“La sédentarité est la première cause de mortalité évitable dans les pays développés”
26/10/2021
Les problèmes de santé liés à une position assise sans interruption sont spécifiques aux situations de travail et ne sont pas compensés pas le sport, explique Frédéric Dutheil, chef du service Santé au travail du CHU de Clermont-Ferrand et chercheur au CNRS, spécialiste des questions de sédentarité qu’il souhaiterait voir mieux prises en compte. Interview.
De quoi parle-t-on quand on évoque la sédentarité ?
Frédéric Dutheil : Selon la définition scientifique internationale, la sédentarité c’est toute position assise ou allongée, sans dormir, avec une dépense énergétique inférieure à 1,5 MET (metabolic equivalent of task), le MET étant l’unité de mesure de l’activité physique. Pour faire simple, c’est rester assis ou allongé sans dormir, sans faire d’activité physique. Or, les études au niveau international ont montré que nous ne sommes sédentaires que dans la vie professionnelle, c’est un risque professionnel.
Lorsqu’on travaille, il y a très peu d’interruptions de sédentarité
Pour ces études, on a fait porter des actimètres à des cohortes de travailleurs en continu pendant une semaine. Les résultats sont sans équivoque : nous ne sommes pas sédentaires dans notre vie de loisirs, il y a toujours des interruptions de sédentarité. Même quand vous regardez la télé, vous vous levez pour ouvrir la porte au chat ou pour lui donner du lait, pour vous laver les dents ou boire un verre d’eau. Le travail est la seule condition où il n’y a pas ou très peu d’interruptions de sédentarité. Beaucoup de salariés restent assis plusieurs heures de suite pendant leur journée de travail et certains mangent même devant leur ordinateur pour rendre un travail urgent.
Quels problèmes de santé pose le fait de rester assis trop longtemps sans interruption ?
La sédentarité est la première cause de mortalité évitable dans les pays développés, elle est passée devant le tabac en 2012.
La sédentarité modifie le cycle du cholestérol
Concrètement, elle modifie le cycle du cholestérol, provoquant un relargage de cholestérol plus important qui va boucher les petites artères du cerveau et du cœur, d’où des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus du myocarde, des problèmes de cécité. La sédentarité crée aussi une inflammation chronique de l’organisme – la balance pro- et anti-inflammatoire est dérégulée – ce qui peut produire de l’hypertension artérielle, fragiliser les artères et majorer le risque d’infarctus.
Le sport à côté du travail peut-il compenser la sédentarité ?
Non, car la sédentarité n’est pas l’inactivité physique, ce sont deux notions différentes. L’inactivité consiste à faire moins que les 30 minutes d’activité physique par jour recommandées par l’Organisation mondiale de la santé. La sédentarité, c’est rester assis ou allongé sans production de mouvement. Ce sont deux risques totalement indépendants. Vous pouvez très bien passer votre journée au travail assis pendant 8 ou 9 heures et aller faire un marathon le soir, ce que font beaucoup de cadres.
Faire du sport le soir, c’est bien, mais ça ne compense pas la sédentarité de la journée
La journée, ils travaillent principalement sur informatique et n’interrompent pas leur sédentarité, le soir ils font un footing pour se défouler en pensant que c’est bon pour leur santé. Oui, c’est bon, mais cela ne compense pas leur sédentarité de la journée. Les études montrent qu’une personne qui reste assise plus de 6 heures par jour mais qui court tous les jours a exactement la même mortalité qu’une personne qui reste assise moins de 3 heures par jour mais ne fait pas d’activité physique. Cela peut paraître surprenant, mais l’homo erectus n’est pas fait pour être assis, il est fait pour être debout. Le point positif, c’est qu’il est très facile de changer les comportements quand on comprend la nocivité de la sédentarité.
Qu’est-ce qu’on peut préconiser aux entreprises et aux salariés qui travaillent assis la plupart du temps ?
Ce qui est primordial, c’est que les gens soient informés et comprennent la pathologie. Nous en sommes au tout début des études interventionnelles, les premières datent de 2016. La seule étude qui a été faite a comparé deux groupes d’individus. Les premiers restaient assis pendant 8 heures sans interruption. Les autres se levaient 5 minutes toutes les 30 minutes, sans même marcher, ils restaient juste debout.
