Les CRRMP peuvent siéger sans médecin-inspecteur du travail
Un décret du 16 mars 2022 prévoit plusieurs adaptations pour tenter de contourner les difficultés à se réunir que rencontrent les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Pour pallier la pénurie de médecins-inspecteurs du travail, dont certaines régions sont désormais totalement dépourvues, les comités pourront prendre leurs décisions avec un médecin du travail pour le remplacer.
Les CRRMP, les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, peuvent désormais se réunir sans la présence d’un médecin-inspecteur du travail, acte le décret du 16 mars 2022, modifiant l’article D.461-27 du code de la santé publique et entré en vigueur le 18 mars. Le médecin-inspecteur du travail, prévoit le texte, est remplacé par un “médecin particulièrement compétent en matière de pathologies professionnelles, en activité ou retraité”. Ce devra être un médecin du travail (ou collaborateur médecin, ou interne en médecine du travail).
Le remplaçant du médecin-inspecteur du travail peut être désigné pour quatre ans renouvelables – une seule fois s’il s’agit d’un retraité. Il devra être inscrit sur une liste établie par l’ARS (agence régionale de santé), sur proposition conjointe de trois personnes : le responsable du centre régional de pathologies professionnelles et environnementales, le responsable du centre de pathologies professionnelles et environnementales d’une autre région (lorsque l’ARS a fait appel à cet autre centre pour mutualiser certaines des missions entre régions), le médecin-inspecteur du travail. Si les acteurs en charge de l’établir ne sont pas d’accord, ou s’il n’y a pas de médecin-inspecteur du travail, une seule de ces trois personnes a le dernier mot, au bout de deux mois à partir de la sollicitation de l’ARS.
Ces adaptations visent à pallier la pénurie de médecin-inspecteur du travail, qui bloque la tenue des CRRMP. Selon le dernier bilan de l’inspection du travail, publié à l’automne 2021, il y avait en 2019 seulement 24 médecins-inspecteurs du travail en France. Certaines régions en sont totalement dépourvues. Selon l’annuaire diffusé par le ministère du travail, c’était par exemple le cas, en 2020, de la Corse, de Paca et d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Retraités et changement de région
Pour siéger, un CRRMP doit normalement réunir trois personnes : un médecin-conseil régional, un médecin-inspecteur du travail, un PU-PH (professeur universitaire – praticien hospitalier) ou PH qualifié en pathologies professionnelles (lui aussi figurant sur une liste établie par un arrêté de l’ARS). Le décret qui vient d’être publié prévoit aussi que le médecin-conseil régional peut être un retraité.
Et si, en dépit de ces nouvelles possibilités, le CRRMP d’une région peine toujours autant à siéger ou a accumulé trop de retard, le décret autorise également le directeur général de la Cnam à “donner compétence à un autre comité régional que celui du lieu où demeure la victime”. Ce déport concerne “tout ou partie des dossiers qui sont transmis [au CRRMP] sur cette période” indique désormais l’article D.461-28 du code de la sécurité sociale, “afin d’améliorer les délais de rendu des avis », précise la notice du décret. L’autorisation n’est donnée que pour 6 mois, mais elle est renouvelable « dans les mêmes conditions”.
Enfin, le décret précise que, en l’absence d’échelon régional du service médical à Mayotte, le CRRMP compétent pour examiner les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles formées par les assurés mahorais est celui de La Réunion.
Pour les pathologies psychiques et l’alinéa 6, des dérogations déjà prévues |
Rappelons que pour les pathologies psychiques, le PU-PH ou PH peut être un psychiatre et non un spécialiste des pathologies professionnelles. Rappelons aussi que lorsqu’il s’agit de trancher sur une reconnaissance au titre de l’alinéa 6 de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale – c’est-à-dire lorsqu’une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies – le CRRMP peut ne réunir que deux personnes. Si elles ne sont pas d’accord, le comité se réunit à nouveau en formation complète. |
Élodie Touret
Obligation de sécurité : l’employeur doit vérifier l’amplitude et la charge de travail du salarié en forfait jours
L’obligation de sécurité à laquelle est astreint l’employeur doit le conduire à vérifier que le salarié en forfait jours bénéficie d’une bonne répartition dans le temps de travail, assurant sa protection en matière de santé et sécurité au travail.
Un salarié, embauché en tant que médecin du travail sur la base d’un salaire annuel pour 218 jours, estime que son employeur n’a pas satisfait à son obligation de sécurité à son égard. Il précise avoir alerté son employeur à plusieurs reprises sur sa charge de travail, notamment parce que le service médical est en sous-effectif. Il invoque le stress engendré par cette situation, non pris en compte par l’employeur, un état de santé dégradé et une non-reconnaissance de son travail à travers l’absence de perspectives d’évolution professionnelle.
L’employeur, de son côté, estime son obligation remplie et argue du fait que les alertes sur l’état de souffrance du salarié sont intervenues seulement après des refus de promotion.
La cour d’appel reprend l’argument de l’employeur pour déclarer que les éléments soumis mettent en évidence un comportement de l’employeur conforme à son obligation de sécurité, notamment puisque l’employeur a alerté le médecin du travail après avoir reçu plusieurs courriels du salarié faisant part d’une souffrance psychologique.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle estime que l’employeur ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Il en résulte que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Ainsi, la cour d’appel aurait dû vérifier l’existence d’un préjudice à l’égard du salarié, afin de pourvoir lui allouer des dommages-intérêts.
actuEL CE