8 questions-réponses sur les retraites
09/01/2023
La réforme des retraites sera présentée demain, mardi 10 janvier. Voici un questions-réponses sur les bases du système, les paramètres de calcul des pensions, les réformes les plus importantes et les mécanismes essentiels. Pour tout comprendre avant la bataille…
“Les réformes des retraites se succèdent en France depuis 1993, suscitant inquiétude et mobilisation chez les Français qui ne croient plus pouvoir bénéficier d’une retraite généreuse à l’avenir, tout en sachant qu’il leur faudra travailler plus longtemps”. Cette phrase introductive du livre de Bruno Palier, explique bien l’état d’esprit des Français avant chaque projet de loi sur les retraites : il faut sans cesse les réformer, montrant ainsi l’inaptitude des réformes à les stabiliser.
Ce questions-réponses propose de décrypter les points essentiels à connaître pour suivre les débats à venir. Nous nous limiterons au régime de base du secteur privé. Petit rappel de calendrier : le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 23 janvier prochain. Le texte sera ensuite déposé à l’Assemblée nationale début février. Le gouvernement entend que la réforme entre en vigueur à l’été 2023.
1. Comment calcule-t-on une pension de retraite ?
Une pension de retraite est calculée selon la formule suivante :
Salaire de référence x taux de liquidation x coefficient de proratisation
Le taux de liquidation correspond au taux plein augmenté de la surcote ou diminué de la décote. Le coefficient de proratisation est le rapport entrer le nombre de trimestres validés et le nombre de trimestres requis.
2. Quelle est la différence entre une réforme systémique et une réforme paramétrique ?
On entend par exemple le leader de la CFDT Laurent Berger rappeler que son syndicat se prononce en faveur d’une réforme systémique, mais contre une réforme paramétrique. Une réforme systémique vise une refonte totale du système de retraites. Tel était le cas du projet de retraites par points envisagé en 2019. Le système français est dit “par répartition” : les cotisations d’un trimestre paient les pensions du trimestre suivant. Une réforme paramétrique ne modifie qu’un paramètre de calcul, sans toucher à l’ensemble du système. C’est le cas du projet actuel qui prévoit un allongement de l’âge légal de départ à 64 ou 65 ans.
3. Qu’est-ce que l’âge légal de départ ?
L’âge légal de départ est l’âge minimum à partir duquel un assuré est en droit de partir en retraite, c’est-à-dire l’âge auquel il liquide ses droits. Fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter de 1955, il permet de partir avec une retraite de base, mais pas nécessairement une retraite à taux plein. L’âge du taux plein (67 ans) permet de ne pas subir de décote sur le montant de sa pension, et donc de percevoir une retraite à taux plein même si l’on n’a pas le nombre d’annuités (ou de trimestres) requis (entre 41 et 43 selon l’année de naissance, voir le tableau ci-dessous). Partir après l’âge du taux plein permet au contraire de bénéficier d’une surcote. Ainsi, l’assuré a le choix entre détenir le nombre d’annuités minimales ou partir à 67 ans pour avoir une retraite à taux plein.

L’âge légal correspond rarement à l’âge réel de départ en retraite, et encore moins à l’âge auquel on quitte le marché du travail, à savoir l’âge auquel on cesse effectivement de travailler, sans pour autant percevoir une pension de retraite.
4. Comment le gouvernement justifie-t-il sa réforme ?
Le gouvernement s’appuie sur le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (Cor). Il réalise des hypothèses sur la part des dépenses de retraite dans le PIB et les déficits prévisionnels du système en se fondant sur les scénarios gouvernementaux de croissance et de chômage. Selon le rapport, il n’existe pas d’explosion des dépenses de retraite dont la part dans le PIB reste stable. En revanche, le ratio du nombre d’actifs par rapport au nombre de retraités se réduit (1,7 en 2020, 1,2 en 2070).
