L’exercice d’une activité syndicale ne doit pas avoir d’incidence défavorable sur la rémunération
08/12/2025
Un délégué syndical, détaché permanent par son organisation syndicale, ne peut être privé d’une prime conventionnelle constituant un complément de salaire.
On ne le répètera jamais assez, l’utilisation d’heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical. En conséquence, le salarié ne peut être privé du fait de l’exercice de son mandat du paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire. En revanche, les indemnités qui constituent un remboursement de frais n’ont pas à être intégrées à la rémunération des heures de délégation dès lors que ces frais n’ont pas été exposés.
En pratique, reste à savoir quelles sommes l’employeur doit prendre en compte pour assurer ce maintien de salaire. La question se pose essentiellement pour les diverses primes et indemnités auxquelles les salariés de l’entreprise peuvent prétendre en application de la convention collective ou d’un accord d’entreprise.
Notre affaire se déroule au sein de l’Urssaf de la Loire.
Trois DS n’ont pas reçu de prime d’accueil téléphonique
Trois délégués syndicaux CFDT, détachés permanents depuis 2014, estiment être victimes d’une discrimination syndicale “pour ne pas avoir reçu de prime d’accueil téléphonique à compter de l’année 2015”.
Rappelons en effet qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail (article L. 2141-5 du code du travail).
Pour la cour d’appel, l’application de l’accord d’entreprise qui conditionnait le versement de cette prime à “la participation effective à la permanence pour l’ensemble des salariés” constituait “une raison objective exempte de toute discrimination, justifiant l’absence de versement de la prime téléphonique”.
La demande de rappel de prime et de dommages et intérêts pour discrimination syndicale est donc rejetée.
Un complément de salaire
À tort, décide la Cour de cassation dans un arrêt du 19 novembre 2025.
Pour les juges, la prime d’accueil téléphonique compensait “une sujétion particulière de l’emploi des salariés”. Elle constituait donc un “complément de salaire” dont les salariés ne pouvaient pas être privés du fait de l’exercice de leur mandat syndical.
Frédéric Aouate
Les dirigeants syndicaux solidaires de Sophie Binet (CGT), après sa mise en examen pour injure publique
08/12/2025
Dans un communiqué commun publié vendredi 5 décembre, les dirigeants syndicaux réagissent ensemble à la mise en examen, pour injure publique, de Sophie Binet, poursuivie pour ses propos à l’égard du patronat.
La secrétaire générale de la CGT avait comparé les grands patrons menaçant de délocaliser leurs entreprises, dans le cas d’une remise en cause de la politique de l’offre à l’occasion du débat budgétaire, à des “rats” qui quittent le navire”.
Les responsables syndicaux revendiquent tous une “liberté de ton”, que d’ailleurs, soit dit en passant, la jurisprudence reconnaît souvent à l’expression syndicale.
Le communiqué commun, signé Marylise Leon (secrétaire générale de la CFDT), Frédéric Souillot (secrétaire général de FO), Francois Hommeril (président de la CFE CGC), Laurent Escure (secrétaire général de l’UNSA), Murielle Guilbert et Julie Ferrua (co-déléguées générales Solidaires) et Caroline Chevé (secrétaire générale de la FSU), dit ceci :
“À l’attention de ces chefs d’entreprises qui s’offusquent des mots tout en méprisant les actes : n’est-il pas violent de menacer de quitter le « vaisseau France » après avoir accumulé des fortunes grâce aux aides publiques, aux infrastructures et au système éducatif de notre pays ?
Considérant que les véritables héros de notre économie sont les « marins » — les travailleurs et travailleuses — qui s’activent avec constance pour faire avancer le navire, même dans la tempête ;
Considérant que menacer de l’abandonner au moindre coup de vent budgétaire relève d’une ingratitude civique profonde ;
Nous l’affirmons, « Les rats quittent le navire », n’est pas une injure, mais le constat amer d’un comportement irresponsable. Elle illustre une réalité : celle de la fuite des capitaux et des responsabilités face à l’effort collectif.
Si qualifier ainsi la déloyauté envers la Nation est un délit, alors nous sommes toutes et tous coupables de clairvoyance (..) Nous faisons nôtre cette liberté de ton”.
