In memorian Christian Medves & Précilia Correia

14/11/2025

Hier a eu lieu à Paris la commémoration des attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait 132 victimes à Saint-Denis (94) et Paris (75).

C’est l’occasion de rappeler que la vague d’attentats islamistes, qui a visé notamment, en 2015 et 2018, un journal, Charlie Hebdo, le Stade de France, une salle de spectacles, le Bataclan, des cafés parisiens, des magasins (Hypercacher à Paris, Super U dans l’Aude), a également endeuillé la représentation du personnel :

  • Précilia Correia, une jeune femme de 35 ans qui était élue du personnel CFDT à la Fnac, a été assassinée le 13 novembre 2015 alors qu’elle assistait au concert du Bataclan.
  • Voir notre article du 19 novembre 2015 :

Une élue de CE et DP, victime des attentats du 13 novembre

19/11/2015

C’est l’un des visages des 129 victimes des attentats terroristes du 13 novembre de Paris : Précilia Correia, 35 ans, a été assassinée dans la salle de concert du Bataclan. Elle travaillait à la Fnac de la Défense, où elle était aussi déléguée du personnel et élue au comité d’établissement. Pascale Morel, responsable de la section CFDT de l’établissement, lui rend hommage.

Précilia Correia travaille tous les samedis à la Fnac de la Défense, près de Paris, au rayon du petit électroménager. Ce jour-là, elle tient d’ailleurs la permanence du comité d’établissement et des délégués du personnel, les deux mandats dans lesquels elle s’est investie. Mais ce samedi 14 novembre, elle n’a pas pris son poste à 10h comme prévu. Un collègue prévient de son absence la déléguée syndicale CFDT, le syndicat auquel la jeune femme a adhéré en 2006. “’J’ai appelé Précilia et suis tombée sur son répondeur. J’ai joint sa meilleure amie qui m’a appris qu’elle devait aller la veille au Bataclan”, raconte, d’une voix toujours éprouvée, Pascale Morel qui alerte la direction. Alors que les amis de la jeune femme multiplient sur Facebook les avis de recherche, l’information tombe dès samedi après-midi : Précilia a été tuée lors de l’attaque du Bataclan. “Quand je l’ai appris, je me suis écroulée en sanglots. Ensuite, pendant trois heures, je n’ai fait que répondre à des SMS, à des coups de fil de collègues et de proches”, poursuit la déléguée syndicale.

 C’était une personnalité radieuse

La nouvelle fait très vite fait le tour du magasin et des réseaux sociaux. La direction réunit les salariés et leur annonce sa décision de fermer le magasin plus tôt le samedi, et de ne pas rouvrir le dimanche. Lundi, la reprise est douloureuse, une assistante sociale et une psychologue sont d’ailleurs disponibles sur place. “J’ai encore éclaté en sanglots avant et pendant la minute de silence de midi”, dit la responsable de la section CFDT.

Les salariés n’ont pas la tête au travail. Dans un tel établissement, la moyenne d’âge est assez jeune, le milieu –culturel- est propice aux sorties communes et beaucoup connaissaient Précilia Correia, amatrice de rock, de photo, fière de ses origines portugaises, et qui adorait passer du temps avec ses amis, comme l’a évoqué un touchant portrait de Libération paru mardi 17 novembre. “Impossible pour tous ces collègues de ne pas évoquer des fêtes ou sorties passées avec elle”, dit la déléguée syndicale.

La personnalité de la jeune femme ne pouvait pas, semble-t-il, laisser indifférent. Un humour décapant, un fort tempérament et une joie de vivre éclatante : “C’était une personnalité radieuse. Elle avait du répondant et ne se laissait pas marcher sur les pieds”, sourit Pascale Morel. Sur le groupe ouvert sur Facebook en hommage à la jeune femme, les messages se multiplient d’ailleurs en ce sens : “Tu étais pétillante et passionnée, même parfois rebelle”; “Je te voyais toujours souriante, toujours agréable”; “On s’est bien entendus et aussi bien embrouillés, on pensera toujours à toi”, etc.

Elle aidait les salariés à monter leur dossier logement pour le CE 

Précilia Correia travaillait depuis 2003 à la Fnac de la Défense, un établissement de 170 salariés, où elle est passée du rayon photo à l’électroménager, la curiosité et la volonté de découverte étant fortes chez cette jeune femme qui avait, en marge de son travail, étudié les langues étrangères et confectionnait des objets poétiques. Elle s’était engagée dans des mandats d’élue du personnel un peu par hasard, après avoir sollicité Pascale Morel pour un problème de travail. “Nous n’étions pas de la même génération mais le contact est bien passé entre nous. Elle est revenue me voir pour s’inscrire à la section puis pour s’investir, ce qui assez rare chez les jeunes. Elle a été élue déléguée du personnel et membre du CE en 2006. Elle assurait les permanences du samedi, non seulement pour les activités sociales et culturelles mais aussi pour les problèmes liés au travail, car elle était aussi DP. Au CE, elle s’était beaucoup investie dans la commission logement, elle aidait les salariés à monter leur dossier, les présentait en commission”, témoigne l’élue CFDT.

“Nous perdons l’un des plus jeunes membres de notre section syndicale, à la personnalité très ouverte, très proche des jeunes, très active, que les salariés pouvaient aller trouver sans problème sur son poste”, ajoute encore Pascale Morel qui a bien du mal à envisager la suppléance qui s’impose : “Beaucoup de collègues pensent à elle en traversant le rayon dont elle s’occupait. La remplacer, au travail comme dans ses mandats, ne sera pas facile”.

