Les critères de délivrance de l’agrément des services de santé au travail sont fixés
Un décret pris pour l’application de la loi du 2 août 2021 réformant la santé au travail définit les critères de délivrance de l’agrément des services de santé au travail, notamment en fonction d’un cahier des charges dont il fixe le contenu. Il détermine également la liste des documents et rapports d’activité établis par le service de santé, et leurs modalités de publication.
Sauf avis contraire du Dreets (directeur régional de de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), un service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) ne peut pas s’opposer à l’adhésion d’une entreprise relevant de sa compétence, qui est définie en fonction d’un critère géographique, professionnel ou interprofessionnel. Les critères de la compétence géographique sont précisés.
Relève en effet de la compétence géographique du SPSTI l’entreprise située dans la région où il dispose d’un agrément si (article D.4622-21 modifié du code du travail) :
- son adhésion ne remet pas en cause la couverture effective des besoins en médecine du travail des secteurs pour lesquels le service est agréé ;
- le service garantit un accès de proximité pour chaque travailleur (accès à un centre fixe ou mobile).
Agrément du SPST
Chaque SPSTI doit faire l’objet d’un agrément, délivré pour une durée de cinq ans par la Dreets. Cet agrément ne peut être refusé que pour des motifs tirés de la non-conformité aux prescriptions du code du travail, notamment celles du cahier des charges national (article D.4622-49 modifié du code du travail).
Cahier des charges de l’agrément
Le code du travail fixe désormais le contenu du cahier des charges national de l’agrément du SPSTI, qui comprend une liste détaillée de critères, non reproduits ici, relatifs notamment à (article D.4622-49-1, I nouveau du code du travail) :
- la gouvernance et le pilotage du service ;
- la qualité de l’offre de services ;
- la contribution à la mise en œuvre de la politique de santé au travail ;
- la mise en œuvre de la pluridisciplinarité ;
- la couverture des besoins des entreprises et de l’ensemble des secteurs adhérents au service.
Pour les services de prévention et de santé au travail autonomes, seuls certains de ces critères sont applicables (article D.4622-49-1, II nouveau du code du travail).
Contrôle du Dreets
Lorsque le Dreets constate que les conditions de fonctionnement du service de prévention et de santé au travail ne sont pas conformes aux prescriptions du code du travail, et notamment celles du cahier des charges national de l’agrément, il peut, après avis du médecin inspecteur du travail :
- au moment de la demande d’agrément, délivrer celui-ci pour une durée de deux ans non renouvelable (au lieu de cinq ans), sous réserve d’un engagement de mise en conformité du SPST ;
- en cours d’agrément, mettre fin à celui-ci ou en réduire la durée, après avoir invité le SPST à se mettre en conformité, par tout moyen permettant de conférer date certaine à sa demande, dans un délai maximal de six mois.
Le président du SPST doit informer chaque entreprise adhérente dès réception de cette décision (article D.4622-51 modifié du code du travail).
Documents et rapports
Documents rendus publics
Le SPSTI doit communiquer à ses adhérents ainsi qu’au comité régional de prévention et de santé au travail, et rendre publics, son offre de services socles et complémentaires, sa grille tarifaire ainsi que les documents suivants (article D.4622-47-1 nouveau du code du travail) :
- les résultats de la dernière certification du service ;
- le projet de service pluriannuel ;
- l’offre de services spécifique à destination des travailleurs indépendants.
Ces documents sont transmis par tout moyen aux adhérents et au comité régional de prévention et de santé au travail et publiés sur le site internet du SPSTI, au plus tard à la fin de l’année à laquelle ils ont été établis (article D .4622-47-2 nouveau du code du travail).
Rapport annuel d’activité
Le rapport annuel d’activité du SPSTI était auparavant présenté soit au CSE des entreprises adhérentes, soit au CSE interentreprises, ou au conseil d’administration et à la commission de contrôle, au plus tard à la fin du 4e mois qui suit l’année pour laquelle il a été établi.
Désormais, ce rapport est présenté soit au CSE interentreprises, soit à la commission de contrôle et au conseil d’administration, après avis de la commission médico-technique, puis aux entreprises adhérentes. Le CSE des entreprises adhérentes n’a plus accès au rapport. Seules lui sont transmises les données d’activité propres à une entreprise ou à un établissement de plus de 300 salariés. Le CSE des entreprises et établissements de 300 salariés et moins peut obtenir ces données s’il en fait la demande (article D.4622–54 modifié du code du travail).
Dans les services autonomes, comme auparavant, l’employeur établit un rapport et le présente au CSE au plus tard à la fin du 4e mois qui suit l’année pour laquelle il a été établi (article D.4622-55 du code du travail).
Autres rapports
Un rapport comptable d’entreprise, certifié par un commissaire aux comptes, est, comme auparavant, versé en complément de ces rapports avant la fin du premier semestre (article D.4622-56 du code du travail).
S’agissant des salariés éloignés, le médecin du travail du service de prévention et de santé au travail principal devait jusqu’à présent élaborer un rapport annuel propre à l’entreprise. Cette obligation est supprimée (article D.4625-31 abrogé du code du travail).