Il faut se lever le plus fréquemment possible
Le résultat est que ceux qui se levaient présentaient une glycémie inférieure de 34 % par rapport aux autres, et une sécrétion d’insuline inférieure de 38 %. De plus, ces effets bénéfiques perduraient puisque 24 heures plus tard, on observait toujours une différence importante entre les deux groupes, alors que certains avaient fait du sport entre-temps et d’autres pas. Mais comme c’est la seule étude dont nous disposons, on ne peut pas donner de recommandations plus précises sur la fréquence et la durée des interruptions de sédentarité. Le conseil à donner, c’est de se lever le plus fréquemment possible. La sédentarité est un risque qui n’est absolument pas pris en compte. Quand on aura compris son importance, on trouvera des solutions. Dans les bureaux, on peut supprimer les imprimantes individuelles pour obliger les gens à bouger, ou installer des bureaux modulables en hauteur. En Australie où j’ai longtemps travaillé, ce type de bureaux est la norme. La doyenne d’une des premières universités du pays m’a reçue avec son bureau modulable en position debout. C’est impensable en France. Evidemment, il n’est pas question de rester debout pendant 8 heures car cela pose d’autres problèmes. L’être humain a besoin de variété, de changements de mouvements, de tâches, de positions.
Fanny Doumayrou
Conduites addictives au travail : la Mildeca propose aux employeurs de s’engager dans la charte de prévention Esper
27/10/2021
Il faut « briser les tabous et mobiliser tous les acteurs du milieu professionnel pour la prévention des conduites addictives », plaide la Mildeca (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives). Elle lance, le 21 octobre 2021, le dispositif Esper (pour « entreprises et services publics s’engagent résolument ») avec une vingtaine de partenaires à ses côtés, dont l’Anact, l’OPPBTP, SPF (Santé publique France), des Carsat, et plusieurs services de santé au travail interentreprises.
Les entreprises ou administrations peuvent, en tant qu’employeur, s’engager dans une démarche de prévention en signant la charte Esper. Les signataires « s’inscrivent dans une démarche de promotion de la santé de leurs collaborateurs pour l’amélioration de la qualité de vie au travail au sein de leur entité », expose la Mildeca.
La charte se structure autour de quatre engagements :
- Définir un projet global de prévention des conduites addictives dans le cadre de la promotion de la santé au travail ;
- Instaurer le dialogue et créer un climat de confiance ;
- Mettre en œuvre une démarche de prévention non-stigmatisante, respectant la dignité des personnes ;
- Accompagner les travailleurs vulnérables et prévenir la désinsertion professionnelle.
L’idée est de constituer un réseau, qui aura accès à des outils développés par la Mildeca et ses partenaires, et qu’elle animera afin de partager les bonnes pratiques et de faire émerger des initiatives et démarches innovantes. Un projet de SPF concernant le tabagisme est par exemple déjà dans les tuyaux.
actuEL CE
La crise sanitaire a entraîné une baisse des accidents du travail
28/10/2021
Les confinements liés à la crise sanitaire ont eu un impact significatif sur les accidents du travail. Ainsi, le nombre d’accidents du travail reconnus a diminué de 17,7 % par rapport à 2019, avec 539 833 accidents du travail (contre 655 715 en 2019). “Cette diminution correspond aux deux périodes de confinement de l’année 2020 et concerne la grande majorité des secteurs. A contrario, les métiers de l’ambulance, les centrales d’achat ou la vente à distance, très sollicités pendant la crise, ont vu leur activité et leur sinistralité augmenter”, note l’Assurance-maladie dans un communiqué publié hier.
Les accidents de trajet ont eu diminué de 19,7 % par rapport à 2019, avec 79 428 accidents.
Les maladies professionnelles enregistrent quant à elles un recul d’environ 19 % entre 2019 et 2020 (40 219 cas reconnus contre 49 505 en 2019). Les troubles musculo-squelettiques demeurent à l’origine de 87 % des maladies professionnelles. Bien qu’ils soient à effet différé, les cancers d’origine professionnelle sont également en recul de 14%. L’évolution des affections psychiques reconnues poursuit sa hausse observée ces dernières années avec 1 441 maladies professionnelles prises en charge par l’Assurance maladie.
actuEL CE