Source : actuel CSE
La représentativité patronale est fixée dans le spectacle vivant et les activités agricoles
09/12/2025
Deux nouveaux arrêtés parus au JO ces jours derniers fixent la représentativité patronale dans :
- le spectacle vivant et enregistré, où une seule organisation d’employeurs est représentative, Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC) ;
- le secteur des activités agricoles, où la seule organisation représentative est la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
Source : actuel CSE
La CGT demande des pouvoirs d’intervention accrus pour les représentants du personnel avec un accès aux data rooms
10/12/2025

S. Flegeau, secrétaire général CGT de la fédération métallurgie, et S. Binet, secrétaire générale de la CGT
Depuis septembre 2023, la CGT dénombre 483 plans sociaux en France pour 107 000 suppressions d’emplois. La confédération appelle le gouvernement à organiser des assises nationales de l’industrie, et à réformer les tribunaux de commerce afin d’y faire entrer les représentants du personnel.
Dix-huit mois après sa première alerte sur “la vague de désindustrialisation” menaçant de submerger l’économie française, la CGT a remis le couvert hier à Montreuil. Sa secrétaire générale, Sophie Binet, entourée de quelques responsables de fédérations industrielles (métallurgie, chimie, agroalimentaire, énergie, papiers et cartons, textile, verre et céramique), a déploré une nouvelle aggravation de son décompte de plans sociaux.
Sur la période allant de septembre 2023 à décembre 2025, la CGT en dénombre désormais 483 en France, des plans sociaux recensés par ses militants mais aussi répertoriés dans la presse (voir ici la carte interactive). Ces 483 plans sociaux totalisent plus de 107 000 suppressions d’emplois, dont 46 560 pour l’industrie dans 364 sites. Compte-tenu des effets de ces plans sur le reste de l’économie, le syndicat avance un impact négatif total compris entre 195 000 et 305 000 emplois depuis septembre 2023.
En 2025, pas moins de 10 000 emplois sont concernés dans la métallurgie, 2 700 dans l’agroalimentaire, 800 dans les industries du papier-carton, 680 dans le verre et la céramique, 670 dans le textile, etc.
Le syndicat veut une évolution de la politique industrielle
Alors que les gouvernements Attal, Barnier, Bayrou et Lecornu se sont succédé depuis début 2024, et qu’ils ont tous été destinataires de cette liste de plus en plus fournie, Sophie Binet déplore qu’aucun Premier ministre n’ait tiré “les leçons du naufrage de la politique de l’offre”, une politique qui se traduit selon elle par “un affaiblissement des droits des travailleurs”, par la stagnation des salaires, et par “une explosion des aides aux entreprises”.
Une nouvelle fois, la CGT, tout en revendiquant des sauvetages comme ceux de Duralex, de la centrale de Gardanne ou de la Fonderie de Bretagne ou des réductions de suppressions d’emplois comme chez Auchan ou Thalès, appelle donc le gouvernement à organiser des assises, au niveau national et dans les territoires, en vue d’une loi pluriannuelle sur l’industrie. Une partie des propositions de la CGT concerne les représentants des salariés, “car ce sont eux qui portent le made in France”.
La CGT veut un contrepoids démocratique dans les tribunaux de commerce
La CGT réclame ainsi que des représentants de salariés siègent dans les tribunaux de commerce, dont les décisions sont jugées parfois incompréhensibles ou trop opaques. “A la Fonderie de Bretagne, si la CGT n’avait pas été là, il n’y aurait plus d’entreprise. Et pourtant au départ nous n’étions pas dans le comité de suivi”, rappelle Stéphane Flageau. Et le secrétaire de la fédération métallurgie de la CGT d’évaluer à 10 000 le nombre d’emplois menacés dans cette branche en 2025.
Des délégués syndicaux au tribunal de commerce, cela garantirait une vision moins financiarisée et plus productive du devenir des entreprises
L’intégration de représentants syndicaux dans les tribunaux de commerce permettrait, selon le syndicat, “d’enrichir l’analyse des dossiers par une connaissance fine des filières, des emplois et des bassins de vie”, de “garantir une vision mois financiarisée et plus productive du devenir des entreprises”, “d’introduire un contrepoids démocratique dans les décisions concernant l’avenir de sites stratégiques”.
Le syndicat veut aussi que les représentants du personnel des entreprises en difficulté faisant l’objet d’une procédure dans la justice commerciale aient eux-aussi accès aux data rooms, c’est-à-dire aux données économiques, sociales et environnementales des candidats à la reprise d’une entreprise (*). L’accès du CSE à ces données permettrait, selon la CGT, “d’évaluer réellement la solidité des projets, de proposer un projet alternatif, d’empêcher les reprises fictives destinées à organiser la liquidation”.
