Risque routier : 424 morts au travail en 2024
08/09/2025
Le ministère du Travail et ses partenaires ont publié, le 2 septembre, les derniers chiffres du risque routier professionnel. En 2024, 424 personnes ont perdu la vie lors d’un trajet en lien avec le travail, contre 440 en 2023, selon les données de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).
Les accidents routiers professionnels – qu’il s’agisse de trajets domicile-travail ou de missions – représentent 30 % de l’ensemble des décès liés au travail, faisant de ce risque l’une des premières causes de mortalité professionnelle avec les malaises cardiaques.
Face à ce constat, l’État intensifie sa mobilisation. Le risque routier professionnel figure désormais parmi les priorités du plan santé au travail 2021-2025. Plus de 3 700 entreprises se sont déjà engagées dans un programme de prévention lancé en 2016, couvrant 5,3 millions de salariés. Les engagements ont récemment été élargis aux cyclistes et utilisateurs de trottinettes électriques, pour s’adapter à l’essor des mobilités douces.
Le transport routier de marchandises, secteur particulièrement exposé, a signé en 2023 une convention de partenariat avec plusieurs ministères pour renforcer la prévention.
Source : actuel CSE
Les salariés sont favorables à des aménagements en entreprise pour lutter contre la sédentarité
10/09/2025
77 % des actifs seraient favorables à un aménagement des espaces de travail pour encourager les déplacements.
La grande majorité des actifs qui travaillent dans un bureau sont favorables à un aménagement des espaces de travail pour encourager leurs déplacements, selon une étude de la fondation d’entreprise Harmonie mutuelle. La plupart restent assis au moins la moitié de leur journée de travail.
Deux tiers des Français travaillant dans un bureau déclarent rester assis au moins la moitié de leur journée professionnelle (65 %), estime la fondation d’entreprise Harmonie mutuelle dans une étude* publiée en juin (en pièce jointe). Ils sont 18 % à déclarer être assis toute leur journée de travail (26 % des télétravailleurs). Conscients des risques liés à la sédentarité (84 % des sondés, actifs ou non, estiment qu’elle peut avoir un impact négatif sur la santé), la plupart des travailleurs cherchent à bouger, à marcher régulièrement, à se dégourdir les jambes ou à s’étirer au bureau (65 %).
Ils sont encore plus nombreux à demander des solutions auprès de leur entreprise : 77 % seraient favorables à un aménagement des espaces de travail pour encourager les déplacements (comme installer l’imprimante à distance du bureau). Les proportions s’élèvent à 81 % chez les télétravailleurs et à 84 % chez les actifs parents d’au moins un enfant.
Et 71 % des actifs (76 % des télétravailleurs et 74 % des actifs parents) souhaiteraient travailler de façon plus dynamique, debout ou en marchant (travailler debout, réunions debout, etc.). “L’attente forte manifestée par les actifs en matière d’aménagement des espaces et des habitudes de travail révèle le rôle crucial que les entreprises peuvent jouer pour contribuer concrètement à la lutte contre la sédentarité”, commente Lionel Fournier, directeur de la fondation d’entreprise Harmonie Mutuelle.
La voiture, moyen de transport le plus utilisé
Concernant les trajets domicile-travail, la voiture – qui expose le conducteur à un comportement sédentaire – reste le moyen de transport le plus plébiscité par les actifs : 60 % d’entre eux l’utilisent (77 % en zone rurale), principalement « en raison de la distance avec leur domicile ». Loin devant la marche à pied (14 %) ou le vélo (4 %). Les parents doivent aussi composer avec le trajet domicile-école : 56 % des actifs qui utilisent la voiture pour conduire leurs enfants à l’école se disent contraints par la distance (76 % en zone rurale).
Autre frein : les infrastructures. La moitié des Français sondés estime que celles à proximité de leur domicile ne les incitent pas à utiliser des modes de déplacements « doux » (vélos, marche, trottinette, etc.), une proportion qui s’élève à 67 % en zone rurale. “Les disparités entre zones urbaines et rurales jouent un rôle déterminant dans l’adoption de comportements sédentaires, pointe Lionel Fournier. Elles soulignent des inégalités territoriales.”
