Fusion entre l’Anac et son réseau Aract : les conditions sont fixées
Un décret définit les règles relatives aux missions, au fonctionnement et à la gouvernance qui s’appliqueront à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail à partir du 1er janvier 2023.
En application de l’article 38 de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, un décret du 22 avril 2022 vient préciser les conditions de la fusion volontaire entre l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et son réseau d’Aract (agences régionales).
Fusion des Aract avec l’Anact au 1er janvier 2023
Est rendue possible la fusion d’une Aract avec l’Anact selon différentes modalités précisées par le décret (consultation préalable, date d’effet, substitution dans les contrats, modification des contrats de travail des salariés, prolongation des mandats de la commission consultative paritaire de l’Anact, etc.).
Toute décision de fusion d’une Aract avec l’Anact est prise, après consultation préalable du conseil d’administration, par une délibération de l’assemblée générale de l’association adoptée à la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés. Cette délibération intervient au plus tard le 30 juin 2022 ou, à défaut de quorum lors de la première réunion, au plus tard le 15 juillet 2022 sans condition de quorum.
Les instances représentatives du personnel doivent être consultées sur le projet de fusion au moins trois semaines avant la date de l’assemblée générale.
La date d’effet de la fusion est fixée au 1er janvier 2023. Pour les Aract qui n’auront pas fusionné au 1er janvier 2023 avec l’Anact, elles n’appartiendront plus au réseau de l’Anact.
► L’Anact met en place une nouvelle commission consultative paritaire entre le 1er janvier 2023 et le 31 juillet 2023. D’ici cette date, les mandats en cours des membres de cette commission sont prolongés.
Renforcement des missions de l’Anact
Le décret vient modifier la chapitre II du titre IV du livre VI de la quatrième partie du code du travail concernant l’Anact.
Pour ce qui est des missions de l’Anact, il précise que pour les mener à bien, l’Agence développe des partenariats avec les autres acteurs intervenant dans le domaine des conditions de travail, au niveau national et international, notamment pour contribuer au développement de démarches innovantes. Elle élabore également des guides pratiques en matière d’amélioration des conditions de travail à destination des intervenants en santé au travail et des entreprises.
Pour ce qui est des interventions de l’Anact au sein des structures publiques, elles peuvent être menées pour répondre aux besoins de l’Etat, des collectivités territoriales ou de toute autre personne morale de droit public. Par ailleurs, elles donnent lieu à la conclusion d’un contrat fixant les conditions financières.
Création des directions régionales
En substitution des Aract, l’Anact peut se doter de directions régionales.
Chaque direction régionale vient s’appuyer sur une instance paritaire régionale qui participe, en collaboration avec le directeur régional, à la définition de ses orientations.
L’instance paritaire adopte le programme régional d’action annuel en cohérence avec le programme national.
L’instance paritaire régionale est composée au maximum et en nombre égal pour chacun des collèges de 10 représentants des organisations syndicales de salariés et de 10 représentants des organisations professionnelles d’employeurs. La parité hommes-femmes doit être respectée dans l’attribution des sièges.
C’est le préfet de région qui fixe le nombre de membres de cette instance et qui les nomme pour une durée de trois ans renouvelables. Au plus, cinq membres observateurs peuvent être nommés pour assister aux réunions de l’instance paritaire régionale.
Modification de la composition du conseil d’administration de l’Anact
Le décret modifie aussi la composition du conseil d’administration de l’Anact. Il comprend désormais 11 représentants des employeurs (et non plus 9), 11 représentants des organisations syndicales de salariés (et non plus 9), 7 représentants de l’Etat (et non plus 6) et 4 personnes qualifiées en matière de conditions de travail (et non plus 3).
A titre consultatif, assistent désormais au conseil d’administration de l’Anact deux représentants du personnel de l’Agence élus selon les modalités définies par le règlement intérieur de l’Agence.
De plus, le conseil d’administration de l’Anact fixe les relations entre l’Agence, ses directions régionales et les instances paritaires régionales.
Revue des attributions du directeur général de l’Anact
Des éléments sont apportés à la fonction du directeur général de l’Anact. En effet, il est ordonnateur principal des dépenses et des recettes. Il peut désigner des ordonnateurs secondaires parmi les directeurs régionaux.
Il peut également décider la création de régies de recettes et d’avances après avis conforme de l’agent comptable auprès des directeurs régionaux.
Il assure le pilotage des directions régionales dans le respect des attributions exercées par l’instance paritaire régionale. Enfin, il peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité.