Un soutien aux reprises par les salariés mais des nuances…
La confédération soutient en effet les projets de reprise par le personnel de sites menacés, comme Duralex, un site où la CGT va organiser le 12 mars 2026 une journée nationale “du made in France”. La CGT aurait en projet de monter un fonds d’aide à la reprise de sites par leurs salariés, qui pourrait être adossé à un organisme de prévoyance.
Attention, a toutefois nuancé Philippe Thibaudet, le secrétaire général de la fédération verre et céramique, ces reprises sont difficiles dans un secteur, le verre, qui a vu le nombre de ses emplois passer de 50 000 en 2005 à 25 000 en 2025. À ses yeux, elles ne doivent pas faire illusion : “Les 143 salariés de Duralex, par leur courage, ont évité la disparition de leur site. Mais sur les promesses reçues, ils n’ont pour l’instant que 5 millions d’euros d’assurés, alors qu’il faut au moins 20 millions pour électriser un four”. Et Philippe Thibaudet de pointer aussi l’absurdité de la situation du site de Perrier à Vergèze, près de Nîmes : “A quelques dizaines de mètres du site de production, nous avons une usine qui fabrique des bouteilles. Elle a été mise à l’arrêt et les bouteilles sont désormais fabriquées à l’étranger et importées !”
Un recours contre les décisions des tribunaux de commerce
Le syndicat souhaite encore revoir les procédures pour que des représentants du personnel d’une entreprise ayant fait l’objet d’une cession décidée par un tribunal de commerce puissent faire appel de cette décision. Cela afin que la décision du tribunal, qu’il s’agisse d’une cession, d’une liquidation ou d’une restructuration, soit appliquée immédiatement, car il faut parfois plus de temps pour trouver un repreneur, plaide Sophie Binet : “Si cela avait pu être fait pour Vencorex, nous aurions évité cette catastrophe”.
Dans l’entreprise, la CGT défend l’idée d’une meilleure représentation des salariés dans les conseils d’administration.
Le syndicat réitère sa revendication d’un droit conforme du CSE sur l’utilisation des aides publiques et défend un renforcement des droits d’expertise sur toute la chaîne de valeur : “Les représentants du personnel doivent pouvoir analyser les risques, dépendances, choix technologiques et impacts territoriaux des projets industriels, y compris chez les sous-traitants et les donneurs d’ordre”.
Enfin, la CGT fait toujours la promotion de la proposition de loi sur la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis des sous-traitants, un texte élaboré à l’initiative des salariés de GM&S La Souterraine. La proposition de loi qualifie dans le droit la relation entre le donneur d’ordres et un sous-traitant afin que cette relation donne lieu à une responsabilité sociale, économique, juridique et environnementale. Elle intègre les représentants du personnel des sous-traitants dans un comité de groupe, une négociation étant prévue en cas de décisions du donneur d’ordre se soldant par une réduction d’effectif chez le sous-traitant, etc.
(*) La data room est un espace sécurisé d’échanges de données, utilisé notamment dans le cadre d’une cession, d’une levée de fonds, d’une fusion-acquisition. Certaines entreprises appliquent cette technique en interne et l’imposent aux experts-comptables du CSE.
| La GEPP et l’IA contre l’emploi ? |
| Lors de la conférence de presse de la CGT, Jean-Louis Peyren, secrétaire général de la fédération des industries chimiques, a ironisé sur “le contournement” du PSE qu’opèrent selon lui les entreprises qui basent les suppressions d’emplois sur des départs volontaires, via les plans de ruptures conventionnelles collectives (RCC). Il a également pointé une forme d’hypocrisie de certains accords de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GEPP) : “J’en suis moi-même le témoin. Je suis classé sur un poste sensible pour l’avenir. Donc, tous les 6 mois je reçois un courrier recommandé de mon employeur attirant mon attention sur le fait que je suis positionné sur un poste sensible et qu’il faudrait que je sois acteur de mon changement. C’est le monde à l’envers”. Julien Huck, secrétaire général de la fédération agroalimentaire de la CGT, s’inquiète de son côté de la montée en puissance des outils d’intelligence artificielle dans son secteur, un phénomène décrit par le sociologue Juan Sebastian Carbonnel : “Les qualifications des opérateurs sont intégrées dans la machine qui pilote le travail de l’opérateur. Je vois de plus en plus de cadres dans notre secteur car il faut traiter toutes ces données. L’encadrement repose davantage sur les datas que sur les retours que font les ouvriers. Ça pose un problème de confiance et de conditions de travail et demain ça posera un problème d’emploi”. |
Bernard Domergue
Christelle Thieffinne veut installer la CFE-CGC à la troisième place syndicale
10/12/2025

Christelle Thieffinne, 9 décembre 2025
Mardi 9 décembre, Christelle Thieffinne a officiellement annoncé sa candidature à la présidence de la CFE-CGC qui tiendra son congrès en juin 2026. Dialogue social, indépendance politique, débat d’idées seront ses priorités. Mais avant tout, elle veut faire de la CFE-CGC la troisième force syndicale en accélérant son développement.