Hyperconnexion
Parmi les facteurs de sédentarité évoqués par les sondés, l’hyperconnexion occupe une place particulière (76 % d’entre eux la désigne comme un facteur aggravant, au même titre que l’isolement ou le manque de relations sociales). Au travail, 37 % des actifs déclarent passer plus de 5 heures par jour devant un écran. Ils sont autant, actifs ou non, à le faire le week-end (44 % pour les jeunes de 15 à 20 ans, voir encadré).
Dans sa stratégie Sport-santé 2025-2030 publiée le 5 septembre, le gouvernement prévoit d’inciter les entreprises à proposer des dispositifs de promotion de l’activité physique et de lutte contre la sédentarité à leurs employés. “Une expérimentation pourrait être menée à cet effet sur un territoire dans le cadre du plan régional Santé au travail 5 d’une région volontaire”, précise-t-il.
Selon lui, plus de 20 % des adultes passent plus de 7 heures par jour en position assise, notamment en raison de la sédentarité au travail. Une situation “aggravée par l’essor du télétravail et la numérisation des métiers [qui] a des effets délétères bien documentés : augmentation du risque de maladies chroniques, troubles musculosquelettiques, baisse du bien-être, absentéisme accru”.
*Enquête réalisée selon la norme ISO 20252 par l’institut de sondage Opinion way du 25 février au 11 mars 2025 auprès d’un échantillon de 3 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.
“La sédentarité a colonisé nos modes de vie” |
Dans une note publiée en juillet par la fondation Jean-Jaurès, think tank historiquement de gauche, le haut-fonctionnaire et normalien Paul Klotz estime que la sédentarité moderne revêt “toutes les caractéristiques d’un bouleversement anthropologique”. “La rapidité avec laquelle la sédentarité a colonisé nos modes de vie frappe, autant que l’ampleur des dangers qu’elle soulève”. À l’ère du “capitalisme numérique”, l’auteur estime que “l’ensemble du temps libre supplémentaire dégagé par l’amélioration de nos modes de vie a été entièrement absorbé par un temps numérique de loisir”. Un immobilisme lucratif sur lequel surfent, selon l’auteur, les entreprises d’intermédiation numérique (Uber Eats ou Deliveroo) et les services numériques de streaming et de divertissement audiovisuel (Netflix, Amazon Prime, YouTube ou encore Disney+). Des secteurs d’activité qui rendent de facto “inutile tout déplacement physique”. L’industrie pharmaceutique et médicale bénéficierait aussi indirectement de “l’expansion de la sédentarité” via “la commercialisation de médicaments destinés à traiter le diabète, l’hypertension ou encore l’obésité”, ajoute Paul Koltz. La “nouvelle organisation du travail” jouerait également un rôle dans cette expansion : “D’une part, le télétravail s’est massivement développé dans l’économie, entraînant une baisse équivalente des trajets pendulaires réalisés par les travailleurs, y compris lorsqu’ils étaient faits en vélo ou à pied. D’autre part, l’économie est devenue largement servicielle, reconfigurant la relation de travail”. En 2019, un tiers des salariés occupaient un emploi de bureau selon le ministère du travail (un emploi sur deux dans la métropole du Grand Paris en 2017 selon l’Insee). |
Matthieu Barry
Pollution de l’air à la RATP : le tribunal valide la demande d’expertise du CSE
12/09/2025

En rejetant toutes les demandes de la direction de la RATP, le tribunal judiciaire de Paris vient de valider la demande d’expertise du CSE Métro Transports Services (MTS). Il reconnaît donc que l’expertise pour risque grave est nécessaire et que les mesures adoptées par la régie de transport sont insuffisantes.
C’est une étape majeure pour les élus du CSE “MTS” de la RATP. Menée par FO et soutenue par les autres syndicats, la démarche vise à faire établir des études poussées sur la pollution de l’air dans les enceintes souterraines de la régie de transports parisienne dirigée par l’ancien Premier ministre Jean Castex.
