Plus d’un actif sur deux se dit gêné par le bruit au travail : quel peut être le rôle du CSE ?

12/11/2025

Près des trois quarts des actifs interrogés indiquent que le bruit a un impact négatif sur leur santé.

Pour la dixième semaine de la santé auditive au travail qui se tenait la semaine dernière, l’association nationale de l’audition a dévoilé les résultats de la neuvième vague de son enquête “Bruit, santé auditive et qualité de vie au travail”. Nous vous présentons ces données et rappelons quelle peut être l’action du CSE pour faire réduire les niveaux sonores excessifs au travail.

Pas moins de 56 % des actifs occupés interrogés se disent gênés par le bruit et les nuisances sonores sur leur lieu de travail (- 6 points par rapport à 2024), selon la dernière enquête* “Bruit, santé auditive et qualité de vie au travail” réalisée par l’Ifop pour l’association nationale de l’audition. Cette gêne est surtout ressentie dans les environnements de travail les plus bruyants : en atelier ou sur un chantier (66 %), mais aussi en open space  avec un poste dédié (65 %) ou en  open space  en  flex office» (60 %). Le bureau individuel fermé semble mieux protégé avec seulement 42 % des actifs qui se déclarent gênés. 

Le phénomène est généralisé dans tous les secteurs d’activité, notamment dans l’industrie (65 %), l’administration (61 %), le BTP/construction (60 %), le commerce (53 %) et le service (51 %). Tous les milieux et tous les lieux de travail sont concernés, le travail sur site et le travail hybride (56 %) comme le télétravail (59 %).  

Cette gêne au travail ne dépend pas de l’âge, puisque les moins de 35 ans et les plus de 35 ans sont concernés dans la même proportion. 

Des répercussions sur les relations entre les travailleurs et leur santé 

Le bruit a des conséquences relationnelles et communicationnelles au travail. Les actifs interrogés évoquent :

  • des incompréhensions avec leurs encadrants (44 %) ;
  • de l’agressivité dans les échanges (41 %) ;
  • des tensions ou des conflits au sein de l’équipe (40 %) ;
  • des comportements de repli sur soi (38 %).

Pour 58 % des actifs en poste, le bruit et les nuisances sonores sur leur lieu de travail peuvent être à l’origine d’au moins une de ces répercussions. Ce score atteint 71 % chez les personnes qui se disent gênées par le bruit au travail.

Près des trois quarts indiquent que le bruit a un impact négatif sur leur santé (73 %, chiffre stable par rapport à 2024). Et pour une personne sur deux, ces effets sont d’ordre auditif (52 %, + 3 points par rapport à 2024). Parmi ceux qui ressentent une gêne auditive, la quasi-totalité (91 %) déclare des répercussions et 67 % directement sur leur santé auditive. Au sein de ceux qui indiquent ne pas être gênés par les nuisances sonores, les effets sont quand même bien réels, la moitié d’entre eux évoquant au moins un impact sur leur santé globale et 33 % un impact sur leur santé auditive. 

Des catégories de travailleurs particulièrement exposées 

Cette édition de l’étude a été réalisée par catégorie de salariés. Il en ressort que certaines catégories de travailleurs semblent plus exposées en termes de répercussion auditive :

  • les ouvriers (59 %) ;
  • les salariés de l’industrie (61 %) ;
  • les personnes aux revenus les plus modestes (moins de 900 € par personne au foyer, 64 %) ;
  • les télétravailleurs (62 %).  

Trois symptômes touchent plus d’un actif occupé sur deux : la fatigue, la lassitude et l’irritabilité (59 %, + 1 point par rapport à 2024), les difficultés de concentration (56 %), et le stress (50 %, stable).  

Certaines catégories de travailleurs se distinguent par une fragilité à certains symptômes : les femmes sont davantage impactées par au moins une des répercussions mentionnées (77 %), notamment la fatigue, la lassitude et l’irritabilité (64 %) et les difficultés de concentration (60 %). 

Un employeur sur deux agit contre le bruit 

Un peu plus de la moitié des actifs occupés déclarent que leur employeur leur a proposé au moins une solution face aux nuisances sonores (51 %, – 2 points par rapport à 2024), plus particulièrement sur les équipements adaptés : 30 % déclarent s’être vu proposer un équipement de protection individuelle (EPI) contre le bruit, 28 % des casques de communication spécifiques (- 1 point par rapport à 2024).

23 % des actifs occupés indiquent que les espaces de travail ont été pensés pour réduire le bruit et les nuisances sonores, via la création d’espaces pour s’isoler ou le réaménagement d’espaces existants (stable).

Enfin, 19 % des répondants indiquent que leur employeur leur a proposé des sessions d’information et de sensibilisation (- 2 points par rapport à 2024), et 20 % des dépistages de l’audition (stable).  

Des demandes plus proactives de certaines populations de travailleurs

Pour les salariés qui sont gênés par le bruit et les nuisances sonores sur leur lieu de travail, certains effectuent des démarches :

  • 27 % ont déjà demandé un EPI lorsqu’ils sont sur leur site de travail (+ 2 points par rapport à 2024) ;
  • 22 % ont réalisé un test auditif (- 2 points par rapport à 2024) ;
  • 21% ont déjà consulté un médecin (- 1 point) ;
  • 21% ont déjà demandé un équipement de communication approprié (casque téléphonique, oreillettes, etc.).

