Réforme de l’assurance chômage : la concertation débute
La première réunion de concertation sur l’assurance chômage s’est déroulée hier matin au ministère du travail. Les partenaires sociaux ont désormais jusqu’au 21 novembre pour avancer leurs propositions sur la réforme contracyclique voulue par le gouvernement selon laquelle l’assurance chômage s’adapte à la conjoncture économique.
La concertation sur l’assurance chômage est lancée. La première réunion s’est déroulée hier au ministère du travail, en présence d’Olivier Dussopt mais sans la CGT. La confédération a en effet choisi de ne pas se présenter en raison du conflit chez Total et Exxon et des réquisitions décidées par le gouvernement qui, selon elle, portent “une atteinte majeure au droit constitutionnel de grève et aux libertés fondamentales” (lire à ce sujet notre interview du professeur de droit Emmanuel Dockès dans cette même édition). A la veille d’une journée de mobilisation interprofessionnelle, le ministère du travail a voulu faire passer l’idée d’une première réunion dans “une ambiance apaisée et constructive” en présence de la CFDT, de FO, de la CFTC, de la CFE-CGC, du Medef, de la CPME et de l’U2P.
Fin des discussions le 21 novembre
La concertation va durer plusieurs semaines au travers de bilatérales avec les organisations syndicales et patronales, “autant que nécessaire”, assure-t-on au ministère du travail, même si la deadline est d’ores et déjà fixée au 21 novembre, pour une réunion finale présidée par Olivier Dussopt. S’ensuivra ensuite une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance dès la fin de l’année.
La France dispose d’un “système protecteur” mais “qui épouse imparfaitement les évolutions de la conjoncture”. C’est pour cela que le ministère souhaite un système “plus réaliste et plus adapté pour que le chômage baisse et que les demandeurs d’emploi retrouvent le chemin de l’emploi”.
Trois points au menu des échanges
Les trois points à l’ordre du jour de cette première réunion vont alimenter toutes les séances de concertation.
1. Un état des lieux du marché du travail ;
2. Les paramètres qui pourraient faire l’objet d’une modulation afin de tenir compte de la conjoncture (durée d’indemnisation, conditions d’affiliation, seuil d’éligibilité, taux de conversion entre la durée d’affiliation et à la durée indemnisée…) ;
3. Les critères permettant d’activer la modulation et leur ampleur et les modalités du déclenchement du passage aux règles plus favorables ou moins favorables (intervention d’un comité d’experts, territorialisation, …).
Les partenaires sociaux vont désormais devoir discuter de ces 3 points avec le ministère du travail pendant plusieurs semaines. Olivier Dussopt “est attaché au maintien du niveau d’indemnisation” et il faudra “s’assurer de bien mesurer tous les impacts de tout ce qui est mis sur la table”, assure-t-on rue de Grenelle.
Pas de rétroactivité des nouvelles règles
Une fois ces nouvelles règles fixées, il conviendra d’en assurer l’application. Là encore, les partenaires sociaux sont appelés à y réfléchir. “Les règles et les procédures doivent être claires ; on ne les changera pas du jour au lendemain”, indique-t-on au ministère du travail.
D’une part, il n’y aura pas de rétroactivité. Les demandeurs d’emploi qui sont actuellement en cours d’indemnisation – jusqu’à l’entrée en vigueur du décret qui traduira ces nouvelles règles – ne verront pas leurs droits remis en cause.
►Concrètement, deux décrets sont attendus. Le premier “de jointure” pour assurer la continuité des droits des chômeurs. Le second sur le nouveau régime contracyclique.
D’autre part, “lorsque les droits seront notifiés on ne pourra pas retirer des droits aux demandeurs d’emploi”, assure-t-on au ministère. Par exemple, un demandeur d’emploi qui bénéficie de 18 mois d’indemnisation au moment de son inscription ne pourra pas voir cette durée réduite. En revanche, si en cours d’indemnisation la conjoncture économique se dégrade, son indemnisation pourra être prolongée de trois mois.