Après la diffusion d’un documentaire et la publication des études AirParif, les élus FO ont pris le dossier en main et décidé de ne plus le lâcher. Pour le premier secrétaire adjoint du CSE, Bastien Berthier, lui-même atteint de pathologies respiratoires, il s’agit ni plus ni moins d’un nouveau scandale sanitaire de la même trempe que l’amiante.
Les faits sont constatés de longue date : les couloirs, les quais des stations, les enceintes des gares sont saturés de particules fines. Le 15 octobre 2024, Airparif, laboratoire de la qualité de l’air en Île-de-France, révélait que certaines stations comme Oberkampf ou Jaurès présentent des concentrations en particules fines dépassant 480 µg/m3, seuil recommandé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour une exposition d’une heure.
Certes, la RATP a mis en place des mesures de ventilation, placé quelques stations sous surveillance, remplacé certains systèmes de freinage polluants, mené des études. Mais elle a aussi attaqué en justice la demande d’expertise pour risque grave du CSE. Le tribunal judiciaire de Paris a rendu son jugement le 4 septembre (en pièce jointe) et rejeté l’ensemble de ses demandes. A la clé pour le CSE, une demande d’expertise parfaitement justifiée.
Un risque grave, identifié et actuel pour les conducteurs
L’article L.2315-94 du code du travail prescrit que le CSE peut faire appel à un expert lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle (…) est constaté dans l’entreprise”.
Par conséquent, il appartient au CSE de démontrer l’existence d’un risque correspondant à ces conditions. C’est ce que le juge examine en reprenant les termes de la délibération du CSE le 15 mai 2025, qui “décide de recourir à un expert habilité afin de l’aider à appréhender, identifier et évaluer ces risques”.
De son côté, la direction de la RATP conteste l’existence d’un risque justifiant l’expertise et considère que l’utilisation du verbe “identifier” démontre que ce risque n’est pas caractérisé. Pour le tribunal, au contraire, les termes “appréhender, identifier et évaluer” traduisent la volonté du CSE “non pas de confier à l’expert la mission de caractériser un risque qui ne le serait pas encore, mais d’en préciser la nature, de le mesurer et d’en évaluer la potentielle dangerosité pour les salariés”.
Par suite, le tribunal estime “qu’il n’est pas possible pour la RATP d’exclure l’existence d’un risque grave, identifié et actuel”. Il relève également les courriels du médecin du travail rappelant que l’évaluation des risques ressort des prérogatives de l’employeur et que les actions et recommandations en découlent.
Avancer que la délibération du CSE ne comprend aucune donnée chiffrée ne permet pas plus de remettre en cause son droit à expertise et ne permet pas d’exclure l’existence d’un risque correspondant aux exigences du code du travail. Le tribunal pointe : “Il ressort des débats et cela n’est pas contesté, que les taux de particules fines (…) mesurées par la RATP sont 2 à 3 fois plus élevés dans les enceintes ferroviaires souterraines, où travaillent les salariés concernés par l’expertise, que dans l’air ambiant”.
Le plan d’action de la RATP jugé insuffisant
Dispositifs de filtration, recueil de mesures, adoption de systèmes de freinages électriques… La RATP prétend avoir agi pour résorber la pollution de l’air. Son plan d’action ne trouve pas grâce aux yeux du tribunal : “Seules 2 stations de métro sont concernées sur plus de 300” par le dispositif de mesure de la qualité de l’air. Il s’agit de plus de stations figurant sur des lignes de métro conduites sans chauffeur (lignes 1 et 4 du métro parisien). En revanche, “la station la plus fréquentée, à savoir Gare du Nord, ne fait l’objet d’aucune mesure”, regrette le tribunal.
De plus, le système RATP ne permet pas de connaître précisément le taux de particules fines, ces mesures n’étant que ponctuelles et non représentatives de l’ensemble du réseau. Et si la RATP a investi pour tenter de réduire l’émission de particules, elle reconnaît elle-même que cela ne saurait ni abaisser leur taux ni empêcher l’exposition des salariés. Ces analyses sont destinées aux usagers et non aux conducteurs des rames puisqu’elles sont menées sur les quais et sur des lignes automatiques.