Ils sont bien moins nombreux à avoir demandé à être affectés sur un autre espace de travail (11 %), ou à avoir sollicité un arrêt de travail (8 %).

Certaines populations se montrent davantage proactives : 

  • les moins de 35 ans : 38 % ont demandé ou envisagent d’être affectés sur un autre lieu de travail (contre 30 % en moyenne) et 33 % ont sollicité ou envisagent un arrêt de travail (contre 23 % en moyenne). À contrario, seuls 23 % des plus de 50 ans ont demandé un changement de lieu de travail et 15 % un arrêt ; 
  • les ouvriers : 67 % ont demandé un EPI contre le bruit lorsqu’ils sont sur site (casque anti-bruit, bouchons d’oreille, etc.). 52 % ont déjà passé ou envisagent de passer un test auditif ; 
  • les actifs aux revenus les plus modestes : 61 % ont demandé ou envisagent de demander un EPI contre le bruit lorsqu’ils sont sur site. 38 % ont (ou envisagent) de solliciter un arrêt médical. 

*Enquête menée auprès d’un échantillon de 1528 personnes représentatives de la population française active occupée, âgée de 18 ans et plus. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 8 au 17 octobre 2025.

Environnement de travail trop bruyant : que peut faire le CSE ? 
Cette étude nous donne l’occasion d’évoquer quelle peut être l’action du CSE lorsque les salariés sont confrontés à un environnement trop bruyant au travail. La préservation de la santé des salariés est un enjeu essentiel pour le CSE et la santé auditive en fait partie. On considère en effet que l’ouïe est en danger à partir d’un niveau de 80 décibels durant une journée de travail de 8 heures et qu’un niveau instantané supérieur à 135 décibels met un salarié en danger, même pour une exposition de courte durée, rappelle l’INRS, l’institut national de recherche en santé sécurité.

► Premier conseil : le CSE peut se documenter, notamment sur le site de l’INRS, qui met à disposition de nombreuses ressources : 

– fiche “agir pour réduire le bruit dans les bureaux” ;

– fiche “agir pour réduire le bruit dans les ateliers et les locaux industriels” ;

calculette à télécharger pour estimer les expositions quotidiennes, etc. 

► Ensuite, rappelons le cadre général. C’est bien sûr l’employeur qui est responsable de la préservation de la santé physique et mentale des salariés (art. L 4121-1 du code du travail). Mais le CSE contribue à l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et il est consulté sur la mise à jour de ce document.

► Cette évaluation des risques doit déboucher sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (le Papripact) avec des mesures précises (indicateurs, calendrier, coût estimé). C’est l’occasion pour le CSE de pousser en faveur d’un plan d’action anti-bruit, avec par exemples des demandes :

– de réorganisation d’espaces (traitement en ilots pour un open space, éloignement des équipements bruyants des postes de travail, par exemple, ) ;

– de traitements acoustiques (portes isolantes, faux-plafonds, sols spéciaux, etc.) ;

– de remplacement de machines (imprimantes moins bruyantes par ex.) ou de leur cloisonnement ;  d’équipements de protection individuelle (EPI auditifs) ;

– de formation des salariés (risques liés au bruit, usage du casque, règles de conduite en collectivité, etc.).

Le principe de prévention doit conduire l’employeur, comme le dit l’art. R.4432-1 du code du travail, à prendre des mesures “visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition au bruit, en tenant compte du progrès technique et de la disponibilité de mesures de maîtrise du risque à la source”.

► Le CSE peut réaliser régulièrement des inspections sur le terrain pour vérifier le niveau du bruit auquel sont exposés les salariés. Le comité peut aussi demander à recevoir les données des mesures du bruit effectuées dans l’entreprise (art. R. 4433-4 du code du travail). Ces données, que reçoit aussi le médecin du travail, doivent être conservées 10 ans. En effet, selon l’art. R 4433-1 du code du travail, l’employeur doit procéder à l’évaluation des risques liés au bruit et procéder, si nécessaire, à la mesure des niveaux sonores auxquels est exposé le personnel. Les valeurs limites d’exposition professionnelle sont fixées par l’art. R. 4431-2 du code du travail.

► En cas d’urgence lié à un niveau sonore dangereux, le CSE peut déclencher un droit d’alerte pour danger grave et imminent. L’employeur est immédiatement alerté et procède à une enquête avec le membre du CSE ayant signalé le danger. En cas de désaccord sur l’estimation du danger et sur les moyens d’y remédier, le CSE est réuni d’urgence, l’inspection du travail (qui peut ordonner des mesures) et la Carsat (caisse d’assurance retraite et santé au travail) en étant informées.

Dans le cadre de ce risque grave, le CSE peut voter une expertise habilitée prise en charge par l’employeur (art. L. 2315-94).

Si la situation est bloquée ou dans l’impasse, le comité peut tenter d’agir en justice pour demander en référé des mesures mettant fin à la situation dangereuse (mise en demeure, fermeture temporaire d’un atelier, etc.).

Claire Touffait et Bernard Domergue