Laura Guegan
Loi Santé au travail : un décret précise les nouveaux moyens d’action de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail
Un décret publié au JO du 27 avril 2022 apporte des précisions concernant notamment le suivi médical des salariés par les professionnels de santé, le rendez-vous de liaison et les modalités de recours à la télésanté au travail.
Pris en application de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, le décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 apporte des précisions attendues par les professionnels au sujet de la médecine du travail.
Missions déléguées par le médecin du travail
Le médecin du travail, qui assure en principe personnellement l’ensemble de ses fonctions (article R.4623-14 alinéa 1 du code du travail), peut toutefois confier certaines de ses missions à des membres de l’équipe pluridisciplinaire (article R.4623-14 alinéa 2 du code du travail).
La nature et les modalités de leur délégation – prévues au second alinéa de l’article R.4623-14 du code du travail – ont été intégralement réécrites par l’article 1 du décret.
Délégation aux collaborateurs médecins et aux internes en médecine du travail
Le médecin du travail pouvait déjà confier au collaborateur médecin la réalisation des visites et examens relatifs au suivi individuel de l’état de santé du salarié dans le cadre d’un protocole écrit (article R.4623-25-1 du code du travail). De son côté, l’interne en médecine du travail, s’il ne pouvait pas se voir confier de missions par le médecin du travail, pouvait en revanche exercer la médecine du travail en remplacement d’un médecin du travail temporairement absent ou dans l’attente de sa prise de fonction (article R.4623-28 du code du travail).
Le décret précise que le médecin du travail peut désormais confier aux internes en médecine du travail également, les visites et examens relevant du suivi individuel des travailleurs.
Délégation aux infirmiers de santé au travail
L’infirmier de santé au travail pouvait déjà se voir déléguer la réalisation de la visite d’information et de prévention d’embauche et périodique par le médecin du travail (article R. 4624-10 du code du travail).
Il peut désormais se voir confier, plus généralement, par le médecin du travail dans le cadre de protocoles écrits, la réalisation de l’ensemble des visites et examens médicaux, à l’exclusion de l’examen médical d’aptitude et de son renouvellement et de la visite médicale post-exposition, sous les réserves suivantes :
- ne peuvent être émis que par le médecin du travail les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale ;
- lorsqu’il l’estime nécessaire pour tout motif, ou lorsque le protocole le prévoit, l’infirmier oriente, sans délai, le travailleur vers le médecin du travail qui réalise alors la visite ou l’examen.
Délégation aux membres de l’équipe pluridisciplinaire
Le décret précise également que le médecin du travail, qui peut confier des missions aux personnels concourant au SPST ou aux membres de l’équipe pluridisciplinaire lorsqu’elle a été mise en place, ne peut pas, en revanche, leur confier la réalisation des visites et examens médicaux précités.
Ceux-ci ne peuvent être confiés qu’à un infirmier en santé au travail.
Modalités de la délégation
Les missions déléguées aux infirmiers de santé au travail ou aux autres membres des SPST (services de prévention et de santé au travail) doivent être :
- réalisées sous la responsabilité du médecin du travail ;
- adaptées à la formation et aux compétences des professionnels auxquels elles sont confiées ;
- exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé ;
- mises en œuvre dans le respect du projet de service pluriannuel lorsque les missions sont confiées aux membres de l’équipe pluridisciplinaire.
Recrutement et formation des infirmiers de santé au travail
La loi pour renforcer la prévention en santé au travail a reconnu un statut propre à l’infirmier de santé au travail et a prévu les grandes lignes de sa formation. Il doit être “diplômé d’État” ou disposer “de l’autorisation d’exercer sans limitation” et détenir une “formation spécifique en santé au travail”, à charge pour l’employeur de faire en sorte qu’il en suive une dans un délai de 12 mois à compter de son recrutement dès lors que cela n’aurait pas été le cas au préalable (article L.4623-10 nouveau du code du travail).
Le décret supprime l’article R.4623-29 du code du travail concernant la formation spécifique des infirmiers qui n’était plus pertinent.
Un nouveau décret, qui n’est pas encore paru à ce jour, devra définir la formation spécifique de l’infirmier en santé au travail et notamment les domaines d’intervention en pratique avancée de l’infirmier en santé au travail.
Le décret supprime également l’article R.4623-35 du code du travail qui prévoyait que l’infirmier en santé au travail des SPSTI devait être recruté après avis du médecin du travail.