Par ailleurs, après les excédents des années 2021 et 2022, le régime de retraite “ serait en moyenne déficitaire, quels que soient la convention et le scénario retenus”, indique le Cor. Ces déficits sont cependant relativisés : le Cor indique la présence d’un “artefact statistique” lié aux hypothèses de taux de chômage du gouvernement. Il déclare que “de fortes incertitudes entourent les travaux de projection réalisés dans ce rapport”.
Les opposants à la réforme avancent au contraire que le report de l’âge légal pénaliserait les plus précaires, les personnes aux carrières hachées et les femmes. Ils considèrent que le gouvernement a lui-même asséché les ressources du système pour mieux justifier la réforme, au travers de mesures d ‘économies dans la fonction publique territoriale et hospitalière (gel du point d’indice, revalorisations inférieures à l’inflation, hausse des primes, réduction des effectifs) et en refusant d’augmenter les salaires du privé. Enfin, ils jugent que le financement des retraites peut être amélioré par d’autres mesures.
5. Augmenter l’âge légal de départ est-il la seule solution ?
Non, trois leviers économiques permettent d’agir sur le financement du régime de retraite : l’âge de départ, le niveau des pensions, le taux de cotisation des employeurs et des salariés.
6. Pourquoi la question de l’emploi des séniors figure-t-elle en tête des débats ?
Pus de personnes travaillent et paient des cotisations sur leur salaire, plus les ressources du régime sont importantes. Or, la France souffre d’un déficit d’emploi des seniors : seulement 33 % des personnes âgées de 60 à 64 ans travaillent. D’où la demande des syndicats de prévoir des mesures de renforcement de l’emploi des seniors afin de leur éviter d’attendre 64 ou 65 ans en étant ni en emploi ni en retraite.
7. Pourquoi entend-on parler d’une accélération de la réforme Touraine ?
Au début du quinquennat, le gouvernement ne parlait que d’un recul de l’âge légal. Cependant, l’absence de majorité absolue à l’Assemblée gêne l’adoption de ses projets de loi et le pousse à utiliser la procédure de l’article 49.3 de la Constitution qui lui permet d’adopter un texte sans majorité. Problème : adopter une réforme des retraites avec le 49.3 est particulièrement impopulaire et renforce l’opposition au projet. Afin d’échapper à cette procédure, le gouvernement doit donc trouver un accord politique avec les Républicains. Or, Eric Ciotti, élu à la tête du parti en décembre 2022, est opposé à un report de l’âge légal à 65 ans. Il préfère 63 ou 64 ans, avec une accélération des effets de la réforme Touraine, soit 43 annuités requises avant 2035.
8. Quelles ont été les dernières réformes des retraites ?
1993 : réforme Balladur
– Augmentation du nombre d’annuités requises à 40 au lieu de 37,5 ;
– Calcul du montant des pensions en référence aux 25 meilleures années au lieu de 10.
1995 : plan Juppé 1
– Projet abandonné (en raison d’une forte mobilisation) d’aligner les retraites du secteur public sur celles du privé.
1997-2000 : mesure Jospin
– Commande du rapport Charpin puis abandon de toute projet de réforme
– Création d’un fonds de réserve pour les retraites ;
– Création du Conseil d’orientation des retraites (COR).
2003 : réforme Fillon
- Augmentation du nombre d’annuités requises à 41 ans à compter de 2012 et 42 ans à compter de 2020 ;
– Création d’une surcote autour de l’âge de 60 ans ;
– Création de la retraite anticipée pour carrière longue ;
– Instauration de la possibilité de racheter des trimestres ;
– Création d’un régime facultatif de retraite par capitalisation (Plan épargne retraite populaire, PERP) et des plans d’épargne entreprise (PERE) et collectif (PERCO).
2008 : le rendez-vous de 2003
– Confirmation de l’augmentation du nombre d’annuités à 41 ans à compter de 2012 ;
– Mesures sur l’emploi des seniors.