Voici donc Christelle Thieffinne officiellement candidate à la relève de François Hommeril, actuel président de la CFE-CGC. D’ici juin 2026, la candidate dispose de six mois pour convaincre les fédérations et imprimer sa marque dans l’organisation. Elle est déjà bien connue dans les cercles de négociations fédéraux, nationaux et interprofessionnels pour avoir mené l’équipe CFE-CGC sur l’assurance chômage ou les retraites lors du conclave. Secrétaire nationale à la protection sociale, elle a aussi exercé de nombreux mandats de représentante du personnel chez Thales.
“Je veux qu’on passe la barre des 200 000 adhérents”
Christelle Thieffinne ne fait pas mystère de ses ambitions : si elle est élue au congrès confédéral de juin 2026, elle se donne 10 ans pour placer la CFE-CGC à la troisième place syndicale, actuellement occupée par FO. “Je veux qu’on passe la barre des 200 000 adhérents”, indique-t-elle, la CFE-CGC en comptant déjà 175 000. Elle espère d’ailleurs observer des résultats positifs dès la prochaine mesure de l’audience professionnelle.
Sa motivation pour tenir ce cap : peser dans les discussions importantes, que ce soit en négociations interprofessionnelles ou dans les ministères. “Quand on est quatrième organisation syndicale, on pèse moins car dans les derniers mètres d’une négo, c’est la première et la troisième organisation qui montent au septième étage”. Sous-entendu, qui jouent les derniers rounds avec les représentants du Medef. Elle ajoute : “Être troisième, c’est devenir un syndicat de référence et être entendu. Je suis convaincue que la CFE-CGC a un rôle indéniable et unique à jouer, parce que nous portons à la fois une parole libre, constructive et responsable”.
Pour atteindre cette place, les implantations et les sections existantes seront regardées à la loupe. Christelle Thieffinne compte aussi développer un discours en faveur de la reconnaissance des techniciens, agents de maîtrise et cadres qui constituent en quelque sorte le vivier de prospects de la CFE-CGC : “Le caractère catégoriel et la spécificité de ces salariés est important pour moi. Je veux retrouver pour eux une véritable échelle de salaires, le partage de la valeur, la reconnaissance des parcours professionnels”.
Si elle est consciente que le développement de la population des cadres en France ne pourra que l’aider, elle sait aussi que cette population n’est pas toujours favorable à la syndicalisation, prise en étau entre ses revendications et ses fonctions de manager, sous l’œil scrutateur des directions. C’est pourquoi elle veut “faire de la CFE-CGC un laboratoire d’idées” notamment “en investissant de nouveaux terrains comme l’enseignement supérieur et le monde universitaire qui forment les cadres et dirigeants de demain”.
Son slogan : “La force d’agir ensemble”
Christelle Thieffinne s’inscrit donc dans la continuité des résultats engrangés par son potentiel prédécesseur, François Hommeril. Lors de la dernière mesure d’audience syndicale, la CFE-CGC avait engrangé 36 000 voix de plus, son poids relatif passant de 13,7 % à 15.02 %, soit à encore 2,27 points de FO.
Il lui faudra donc, comme l’indique son slogan, “la force d’agir ensemble” pour grimper ces deux marches. Hormis le développement, elle compte s’appuyer sur deux axes supplémentaires : “retisser le lien entre économie et société” afin que l’économie crée des emplois pérennes, en particulier dans l’industrie et les services publics, et “renforcer le lien entre le travail et le social”, à savoir obtenir des carrières dignes pour les jeunes et les seniors. Elle veut “penser la transition” qu’amène déjà l’intelligence artificielle et la digitalisation tout en installant l’égalité des chances dans les parcours professionnels. Elle aspire à de meilleurs équilibres entre vie professionnelle et personnelle, à l’instauration d’un droit à la déconnexion et à la prévention des risques psychosociaux.
