Séjours et voyages : la crise sanitaire a-t-elle changé les pratiques des CSE ?

26/03/2024

Depuis la crise sanitaire, les voyagistes et prestataires des CSE en matière de séjours reprennent du poil de la bête. Mais la crise a quelque peu modifié, selon eux, le comportement des élus, certains souhaitant être davantage accompagnés et rassurés.

Ce qui a changé en matière d’achats de voyages et de courts-séjours par les CSE ? Quand on pose cette question aux prestataires rencontrés aux salons Eluceo de Paris et de Lille, la plupart répondent : la reprise crescendo des activités. Depuis la crise sanitaire, et le système d’avoirs mis en place par l’Etat pour permettre aux voyagistes de passer le cap, le secteur a retrouvé le sourire avec des carnets de commande à nouveau bien remplis par les CSE.

Un engouement pour le Japon

Ce regain a pris davantage de temps pour certains, comme pour le Centre d’échanges internationaux (CEI), association spécialisée dans les colonies de vacances et les séjours linguistiques : “Chez nous, l’activité a eu du mal à repartir. Comme nous nous adressons aux enfants et adolescents de 4 à 17 ans, les CSE étaient d’abord réticents à relancer les voyages. Mais là, c’est revenu. Le Japon est même devenu notre première destination cette année”, nous dit Laurence Prétot, du CEI (Centre d’échanges internationaux), une association née en 1947 dans l’idée de favoriser les liens entre les jeunesses française et allemande.

Le séjour au Japon (compter 2 790€ tout compris par personne pour 12 jours) ne doit pas faire oublier tous les séjours organisés en Europe par l’association, davantage accessibles aux CSE moins importants. A signaler : un développement important des circuits en train (Paris-Stockholm en train, par étapes), motivation environnementale oblige, et des séjours linguistiques très prisés, l’association disposant de son propre centre de formation à Hastings, dans le sud du Royaume Uni. “Nous voyons de nouveaux élus qui cherchent à faire changer les choses, à proposer de nouvelles activités, mais il leur faut convaincre les salariés de modifier les habitudes”, glisse Laurence Prétot. Sous-entendu : pas toujours facile…

Il nous faut toujours rembourser les prêts garantis par l’Etat 

Pour d’autres prestataires, l’activité est repartie fortement depuis longtemps, mais il faut encore compter avec le remboursement des prêts garantis par l’Etat, les PEG, comme nous l’explique Patrick Manin, de Comptoirs du monde, qui compte 12 salariés : “Notre avons retrouvé le niveau d’activité d’avant la crise sanitaire, et nous avons par exemple une forte demande de séjours au Japon de la part de CSE importants qui avaient accumulé de la trésorerie non consommée (Ndlr : compter 3 500€ pour 12 jours). Mais nous devons encore rembourser, jusqu’en 2026, une partie des PGE, donc notre travail part en grande partie sur ces remboursements”. Autre changement observé par ce voyagiste : “Désormais, des CSE nous demandent, au nom du règlement général de protection des données (le RGPD), d’effacer les données concernant les salariés après le séjour. Nous le faisons sans souci de notre côté, mais il y a des données qui subsistent par sécurité, notamment pour les aéroports”.

“Des CSE plus exigeants”

Certains prestataires n’ont pas le souci de consacrer une partie de leurs résultats au remboursement des emprunts, témoin Finand, un autocariste vu à Lille : pas de PEG à rembourser, car l’entreprise n’a pas eu à s’endetter, et une activité très soutenue. Les CSE demandent des courts-séjours, dans les capitales européennes comme Paris, Londres, Amsterdam, ou pour des circuits type Châteaux de la Loire, Normandie, etc. “La reprise depuis juin 2021 s’accentue. Maintenant, les CSE sont plus exigeants, et il y a aussi des nouveaux élus un peu perdus, il faut prendre plus de temps pour leur expliquer, il faut les rassurer”, dit la commerciale de Finand. 

Les élus CSE veulent des rendez-vous dans nos agences 

Ce besoin d’assurance est également ressenti par d’autres voyagistes. “Les élus prennent rendez-vous dans nos deux agences, à Dunkerque et Arras. Ils veulent nous voir physiquement, cela les rassure. Ils veulent être conseillés, accompagnés”, constate Clémence Verrons, commerciale chez TUI qui propose des séjours en club (Marmara, Lookea). Comme si les annulations de dernière minute, lors de la crise sanitaire, avaient généré une anxiété que seul le contact humain avec les salariés des prestataires pouvait calmer, là où on aurait pu penser que la numérisation des activités sociales et culturelles (ASC) était un phénomène inéluctable…

Ce comportement, qui est aussi celui des nouveaux élus, se double parfois d’une volonté de changer, d’innover : “Certains veulent dynamiser ce qu’ils proposent aux salariés. Ici au salon Eluceo à Lille, ils viennent pour commencer à voir ce qu’ils proposeront en 2025, ils s’y prennent 18 mois avant”, dit Clémence Verrons. 

“Il nous faut rappeler les règles Urssaf”

Ce besoin d’accompagnement, Cécile Ferret, de l’ANCV (Agence nationale des chèques-vacances) l’a également vu se développer avec le renouvellement des équipes des CSE : “Avec les nouveaux élus, il nous faut reprendre les bases, leur expliquer les règles concernant les activités sociales et culturelles et les Urssaf, avant de pouvoir détailler une offre”. Une offre désormais déclinée, en plus des titres “papier”, en mode numérique avec les chèques vacances “Connect” : “Le CSE nous passe une commande de chèques vacances et le salarié reçoit le montant qui lui a été attribué avec une application qu’il peut télécharger sur son smartphone, pour régler directement les péages, les billets SNCF, des sorties, des loisirs de proximité”. Cette offre numérique ne coupe-t-elle pas les CSE de leurs ayants-droits, des salariés ? “Il faut maintenir le contact, proposer des événements pour informer les salariés sur l’offre et le fonctionnement de l’application”, nous répond Cécile Ferret. 

Où vais-je ? En Norvège !

Nous avons vu au début de l’article que le Japon était une destination tendance, du moins pour les CSE qui possèdent des moyens importants, et que l’Europe, selon les mots de Patrick Manin, revenait en force, par “souci de sécurité”. Est-ce lié ? Toujours est-il que la Compagnie française des Croisières observe que la Norvège est le pays phare du moment, loin d’un Proche Orient délaissé pour cause de guerre à Gaza. “Nous proposons aux CSE des week-ends de 5 à 8 jours, plus rarement des durées de 15 jours”, nous explique le croisiériste. 

 Les places pour le Canada sont parties en quelques jours !

Faut-il y voir une envie d’ailleurs de la part des élus CSE et des salariés ? On est enclin à le penser lorsqu’on écoute le CSE de Chanel PB, site logistique de Chanel qui emploie 180 salariés dans l’Oise, nous raconter leur politique voyage : le CSE alterne un séjour long courrier une année, et un séjour moyen-courrier l’autre année. En 2024, 50 personnes vont partir au Monténégro, et en février 2025, une cinquantaine de salariés partiront au Canada. “C’est la première fois que nous faisons cette destination. Les places ont été prises en quelques jours”, nous expliquent les élus, croisés au salon Eluceo de Lille. Il faut dire que le CSE subventionne chaque séjour à hauteur de 200€ par personne, comme le permet l’Urssaf, ces subventions étant exonérées de cotisations sociales. 

Bernard Domergue