2010-2011 : réforme Sarkozy
– Report à 62 ans (au lieu de 60) de l’âge légal de départ entre 2012 et 2018 ;
– Maintien des 60 ans en cas d’exposition à la pénibilité ;
– Report à 67 ans (au lieu de 65) de l’âge de l’annulation de la décote entre 2016 et 2022.
2013 : réforme Touraine
– Augmentation des cotisations employeur et salarié de 0,3 %
– Augmentation à 43 ans du nombre d’annuités requises pour avoir une retraite à taux plein d’ici 2035 pour la génération de 1973, au rythme d’un trimestre tous les 3 ans ;
– Dispositif “carrières longues” ;
– Création du compte pénibilité ;
– Possibilité de valider des périodes de maternité/chômage/apprentissage.
2020 : réforme Macron
– Abandon du projet de retraite par points.
Marie-Aude Grimont
Retraites : hausse de la cotisation assurance vieillesse, baisse de la cotisation ATMP
12/01/2023
Mardi, lors de sa présentation de la réforme des retraites, le gouvernement a insisté sur sa volonté de ne pas augmenter les cotisations sociales au nom du pouvoir d’achat des salariés et de la compétitivité des entreprises. Une opération présentée comme “blanche” par Matignon est tout de même envisagée afin de boucler le financement de cette réforme : les cotisations d’assurance vieillesse devraient progresser de +0,1 point (ce qui rapporterait 800 millions d’euros) mais dans le même temps les cotisations ATMP (accidents du travail et maladies professionnelles, une branche qui dégage des excédents) devraient baisser de 0,1 point. “Nous respectons donc notre engagement de ne pas augmenter le coût du travail”, dit-on au cabinet de la Première ministre.
Autrement dit, le gouvernement va prélever dans les excédents de la branche ATMP pour financer sa réforme des retraites. En effet, la branche ATMP va financer le fonds de prévention de pénibilité qui serait doté d’un milliard d’euros, l’ATMP devant verser chaque année 200 millions d’euros pour ce fonds.
Par ailleurs, le cabinet de la Première ministre a précisé que la non publication de l’index seniors (obligatoire à partir de 1 000 salariés dès 2023) s’accompagnera d’une sanction financière pour l’entreprise, proportionnelle à sa masse salariale, un système comparable donc à celui de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Retraites : la revalorisation du minimum de pension ne concernera que les salariés ayant travaillé toute leur vie au Smic
12/01/2023
Principale mesure de « progrès social » de la réforme des retraites selon Elisabeth Borne : le minimum de pension sera revalorisé de sorte que les salariés et les indépendants, notamment les artisans et commerçants, ayant une carrière complète, partiront avec une pension brute égale à 85% du Smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois. Cette indexation sur le Smic sera inscrite dans la loi afin que le dispositif soit pérenne et, une fois liquidées, les pensions concernées resteront indexées sur l’inflation. Une nuance certaine est toutefois confirmée par les conseillers de Matignon : il faudra avoir fait toute sa carrière au Smic pour bénéficier de cette pension de près de 1 200 € par mois.
Ils ajoutent par ailleurs que si pour certains bénéficiaires, le montant brut équivaudra au net du fait d’une exonération de CSG, la plupart des personnes seules dans cette situation sont assujetties au taux réduit de 3,8 %, ce qui affectera tout de même à la baisse le montant réel de la pension.
Le texte du projet de loi sur les retraites
13/01/2023
Nous publions le texte du projet de loi sur les retraites que le gouvernement a transmis au Conseil d’Etat. Il reprend toutes les annonces de l’exécutif.
