Santé, sécurité et conditions de travail

Covid-19 : la CGT lance une campagne pour un meilleur accès aux soins et à la santé

29/04/2021

La CGT a choisi Montreuil et la Seine-Saint-Denis, un département pauvre très touché par la Covid-19, pour lancer sa campagne sur la santé. Dénonçant une campagne de vaccination “insuffisante” et des entreprises qui profitent de la crise et dans lesquelles le dialogue social pâtit du distanciel, le syndicat réclame la levée des brevets sur les vaccins et la fin des restructurations hospitalières.

Devant quelques dizaines de militants, place Jean Jaurès à Montreuil (Seine-Saint-Denis), avec en arrière-plan le théâtre bariolé des slogans des intermittents(“Ca n’arrive plus près de chez vous”), la CGT a lancé mercredi 28 avril une campagne nationale pour “le droit et l’accès aux soins”. Selon Catherine Ferret, de la direction confédérale de la CGT, cette campagne devrait être notamment déclinée à Lyon, contre le projet de fermeture de l’hôpital militaire, et en Franche Comté, “pour lier les questions des lits supprimés dans les hôpitaux et la suppression des emplois dans la métallurgie”.

Un département très exposé, des hôpitaux fragilisés

Si la CGT a donné le coup de départ à Montreuil, siège de la confédération, c’est d’abord parce que le département de Seine-Saint-Denis, très touché par la Covid-19, cumule, selon Hervé Ossant, secrétaire général de l’union départementale CGT, les inégalités de revenus (17,5% de la population vit sous le seuil de pauvreté), la précarité (nombreux sont les travailleurs sans papiers) et les risques d’exposition (340 000 habitants du 93 travaillent dans un autre département) mais aussi d’accès aux soins. “En pleine pandémie, les opérations de restructurations des hôpitaux se poursuivent en Ile-de-France. Alors que nous avons des hôpitaux plutôt bien répartis sur le territoire, nos capacités d’accueil sont très faibles, et la fermeture des lits continue”, affirme le syndicaliste, rejoint par une infirmière : “Le « quoi qu’il en coûte » de notre président est resté sans effet sur la situation dans notre hôpital. Nous sommes épuisés, des personnels démissionnent !” Leur objecte-t-on qu’un nouvel hôpital ouvrira dans le 93 à Saint-Ouen ? « On nous le présente comme une nouvelle implantation. Mais il va se traduire par la fermeture des hôpitaux de Bichat (Paris 18e) et Beaujon (Clichy-La-Garenne) et donc par la suppression minimum de 300 lits », répond Hervé Ossant. Ce dernier pointe également l’endettement inquiétant des hôpitaux publics : “98 millions d’euros pour l’hôpital de Montreuil, 106 millions pour celui d’Aulnay-sous-Bois !”

En 30 ans, le nombre d’établissements français fabriquant des médicaments est passé de 485 à 245 ! 

La CGT revendique un moratoire sur les opérations touchant aux hôpitaux et l’ouverture de discussions sur notre système de soins : “Nous demandons la création de centres de santé de proximité”, ajoute Hervé Ossant. Pour Manu Blanco, membre de la direction confédérale en charge des politiques de santé mais aussi de la négociation collective, également secrétaire fédéral des industries chimiques en charge de l’industrie pharmaceutique, les leçons de la crise sanitaire vécue par la France n’ont pas été tirées : “La France a quand même connu en 2020 de très nombreuses ruptures d’approvisionnement de médicaments : pas moins de 2 400, il a même fallu rationner un temps le paracétamol ! En 30 ans, le nombre d’établissements fabriquant des médicaments est passé de 485 à 245 dans notre pays”. La production est partie en Asie, avec des enjeux stratégiques (une forte dépendance envers quelques fournisseurs) mais aussi des problèmes d’approvisionnement, comme on l’a vu l’an dernier avec un manque de curare pour les anesthésies.