Entretien infirmier
L’entretien infirmier, qui pouvait être mis en place à l’initiative du médecin du travail dans le cadre du protocole écrit prévu à l’article R.4623-14 du code du travail, peut désormais être mis en place par l’infirmier en accord avec celui-ci (article R.4623-31 du code du travail).
Le décret supprime par ailleurs la possibilité pour l’infirmier d’effectuer des examens complémentaires dans la mesure où celui-ci se voit désormais confier la possibilité de réaliser des visites et examens médicaux (article R.4623-31 du code du travail).
Suivi médical “adapté” des femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes
Le décret allège le suivi médical des femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes. Il supprime la visite médicale obligatoire de ces salariées auprès d’un médecin du travail à l’issue d’une visite d’information et de prévention qui n’avait pas été réalisée par un médecin du travail.
Elles conservent la possibilité d’être orientée, à tout moment si elle le souhaite, vers un médecin du travail (article R.4624-19 du code du travail).
Rendez-vous de liaison
Le rendez-vous de liaison, mis en place par la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, peut être proposé aux salariés dont l’arrêt de travail a débuté à compter du 31 mars 2022. Lorsque la durée de l’absence au travail du salarié est supérieure à une durée de 30 jours, un tel rendez-vous peut être organisé pendant l’arrêt de travail entre le salarié et l’employeur. Il est précisé que ce rendez-vous doit également associer le SPST (article L.1226-1-3 du code du travail).
L’article 2 du décret précise, a minima, les contours de cette participation : “Les personnels des services de prévention et de santé au travail chargés de la prévention des risques professionnels ou du suivi individuel de l’état de santé” participent “en tant que de besoin” au rendez-vous de liaison (article R.4624-33-1 du code du travail).
► La présence d’un personnel du SPST au rendez-vous de liaison ne serait donc pas obligatoire.
Télésanté
La loi pour renforcer la prévention en santé au travail a autorisé les professionnels de santé au travail chargés du suivi individuel de l’état de santé du travailleur à recourir, pour l’exercice de leurs missions, à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication (article L.4624-1 du code du travail).
Le décret précise les conditions et les modalités de ce recours dans un nouveau paragraphe de la sous-section relative au déroulement des visites et examens médicaux du code du travail.
Initiative du recours à la télésanté
Les visites et examens réalisés dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé du travailleur peuvent être effectués à distance, par vidéotransmission, par les professionnels de santé concernés (médecin du travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail et infirmier en santé au travail) à leur initiative ou à celle du travailleur (article R.4624-41-1 du code du travail).
Avis sur le recours à la télésanté par le professionnel de santé
La pertinence de la réalisation à distance d’une visite, y compris lorsqu’elle est sollicitée par le travailleur, est appréciée par le professionnel de santé en charge du suivi de l’état de santé du travailleur. Si le professionnel de santé constate au cours d’une visite ou d’un examen réalisé à distance qu’une consultation physique avec le travailleur ou qu’un équipement spécifique non disponible auprès du travailleur est nécessaire, une nouvelle visite est programmée en présence de ce dernier dans les meilleurs délais et, le cas échéant, dans les délais prévus pour l’intervention des actes de suivi individuel de l’état de santé (article R.4624-41-2 du code du travail).
Consentement du travailleur
Chaque visite ou examen effectué à distance doit être réalisé dans des conditions garantissant :
- le consentement du travailleur à la réalisation de l’acte par vidéotransmission ;
- le cas échéant, le consentement du travailleur à ce que participe à cette visite ou à cet examen son médecin traitant ou un professionnel de santé de son choix et l’information du travailleur des conditions dans lesquelles cette participation est prise en charge par l’assurance maladie.
Le consentement préalable du travailleur est recueilli par tout moyen et consigné au sein de son dossier médical en santé au travail.
Si le travailleur ne consent pas à la réalisation à distance de la visite ou de l’examen, une consultation physique est programmée dans les meilleurs délais et, le cas échéant, dans les délais prévus pour l’intervention des actes de suivi individuel de l’état de santé (article R.4624-41-3 du code du travail).
Mise à disposition du salarié d’un local adapté
Lorsque la visite ou l’examen en vidéotransmission est réalisé sur le lieu de travail, l’employeur doit mettre, si nécessaire, à disposition du travailleur un local adapté (article R.4624-41-4 du code du travail).
Mise en œuvre de la télésanté
Le professionnel de santé doit s’assurer que la visite ou l’examen en vidéotransmission peut être réalisé dans des conditions sonores et visuelles satisfaisantes et de nature à garantir la confidentialité des échanges.
