotage national, un comité national de prévention et de santé au travail (CNPST), aux compétences étendues, est institué au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail.
Un amendement gouvernemental prévoit une ordonnance afin de faire évoluer les relations entre les associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
Toutes ces mesures doivent s’appliquer au plus tard avant avril 2022.
Vie Publique
4 questions sur le passeport prévention
► Qui serait chargé de le remplir ? L’employeur, principalement : il y renseignera les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et la sécurité au travail dispensées à son initiative. Mais aussi les organismes de formation, dans le cadre des formations dispensées, et le travailleur directement : il pourra y inscrire les formations qu’il a suivies à son initiative. ► Sera-t-il entièrement consultable par l’employeur ? Le salarié sera le seul à pouvoir consulter toutes les données du passeport. L’employeur, de son côté, aura accès aux données qu’il a lui-même renseignées, mais pourra, avec le feu vert du travailleur, consulter l’ensemble des données inscrites dans le passeport, sous réserve du respect des conditions de traitement des données personnelles prévues par l’article 4 de la loi informatique et libertés. Dans un second temps, le dispositif pourrait permettre “de mettre en place une portabilité élargie permettant l’accès des données aux employeurs successifs, toujours avec l’accord du salarié”, précise le rapport. ► Quelles modalités de mise en œuvre ? Les modalités de mise en œuvre du passeport prévention, ainsi que ses conditions de mise à la disposition de l’employeur, seront déterminées par le comité national de prévention et de santé au travail et approuvées par voie réglementaire ou, en l’absence de décision, par décret en Conseil d’État. ► Quelle articulation avec le passeport d’orientation ? La question, soulevée par le Conseil d’État dans un avis du 4 février 2021, est clarifiée dans la version adoptée par la commission des affaires sociales : le passeport intègre bien le passeport d’orientation, de formation et de compétences prévu par l’article L. 6323-8, alinéa 2 du II, et est “mis en œuvre et géré selon les mêmes modalités”. |
Olivia Fuentes