Intelligence artificielle : les porteurs du projet DialIA publient leur manifeste

20/02/2024

Cofinancé par l’Anact et piloté par Odile Chagny, économiste de l’Ires, le projet DialIA réunit depuis près de deux ans des représentants des confédérations CFDT, CGT, FO et CFE-CGC pour pousser l’intelligence artificielle sur le chemin du dialogue social et sur la base d’un constat : en entreprises, directions et représentants du personnel ne se sont pas encore saisis du sujet malgré les menaces qu’il fait peser sur certains emplois.

Les principales confédérations se sont déjà emparées du sujet intelligence artificielle (IA), parfois depuis plusieurs années. Prenant la suite des enjeux de robotisation puis de numérisation, l’intelligence artificielle inquiète autant que ses capacités fascinent. Ses enjeux sur le monde du travail en font une question incontournable depuis la démocratisation, en 2023, de ChatGpt. Pas question donc de laisser la situation échapper aux représentants des salariés. Pour autant, former les délégués syndicaux et élus de CSE prend du temps.

Si l’IA figurait à l’agenda social autonome des partenaires sociaux de 2021, l’actualité chargée et de multiples négociations interprofessionnelles n’ont pas fait de cette intention une réalité. Un accord national interprofessionnel (Ani) aurait le mérite de fonder des bases partagées de négociation. En attendant, le projet DialIA, co-financé par l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (Anact) et piloté par une économiste de l’Ires, Odile Chagny, tente de faire avancer une position syndicale commune. Les porteurs du projet avaient pour objectif de décliner l’accord cadre européen de 2020 sur la transformation numérique des entreprises et surtout, faire entrer une fois pour toutes l’IA dans le champ du dialogue social professionnel. Ils ont abouti à un manifeste posant les enjeux et le diagnostic (document en pièce jointe).

Vers une boîte à outils pour les élus du personnel

Franca-Madinier, en charge du dossier pour la CFDT, espère que “cette contribution pourra faciliter les prises de conscience là où elles n’ont pas encore été faites” et attend avec impatience le rapport du comité interministériel sur l’IA qui devrait être remis au gouvernement en mars 2024. Pour Éric Peres (FO), l’intention de ce manifeste est de se mettre d’accord sur ce que l’on souhaite faire. Ensuite se poursuivra un travail collaboratif pour aboutir d’ici trois mois à des modules et des fiches outillant les représentants du personnel sur les thèmes fondamentaux : acculturation à l’IA, définition d’un projet, d’une étude d’impact, “stress tests”, réglementation, registre ou encore comité de suivi”.

Un manque criant de dialogue social

Pour l’heure, le manifeste DialIA dresse le constat suivant : “Force est de constater que la place accordée aujourd’hui au dialogue social est faible. (…) [Il] est quasi inexistant avec les pouvoirs publics, comme en entreprise et dans l’administration”. Le document pose également la question de la consultation des élus de CSE : ” Le seul moment où peut se dérouler une discussion précise sur le sujet de l’IA est celui de l’introduction des SIA au travers de l’information consultation des représentants du personnel. Les représentants du personnel sont trop rarement associés aux réflexions structurelles que peut engendrer le recours à de tels outils”.

Autre mécanisme à associer en urgence à l’intelligence artificielle : le partage de la valeur. Selon le manifeste, pour l’heure, “ce sont surtout les fournisseurs d’IA et ceux qui collectent et valorisent les données qui en tirent le bénéfice économique. Le risque est également fort de voir cette valeur captée par quelques acteurs dominants. Les moyens des utilisateurs, notamment les TPE/PME, que ce soit au niveau d’un secteur ou d’une filière, pour exploiter et tirer tous les bénéfices de l’IA, sont très inégaux. Il en va de même dans l’administration”.

Il est donc indispensable selon le texte de ” réduire et limiter les asymétries entre les acteurs et les parties prenantes de la transformation permise par l’IA”.

Pour une IA au service du travail

En un mot, le document appelle à construire une IA “au service des organisations du travail” : ” Les SIA (Systèmes d’Intelligence Artificielle) sont développés à partir du travail prescrit, des représentations du travail qui ne prennent pas en compte les nuances, les subtilités, la complexité qui font l’intérêt du travail réel et lui donnent du sens. Réduire le travail réel en données exploitables par des SIA les rendent en quelque sorte aveugles. Le risque est fort que ces SIA deviennent alors des contraintes supplémentaires pour les travailleurs pouvant contribuer à la perte de sens, voire conduire à l’obsolescence humaine”.

Marie-Aude Grimont

Hausse envisagée des seuils pour les CSE : “Une nouvelle attaque en règle du dialogue social dans les TPE/PME”

21/02/2024

Dans ce point de vue, Julien Sportès, du cabinet Tandem expertise (*), analyse les conséquences qu’auraient, si elles étaient appliquées, les recommandations du récent rapport sur la simplification qui visent notamment à rehausser de 50 à 250 salariés le seuil ouvrant droit aux prérogatives “renforcées” du CSE : budget de fonctionnement, droit à expertise, consultations, etc.