Les SPST doivent s’assurer que les professionnels de santé qui ont recours aux dispositifs de télésanté disposent de la formation et des compétences techniques requises (article R.4624-41-4 du code du travail).
► Dans les SPST interentreprises, le recours aux visites ou examens à distance doit être réalisé dans le respect du projet de service pluriannuel (article R.4624-41-5 du code du travail).
Tarifs
Les tarifs et les modes de rémunération du médecin traitant ou du professionnel de santé choisi par le travailleur pour participer à la visite ou à l’examen réalisé à distance, ainsi que les modalités de prise en charge par l’assurance maladie de ces prestations, sont ceux appliqués par le code de la sécurité sociale aux actes de télémédecine ou aux activités de télé soin réalisés par ces professionnels.
► Pour rappel, le professionnel de santé recourant aux technologies de l’information et de la communication pour le suivi individuel du travailleur peut proposer à ce dernier, s’il considère que son état de santé ou les risques professionnels auxquels celui-ci est exposé le justifient, que son médecin traitant ou un professionnel de santé choisi par le travailleur participe à la consultation ou à l’entretien à distance (article L.4624-1 du code du travail).
Entrée en vigueur
Ces mesures entrent en vigueur au lendemain de la publication du décret, soit le 28 avril 2022.
Ouriel Atlan
Sous-traitants, prestataires et travailleurs indépendants : quelle prévention et quel suivi de l’état de santé ?
Un décret d’application de la loi santé au travail du 2 août 2021 précise la mise en œuvre de l’affiliation des travailleurs indépendants au service de prévention et de santé au travail (SPSTI) de leur choix. Le texte indique aussi comment s’organise la prévention des risques professionnels pour les salariés des entreprises extérieures.
Les services de prévention et de santé au travail (SPST) étendent et améliorent le suivi des travailleurs intérimaires, des sous-traitants, des indépendants et des chefs d’entreprises, est-il prévu à l’article 23 de la loi santé au travail du 2 août 2021. Cela nécessitait, pour les sous-traitants et les indépendants, un décret d’application. Ce texte vient de paraître : c’est le décret n° 2022-681 du 26 avril 2022.
Prestataires et sous-traitants : suivi et prévention
La partie réglementaire du code du travail prévoit un chapitre sur le suivi de l’état de santé de « catégories particulières de travailleurs ». Cela concerne notamment les « travailleurs des entreprises extérieures », c’est-à-dire les sous-traitants et prestataires. La loi santé au travail a prévu, à l’article L. 4622-5-1, que le service de santé au travail autonome d’une entreprise peut assurer le suivi des sous-traitants – qu’ils soient salariés ou non – qui exercent leur activité sur le site de l’entreprise. Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service autonome et le service dont relèvent ces travailleurs. Il n’y avait pas besoin de texte d’application supplémentaire.
Cette même convention doit aussi prévoir comment les deux services organisent, « conjointement », la prévention des risques professionnels dont doivent bénéficier les sous-traitants. Il s’agit d’une partie des missions dévolues aux services de santé au travail par l’article L. 4622-2 du code du travail. Précisément :
- « Condui[re] les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel » ;
- « Apport[er] leur aide à l’entreprise, de manière pluridisciplinaire, pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels » ;
- « Conseill[er] les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer la qualité de vie et des conditions de travail, en tenant compte le cas échéant de l’impact du télétravail sur la santé et l’organisation du travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral, de prévenir ou de réduire les effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs » ;
- « Particip[er] au suivi et contribu[er] à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire » ;
- « Particip[er] à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination et de dépistage, des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive et des actions d’information et de sensibilisation aux situations de handicap au travail, dans le cadre de la stratégie nationale de santé prévue à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique ».
Prestataires et sous-traitants : quelles conditions pour bénéficier de la prévention ?
Il restait à définir quels sont précisément les salariés des entreprises extérieures concernés par ces 5 types d’actions de prévention. C’est ce que fait le décret du 26 avril, ajoutant l’article D. 4625-34-1 à la partie réglementaire du code du travail.
Les salariés sous-traitants devront être pris en compte dans les missions de prévention des SPST « dès lors que [leur] intervention au sein de l’entreprise revêt un caractère permanent ». Mais aussi lorsque « deux conditions cumulatives » sont remplies : la première concernant le volume du temps de travail, la seconde l’exposition à des risques particuliers.