Restera à déterminer également à quelle date s’appliqueront les nouvelles règles aux demandeurs d’emploi : à l’inscription ? En cours ou en fin de droits ?
Quoi qu’il en soit, le ministère tient à souligner que Pôle emploi disposera d’outils pour informer les demandeurs d’emploi et réaliser des simulations pour leur permettre de se projeter dans leur parcours et connaître les règles qui s’appliqueront à eux. “Il faut de la clarté et de la simplification si on veut faire évoluer les comportements des demandeurs d’emploi et des entreprises”.
Condition d’affiliation, freins à l’emploi, territorialisation : quelques détails fournis par les partenaires sociaux |
A la sortie de cette réunion, les partenaires sociaux nous ont fait part des quelques détails qui ont émergé par rapport au document de concertation. Selon Michel Beaugas (FO), il a été question d’utiliser la condition d’affiliation comme paramètre modulable dans le futur régime : “Aujourd’hui, elle est de 6 mois dans les 24 derniers mois, elle pourrait passer à 6 mois dans les derniers 18 mois, ou 8 mois dans les derniers 24 mois. En tout cas il en a davantage été question que la durée d’indemnisation”. Cependant, aucune décision n’est prise pour l’instant. Marylise Léon (CFDT) préfèrerait agir sur “les freins périphériques à l’emploi”, à savoir les places en crèche pour faire garder les enfants des potentiels salariés, le logement ou encore la mobilité. Eric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC, déplore qu’Olivier Dussopt “navigue à vue : ils reprendraient les stocks de demandeurs d ’emploi déjà indemnisés, mais ils nous disent qu’ils ne toucheront pas à leurs droits. Mais s’ils reprennent le stock, ils seront bien obligés de [modifier] leurs droits, sinon, la réforme ne s’applique pas [aux demandeurs d’emploi déjà indemnisés !”. Même chose sur la territorialisation : “le ministre nous dit qu’ils ne veulent pas territorialiser, puis il nous en parle au sujet des indicateurs, donc tout est confondu et mélangé”. La CGT s’est exprimée par voie de communiqué de presse (en pièce jointe), dénonçant un “projet de loi tout tracé par le gouvernement” : “L’issue de ces concertations est donc contrainte, elles se tiennent en lieu et place de négociations paritaires. Les premiers éléments (…) laissent prévoir que cette réforme privera des centaines de milliers de personnes de droits à l’assurance chômage (…). Enfin, côté patronal, Hubert Mongon (UIMM / Medef) a reconnu que “les sujets ne sont pas simples, car il existe de multiples facteurs qui expliquent les difficultés de recrutement, notamment la formation”. La CPME, représentée par Jean-Michel Pottier, partage la même volonté de voir aboutir le projet de modulation. “Mais elle pourrait aussi être incitative pour retrouver un emploi”, tempère-t-il avant d’appeler aussi à “un accompagnement des demandeurs d’emploi”. Les propos sont plus mesurés à l’U2P. Son vice-président, Michel Picon émet “des réserves” sur le projet, notamment son efficacité pour résoudre les problèmes de recrutement, ainsi que “des doutes sur la non-prise en compte de la territorialité des situations. Pour l’instant, les syndicats attendent les réunions bilatérales pour entrer plus en profondeur sur la technique des différents éléments et faire valoir leurs propositions. Il convient également d’attendre les modifications qui pourraient être portées au projet de loi sur le marché du travail par le Sénat à compter du 25 octobre. |
Florence Mehrez et Marie-Aude Grimont
Report des nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale : le décret est paru
Un décret du 14 octobre 2022 acte le report des nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) au 1er juin 2024. Initialement, ces dispositions devaient s’appliquer aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er octobre 2022.
► Rappelons que ces nouvelles règles prévoient, lorsque le salarié n’a pas travaillé et n’a donc pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de la période de référence, la prise en compte de l’ensemble des revenus de la période de référence divisés par le nombre de jours de la période travaillée afin de neutraliser les interruptions de travail involontaires ou les débuts d’activité.
actuEL CE