Un rapport parlementaire préconise 14 mesures de simplification administrative pour alléger les obligations, normes et/ou difficultés rencontrées par les chefs d’entreprises TPE/PME. Il fait suite à une enquête réalisée auprès de chefs d’entreprises de TPE/PME et fournit des conclusions qui se rapprochent très fortement d’un rapport établi par la CPME deux semaines avant et qui listait également diverses revendications de même nature.

Si certaines mesures de ce rapport peuvent apparaître légitimes au regard des démarches administratives chronophages et complexes pour des TPE/PME, il est particulièrement regrettable que ce rapport y mêle d’autres mesures qui sont présentées comme un moyen de lever les freins à la croissance des entreprises, sans aucune étude préalable à l’appui de cet état de fait.

 Passer de 50 à 250 salariés pour les attributions “renforcées” des CSE, c’est remettre en cause le dialogue social dans les PME

En effet, le rapport propose de rehausser les seuils de mise en place des CSE, notamment les CSE disposant d’attributions économiques « renforcées » (sic) en faisant passer le seuil des effectifs de 50 à 250 salariés. L’application de ce nouveau seuil poserait d’une part de très nombreuses questions, mais, d’autre part, constituerait une nouvelle remise en cause formelle du dialogue social dans les entreprises et à fortiori dans celles de taille modeste où il est le plus fragile et le plus difficile à faire vivre.

La hausse de ce seuil conduirait à supprimer l’octroi de la subvention de fonctionnement (attributions économiques et professionnelles) pour de très nombreux CSE. Et sans subvention de fonctionnement, déjà souvent considérée comme insuffisante au regard des besoins des CSE de taille modeste, les élus ne pourront plus :

  • se former pour les formations économiques prises en charge par les CSE ;
  • avoir recours aux avocats et conseils juridiques (pour se défendre, conster devant les tribunaux) ;
  • avoir recours à l’expert-comptable (pourtant obligatoire pour les CSE dont les ressources dépassent 153 000 €) ;
  • se déplacer pour les réunions de travail des commissions, communiquer auprès des salariés ;
  • avoir recours à des expertises libres…

Par ailleurs, les CSE de moins de 250 salariés se trouveraient privés des consultations récurrentes (essentielles pour saisir les enjeux économiques, sociaux, stratégiques et environnementaux de l’entreprise) et des consultations ponctuelles, et notamment celles portant sur les impacts sur la santé et les conditions de travail (projet important). Finis également le recours à l’expert dans le cadre des situations de risque grave des salariés.

Déjà que les modalités de consultation étaient décriées en raison de l’absence de délivrance d’un avis conforme, mais, avec ce rapport, il est simplement proposé d’arrêter de délivrer les informations adéquates sur des projets importants, de transmettre des informations essentielles à la compréhension des aspects économiques, sociaux, stratégiques et environnementaux ou encore de restreindre la capacité d’agir des CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail.

L’effet délétère de la fusion des IRP de 2017 serait décuplée s’agissant des conditions de travail 

Sur ce dernier sujet, de très nombreuses études ont mis en lumière les effets délétères de la fusion des instances sur le fonctionnement des représentants du personnel en matière de santé, sécurité et de conditions de travail. Avec ce rapport, ce phénomène en sera démultiplié en restreignant fortement les possibilités du CSE d’agir sur la prévention des risques et la proposition de mesures d’améliorations des conditions de travail. Inutile de s’étonner de la hausse des arrêts de travail si l’on passe son temps à restreindre les moyens et les possibilités d’actions pour en limiter la source dans les entreprises.

Ce rehaussement de seuil pour les entreprises de moins de 250 salariés sera donc très lourd de conséquences sur le fonctionnement de l’instance et sur les salariés. D’ailleurs, il n’y a qu’à regarder le fonctionnement des CSE des entreprises de moins de 50 salariés dans lesquels le dialogue social est particulièrement difficile faute de moyens pour les représentants du personnel et d’obligations de consultation.

Que dire par ailleurs de la fin préconisée de la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales) ! Si cette BDESE méritait d’être revue pour améliorer son exploitation par les élus du personnel, sa suppression au sein des TPE/PME constitue simplement une erreur manifeste d’interprétation sur son objet et intérêt : l’information nourrit la réflexion qui alimente l’action.

 Le CSE n’est pas une instance de communication de la direction

Si l’on souhaite démontrer dans le futur l’absence de pertinence de cette instance, il suffit de lui couper toute velléité d’intervention, de réflexion et d’action dès aujourd’hui. En effet, il est fort probable que le dialogue social sera encore moins possible dans les CSE dont les élus seront réduits à une chambre de recueil d’informations (partielles et sans débat contradictoire) et d’enregistrement des décisions de l’employeur.

Le CSE n’est pas une instance de communication de la direction, mais un lieu de débat, d’échanges et de propositions sur le fonctionnement de l’entreprise et son avenir dont les salariés sont directement concernés. Il est aussi un lieu d’expression des dysfonctionnements et des tensions sociales que les employeurs seraient bien inspiré d’écouter plus fréquemment et plus attentivement car de nombreux sujets amenés par les élus visent, in fine, à améliorer l’entreprise et garantir son développement. Mais la pertinence de ces thèmes et questions soulevés par les élus ne tombe pas du ciel. Elle reste le fruit de leur capacité d’analyses et de propositions permises par son budget de fonctionnement, les consultations ou encore l’accès à l’information.

