Une proposition de loi pour adapter le code du travail au réchauffement climatique
25/07/2023
Le groupe LFI (La France insoumise) de l’Assemblée nationale a déposé une proposition de loi visant à adapter le code du travail aux conséquences du réchauffement climatique.
Le texte prévoit ainsi :
d’interdire de soumettre un travailleur à une activité en cas d’activation du niveau 4 de vigilance météorologique, hors professions déterminées par décret ;
de limiter à 6 heures par jour le temps de travail en cas d’activation du niveau 3 de vigilance météorologique, hors professions déterminées par décret ;
de prévoir des temps de pause réguliers sans perte de salaire lorsque la température dépasse un certain seuil sur un lieu de travail intérieur ou extérieur ;
► En cas de température supérieure à 33° C sur un lieu de travail intérieur ou extérieur, le travailleur bénéficierait d’un temps de pause d’une durée de 20 minutes consécutives toutes les deux heures sans perte de salaire. En cas de température supérieure à 28° C sur un lieu de travail extérieur et supérieure à 30° C sur un lieu de travail intérieur, le travailleur bénéficierait d’un temps de pause d’une durée de dix minutes consécutives toutes les deux heures sans perte de salaire.
permettre à l’inspection du travail de faire procéder à des arrêts temporaires de travaux ou d’activité sur un chantier du bâtiment ou de travaux publics en cas de conditions atmosphériques présentant des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ;
élargir la récupération des heures non‑travaillées aux cas d’interruption du travail résultant de conditions atmosphériques présentant des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ;
préciser les conditions ouvrant droit à l’indemnisation des salariés du bâtiment et des travaux publics privés d’emploi du fait d’intempéries.
Source : actuel CSE
De nombreux risques pour la santé des travailleurs de nuit
26/07/2023
Le travail de nuit est l’un des facteurs du compte professionnel de prévention (C2P). Il a également fait l’objet de discussions lors des débats sur la réforme des retraites. L’occasion de faire le point.
Si l’impact du travail de nuit sur le sommeil semble évident (troubles du sommeil, sommeil de moins bonne qualité, somnolence), il n’en est pas de même pour d’autres effets moins connus. Globalement, ceux-ci sont dus aux perturbations du rythme circadien qui est une horloge biologique rythmant le cycle jour-nuit et qui agit notamment sur la prise alimentaire, les sécrétions hormonales et l’alternance de la veille et du sommeil. Ainsi, selon l’INRS (Institut national de la recherche sur la santé), “le syndrome métabolique (qui est défini comme la présence chez un même individu d’une augmentation d’au moins trois paramètres parmi les cinq suivants : le tour de taille, la pression artérielle, les triglycérides, le cholestérol et la glycémie) est un effet avéré du travail de nuit”.
Par ailleurs, le travail de nuit peut entraîner des changements comportementaux comme une augmentation de la consommation de tabac, une prise alimentaire anarchique, une inactivité par manque de temps pour pratiquer une activité physique, une consommation plus élevée de médicaments pour faciliter le sommeil ou à l’inverse rester éveillé, etc. Ces facteurs peuvent expliquer l’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et d’hypertension artérielle, provoqué également par le stress.
Il existe aussi des effets probables du travail de nuit dont des effets sur la santé psychique, ainsi que le diabète de type 2.
Enfin, le travail de nuit posté a été classé “cancérigène probable” pour l’homme (groupe 2A) par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) en 2019. Le CIRC a établi que le travail de nuit est associé au cancer du sein (étude sur la santé des infirmières “Nurses’Health Study II”) et également aux cancers de la prostate et colorectaux. Il semblerait que les rythmes circadiens déterminent entre autres le niveau de production hormonale. Or, certains cancers comme ceux du sein et de la prostate sont “hormonodépendants”, c’est-à-dire que leur développement peut être causé ou facilité par des perturbations dans la production d’hormones. En mars 2023, le cancer du sein d’une ancienne infirmière a été reconnu comme maladie professionnelle. Elle avait travaillé de nuit à l’hôpital pendant 28 ans.
Qui est concerné ?
Selon Santé Publique France, “en Europe et aux États-Unis, le travail de nuit a augmenté ces dernières décennies et concerne 19 à 25 % de l’ensemble des travailleurs”.
Dans la réglementation, le travail de nuit est défini comme un travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 h et commençant au plus tôt à 21 h et finissant au plus tard à 7 h (article L.3122-2 du code du travail). Le travail de nuit est un des facteurs à déclarer dans le C2P selon le seuil suivant (article L.4161-1 du code du travail) : 1 heure de travail en continue ou discontinue entre 24 h et 5 h, 120 nuits par an. |
Fin 2022, un article paru dans la revue BMC – Public Health a apporté pour la première fois une estimation du nombre et de la proportion de travailleurs de nuit en France, selon la profession et le secteur d’activité. Il s’appuie sur les données du recensement et les matrices emplois-expositions et il analyse l’évolution sur une période de 34 ans (de 1982 à 2015).
A noter que les matrices emplois-expositions permettent d’évaluer les expositions à différents facteurs de risques (exemples : risque chimique, contraintes posturales, RPS) à partir de la seule connaissance des emplois (profession exercée dans un secteur d’activité), sans interroger les travailleurs. Les matrices emplois-expositions sont consultables sur le portail Exp-Pro.
Le nombre de travailleurs de nuit (habituels et occasionnels) a augmenté faiblement en proportion de 1982 à 2015. Il est passé de 3,67 millions en 1982 à 4,37 millions en 2015 (15,8% vs 16,4%). Mais, alors qu’en 1982, le travail de nuit habituel représentait 24 % du travail de nuit global, en 2015 sa part avait presque doublé, atteignant 42 %.
Une autre évolution importante concerne les différences de travail de nuit entre les hommes et les femmes. Le travail de nuit était plus fréquent chez les hommes que chez les femmes (par exemple en 2015 : 22,4 % contre 10,0 %). La part des hommes qui travaillent de nuit est restée stable (environ 22 %). Par contre, cette proportion pour les femmes est passée de 7 % à 10 % sur la même période. Chez les femmes, la proportion de travail de nuit habituel a fortement augmenté entre 1982 et 2015 (+150 %), du fait du changement de la réglementation passant de 173 000 travailleuses de nuit habituelles en 1982 à 581 000 en 2015. En 2015, 1,29 million d’hommes travaillaient habituellement de nuit, dont 882 000 travailleurs dans le secteur des services (63 %) et 360 000 dans les industries manufacturières et extractives (28 %). Pour la même période, 581 000 femmes étaient des travailleuses de nuit habituelles, la plupart étant employées dans le secteur des services (90 %).
Cette évolution pose question étant donné le lien entre travail de nuit et cancer du sein. Des études supplémentaires devraient venir compléter les informations sur l’estimation de l’impact sur la santé selon les catégories d’emplois (croisement des matrices sur le travail de nuit avec les données de population des Baromètres Santé de 2020 et 2021 pour calculer la part de l’exposition au travail de nuit dans la survenue de plusieurs pathologies dont le cancer du sein).
Clémence Andrieu