Nous nous sommes procurés le projet de loi sur les retraites transmis par le gouvernement au Conseil d’Etat (voir notre pièce jointe). Ce document comporte, sur 58 pages, 10 articles (les numéros sont de la rédaction), que nous vous présentons ci-après avec les extraits des exposés des motifs :
Première partie : dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre de la sécurité sociale pour l’exercice 2023
art. 1 : suppression des régimes spéciaux (IEG, RATP, employés de notaire, Banque de France, CESE)
► Les agents de ces organismes ou professions seront désormais affiliés au régime de droit commun pour l’assurance vieillesse. Ils conserveront toutefois les statuts existants et demeureront couverts par ces régimes spéciaux pour les autres risques de sécurité sociale (maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, décès et invalidité pour la RATP et les IEG, maladie, maternité, décès et invalidité pour les clercs de notaire, invalidité pour la Banque de France), à l’exception des membres du CESE dont le régime spécial concerne uniquement le risque vieillesse. En conséquence, pour la retraite complémentaire, les salariés nouvellement embauchés dans les secteurs ou les organismes concernés seront affiliés à l’AGIRC-ARRCO, à l’exception des membres du CESE qui seront affiliés à l’IRCANTEC.
art. 2 : mise en place d’un index seniors
► Le texte précise que la pénalité pour défaut de publication de l’index sera de 1% de la masse salariale et que la liste des indicateurs à publier, qui sera fixée par décret, pourra être adaptée par accord de branche
art. 3 : recouvrement des cotisations sociales, c’est-à-dire abandon du transfert aux Urssaf de la collecte des cotisations des caisses de retraite complémentaire
deuxième partie : dispositions relatives aux dépenses de la Sécurité sociale pour l’exercice 2023
art. 4 : relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans et accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance (voir notre article).
► L’article prévoit d’une part le relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à retraite à 64 ans à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961, et d’autre part, l’accélération de l’augmentation de la durée d’assurance d’ores et déjà prévue par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 tout en conservant la cible de cent soixante-douze trimestres. L’âge d’annulation de la décote est maintenu à 67 ans.
art. 5 : départs anticipés avec un relèvement de l’âge de départ à 64 ans
► Cet article crée une disposition générique concernant les départs anticipés à la fois pour carrière longue, pour retraite progressive et pour des raisons liées à l’état de santé, au handicap ou à l’incapacité permanente des assurés. Les conditions de départ anticipé sont ensuite définies par décret sans que la durée d’anticipation ne puisse être inférieure à deux ans, soit 62 ans. Cet article précise également que les départs anticipés au titre du compte professionnel de prévention (C2P) ne peuvent intervenir plus de deux ans avant l’âge de droit commun. Par ailleurs, l’invalidité et l’inaptitude ouvrent droit à un départ anticipé à un âge fixé par décret, en sus du bénéfice d’une retraite au taux plein à cet âge ; il est ainsi prévu que cet âge soit maintenu à 62 ans par décret. Enfin, l’article assouplit les conditions d’accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés (RATH) d’une part, en abaissant le taux d’incapacité de 80 % à 50% nécessaire pour saisir la commission ad hoc au moment du départ à la retraite, et d’autre part, en supprimant la condition de trimestres validés pour ne garder que celle se rapportant aux trimestres cotisés
art. 6 : prévention et réparation de l’usure professionnelle
► Cet article prévoit que l’accumulation de droits au C2P (compte personnel de prévention) sera déplafonnée, et l’exposition simultanée à plusieurs facteurs mieux prise en compte. Le seuil de reconnaissance du travail de nuit passera de 120 à 100 nuits par an (le seuil de travail en équipes successives alternantes passera de 50 à 30 nuits par an). Les utilisations du C2P en faveur d’actions de prévention seront également renforcées. Les salariés pourront désormais utiliser le C2P pour bénéficier d’un droit à un congé de reconversion afin de changer de métier. Les droits C2P pour la formation seront augmentés (un point au C2P ouvrira un droit de 500 € de financement de formation, contre 375€ aujourd’hui).
Par ailleurs, un Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle sera créé au sein de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Les branches professionnelles recenseront avec la branche AT-MP, une cartographie des métiers qui exposent le plus à ces facteurs de risques ergonomiques. [Pour les secteurs dans lesquels les branches n’auront pas conclu de convention, cette cartographie sera complétée par la commission des AT-MP, qui pourra être assistée d’un comité d’experts.] Le Fonds, qui sera doté d’1 Md€ pour la durée du quinquennat, aura pour mission de co-financer avec les employeurs des actions de prévention (sensibilisation, aménagement de postes, formation et reconversion) au bénéfice de ces salariés exposés.