Comment imaginer des évolutions et améliorations pour les seniors, de réduction des inégalités professionnelles, de lutte contre le harcèlement sexiste, de partage de la valeur ou encore une plus grande prise en compte des situations de handicap si les représentants du personnel ne sont plus en capacité d’émettre des propositions faute de disposer des informations et des analyses adéquates ?

De même, d’autres questionnements majeurs pourraient également résulter de cette hausse des seuils d’effectifs sur le rôle et champ d’intervention des syndicats. À titre d’exemple, la désignation des délégués syndicaux sera-t-elle également affectée par ce nouveau seuil de 250 salariés ? Toute la législation sur les modalités de signature des accords sera-t-elle remise en question pour les TPE/PME ?

Le rapport préconise la mise en place d’un suivi des mesures sur le moyen / long terme. Cette préconisation ressemble précisément à celle qui avait été prévue pour les Ordonnances Macron : les rapports établis par France Stratégie sur les Ordonnances ont montré que la réforme des CSE n’avait eu aucun effet probant sur le dialogue social (voire au contraire des effets négatifs), avaient proposé des aménagements qui n’ont été suivis d’aucune mesure et surtout, ont été arrêtés après 4 ans d’existence alors même que le gouvernement s’était défendu de la faiblesse des effets à court terme par des objectifs de moyen/long terme…qui ne seront plus mesurés ! Allons-nous réitérer cette même incohérente ?

D’autres parties prenantes que les seules directions seront-elles écoutées ? 

Enfin, la question de la méthode doit être remise en cause. Une telle décision pourrait-elle résulter uniquement d’un rapport synthétisant les réponses des chefs d’entreprise de TPE/PME à un questionnaire ? D’autres parties prenantes seront-elles également écoutées et accueillies dans leurs revendications au regard de ce sujet du seuil de l’instance ? Les élus du personnel et les syndicats de salariés seront-ils consultés ? Au regard du calendrier envisagé (projet de loi au printemps), tout indique que le futur projet de loi ne comprendra qu’une seule version des débats et sans aucune analyse d’impact. Cette méthode est-elle en phase avec le projet de réconcilier les citoyens-salariés avec les élus du Parlement et d’initier le « réarmement démocratique » ?

Peut-on raisonnablement estimer que le CSE est une instance qui bride la croissance des entreprises ? Le dialogue social dans les TPE/PME, pourtant souvent présenté comme insuffisant est-il être caractérisé comme un frein au développement des entreprises ? Bref, le CSE peut-il se résumer à une norme administrative qu’il suffirait de supprimer pour faciliter la vie des chefs d’entreprise et qui n’aurait aucune incidence sur la vie au travail de millions de salariés ? À l’heure de tensions sociales majeures actuelles et d’enjeux salariaux et de conditions de travail de plus en plus criants, vouloir réduire au silence les représentants des salariés des TPE/PME serait une nouvelle grave erreur, après celle de septembre 2017 avec les Ordonnances Macron. Ne laissons pas ce projet de loi passer.

(*) L’auteur de cette tribune, Julien Sportès, est président de Tandem expertise, cabinet de conseil auprès des élus du CSE. Il a lancé sur le web une pétition contre le relèvement des seuils des CSE

Julien Sportès

Simplification : une régression pour FO, une ligne rouge pour la CGT, une fausse bonne idée pour l’U2P

21/02/2024

Les hausses de seuils (notamment sur les CSE), le court délai pour contester un licenciement aux prud’hommes, l’exclusion des accords de branches dans les petites entreprises, autant de réductions de droits des salariés proposées sous couvert de simplification pour les représentants des syndicats. Sophie Binet (CGT) considère ces propositions comme “inadmissibles”, “des lignes rouges” pour la CGT. La centrale de Montreuil en profite pour rappeler que ” si l’objectif du gouvernement est de « Rendre des heures aux Français » [titre du rapport], il faut réduire le temps de travail et revenir à la retraite à 60 ans !”. Frédéric Souillot (FO) y voit un “régression” et une “forme d’antisyndicalisme primaire”. Force Ouvrière prévient qu’elle “entend lutter contre tout nouveau recul social et à toute atteinte aux droits et aux droits fondamentaux des salariés et rappelle que le droit de grève constitue pour les salariés un droit fondamental garanti par la Constitution mais également par les outils internationaux tels que la Charte sociale européenne” (communiqués en pièces jointes). 