Première condition : l’intervention à réaliser « représente un nombre total d’heures de travail prévisible égal à au moins 400 heures sur une période inférieure ou égale à douze mois ». « Il en est de même, précise le décret, dès lors qu’il apparaît, en cours d’exécution des travaux, que le nombre d’heures de travail doit atteindre 400 heures. » Les interventions des entreprises sous-traitantes des entreprises extérieures (autrement dit la sous-traitance en cascade) entrent aussi dans le décompte.
Seconde condition : l’intervention relève du travail de nuit (au sens de l’article L. 3122-5) ou « expose le travailleur à des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail » selon la liste des postes à risque définie à l’article R. 4624-23 (amiante, plomb, agents CMR, agents biologiques des groupes 3 et 4, rayonnements ionisants, risque hyperbare, risque de chutes de hauteur sur les échafaudages, ainsi que les postes avec examen d’aptitude et ceux éventuellement ajoutés par l’employeur).
Et les intérimaires ? |
La loi du 2 août 2021 a prévu que les intérimaires puissent être suivis par le SAPST (service autonome de prévention et de santé au travail) : « lorsque l’entreprise utilisatrice dispose de son propre service de prévention et de santé au travail, les salariés peuvent être suivis par celui-ci, dans le cadre d’une convention conclue avec l’entreprise de travail temporaire » (article L. 1251-22). Ce point est en vigueur depuis le 31 mars 2022 et ne nécessite pas de texte d’application. En revanche, le décret n° 2022-681 du 26 avril ouvre la voie à une expérimentation de prévention collective pour les intérimaires. Nous préciserons ce point dans un prochain article. |
Pour les indépendants : une offre « spécifique »
Nouveauté importante de la loi santé au travail : les travailleurs indépendants « peuvent s’affilier au service de prévention et de santé au travail interentreprises de leur choix » (article L. 4621-3). Ils doivent pouvoir bénéficier « d’une offre spécifique de services en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle ».
Le décret du 26 avril précise les modalités de cette affiliation : elle devra être au minimum d’un an et ne pourra pas être renouvelée tacitement (article D. 4622-27-3).
Le texte oblige aussi chaque SPSTI (service de prévention et de santé au travail interentreprises) à proposer une offre « spécifique » et adaptée (D. 4622-27-1). L’offre et sa grille tarifaire devront être « rendus publics par tout moyen » (D. 4622-27-2).
Et le chef d’entreprise ? |
Pour rappel, le chef d’entreprise peut aussi, désormais, « bénéficier de l’offre de services proposée [à ses] salariés » par le SPSTI auquel adhère son entreprise. C’est l’article L. 4621-4, créé par la loi santé au travail, en vigueur depuis le 31 mars 2022, et ne nécessitant pas de texte d’application. |
En lien avec le décret sur l’offre socle |
Concernant les travailleurs indépendants, le décret n° 2022-681 du 26 avril fait écho à un autre texte publié un jour plus tôt : le décret sur l’offre socle que doivent fournir les SPSTI. L’offre socle a été définie par les partenaires sociaux et validée par le gouvernement, avec une subtilité : le gouvernement indiquait ne pas valider – entre autres – la partie concernant justement l’offre spécifique pour les travailleurs indépendants, car cela ne relevait pas des précisions exigées des partenaires sociaux. C’est cependant instructif quant à la façon dont les SPSTI devraient développer cette offre, en s’appuyant sur une partie de l’offre socle et « en prenant en compte les spécificités attachées au travail indépendant », écrivent les partenaires sociaux. Ils notent qu’il « sera nécessaire de laisser le temps de faire émerger de nouvelles bonnes pratiques » et qu’il « faudra prévoir à ce titre une évaluation à mi-parcours des mesures à destination des travailleurs indépendants […] afin de tenir compte des effets […] sur l’offre socle ». |
Élodie Touret
Les intérimaires vont pouvoir faire l’expérience de la “prévention collective”
La loi santé au travail a prévu que les services de prévention de la santé au travail (SPST) puissent développer des actions de prévention collective à destination des intérimaires. Une expérimentation qui doit durer 3 ans et être évaluée. Un décret apporte quelques précisions, mais le contenu concret de ces actions reste pour l’instant assez flou.
Prism’emploi milite depuis plusieurs années pour que la VIP (visite d’information et de prévention) individuelle des intérimaires soit remplacée par une visite collective. Elle serait organisée « par métier ou par secteur », expliquait en mars 2020 Isabelle Eynaud-Chevalier, délégué générale de l’organisation professionnelle patronale de la branche du travail temporaire, décrivant une « démarche “en entonnoir” [qui] permettrait de mieux repérer les problèmes médicaux ». Elle défendait aussi, l’an dernier, une « aptitude à l’emploi et pas uniquement au poste de travail » avec la création d’un « serveur national des aptitudes pour les salariés intérimaires » afin d’éviter de « faire repasser des visites inutiles ».