Transmission de données à l’administration
Les services de prévention et de santé au travail interentreprises et autonomes transmettent par voie dématérialisée les données relatives à leur activité et à leur gestion financière et toute autre information demandée par le Dreets dans les délais fixés par celui-ci.
Elles concernent l’organisation et le fonctionnement des services de prévention et de santé au travail notamment (article D.4622-57 du code du travail) :
- les ressources et les outils utilisés, notamment une adresse électronique à jour pour faciliter la transmission des données ;
- la réalisation des actions figurant dans le cadre du projet pluriannuel de service et notamment, pour les services de prévention et de santé interentreprises, la réalisation de l’offre socle de services ;
- pour les SPSTI, les données relatives à la gestion financière du service permettant notamment de calculer le coût moyen national de l’offre socle ;
- toute autre information relative à la contribution des services de prévention et de santé au travail à la mise en œuvre de la politique de santé au travail.
Un rapport de synthèse annuel relatif à l’activité et à la gestion financière des services de prévention et de santé au travail est publié sur le site internet du ministère chargé du travail (article D.4622-58 du code du travail).
► Ces dispositions sont entrées en vigueur le 17 novembre 2022.
Laurence Méchin
Le dossier médical en santé au travail peut être mis en place
Un décret du 15 novembre 2022, pris en application de la loi du 2 août 2021 relatif à la santé au travail, précise les règles d’élaboration, d’accessibilité et de conservation du dossier médical en santé au travail.
Un décret du 15 novembre 2022 fixe les nouvelles règles concernant le dossier médical en santé au travail (DMST) : les modalités de constitution du dossier médical, son contenu, les différents accès possibles au dossier en lecture et en alimentation par les professionnels des services de santé au travail, l’information du travailleur sur son droit d’opposition à l’accès à ses données ainsi que les modalités d’échanges d’informations entre professionnels de santé.
► Le décret ajoute une nouvelle sous-section intitulée “Dossier médical en santé au travail” dans la section 2 relative au suivi individuel de l’état de santé du travailleur de la partie réglementaire du code du travail. Cette nouvelle partie précise les modalités de fonctionnement du DMST en application de la loi du 2 août 2021 relatif à la santé au travail.
Mise en place du DMST
Le DMST doit être constitué par le médecin du travail ou, le cas échéant, le collaborateur, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier, et retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis ainsi que les avis et propositions du médecin du travail.
Il est accessible au médecin praticien correspondant et aux professionnels de santé chargés d’assurer, sous l’autorité du médecin du travail, le suivi de l’état de santé d’une personne, sauf opposition de l’intéressé (article L.4624-8 du code du travail).
Le DMST doit être constitué sous format numérique sécurisé, pour chaque travailleur bénéficiant d’un suivi individuel de son état de santé dans un SPST (service de santé au travail). Le traitement de ces données est placé sous la responsabilité du SPST pour le respect des obligations légales auxquelles il est soumis, conformément au RGPD, le règlement général de protection des données (article R.4624-45-3 nouveau du code du travail).
Contenu du DMST
Le DMST doit comprendre les éléments suivants (article R.4624-45-4 nouveau du code du travail) :
- les données d’identité, incluant l’identifiant national de santé (numéro de sécurité sociale), les données médico-administratives du travailleur nécessaires à la coordination de sa prise en charge en matière de santé et, le cas échéant, les données d’identité et de contact de son médecin traitant ;
- les informations permettant de connaître les risques actuels ou passés auxquels le travailleur est ou a été exposé, notamment les informations relatives aux caractéristiques du ou des postes de travail et au secteur d’activité dans lequel il exerce, les données d’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels ou toute autre donnée d’exposition à un risque professionnel de nature à affecter l’état de santé du travailleur, ainsi que les mesures de prévention mises en place ;
- les informations relatives à l’état de santé du travailleur recueillies lors des visites et examens nécessaires au suivi individuel de son état de santé ;
- les correspondances échangées entre professionnels de santé aux fins de la coordination et de la continuité de la prise en charge du travailleur ;
- les informations formalisées concernant les attestations, avis et propositions des professionnels de santé au travail, notamment celles formulées après une visite médicale, les informations délivrées au travailleur sur les expositions professionnelles, les risques identifiés, les moyens de protection, l’existence ou l’absence d’une pathologie en lien possible avec une exposition professionnelle, ainsi que les avis médicaux ;
- la mention de l’information du travailleur sur ses droits en matière d’accès aux données le concernant et sur les conditions d’accès à son dossier médical ;
- le cas échéant, le consentement ou l’opposition du travailleur notamment lorsqu’il relève de plusieurs SPST ou cesse de relever d’un de ces services.
Alimentation du DMST
L’alimentation et la consultation du DMST peuvent être réalisées par (article R.4624-45-5 nouveau du code du travail) :
- le médecin du travail ;
- le collaborateur médecin ;
- l’interne en médecine du travail ;
- l’infirmier ;
- l’intervenant en prévention des risques professionnels et l’assistant de service de prévention et de santé au travail, sur délégation du médecin du travail et sous sa responsabilité.