Une fracture patronale risque par ailleurs d’apparaître entre l’U2P (Union des entreprises de proximité) d’une part, le Medef et la CPME d’autre part : un communiqué de presse de l’U2P qualifie de “fausse bonne idée” la dérogation aux accords de branche dans les petites entreprises : “les conventions collectives de branche sont absolument indispensables pour organiser une profession, garantir les règles de concurrence, et mutualiser les coûts en particulier pour les petites entreprises. Permettre à certaines entreprises de s’exonérer des règles communes risque de mettre à mal l’ensemble de la vie conventionnelle et d’assécher les possibilités de financement rendues possibles par la mutualisation.(…) Il serait par ailleurs incohérent, au moment où le Gouvernement demande aux branches professionnelles de faire des efforts en matière salariale, d’affaiblir celles-ci par une mesure qui remet en cause leur utilité”. Le syndicat patronal alerte aussi le gouvernement sur les relèvements de seuils de 11, 50 et 250 salariés : “L’idée paraît séduisante compte tenu de sa simplicité mais elle peut conduire à nier les spécificités des petites entreprises et au final à alourdir leurs charges et obligations”. L’U2P demande en tout cas “que rien ne se fasse sans concertation préalable”.

Source : actuel CSE

L’abondement à un plan d’épargne salariale ne doit pas croître selon le salaire

22/02/2024

L’abondement de l’employeur au Perco ne bénéficie pas des exonérations sociales si le règlement du plan prévoit un système de plafonnement de l’abondement favorisant les salariés aux rémunérations les plus élevées.

Une entreprise qui a mis en place un plan d’épargne d’entreprise (PEE), un plan d’épargne retraite collectif (Perco) ou encore un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (PEREC) ou adhéré à un plan d’épargne interentreprises (PEI) peut compléter les versements des salariés par un abondement dont les règles d’attribution doivent être fixées par le règlement du plan. L’abondement ne doit pas excéder le triple de la contribution du bénéficiaire ni dépasser par année civile un plafond réglementaire fixé à 8 % du PASS pour les PEE et 16 % pour les Perco et les PEREC (articles L.3332-11, R.3332-8 et R.3334-2 du code du travail ; article D.224-10 du code monétaire et financier).

L’abondement est exclu de l’assiette des cotisations sociales à condition que le règlement du plan soit déposé auprès de l’administration (article L.3332-27 du code du travail). L’administration a précisé que, pour bénéficier du régime social et fiscal spécifique au PEE, les plans d’épargne doivent être constitués en respectant l’ensemble des dispositions du code du travail les concernant (Guide de l’épargne salariale, juillet 2014, PEE, fiche n° 6).

La contribution du salarié pouvant faire l’objet d’un abondement peut être constituée, selon les règles fixées par le règlement, des versements volontaires du salarié, de ses primes d’intéressement et de participation et, depuis la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023, de la PPV selon des modalités qui doivent encore être définies par décret.

Une modulation de l’abondement encadrée par le code du travail

Dans le respect de ces règles de plafonnement, le règlement du plan peut définir librement les modalités d’attribution de l’abondement. Mais l’article L.3332-12 du code du travail (applicable aux PEE mais aussi, par renvoi, aux PEI, Perco et PEREC) dispose qu’une modulation éventuelle du versement de l’employeur ne peut résulter que de règles à caractère général qui ne peuvent en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l’entreprise et celui du salarié croissant avec la rémunération de ce dernier.

L’administration indique que la modulation peut, par exemple, être liée à l’origine des sommes ou à leur affectation afin d’orienter l’épargne. Selon elle, une modulation selon les catégories socioprofessionnelles ou encore l’ancienneté ne semble pas proscrite mais la différenciation ne peut avoir pour effet en pratique de rendre le taux d’abondement croissant avec la rémunération (Guide de l’épargne salariale, PEE, fiche n° 3, II).

C’est par application de cet interdit que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 1er février 2024, confirme le redressement notifié à une entreprise, les sommes versées au titre de l’abondement étant réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales.

Un règlement de Perco faisant augmenter l’abondement avec le niveau de salaire

Dans cette affaire, le règlement de Perco de l’entreprise prévoyait le versement par l’employeur d’un abondement à hauteur de 100 % de la contribution du salarié, sans différenciation. En revanche, la contribution du salarié était plafonnée selon le niveau de rémunération. Le plafond était fixé à 0,5 % du salaire mensuel pour la fraction de salaire jusqu’à 4 000 euros brut, puis à 2,5 % du salaire mensuel pour la fraction compris entre 4 000 et 18 535 euros. Si le rapport entre la contribution du salarié et celle de l’employeur (1 pour 1) était le même pour tous les bénéficiaires du plan, la règle de plafonnement de la contribution du salarié pouvait conduire en pratique à des montants d’abondements très différenciés et croissant avec la rémunération.

Selon nos calculs, un salarié percevant 2 000 euros bruts mensuels avait droit à un abondement maximal de 10 euros, contre 20 euros pour un collègue percevant 4 000 euros bruts, 70 euros pour un salarié percevant 6 000 euros bruts et 383 euros pour un salarié rémunéré 18 535 euros par mois.

Un redressement notifié par l’Urssaf…

A la suite d’un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l’Urssaf avait notifié à l’entreprise un redressement, qui avait été annulé par la cour d’appel. Les juges du fond avaient en effet considéré que les montants des contributions des salariés étaient prédéfinis en fonction du niveau de rémunération selon deux tranches de revenus, mais que dans tous les cas, l’abondement patronal s’élevait à 100 % de la contribution, de sorte que le rapport entre la contribution et l’abondement était le même dans chaque situation et que la règle posée à l’article L.3332-12 du code du travail était respectée.