Un suivi medical renforcé des salariés est prévu à compter de la visite médicale de mi-carrière qui intervient autour de 45 ans, et qui permettra de déployer des actions de prévention (adaptation de poste, formation et reconversion). Ce suivi médical renforcé se traduira en fin de carrière par une visite médicale obligatoire à 61 ans pour ces salariés afin de favoriser un départ anticipé dès 62 ans à taux plein pour ceux qui ne sont pas en mesure de continuer de travailler (dispositif de retraite pour inaptitude).
Enfin, le dispositif de départ pour incapacité permanente sera simplifié pour permettre un départ 2 ans avant l’âge légal à taux plein pour les victimes d’un AT-MP ayant entrainé une incapacité permanente d’un taux d’au moins 10% en lien avec une exposition aux facteurs de pénibilité. La condition de durée d’exposition sera réduite de 17 ans à 5 ans pour justifier de ce lien.
Titre deux : renforcer la solidarité de notre système de santé
art. 7 : revalorisation des petites pensions et amélioration du recours à l’ASPA
► L’article prévoit une revalorisation de la pension minimale afin que les assurés ayant effectué une carrière complètement cotisée sur la base d’un SMIC puissent partir en retraite avec une pension d’au moins 85 % du SMIC net, soit près de 1 200€ à compter du 1er septembre 2023.
art. 8 : validation pour la retraite de périodes assimilées pour certains stages de la formation professionnelle
► L’article prévoit de tenir compte, pour les droits à retraite, des périodes de travail effectuées au titre des TUC, des stages pratiqués en entreprise du plan Barre (1977-1988), des stages « jeunes volontaires » (1982-1987), des stages d’initiation à la vie professionnelle (1985-1992) et des programmes d’insertion locale (1987-1990).
art. 9 : création d’une assurance vieillesse pour les aidants (AVA)
► Les dispositifs d’affiliation à l’assurance vieillesse de certains aidants seront réunis autour d’un unique dispositif, l’AVA. Les cotisations versées au titre de l’affiliation à l’AVA seront financées par la branche autonomie, alors que le financement est aujourd’hui réparti de manière peu lisible entre différentes branches selon les motifs d’affiliation de l’aidant. Le gouvernement estime que 100 000 aidants pourraient en bénéficier
Titre 3 : faciliter les transitions entre emploi et retraite
art. 10 : amélioration des transitions entre l’activité et la retraite
► Cet article rend le cumul emploi-retraite créateur de droits pour la retraite. Cette disposition sera applicable sous réserve d’un délai de carence de six mois après liquidation de la première pension lorsque l’emploi est repris auprès du dernier employeur. Seuls des droits contributifs pourront être constitués pour la liquidation de la seconde pension, qui bénéficiera alors du taux plein sans décote ni surcote. Toutefois, après la liquidation d’une seconde pension, aucun droit supplémentaire ne pourra plus être constitué, dans tout régime de base et complémentaire, en cas de nouvelle reprise d’activité.
D’autre part, le présent article améliore le dispositif de retraite progressive, en généralisant son recours à l’ensemble des assurés, et notamment à la fonction publique, et en ouvrant plus largement son accès. Il fixe l’ouverture du droit à la retraite progressive deux ans avant l’âge d’ouverture des droits, soit en cible 62 ans. Enfin, pour déployer plus largement la retraite progressive, le présent article permet aux salariés de bénéficier d’une activité à temps partiel, ou à temps réduit pour ceux dont la durée de travail est fixée par un forfait en jours, sans que l’employeur ne puisse s’y opposer sauf si la durée souhaitée est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise. Les salariés pourront également travailler moins de vingt-quatre heures par semaine, à leur demande. Enfin, l’article rend non applicable le plafond d’indemnités journalières pour les retraités aux bénéficiaires de la retraite progressive.