Rien de tout cela n’a été retenu dans la loi santé au travail du 2 août 2020, notamment parce que tant les partenaires sociaux que les parlementaires, y sont opposés. En revanche, la loi (article 24) a officialisé la possibilité d’expérimenter, durant 3 ans, des « actions de prévention collective à destination des salariés d’entreprises de travail temporaire afin de prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés ». Elles peuvent être organisées par l’équipe médicale du SPST (médecin du travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail, infirmier en santé au travail), si besoin « en lien avec des intervenants extérieurs qualifiés ».
Le décret n° 2022-681 du 26 avril 2022 précise le cadre de cette expérimentation, et de son évaluation.
Pour les « mêmes risques professionnels »
Les intérimaires peuvent bénéficier de l’action de prévention collective organisée par le SPST (service de prévention et de santé au travail) « avant leur affectation au poste ou en cours de mission, lorsqu’ils sont exposés aux mêmes risques professionnels ». Sous-entendu : les « mêmes risques » que leurs collègues non intérimaires, nous confirme le secrétariat d’État en charge de la santé au travail.
« L’objectif poursuivi est de faire bénéficier les travailleurs temporaires d’action de prévention collective menée par le SPST de l’entreprise utilisatrice auprès des salariés de cette entreprise. Il convient donc que ce soit les “mêmes risques” », nous précise encore le secrétariat d’État. La typologie des risques n’a pas davantage été précisée pour ne pas brider les projets.
Un cahier des charges arrêté par le ministre en charge de la santé au travail devra encore préciser les modalités de l’expérimentation.
Dans le plan pour la prévention des accidents graves et mortels
L’expérimentation a aussi été reprise dans le « plan pour la prévention des accidents graves et mortels » présenté le 14 mars 2022. Il s’agit d’une des deux mesures qui doivent « sécuriser la prise de poste des travailleurs précaires ».
« Il pourra notamment s’agir de faire connaître les outils existants spécialement dédiés aux intérimaires », est-il indiqué dans le plan. Il y est uniquement fait la promotion des services du Fasst (fonds d’action social du travail temporaire), qui propose une aide « SOS accident du travail » et le portail d’information « santé-sécurité-intérim », ainsi que du service de téléconsultation offert par la mutuelle Intérimaires Santé à ses assurés. Association à but non lucratif, le Fasst est financé par les employeurs de la branche. Les partenaires sociaux participent à sa gestion.
Conventions, remontées d’infos et évaluation
Dans chaque région, les SPST prêts à tenter l’expérience devront conclure une convention avec l’autorité administrative compétente et le CRPST (comité régional de prévention et de santé au travail) devra en être informé. Le décret précise que, « si elles en font la demande », les organisations patronales et syndicales représentatives de la branche « peuvent être parties à ces conventions ».
Les conventions devront prévoir des indicateurs. Chaque année, les régions feront remonter « une description qualitative et quantitative des actions réalisées et des moyens mis en œuvre ». Ce qui permettra d’établir les « bilans annuels ». Et, in fine, le rapport d’évaluation que le ministre chargé de la santé au travail devra remettre au Parlement.
Élodie Touret
Bien-être mental : l’entreprise attendue au tournant
Selon une étude de la mutuelle Alan, réalisée par Harris Interactive et publiée hier, un salarié sur deux éprouve une difficulté psychologique. Chez les jeunes actifs de 18 à 24 ans, ce chiffre monte à six salariés sur dix, dont 23 % déclarent se sentir “très mal”.
Les causes sont multiples : forte pression face à la charge de travail, fatigue, difficulté à se déconnecter du travail mais aussi manque de reconnaissance de la hiérarchie et difficulté à maintenir un équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Or, l’entreprise tarde à passer à l’acte : six salariés sur dix estiment que leur employeur ne met pas en place de solutions pour améliorer leur condition psychologique. Ce qu’ils attendent ? La mise en place de campagne de sensibilisation sur le bien-être mental par des professionnels de santé ; des actions concrètes pour se sentir mieux sur leur lieu de travail (espaces de détente, activités conviviales) mais aussi des formations et des outils pour mieux réagir aux difficultés psychologiques (désignation d’un référent, plateforme mettant en relation des experts de la santé mentale) …
actuEL CE