L’Urssaf s’était pourvue en cassation, faisant valoir que l’abondement patronal ne peut bénéficier des exonérations de cotisations sociales que s’il respecte le caractère collectif du dispositif d’épargne salariale, ce qui n’est pas le cas lorsque l’abondement dépend de la rémunération du salarié et s’avère plus important pour les salariés ayant la rémunération la plus élevée, en violation de l’article L.3332-12 du code du travail.

… et confirmé par la 2e chambre civile de la Cour de cassation

La réponse de la Cour de cassation conforte la position de l’Urssaf.

Au visa de l’article L.3332-12 du code du travail, la Haute juridiction pose pour principe que l’abondement au Perco ne bénéficie de l’exclusion de l’assiette des cotisations sociales qu’à condition de respecter un caractère collectif. Elle estime que la cour d’appel ne pouvait pas annuler le redressement, dès lors que la mise en place d’un taux unique d’abondement en fonction de la contribution du salarié, cette dernière étant plafonnée à une somme déterminée en pourcentage de la rémunération, avait pour effet d’augmenter la part des versements complémentaires de l’employeur avec la rémunération du salarié. La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel et, statuant au fond, déboute la société de sa demande d’annulation du redressement de l’Urssaf.

Prises à la lettre, en effet, les dispositions de l’article L.3332-12 du code du travail permettaient de valider, comme l’avaient fait les juges du fond, la modulation de l’abondement prévue par ce règlement, car le rapport entre le versement patronal et la contribution du salarié était identique quel que soit le niveau de rémunération. Mais le plafonnement de la contribution du salarié permettait de manière détournée, de faire croître le montant de l’abondement avec la rémunération. Faisant primer l’esprit du texte, la deuxième chambre civile censure ce type de modulation.

Outre l’article L.3332-12 du code du travail, l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile vise également l’article R.242-1-4 du code de la sécurité sociale comme fondement du caractère collectif de l’abondement au Perco. Cet article dispose que pour bénéficier de l’exclusion d’assiette sociale, les contributions patronales mentionnées au 4° du II de l’article L.242-1 du code précité doivent être fixées à un taux ou à un montant uniforme pour l’ensemble des salariés ou pour tous ceux d’une même catégorie au sens de l’article R. 242-1-1, sauf dans certains cas listés. Or, le 4° du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale concerne les contributions des employeurs destinées au financement de la protection sociale complémentaire. L’article R.242-1-4 du code de la sécurité sociale ne concerne donc pas, selon nous, l’abondement au Perco, dont l’exonération de cotisations sociales est prévue au 3° du II de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

Prise à propos d’un Perco, cette décision a vocation à s’appliquer à l’ensemble des plans d’épargne salariale.

Fanny Doumayrou

Les partenaires sociaux adoptent un avis sur les conditions de travail et le changement climatique

22/02/2024

Les membres du CNPST (Comité national de prévention et de santé au travail) du Coct (Conseil d’orientation sur les conditions de travail) se sont enfin mis d’accord : le 16 février, ils ont adopté leur avis pour “améliorer la qualité et les conditions de travail dans le cadre du changement climatique”. Les partenaires sociaux rappellent que ce sont aux entreprises de prendre en compte le changement climatique dans l’organisation du travail, et que cela se fonde essentiellement sur l’évaluation des risques.

Ils rappellent que l’entreprise peut, dans le cadre de son plan de continuité d’activité notamment, décider d’arrêter l’activité si le phénomène climatique extrême met en danger les travailleurs. Ils remarquent qu’il revient au préfet de département de déterminer les conditions d’adaptation ou de restriction d’exercice des entreprises en fonction des alertes météos, mais aimeraient que celui-ci consulte d’abord les CRPST (Comités régionaux de prévention et de santé au travail).

Tout en évoquant la responsabilité de l’employeur et des pouvoirs publics, les partenaires sociaux estiment que le dialogue social, les accords d’entreprise et les accords de branche, « sont à privilégier afin de rechercher les solutions les plus pertinentes pour garantir la performance globale de l’entreprise et la santé et la sécurité des travailleurs en cas de températures extrêmes (gel, canicule) ».

Les auteurs de l’avis « expriment le vœu que la puissance publique soutienne les entreprises qui sont à la recherche de solutions pour améliorer la qualité et les conditions de vie au travail face au changement climatique ». Ils font ici référence au plan national d’adaptation au changement climatique qui est en cours de préparation. Et surtout, ils s’accordent pour « inviter » les entreprises à « réduire leur consommation énergétique en vue de contribuer à l’atténuation du changement climatique ».

Ils prévoient de rendre des avis thématiques, toujours sur les conséquences du changement climatique sur les conditions de travail. Cet avis du 16 février fait suite à celui du Conseil social économique et environnement (CESE) adopté à l’unanimité en 2023. 