CFE-CGC et indépendance politique
Christelle Thieffinne tient aussi à maintenir l’indépendance politique de son organisation. Cela signifie qu’elle représentera ses militants dans les ministères même si le Rassemblement National devait prendre le pouvoir en 2027. Hors de question en revanche de les rencontrer pendant la campagne présidentielle. Elle compte mener en tout cas auprès des fédérations et des unions régionales une campagne rassembleuse contre l’autre candidat déclaré, Frédéric Guyonnet, issu de la fédération des banques et président du syndicat bancaire SNB (Syndicat national de la banque et du crédit) CFE-CGC, devenu premier syndicat dans le secteur de la banque depuis 2017. Cette candidature est soutenue par le secrétaire national en charge de l’accessibilité et de l’égalité des chances, Christophe Roth.
Enfin, elle a déjà choisi qui serait son secrétaire général en cas de victoire : William Viry-Allemoz. Quant au numéro trois, au poste de trésorier, elle laisse pour l’instant la place ouverte, notamment si son opposant préfère la rejoindre que faire campagne jusqu’au bout.
Vers un congrès apaisé ?
Christelle Thieffinne se dit pour l’instant sereine : elle bénéficie d’ores et déjà du soutien d’importantes fédérations comme la métallurgie, l’énergie et les transports. Frédéric Guyonnet aurait reçu l’aval des fédérations des banques, de la communication et du syndicat de police Alliance, considéré comme proche de l’extrême droite.
Sur ce point, Christelle Thieffinne reste dans sa ligne de conduite : “Notre organisation est apolitique. Cela fait partie des sujets qu’il faudra traiter en rappelant les statuts”. Il faudra donc à la candidate déployer son expérience du dialogue social en vue d’un congrès qu’elle veut “apaisé”, loin de celui de 2013 qui avait vu Carole Couvent affronter François Hommeril dans un climat tendu. A mille lieues également d’un mystérieux billet de blog qui a classé Christelle Thieffinne “à gauche voire à l’extrême gauche” et l’a accusée d’avoir affirmé que “la police tue”. Il a depuis été supprimé du web.
| Deux anciens élus du personnel |
| Christelle Thieffinne est ingénieure de formation. Elle rentre chez Thales en 1998 et y exerce des mandats de déléguée du personnel, élue au comité d’entreprise ainsi qu’au comité centrale, délégué syndicale puis déléguée syndicale centrale. Elle a également fait partie de la commission égalité professionnelle et handicap. Secrétaire générale adjointe du syndicat “Aéronautique Espace Défense”, elle prend des fonctions fédérales à la métallurgie en 2019 puis rejoint la confédération comme secrétaire nationale en charge de la protection sociale. Si elle parvient à la tête de la CFE-CGC, elle compte revendiquer une modification des ordonnances Macron sur le seuil des commissions santé hygiène et sécurité, ainsi que leur plus grande indépendance en matière d’expertise. Frédéric Guyonnet a été huit ans membre du CHSCT, délégué du personnel et délégué syndical. Après un bref passage au parti politique UMP comme membre élu du comité départemental, il fait l’essentiel de sa carrière dans la banque, entre le groupe BPCE (Banques Populaires Caisses d’Epargne) et la Banque Populaire, avant de devenir le président national du SNB CFE-CGC. |
Marie-Aude Grimont
“Ne jouons pas avec l’emploi et les salaires” : le cri d’alarme du patronat
10/12/2025
Dans un communiqué commun diffusé le 8 décembre 2025, les dirigeants des trois organisations patronales, le Medef, la CPME et l’U2P, s’insurgent contre une possible baisse des allègements de cotisations, débattue dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. “Une réduction de 1,6 milliard d’euros d’allègements de cotisations en 2026 est déjà programmée par rapport à 2024 et il est envisagé d’ajouter encore 1,5 milliard d’euros de réduction supplémentaire”, alertent-ils. A leurs yeux, il s’agit du “pire message à envoyer”.
“Au lieu d’aider le pays à créer de l’activité, on choisit de taxer ce qui fait tourner l’économie – l’emploi !”, indiquent Patrick Martin (Medef), Amir Reza-Tofighi (CPME) et Michel Picon (U2P) en insistant sur un repli des embauches, des investissements et des revalorisations salariales.
Ils ajoutent que ces baisses “s’ajoutent à d’autres décisions déjà prises ou annoncées : contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, hausse de certaines contributions patronales sur les ruptures conventionnelles, baisse des aides à l’apprentissage…”.