Bernard Domergue

  • Christian Medves, chef boucher du Super U de Trèves (Aude), a été victime de la prise d’otages en mars 2018. Il était délégué du personnel CFDT et conseiller du salarié.
  • Voir notre article du 27 mars 2018 :

Parmi les victimes de l’Aude, un délégué du personnel CFDT

27/03/2018

Christian Medves fait partie des quatre victimes de l’attaque terroriste de l’Aude. Ce chef boucher du Super U, où a eu lieu la prise d’otages, était aussi délégué du personnel et conseiller du salarié CFDT. Son syndicat a organisé une collecte en faveur de sa famille.

C’est un collègue, témoin de la tragédie, qui a raconté l’assassinat, par un islamiste, de Christian Medves, chef boucher de Super U de la commune Trèbes (5 500 habitants, à 8 km de Carcassonne, dans l’Aude), au Parisien : “Christian venait de quitter la boucherie pour rejoindre les bureaux. Il a été intercepté par le terroriste qui venait de faire irruption arme à la main. Il a mis son revolver sous la gorge de mon ami et il a tiré à bout portant. C’est comme ça qu’il faut faire, a-t-il dit en riant. Il l’a tué de sang-froid sous le regard des caissières. Une horreur”.

Un autre collègue et ami de la victime, Jérôme Gonzales, commercial au Super U et par ailleurs secrétaire général du syndicat CFDT services de l’Aude, a appris la nouvelle de la prise d’otages alors qu’il était en formation syndicale à Montpellier (Hérault). Le secrétaire général de la CFDT Occitanie, Grégory Martin, raconte avoir parlé de ce événement avec Jérôme par téléphone, et tenté de le rassurer. “Au début, nous avions peu d’informations et j’ai pensé à un déséquilibré. J’ai commencé à l’interroger sur les conditions de sécurité dans le magasin et sur le rôle du CHSCT. Tout ça est devenu dérisoire très vite”. Après avoir en vain tenté de joindre son ami, Jérôme Gonzales a quitté sa formation pour se rendre sur place, afin d’être présent avec la cinquantaine de salariés du magasin.  “Quelque part, je suis privilégié de n’avoir pas été là ce jour-là”, dit Jérôme Gonzales.

C’était quelqu’un d’entier. Il prenait sa mission à cœur 

Christian Medves, âgé de 50 ans et père de deux filles, fait partie des quatre victimes de la prise d’otages survenue près de Carcassonne le vendredi 23 mars, avec Jean Mazières, un vigneron à la retraite qui circulait dans une voiture, Hervé Sosna, un maçon de 65 ans qui se trouvait dans le Super U comme client, et le gendarme Arnaud Beltame. Ce dernier a été exécuté après avoir volontairement pris la place d’une otage. Une cérémonie d’hommage en son honneur aura lieu demain à Paris, aux Invalides.

Christian Medves était délégué du personnel et conseiller du salarié sous l’étiquette CFDT, il assistait donc les salariés d’autres entreprises convoqués à un entretien préalable au licenciement.  L’assassinat de cet homme sportif, partout présenté comme d’un abord très cordial et dont la figure était très connue au sein du magasin, a créé un choc auprès de ses collègues, bien sûr, mais aussi dans la région de Carcassonne. “Christian était, comme moi, conseiller du salarié. C’était quelqu’un d’entier, il prenait ça à cœur, il était très engagé. Ici, tout le monde le connaissait”, nous a dit hier une militante de l’union départementale CFDT de l’Aude.

Son ami, Jérôme Gonzales, témoigne de l’engagement syndical de Christian : “Nous nous sommes connus dans le magasin et nous avons tous les deux milité à la CFDT. Il était délégué du personnel depuis octobre 2013. Il s’est toujours battu pour améliorer les conditions de travail de ses collègues, et on ne peut pas dire que cela lui a apporté grand-chose sur le plan professionnel. Le syndicalisme, c’est aussi beaucoup de bénévolat”.

Durant le week-end, des messages de soutien ont afflué de militants CFDT de toute la France, explique sur Facebook la CFDT Occitanie, qui a décidé d’organiser très rapidement une collecte en ligne pour venir en aide à la famille du salarié, une initiative qui s’ajoute à celle d’un autre proche de la victime.

“Dans une telle tragédie, quelle peut être la place du syndicalisme ? Je me suis interrogé samedi matin avec Jérôme Gonzales, le copain de Christian. Nous avons pensé qu’une collecte en ligne au nom de la CFDT pouvait incarner l’esprit de solidarité que doit avoir le syndicalisme”, nous dit Grégory Martin, secrétaire général de l’union régionale CFDT Occitanie, une fusion, justement concrétisée en juin 2017 à Carcassonne, des unions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

Grégory Martin confie avoir côtoyé deux fois Christian Medves, lors d’une réunion statutaire et une autre fois lors d’un congrès de la CFDT services de l’Aude :  “C’était une personne très gaie, plein d’énergie, qui lançait des blagues, il semblait être copain avec tout le monde. Un très bon camarade”, dit le secrétaire général de la CFDT Occitanie.

Le Super U de Trèbes, où le président de l’enseigne, Serge Papin, a effectué une visite de soutien vendredi soir, était fermé hier et aujourd’hui. Les élections professionnelles pour l’élection du CSE, qui devaient avoir lieu la semaine prochaine dans le magasin, ont été reportées. L’enseigne Super U a invité hier tous ses magasins à observer une minute de silence “en hommage à toutes les victimes de l’attentat de vendredi au Super U de Trèbes”. Comme le dit sobrement Jérôme Gonzales, “ça ne sera pas facile de revenir travailler sur les lieux où l’on a perdu un ami”.

Lors des attentats du Bataclan à Paris, le 13 novembre 2015, une autre élue du personnel avait trouvé la mort, Précilia Correia, 35 ans, qui était déléguée du personnel et élue au comité d’établissement de la Fnac de la Défense.

Bernard Domergue