Source : actuel CSE

Les services administratifs et financiers, activités les plus sous-traitées ?

22/02/2024

En 2021, près de la moitié (48,7 %) des entreprises donneuses d’ordre ont sous-traité des services administratifs et financiers, ce qui en ferait le “secteur” le plus externalisé (les services informatiques arrivent en seconde position), estime une étude de l’Insee. Contacté, l’institut national de la statistique nous précise que, dans le cadre de l’enquête qu’il a réalisée, ces services englobent partiellement ou totalement les ressources humaines, la comptabilité, les services juridiques, la gestion des achats et les assurances. L’étude se base sur 20 000 unités légales implantées en France (hors secteurs agricole et financier) n’appartenant pas au secteur public et employant au moins 5 salariés.

Source : actuel CSE

Seuils et prérogatives du CSE : rappel des règles actuelles, questions sur un relèvement

23/02/2024

Un rapport parlementaire suggère de relever de façon importante les seuils des CSE. L’occasion de rappeler les règles actuelles et de s’interroger sur les conséquences qu’aurait un tel changement.

Publié le 14 février, un rapport parlementaire, qui suscite l’hostilité des organisations syndicales et la vive réaction des experts des institutions représentatives du personnel (IRP), suggère, pour simplifier la vie des entreprises et favoriser leur croissance, de relever les seuils existants des CSE.

Le gouvernement a annoncé qu’il présenterait avant l’été un projet de loi sur le sujet. Si ce projet reprenait à son compte ces préconisations, comme le souhaite le ministre de l’économie, et si la loi était votée, ces changements auraient d’importants effets sur le dialogue social et la représentation des salariés dans les PME. En effet, la création du CSE et l’étendue des prérogatives de cette instance dépendent de l’effectif de l’entreprise. Rappel des dispositions actuelles et interrogations sur les changements envisagés.

Rappel sur les effectifs

Sont pris aujourd’hui en compte dans le calcul de l’effectif qui détermine si une entreprise doit organiser une élection de CSE, les CDI, les CDD, les salariés à temps partiels, certains intérimaires (art. L. 1111-2). En sont exclus les apprentis et les titulaires d’un contrat de professionnalisation (art. L. 1111-3). 

La situation des CSE de 11 à 49 salariés 

Jusqu’en 2017, il n’y avait pas de comité d’entreprise sous la barre des 50 salariés, mais seulement des délégués du personnel (DP).

En fusionnant, à l’occasion des ordonnances Macron, les différentes instances représentatives (CHSCT, DP, CE), le législateur a adopté le nom générique de CSE (comité social et économique) quelle que soit la taille de l’entreprise. Mais le CSE qui existe dans les établissements de 11 à 49 salariés n’est pas un CSE de plein exercice : cette délégation du personnel recouvre seulement les attributions des anciens délégués du personnel (DP).

Il s’agit pour l’essentiel de présenter à l’employeur les réclamations individuelles et collectives des salariés, sachant que ce CSE peut aussi user d’un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent ou en cas d’atteinte aux droits des personnes.

► La mise en place

Cette délégation se met en place dès lors que l’effectif de l’entreprise atteint au moins 11 salariés durant 12 mois consécutifs. Cela signifie que si, lors d’un mois, l’effectif repasse sous la barre de 11 salariés, le décompte repart de zéro ! Si une entreprise se crée en ayant d’emblée au moins 11 salariés, un délai d’un an est néanmoins imposé pour la mise en place du CSE.

► La fin de l’instance

A l’inverse, en cas de baisse d’effectifs, si celui-ci reste en dessous de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs, le CSE n’est pas supprimé immédiatement. Mais il n’est pas renouvelé à l’expiration du mandat de ses membres. L’élection n’est alors pas organisée (art. L. 2313-10 du code du travail).
 La délégation

La délégation de ces CSE se limite à 1 élu de 1 à 11 salariés et à 2 élus de 25 à 49 salariés, et autant de suppléants. S’il dispose d’un local et d’un panneau d’affichage et s’il est réuni une fois par mois, ce “CSE” ne possède pas de budget propre (ni de fonctionnement, ni d’activités sociales et culturelles), il ne peut pas lancer d’expertise ni d’alerte économique, et ne dispose pas des informations de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).

► Le changement préconisé par le rapport

On peut déduire du rapport parlementaire une volonté de relever de 11 à 50 le seuil rendant obligatoire la création d’un CSE aux compétences limitées. Cela signifierait donc que jusqu’à 49 salariés, il n’y aurait pas de délégation du personnel dans ces entreprises. 

La situation des CSE de 50 et 250 salariés 

Ce n’est qu’à partir de 50 salariés qu’on peut véritablement parler d’un CSE de plein exercice : budget de fonctionnement et budget d’activités sociales et culturelles, prérogatives de l’ancien CHCST pour la santé-sécurité-conditions de travail, consultations importantes, droit d’expertise, mise à disposition d’une BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales), droit à une formation économique de 5 jours, etc.