Bernard Domergue
Seniors : un taux d’emploi en forte diminution après 60 ans
17/01/2023
Selon une étude de la Dares publiée le 12 janvier, le taux d’emploi des seniors est au plus haut depuis 1975. En 2021, 56 % des personnes de 55 à 64 ans sont en emploi.
Reste que ce taux diminue nettement avec l’âge : il atteint 81,8 % pour les 25-49 ans, puis 75,1 % pour les 55-59 ans et 35,5 % pour les 60-64 ans. Plus précisément, de 50 à 56 ans, le taux reste proche de 80 %, puis baisse de 10 points jusqu’à 59 ans. Il passe ensuite en deçà de 60 % à 60 ans, pour atteindre moins de 20 % à partir de 64 ans.
Cette baisse est notamment “la conséquence des transitions progressives vers la retraite : jusqu’à 55 ans, la part de personnes en retraite est marginale, alors qu’à 60 ans, une personne sur six environ est retraitée, et que deux sur trois le sont à 63 ans”.
Par ailleurs, la part de seniors qui ne sont ni en emploi ni en retraite croît progressivement avec l’âge jusqu’à 60-61 ans, puis se réduit rapidement, “témoignant là aussi de transitions vers la retraite”. Cette augmentation jusqu’à 60-61 ans résulte principalement de la hausse de la part d’inactifs non retraités, qui passe de 15 % à 55 ans à 25 % à 60-61 ans.
La part de personnes au chômage reste, elle, relativement stable jusqu’à 61 ans, autour de 5 %, et diminue dès l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, à 62 ans.
Retraites : à quelle mobilisation s’attendre jeudi 19 janvier ?
17/01/2023
La première journée de contestation de la réforme des retraites approche. Les syndicats espèrent une forte mobilisation afin de montrer rapidement au gouvernement l’opposition de l’opinion publique. Ce point est d’ailleurs confirmé par le dernier sondage publié samedi 14 janvier dans le Journal du Dimanche : 68 % des Français seraient opposés à la réforme repoussant l’âge légal de départ à 64 ans. 32 % seulement y seraient favorables. Par ailleurs, la pétition intersyndicale avoisine les 400 000 signatures.
Dans ce contexte, la mobilisation s’annonce importante dans les transports et l’énergie, secteurs dont les régimes spéciaux de retraites seraient supprimés et alignés sur le régime commun des salariés du privé. L’intersyndicale CGT, CFDT, SUD-Rail et Unsa de la SNCF a publié un communiqué de presse unitaire appelant à “une grève puissante”. L’intersyndicale de la RATP (CGT, FO, Unsa et CFE-CGC) poursuit la même dynamique (lire son communiqué de presse). Deux préavis de grève ont donc été déposés pour le 19 janvier dans le secteur des transports.
Côté énergie, plusieurs jours de grève se profilent dans le raffinage de carburant. La CGT Mines-énergie appelle à une grève le 19 et le 26 janvier. Dans l’enseignement, la FSU appelle aussi à la mobilisation le 17 et à la grève le 19 janvier (lire le communiqué). Le gouvernement serait aussi très attentif à la mobilisation de la jeunesse, dont les principaux syndicats ont appelé à rejoindre le mouvement (lire par exemple le communiqué de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)).