La composition des particules bientôt expertisée
Enfin, et c’est là le point majeur de ce jugement, le tribunal retient que le guide de recommandation de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) préconise de “mesurer de manière prioritaire” les particules fines et surtout les métaux comme le fer, le cuivre ou encore le zinc. L’Anses) affirme pourtant que les études confirment le potentiel oxydant de ces particules et que la présence de métaux contribuent à leurs effets sur la santé.
Il en résulte, selon le tribunal, que la RATP n’a pas mis en œuvre de mesures spécifiques aux personnels lui permettant de déterminer tant les taux de particules fines auxquels ils sont exposés que leur composition.
“Ces prélèvements relatifs aux métaux n’ont encore jamais eu lieu, la direction essaie à tout prix de les éviter. C’est donc une grande victoire pour la santé des salariés”, se réjouit Bastien Berthier, premier secrétaire adjoint (FO) du CSE.
L’avocat du CSE, Jérôme Borzakian, confirme : “Techniquement, les particules sont liées au frottement des freins sur les rails, donc acier contre acier, et au brûlement de leurs parties en bois. Mais la RATP est incapable de connaître la composition des particules ainsi émises. Grâce à ce jugement, on va pouvoir en obtenir la composition”.
Une reconnaissance des risques psychosociaux liées aux particules
Le tribunal reconnaît qu’une autre pollution, invisible et autrement sournoise, contribue au risque pensant sur la santé des salariés de la RATP et en particulier sur les conducteurs du métro : l’inquiétude. “Certains se déshabillent sur le seuil de leur logement en rentrant chez eux, par crainte de diffuser des particules auprès de leurs enfants, d’autres préfèrent laver leur linge à part de celui du reste de la famille”, évoque l’avocat Jérôme Borzakian.
L’existence des particules fines révélée par les études crée donc du stress et de la pression. Les élus ont donc envoyé aux salariés un questionnaire afin de recueillir leur état d’esprit. Formule gagnante puisque même si le tribunal reconnaît que ces expressions n’ont pas été spontanées, elles prouvent les difficultés psychologiques des conducteurs du métro alimentées “par la crainte des effets à long terme sur leur santé, le sentiment d’impuissance face à l’absence de mesures de prévention adéquates”. Certains salariés en seraient rendus à se protéger avec leur propre masque anti-pollution.
Pour le tribunal, le CSE apporte la preuve d’un risque grave résultant de l’absence de mesures de prévention et du niveau d’information insuffisant de la RATP envers les salariés sur la mesure de la qualité de l’air.
Le CSE reste libre de choisir son expert
La direction de la RATP contestait enfin l’expert choisi par le CSE au motif qu’il ne disposerait d’aucune compétence scientifique. Le CSE a répondu que le cabinet Aderiss est certifié Qualianor en matière d’environnement, et que les CV des experts justifient de leurs compétences.
Le tribunal relève que “le choix de l’expert par le CSE est libre” et que l’employeur ne peut le contester qu’en cas d’abus manifeste par le CSE. Les experts Aderiss disposent de plus “de plusieurs années d’expérience en matière d’expertise relatives à la santé au travail (…) notamment sur l’exposition à des substances chimiques et/ou cancérogènes”. La direction de la RATP ne parvenant pas à établir d’abus manifeste de la part du CSE dans le choix de son expert, sa demande est rejetée. Le CSE a de plus fait appel à un laboratoire marseillais spécialisé dans l’étude des particules fines dans le métro et qui viendra en appui des experts.
“On a perdu 3 mois à cause de cette procédure mais désormais, on attend que le cabinet envoie sa lettre de mission”, nous a indiqué Bastien Berthier. Une question demeure : la RATP tentera-t-elle un pourvoi en cassation ? En effet, en matière d’expertise, le tribunal judicaire statue en premier et dernier ressort, l’employeur ne peut pas saisir la Cour d’appel. L’affaire se retrouve donc directement devant la Cour de cassation qui doit être saisie dans les 10 jours à compter de la notification du jugement.
Selon l’avocat Jérôme Borzakian, un tel recours est tout à fait possible à cause des milliards d’euros en jeu et du potentiel scandale de santé publique qui pourrait découler de cette affaire.
Marie-Aude Grimont