La levée des brevets sur les vaccins

Concernant le plan de vaccination du gouvernement, qui a rendu éligibles certains travailleurs de deuxième ligne, la CGT juge que ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu. “Il faut ouvrir le plus possible la vaccination. Nous réclamons la levée des brevets sur les vaccins afin que ceux-ci puissent être vraiment produits en France. A ce moment-là alors la vaccination par la médecine du travail serait possible”, argumente Manu Blanco.

 Dans les CSE, nos élus n’arrivent pas à faire face au travail que représente le mandat

Dans les entreprises, observe ce dernier, la Covid-19 contribue à distendre les collectifs : “Il y a un phénomène d’isolement des salariés en télétravail. Mais les salariés qui travaillent sur site ont aussi des problèmes au-delà des risques d’exposition au virus, car ils dépendent parfois de décisions de salariés en télétravail et donc distants”.

La CGT observe sans plaisir la reconduction jusqu’en octobre prochain, programmée par le projet de loi présenté hier en conseil des ministres, des mesures d’urgence liées à la crise sanitaire, mesures permettant la poursuite des réunions à distance du CSE. “Les remontées que nous avons des CSE, c’est que les élus n’arrivent pas à faire face à l’activité de leur mandat, ils ne parviennent pas à tout faire ni à traiter un sujet à fond. Si le CHSCT n’avait pas été supprimé par les ordonnances Macron, les élus auraient été plus nombreux et avec davantage de moyens pour se focaliser sur la santé au travail”, assure Manu Blanco, qui s’interroge : “Le gouvernement prépare soi-disant une sortie de crise, on nous parle de réouvertures en mai, mais il organise le maintien d’un cadre d’urgence jusqu’en octobre. Quelle cohérence a tout ceci ?”.

Les témoignages des délégués d’Air Liquide et Sanofi

Ce n’est pas Jean-Michel Poupon, délégué syndical central CGT d’Air Liquide, qui dira le contraire, lui qui juge le dialogue social en mauvaise santé dans son entreprise : “Tout se fait en visio, comment voulez-vous véritablement agir, négocier ?” Surtout, le DSC n’est pas tendre avec son entreprise, qu’il accuse de profiter de la crise sanitaire en vendant plus cher à la Sécurité sociale l’oxygène médical selon lui pas plus onéreux à produire que l’oxygène industriel. Il déplore aussi ce qu’il appelle « le scandale » de la commande publique des respirateurs décidée par l’Etat au plus fort de la crise,l’an dernier, une commande traitée par un consortium (Air Liquide, PSA, Schneider Electric, Valeo) : “Air Liquide a mobilisé les salariés pour que ces respirateurs soient fabriqués en urgence. Le problème, c’est qu’on savait qu’ils n’étaient pas adaptés aux salles de réanimation pour les malades Covid-19, et il aurait mieux valu que l’Etat écoute les organisations syndicales. Résultat : sur 10 000 appareils, 1 900 sont bien utilisés dans les hôpitaux, ce sont les modèles Monnal T60. Mais 8 000 posent problème (modèles Osiris) car ils ne sont pas adaptés : 3 000 servent au Samu en cas d’urgence ambulatoire, et les autres sont stockés”.

Moins de 3 000 personnes à la R&D chez Sanofi 

Chez Sanofi, soutiennent les délégués CGT présents hier à Montreuil, la recherche est déshabillée au point de se résumer demain à l’oncologie. “Nous risquons de passer sous les 3 000 personnes employées dans la recherche et développement puisque l’entreprise veut à nouveau supprimer 300 postes et entend se désengager du site de Strasbourg”. Jean-Louis Perrin, le coordinateur CGT, réclame la création d’un véritable « pôle public de santé ». Pour finir, le délégué syndical élargit son propos sur la nécessaire solidarité internationale : “Il faut aussi organiser la vaccination dans les pays pauvres, pour leurs habitants. Et quand bien même cela nous serait indifférent, il faudrait le faire ne serait-ce que pour éviter que des variants débarquent demain chez nous”.

► Pour le 1er mai, la CGT d’Ile-de-France appelle les salariés à manifester à partir de 14h place de la République à Paris.