Source : actuel CSE
La CFDT met en avant le travail syndical de ses délégués confrontés aux PSE
11/12/2025

de g. à d. : O. Guivarch, A. Idali, J. Besle, A. Miroslav, R. Fontaine
La “fatigue militante” des délégués syndicaux, épuisés par les restructurations et PSE, a été largement évoquée hier, lors de la matinée sur l’emploi organisée au siège de la CFDT. Une matinée qui a donné l’occasion à Marylise Léon, la secrétaire générale du syndicat, de rappeler les revendications de la confédération pour donner davantage de pouvoir d’action sur l’emploi aux représentants du personnel.
Le lendemain de la nouvelle alerte de la CGT sur les plans sociaux en France, la CFDT avait choisi de mettre en avant le travail syndical de ses équipes confrontées elles-aussi à une hausse du nombre de restructurations et plans sociaux, lors d’une matinée sur l’emploi qui s’est conclue par un échange très courtois entre Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, et Amir Reza-Tofighi, le président de la CPME (lire notre encadré).
“Depuis un an, 738 PSE ont été annoncés avec 87 ruptures conventionnelles collectives (RCC). Rien qu’au 3 décembre, notre revue de presse citait des suppressions d’emploi chez ArcelorMittal, Auchan, Carrefour, Casino, STMicroelectonics, les papèteries de Condat, le Crédit agricole, etc.”, a constaté Olivier Guivarch, secrétaire national CFDT en charge de l’emploi (*).
“Il n’est pas possible de voir une direction dire au CSE de signer un PSE en 15 jours sinon c’est la faillite. Il faut de nouveaux leviers pour les représentants du personnel”, a déclaré Marylise Léon, à l’issue de cette matinée organisée dans les locaux confédéraux de Belleville, à Paris.
“La désindustrialisation est le résultat d’une absence d’anticipation”
Pour la secrétaire générale de la CFDT, “la désindustrialisation n’est pas une loi naturelle, c’est le résultat d’un non-choix, d’une absence d’anticipation et nous ne sommes d’ailleurs toujours pas équipés pour faire face aux mutations et reconversions qui s’imposent” compte-tenu des mutations technologiques, notamment liées à l’IA, mais aussi aux transformations nécessitées par la transition écologique.
La CFDT en a profité pour redire ses revendications au sujet du dialogue social autour de l’emploi :
- une conditionnalité des aides publiques sur des critères sociaux et environnementaux, qui pourrait être un des critères du contrôle administratif sur les PSE ;
- une remise en cause de la validité des licenciements économiques ne répondant qu’à des stratégies financières ;
- “une solidarité de filière entre donneurs d’ordre et sous-traitants”, certaines petites entreprises n’ayant pas les moyens de faire un PSE après avoir subi la pression de leur donneur d’ordre ;
- une étude des impacts sociaux et environnementaux de chaque restructuration ;
- une “assurance transition emploi” afin de faciliter les reconversions en maintenant le salaire et la protection sociale d’une personne licenciée qui suivrait une formation qualifiante, une idée depuis longtemps déjà portée par la CFTC ;
- des négociations dans les branches et les territoires afin d’améliorer les droits des licenciés hors CSE ;
- davantage de salariés dans les conseils d’administration, etc.
“La fatigue militante”
La CFDT, qui prépare son congrès de juin 2026, entend faire de la question du soutien aux équipes syndicales, parmi lesquelles s’exprime de plus en plus souvent un sentiment de “fatigue militante”, un axe fort. Il faut dire que cette question a été très présente dans les témoignages des délégués syndicaux (DS).
Tous les DS que j’accompagne sont tombés malades après la fin du PSE
Après avoir dénoncé “une hémorragie industrielle” dans sa région, Alexandra Miroslav, secrétaire générale du syndicat chimie énergie CFDT de Picardie, nous confiait après le débat : “Tous les DS qui sont confrontés à un plan social ou une restructuration que j’accompagne sont tombés malades après le PSE, avec des problèmes de tension, des ulcères”. Ces militants oublient leur vie quotidienne durant le temps des négociations et du combat syndical, ils subissent la pression de l’employeur comme des salariés et donc ils “décompensent” en quelque sorte après cette période difficile, comme si leur corps lâchait…
Ces pressions, de nombreux délégués les ont rapportées. “En tant que déléguées, on est des salariés surexposés, sous la pression des directions et des administrateurs judiciaires qui veulent aller vite pour réaliser leurs objectifs financiers, mais aussi sous la pression des salariés qui craignent de voir leur magasin fermer. Après plusieurs restructurations, on finit épuisé et les salariés n’ont qu’une envie, partir”, a raconté Angélique Idali, qui se retrouve au chômage après avoir passé 20 ans comme responsable des licences produits de Naf Naf, où elle était déléguée syndicale.