Le taux de chômage des cadres seniors est 6,8 %, contre 4,1 % pour l’ensemble des cadres
17/01/2023
Avec un taux de chômage de 4,1 % contre 7,9 % pour l’ensemble des actifs, les cadres du secteur privé sont moins exposés au risque de chômage. “Pour autant, cette situation de quasi plein-emploi cache des situations contrastées et des situations beaucoup plus difficiles”, indique Gilles Gateau, directeur général de l’Apec (l’Association pour l’emploi des cadres), à l’occasion d’une étude conjointe de l’association et de Pôle emploi, sur le portrait-robot des cadres demandeurs d’emploi, diffusée hier. Dans le détail, trois populations sont plus fragilisées :
Les seniors de 55 ans et plus représentent 102 000 cadres demandeurs d’emploi, dont 34 % de femmes et 36 % de demandeurs d’emploi longue durée (plus de 12 mois sans emploi). Leur taux de chômage est plus élevé que le reste de la population cadre avec 6,8 % (contre 4,1 % au global) ;
Les demandeurs d’emploi longue durée : 95 000 demandeurs d’emploi de longue durée recherchent un emploi cadre, parmi lesquels 38 % de femmes et 39 % de cadres de 55 ans et plus. Ils recherchent surtout des postes de commerciaux, cadres administratifs-comptables-financier ou d’informaticiens ;
Les demandeurs d’emploi vivant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) : cela concerne 30 500 cadres demandeurs d’emploi dont 41 % de femmes. Parmi eux, 19 % sont également en recherche d’emploi depuis plus de 12 mois.
Les éternels perdants des réformes des retraites [1] : les femmes
19/01/2023
Les réformes des retraites s’empilent au fil des ans et pourtant, les inégalités persistent chez certaines catégories de retraités. Chaque nouveau projet prétend réduire ces inégalités qui touchent toujours les mêmes populations des éternels perdants : les femmes, les ouvriers et les jeunes. Quels phénomènes fondent ces inégalités ? Le nouveau projet de réforme Macron est-il en mesure d’établir un régime de retraite enfin égalitaire pour tous ? Premier volet de notre série : les femmes, éternelles perdantes des réformes des retraites.
Si les femmes sont les premières perdantes en matière de retraites, c’est qu’elles sont aussi les perdantes du monde du travail et du système de protection sociale français. Bien sûr, on ne peut nier l’amélioration de la condition féminine au fil des dernières décennies. Mais le système de protection sociale reproduit chroniquement les inégalités femmes-hommes du travail.
Inégalité au travail, inégalité en retraite
Tout d’abord, l’accès des femmes au travail est un phénomène récent. Elles durent attendre la loi du 13 juillet 1965 réformant les régimes matrimoniaux afin de se voir octroyer le droit d’exercer une activité professionnelle sans l’autorisation de leur mari. Il fallut ensuite patienter jusqu’à la loi du 22 décembre 1972 pour qu’elles bénéficient (dans son principe) de l’égalité de rémunération avec les hommes. Selon l’Insee, la participation des femmes au marché du travail s’est enfin accrue fortement ces quarante dernières années : en 2018, 68 % des femmes de 15 à 64 ans sont actives, soit 8 points de moins que les hommes, au lieu de 31 points en 1975.
De plus, la place de nombreuses femmes au travail s’est limitée pendant longtemps à apporter une aide à leur conjoint, souvent artisan ou commerçant. Un travail non déclaré et donc non rémunéré, les privant à la fois de revenus et de retraite. Le travail du conjoint est désormais assimilé à du travail dissimulé. Depuis la loi Pacte de 2019, le conjoint doit choisir et déclarer son statut : associé, collaborateur ou salarié.
Reste le principal point d’achoppement des inégalités hommes femmes au travail : la rémunération. Les données Eurostat font état d’un écart de rémunération en France de 15,8 % en 2020. Il ne s’agit ici que d’une comparaison des taux horaires de salaire brut. Le chiffre n’est d’ailleurs pas retenu par l’Insee qui relate un écart de 22 % en 2019. Les femmes sont moins payées, plus souvent à temps partiel, et davantage pénalisées que les hommes par l’arrivée d’un enfant. Un point inquiétant alors que le nombre de naissances détermine le nombre d’actifs aptes à financer les pensions des retraités. L’index d’égalité hommes femmes est certes effectif depuis 2019 mais il n’a pas résolu le problème, la note obtenue par l’employeur laissant persister les mauvaises pratiques, et les sanctions étant peu dissuasives.