D’autres seuils existent bien sûr. Par exemple, en l’absence d’accord collectif sur le sujet, le nombre d’élus dépend de la tranche d’effectifs, selon le tableau de l’article R. 2314-1 du code du travail  (ex : 4 titulaires de 50 à 74 salariés, 5 de 75 à 99 salariés, 10 de 200 à 249, etc…). En outre, une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ne s’impose qu’à partir de 300 salariés. Autres exemples : la réunion mensuelle du CSE n’est obligatoire qu’à partir de 300 salariés, et c’est seulement à partir de 300 salariés que la consultation annuelle sur la politique sociale doit aussi porter sur le bilan social.  

► La mise en place

Actuellement, lorsqu’une entreprise de moins de 50 salariés, qui dispose donc d’un CSE limité, voit son effectif atteindre ou dépasser 50 salariés, elle ne doit pas tout de suite doter le CSE de ses prérogatives étendues : cela prend 2 ans ! Il faut en effet d’abord attendre que cet effectif d’au moins 50 salariés soit atteint pendant 12 mois consécutifs. Et à partir de ces 12 mois, un autre délai de 12 mois court au terme duquel le CSE voit ses prérogatives étendues (art. L. 2312-2 du code du travail).

Lorsque l’entreprise n’était pas dotée d’un CSE et qu’elle atteint le seuil de 50 salariés, il faut là aussi attendre : la règle de 12 mois consécutifs pour l’atteinte du seuil est la même. Suit alors la création du CSE. Elle-même suivie d’un nouveau délai d’un an avant que le CSE puisse exercer toutes ses prérogatives. 

Concernant le seuil d’accès à certaines prérogatives, la règle est la même. Par exemple, il faut que l’effectif de l’entreprise atteigne 300 salariés pendant 12 mois consécutifs pour que, une nouvelle année plus tard, le CSE accède à ces prérogatives renforcées (ex: BDESE, information trimestrielle sur l’évolution de l’emploi, etc.). 

► La réduction des prérogatives

Si l’effectif passe sous les 50 salariés durant 12 mois consécutifs, il n’y a pas de changement en cours de mandat : le CSE conserve ses attributions. En revanche, lorsque l’effectif de 50 salariés n’a pas été atteint pendant les 12 mois précédant le renouvellement de l’instance, ce renouvellement change la donne : le CSE voit, à l’occasion de l’élection,  ses prérogatives ramenées à celles, réduites, des CSE de 11 à 49 salariés (art. L. 2312-3).

► Le changement préconisé par le rapport

Il consiste à relever de 50 à 250 salariés le seuil rendant obligatoire la création d’un CSE aux prérogatives renforcées.

Autrement dit, de 50 à 249 salariés, les salariés n’auraient qu’un CSE limité pour l’essentiel aux prérogatives des anciens délégués du personnel. Le rapport ne dit rien sur le nombre d’élus du CSE ainsi modifié. De 50 à 249 salariés, y aurait-il comme actuellement entre 4 à 10 élus titulaires, ou l’objectif est-il de ne garder qu’une délégation limitée, comme elle existe actuellement de 11 à 49 salariés, avec 1 à 2 élus ? On l’ignore. Même question pour le véritable CSE qui ne serait instauré qu’à partir de 250 salariés : actuellement, un CSE de 250 à 299 salariés doit comporter 11 élus titulaires, partirait-on demain sur cette base ou d’un niveau inférieur ? Dans ses dernières propositions, la CPME, l’organisation patronale des PME, plaide pour une baisse radicale en limitant le nombre de titulaires du CSE à 1 jusqu’à 49 salariés et à 3 jusqu’à 250 salariés…

La BDESE

Issue d’un accord national interprofessionnel signé par trois syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC) et trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) transposé dans la loi de sécurisation de l’emploi de 2012, la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) est un outil essentiel pour l’information des CSE, même si l’on constate souvent des problèmes de mise à disposition ou de mise à jour des informations.

La mise en place

L’employeur doit obligatoirement mettre en place cette BDESE à partir de 50 salariés, dans une version simplifiée. A partir de 300 salariés, la BDESE doit comprendre des informations plus détaillées. 

► Le changement préconisé par le rapport

Il s’agit de relever de 50 à 250 salariés le seuil rendant obligatoire la création d’une BDESE, et de porter de 300 à 1 000 salariés le seuil à partir duquel les entreprises doivent présenter une BDESE enrichie.

L’alternative

Le rapport parlementaire fournit lui-même une alternative à sa proposition maximale de relèvement des seuils : “Des seuils intermédiaires de 20 et 100 salariés pourraient également être créés en lieu et place des seuils à 11 et 49 actuels”. Autrement dit, le CSE version délégués du personnel débuterait à 20 salariés au lieu de 11, et le CSE de plein exercice à 100 salariés au lieu de 50. Une hypothèse à considérer : ne s’achemine-t-on pas vers une limitation à 6 mois du délai de contestation d’un licenciement, alors que le ministre de l’économie avait parlé dans un premier temps de ramener ce délai à seulement 2 mois ? A suivre…

Quelle application ? 