Des boucles pour informer et pour s’entraider
Lors du second PSE, elle a choisi d’informer sans tarder les salariés dont les magasins allaient fermer, “par transparence”, dans un secteur très féminisé, aux bas salaires impossibles à améliorer grâce aux ventes, “car les primes commerciales sont inatteignables”.
Angélique Idali a aussi mis en place une boucle WhatsApp qui a changé de nature au fil des semaines : “D’une boucle descendante qui me permettait de donner des infos aux salariés, c’est devenu un vrai groupe d’entraide entre salariés”.
Aujourd’hui, tous les salariés du siège de Naf Naf ont été licenciés, la marque n’existe plus. Seuls 47 salariés ont été repris dans les magasins rachetés par Beaumanoir (dont le siège est à Saint-Malo), mais sur les 256 autres postes ouverts chez ce repreneur, seuls 9 ont été acceptés par des salariés Naf Naf, selon la déléguée. “Les postes étaient trop loin ou à mi-temps”, explique Angélique Idali.
Il faut préparer une grande reconversion pour de nombreux métiers du textile
Cette dernière décrit un univers du textile français broyé par la concurrence chinoise à bas prix et menacé par l’essor de l’occasion : “Il faut dès maintenant préparer la reconversion de nombreux métiers comme les modélistes, les stylistes, les acheteurs, les chefs de produits. Et même les mannequins, quand on voit que H&H produit son catalogue avec l’IA”.
La coordination a aussi été un élément fort dans l’expérience du PSE du cimentier Heidelberg vécu par Johann Besle. “La cimenterie, c’est comme une grande famille, nous ne sommes que 4 500 salariés dans la branche. Quand on a eu l’annonce de deux fermetures de sites, ça a été vécu comme un coup de massue par les salariés qui ont une ancienneté moyenne de 22 ans. Dans nos métiers, il n’y a pas de formation initiale, donc comment se reconvertir ?”, rapporte le délégué syndical. Des assemblées ont été organisées sur tous les sites, “on s’est coordonnés en intersyndicale et il y a eu des boucles WhatsApp site par site”.
Des assemblées pour recevoir mandat des salariés
Ces assemblées ont permis aux DS de vérifier le mandat que leur donnaient les salariés, en l’occurrence de négocier pour obtenir le plus de choses. “Nous avons d’abord eu 3 mois de négo, puis on s’est aperçus que des ruptures conventionnelles étaient proposées sur d’autres sites. Comme une RC ne donne pas les mêmes droits, on s’est fâchés. On a demandé et obtenu l’intégration dans le PSE des autres sites, et la négociation a duré au final 6 mois”, a raconté Johann Besle.
Pour un délégué, chercher un emploi ailleurs n’est pas évident : un employeur a peur de faire entrer le loup dans la bergerie
Pour ce dernier, cette restructuration en annonce d’autres : “Nous sommes un peu les sacrifiés de la décarbonation. Pour réduire l’empreinte carbone, on ne produit pas à l’étranger, mais on regroupe les sites en France”. Et le délégué syndical, qui a choisi de se reconvertir sur un autre métier, d’ajouter : “Nous délégués, on est en difficulté pour chercher ailleurs car un employeur ne veut pas faire entrer un loup dans la bergerie”.
Le témoignage de Romuald Fontaine a pu redonner un peu de baume au coeur des militants. A l’époque secrétaire général de la fédération chimie, le syndicaliste a géré le PSE annoncé par Lubrizol, une entreprise contrôlée par Warren Buffet, troisième fortune mondiale : “Début février 2025, on nous a annoncé un PSE concocté aux Etats Unis pour dégager 15 millions d’euros d’économies en France avec 169 licenciements”.
Un plan conçu aux Etats Unis et éloigné du travail réel en France
Romuald Fontaine découvre au fur et à mesure des discussions, avec l’aide d’un avocat et d’un expert qui décortique les 150 pages du projet, que ce plan est “mal ficelé et bancal”. C’est en examinant les conséquences sur l’organisation de la suppression des emplois envisagés que le responsable syndical constate un écart entre ce qui était annoncé et la réalité du travail qui pourrait être fait après le PSE : “Nous sommes allés voir les salariés des postes concernés pour leur faire parler de leur métier. Et à l’évidence, toute une partie de leur activité était sous-évaluée. Par exemple, le service logistique devait passer de 10 à 5 personnes, mais le travail attendu de ces 5 personnes était celui de 7 emplois !”