L’alimentation et la consultation du DMST doivent respecter les règles de confidentialité précisées par le code de la santé publique.
Toutes les actions réalisées sur le dossier médical, quel qu’en soit l’auteur, doivent être tracées et conservées dans le dossier médical, notamment la date, l’heure, et l’identification du professionnel du service de santé au travail (article R.4624-45-5 nouveau du code du travail).
Information du droit d’opposition du salarié
Le travailleur doit être informé lors de la création de son dossier médical et lorsqu’il relève de plusieurs SPST ou cesse de relever de l’un de ces services, par tout moyen y compris dématérialisé (article R.4624-45-6 nouveau du code du travail) :
- de son droit de s’opposer à l’accès au DMST, du médecin praticien correspondant ou des professionnels chargés d’assurer, sous l’autorité du médecin du travail, le suivi de son état de santé ;
- de son droit de s’opposer à l’accès des professionnels chargés du suivi de son état de santé aux dossiers médicaux en santé au travail dont il est titulaire et qui sont détenus par d’autres services de prévention et de santé au travail.
La délivrance de ces informations et l’exercice de l’un de ces droits doivent être retracés dans le dossier médical (article R.4624-45-6 nouveau du code du travail).
Le droit d’opposition ne s’applique pas, en revanche, à la constitution et à l’alimentation du dossier médical en santé au travail (article R.4624-45-8 nouveau du code du travail).
Transmission du dossier médical
Lorsqu’un travailleur relève de plusieurs SPST ou cesse de relever d’un de ces services, le service compétent pour assurer la continuité du suivi du travailleur peut demander la transmission de son dossier médical, sauf dans le cas où le travailleur a déjà exprimé son opposition à une telle transmission (voir supra) (article R.4624-45-7 nouveau du code du travail).
Le service demandeur doit informer le travailleur et s’assurer qu’il ne s’oppose pas à une telle transmission. En l’absence d’opposition du travailleur, son dossier médical est transmis par messagerie sécurisée au service demandeur.
Dans ce cas, les informations concernant des tiers n’intervenant pas dans le suivi individuel de l’état de santé ne sont communicables que dans la mesure où elles sont strictement nécessaires à la continuité du suivi (article R.4624-45-7 nouveau du code du travail).
Communication du dossier médical au salarié
Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci toute personne qui y est autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication du DMST sous format papier ou dématérialisé.
Le travailleur peut également exercer auprès du SPST ses droits de rectification, d’effacement et de limitation prévus par le RGPD (article R.4624-45-8 nouveau du code du travail).
Conservation du dossier médical (article R.4624-45-9 du code du travail)
Les informations concernant la santé des travailleurs sont soit conservées au sein des SPST qui les ont recueillies, soit déposées par ces établissements auprès d’un organisme hébergeur.
Le SPST doit veiller à ce que toutes les dispositions soient prises pour assurer la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées.
Le DMST doit être conservé pendant une durée de 40 ans à compter de la date de la dernière visite ou examen du titulaire au sein du SPST concerné, dans la limite d’une durée de 10 ans à compter de la date du décès de la personne titulaire du dossier. Ces délais sont suspendus par l’introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale du service ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein du service.
Lorsque la durée de conservation d’un dossier médical doit s’achever avant d’autres durées plus longues mentionnées aux articles R.4412-55 (50 ans après la fin de la période d’exposition à des agents chimiques dangereux), R.4426-9 (10 ans ou 40 après la cessation de l’exposition à des agents biologiques) et R.4451-83 du code du travail (jusqu’au moment où le travailleur exposé à des rayonnements ionisants a ou aurait atteint l’âge de 75 ans et, en tout état de cause, pendant une période d’au moins 50 ans à compter de la fin de l’activité professionnelle impliquant une exposition aux rayonnements ionisants), la conservation du dossier est prorogée jusqu’aux échéances prévues par ces articles.
Suppression du dossier médical spécial
Les travailleurs susceptibles d’être exposés à des agents biologiques pathogènes ne bénéficient plus désormais d’un dossier médical spécial mentionné dans le DMST.
Ces derniers bénéficient désormais uniquement du DMST (article R.4426-8 et suivants modifiés du code du travail).
Entrée en vigueur
Ce décret entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 17 novembre 2022.
Les DMST créés à compter du 17 novembre 2022, ainsi que ceux, établis avant cette date, des travailleurs toujours suivis à cette même date par un SPST, doivent être conformes aux dispositions des articles R.4624-45-3 relatifs à la mise en place et à la sécurisation des données et R.4624-45-4 relatif au contenu du DMST dans leur rédaction issue du présent décret, au plus tard le 31 mars 2023.
Les DMST, établis avant le 17 novembre 2022, des travailleurs qui ne sont plus suivis à cette même date par un SPST restent régis par les dispositions du code du travail dans leur rédaction antérieure au présent décret, à l’exception des dispositions relatives à la communication, à l’hébergement et à la conservation des dossiers.
Ouriel Atlan