Par suite, un système de protection sociale concevant les prestations en pourcentage de la rémunération est inadapté à la situation des femmes. Il reproduit les inégalités du monde du travail en instaurant une double peine, aussi bien en matière d’allocation chômage que de retraite. Après une vie à être moins payées, les femmes perçoivent une pension inférieure à celle des hommes.
Une pension de retraite inférieure de 40 % à celle des hommes
Depuis 2020, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) établit un panorama social des retraités et des retraites. Son édition 2022 indique qu’en 2020, les femmes liquident leurs droits à la retraite en moyenne 7 mois après les hommes. L’âge médian des retraitées de droit direct (sans pension de réversion) est également plus élevé : 73 ans et 2 mois pour les femmes, 72 ans et 2 mois pour les hommes.
Les écarts de pension de réduisent peu à peu au fil du temps mais un constat demeure : en 2020, les pensions des femmes sont inférieures de 40 % (au lieu de 50 % en 2004) à celles des hommes : “La pension moyenne de droit direct des retraités résidant en France en 2020 (incluant la majoration de pension pour trois enfants ou plus, avant prélèvements sociaux) s’élève à 1 154 euros par mois pour les femmes, et à 1 931 euros pour les hommes”, constate la Drees (voir tableau ci-dessous).
De plus, la pension nette moyenne des femmes s’établit à 53,4 % du revenu net moyen, ce taux est de 74,1 chez les hommes. Enfin, cinq femmes sur dix perçoivent un minimum de pension, contre trois hommes sur dix.
Ces éléments démontrent que les différentes réformes des retraites entreprises depuis les années 90 ne prennent pas en compte la situation inégalitaire des femmes. Cela pourrait-il changer avec la réforme version 2023 ?
Réforme des retraites 2023 : pas de révolution pour les femmes
Le projet Borne/Macron propose de revaloriser les minimums de pension à hauteur de 1 200 € bruts (85 % du Smic). “Une mesure qui bénéficiera surtout aux femmes”, s’est félicité le ministre du Travail Olivier Dussopt, sans engager de réflexion sur les causes du phénomène : la raison pour laquelle les minimas de pension sont perçus en majorité par les femmes. La réforme sur ce point risque donc de manquer un objectif : s’attaquer aux causes au lieu de poser des pansements sur les effets.
Par ailleurs, cette promesse de 1 200 € ne vise que les personnes ayant perçu un salaire au Smic pendant “toute sa carrière”, indique le dossier de presse de la réforme. De plus, il faudra pouvoir justifier d’une carrière complète avec 43 années de cotisation (au lieu des 42 actuels). Les 1 200 € laisseront donc de côté les personnes aux carrières hachées, notamment des femmes au parcours professionnel interrompu par des grossesses ou des périodes de chômage. Rappelons que celles-ci sont prises en compte par l’Assurance retraite de la Sécurité sociale uniquement dans le calcul de la durée d’assurance retraite (43 ans selon la réforme Borne/Macron) et non dans le calcul de l’âge légal de départ.
Autre mesure prévue par la réforme : les périodes validées au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) seront prises en compte jusqu’à 4 trimestres dans la durée travaillée pour partir au titre des carrières longues. Cette assurance vieillesse concerne les personnes devant cesser ou réduire leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ou d’une personne en situation de handicap. Il faut également percevoir certaines prestations ou s’occuper d’une personne dépendante ou handicapée. Les revenus ne doivent pas dépasser certains plafonds. Les 4 trimestres ainsi pris en compte dans la réforme correspondent à ceux qui sont aujourd’hui accordés aux femmes pour chaque naissance (en plus des 4 trimestres pour l’éducation, soit 8 trimestres en tout dans la retraite de base).
Par ailleurs, les périodes de congé parental seraient prises en compte dans le dispositif de carrières longues ainsi que dans le calcul du minimum de pension de celles et ceux qui ont travaillé plus de 30 ans. Les aidant(e)s familiaux bénéficieraient de validations de trimestres. Du bon sens, mais pas de quoi révolutionner la retraite des femmes…
Marie-Aude Grimont