La direction a fini par retirer son projet de PSE
Ce travail d’analyse est appuyé par l’inspection du travail, qui adresse des courriers inquiets à l’entreprise concernant la prévention des risques psychosociaux. Les salariés mènent aussi une grève d’une semaine dans tous les services pour engager un rapport de forces.
Surprise début mai 2025 : “La direction nous annonce qu’elle retire son projet”. Mais la décision, enchaîne aussitôt Romuald Fontaine, désarçonne paradoxalement certains salariés qui sétaient faits à l’idée de partir, surtout que le plancher de l’indemnité de départ était monté à 100 000€. “Nous avons dit à l’employeur qu’on ne pouvait pas en rester là. Nous avons négocié des départs”, conclut Romuald Fontaine.
Un plan improvisé pour les marchés financiers
Christophe Kauffmann, coordinateur CFDT du groupe Nestlé, montre la même perplexité au regarde des 16 000 suppressions d’emplois annoncés par Nestlé : “Pour nous, ce plan est totalement improvisé. Il s’agit de rassurer les actionnaires. D’ailleurs le cours a grimpé de 9% le jour de l’annonce”. Le syndicaliste explique la mobilisation à l’échelon européen, avec ce problème : le groupe entend délocaliser vers des pays dont la main d’oeuvre est moins chère, comme le Portugal, des services supports qui se trouvent jusqu’à présent en France, et là aussi se profile l’ombre de l’IA sur ces fonctions.
Parler de l’avenir quand il encore temps, à froid
Tous ces témoignages aboutissent à la même interrogation, formulée ainsi par Alexandra Miroslav, du syndicat chimie énergie de Picardie : “Mais pourquoi ne parle-t-on de l’avenir des salariés qu’à l’occasion d’un PSE ? Il faudrait agir avant de jouer les pompiers !”
Un dilemme qui est aussi un problème syndical : pas évident d’inciter élus et délégués de suivre des formations sur un PSE lorsque leur entreprise va bien, “alors que c’est à ce moment-là qu’il faut s’armer pour être prêt en cas de besoin”, a remarqué Marylise Léon.
Dans ce registre de l’anticipation, c’est Pascal Quiroga, coordinateur CFDT de la branche des transports de fonds, qui a donné le témoignage le plus positif : “Nous savions avec les nouvelles technologies de paiement que la circulation d’argent liquide diminuerait, c’est ce qui se passe avec moins 5% chaque année. Donc nous réfléchissons depuis des années à des passerelles métiers pour que les agents des transports de fonds puissent intégrer par exemple une police municipal, et le patronat de la branche a accepté de monter ce projet avec nous”.
Nul doute que d’autres passerelles, et pas seulement vers la police, seront nécessaires face à la vague de suppressions d’emplois et de transformation des métiers qui s’annonce. Ce n’est d’ailleurs pas le seul défi qui attend les représentants du personnel. La cohésion sociale, a lancé Marylise Léon en conclusion, pourrait bien être malmenée avec l’échéance de la présidentielle qui va tendre encore le débat politique : “Les mois qui viennent vont être rudes avec une tentation de repli sur soi et le risque de dresser les salariés les uns contre les autres”.
(*) Lors de la matinée, Rémi Bourguignon, professeur à l’IAE, a restitué une étude sur les PSE réalisée en 2020 pour la CFDT via l’Ires.
| Un bon PSE ? |
| Un bon PSE, c’est celui qui n’existe pas, tout le monde est d’accord là-dessus, mais encore ? “Un PSE qui accompagne des salariés dans des activités condamnées à disparaître, c’est un bon PSE. Les autres, non !” a répondu Amir Reza-Tofighi, le président de la CPME. Réponse de Marylise Léon (CFDT) : “Je ne connais pas un DS qui négocie de bon cœur un PSE (..). Mais un bon PSE peut résulter d’une négociation abordée de façon transparente, y compris sur la justification économique des licenciements, avec un plan qui réponde de la façon la plus juste aux besoins des entreprises et des salariés”. Sur la question d’un dialogue social territorial qui serait nécessaire et souhaité par la CFDT, le dirigeant patronal ne s’est pas engagé. Il a simplement souligné la nécessité d’une transparence dans le dialogue social d’une entreprise lorsque tout va bien, “pour pouvoir parler des choses vraies lorsque ça va moins bien”. Il a également admis que la déclinaison par les branches des dispositions négociées au niveau national interprofessionnel n’était pas assez suivie. |
Bernard Domergue