Le rapport parlementaire, qui ne comporte pas d’étude d’impact, ne présente aucune précision sur la façon dont ces changements s’appliqueraient : la future loi et ses décrets devront fixer ces éléments. Des changements qui peuvent aussi bouleverser la mesure d’audience servant de base à la représentativité syndicale, le cycle actuel s’achevant fin 2024.

Sur la base des règles actuelles, on peut penser que ces relèvements de seuils s’appliqueraient à l’expiration des mandats des actuels CSE, ce qui entraînerait la disparition à terme de nombreuses instances et de mandats.

A moins que le gouvernement n’opte pour une mesure plus rapide, type date butoir (ce fut le cas pour la mise en place du CSE, mais avec une longue période transitoire de 2017 à 2019). Les entreprises intéressées par la possibilité de se passer d’IRP pourraient y trouver leurs comptes, moins celles qui verraient se précipiter certaines échéances électorales, les services RH ayant déjà connu ce chantier chronophage lors des ordonnances…

“Ils pourraient imaginer quelque chose du genre : avec les nouveaux seuils, les instances et/ou les prérogatives disparaissent lors des échéances électorales, sauf en cas d’accord collectif”, imagine Mikaël Klein, un avocat qui défend les organisations syndicales.

La réaction de l’avocat Mikaël Klein

Cet avocat ne s’avoue du reste “pas surpris” mais quand même un peu “désespéré” par le contenu de ce rapport, à ses yeux “idéologique” : “Le document méconnaît totalement l’intérêt et les enjeux d’une représentation du personnel et d’une négociation collective réelle. On a l’impression qu’il faudrait que l’employeur puisse décider seul ou directement avec les salariés, sans intermédiaire, la représentation du personnel étant quasiment jugée parasitaire”.

L’avocat estime qu’il s’agit sûrement d’un ballon d’essai, qui pourrait aboutir in fine à un relèvement du CSE de plein exercice de 50 à 100 salariés, alors que de nombreux rapports ont alerté sur les conséquences des ordonnances de 2017. Mais Mikaël Klein reste prudent et ajoute : “Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les organisations syndicales savent bien qu’il rêve de mettre un terme au monopole de négociation des délégués syndicaux via la fin du monopole syndical de présentation des candidats au 1er tour. Si un texte était voté relevant à 250 salariés le seuil de désignation d’un DS (*), cela ne reviendrait-il pas au même ?”

(*) Cette mesure ne figure pas dans le rapport, mais la CPME suggère “de faire sauter le monopole syndical de présentation des candidatures au 1er tour des élections professionnelles” dans les entreprises de moins de 300 salariés.

“Rendre des heures aux Français” ?
Le titre du rapport parlementaire (“Rendre des heures aux Français”) peut laisser perplexe. Cette formule semble signifier que les heures consacrées par des représentants du personnel à leur mandat, et donc à la défense et à la représentation des salariés auprès des employeurs, seraient des heures perdues, voire qu’elles n’auraient qu’une valeur négative sur le plan économique. Cela rappelle le fameux rapport Perruchot de 2011, qui assimilait les moyens liés à l’exercice du droit syndical, comme le crédit d’heures, à un financement des syndicats. 

Cet intitulé ignore d’une part un principe constitutionnel, posé par le huitième alinéa du Préambule de 1946 : “Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises”. 

Ensuite, sans même parler ici de leur rôle relatif aux activités sociales et culturelles et au suivi de la marche économique de l’entreprise, les représentants du personnel contribuent à améliorer les conditions de travail des salariés, et l’on sait le coût que représente pour une entreprise un taux élevé d’absentéisme ou d’accidents de travail et de maladies professionnelles… 

► Rappelons qu’en 2018, le Conseil constitutionnel avait décidé que les dispositions des ordonnances instaurant le CSE, et ratifiées par la loi, ne méconnaissaient pas le principe de participation du personnel à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l’entreprise. “Je ne suis pas un spécialiste du droit constitutionnel, mais il me semble qu’il pourrait en aller autrement avec une disposition qui priverait du droit à la participation à la gestion des entreprises les salariés employés dans des entreprises de moins de 250 salariés”, commente l’avocat Mikaël Klein.
30% de salariés concernés en cas de relèvement des seuils ? 
Selon la direction des statistiques et de la recherche du ministère du travail (Dares), la part des entreprises déclarant la présence d’une institution représentative du personnel a chuté de 5 points entre 2018 et 2020.

En 2020, selon les chiffres de la Dares, le CSE était présent dans :

– 2,9% des entreprises de 10 à 49 salariés ;
– 78,1% des 50 à 199 salariés ;
– 94,5% des 200-499 salariés ;
– 97% des 500 salariés et plus.

On voit donc que de nombreux salariés seraient susceptibles de ne plus être représentés ou de l’être moins bien en cas de relèvement des seuils du CSE. Combien ? Difficile à dire précisément. Mais on sait avec les chiffres de l’Insee que les PME (entreprises de moins de 250 salariés) sont au nombre de 159 000 en France, et qu’elles emploient 4,3 millions de salariés, soit 30% du total des salariés.

Le cabinet Degest en déduit, dans une note, qu’en cas de relèvement important des seuils, “30% des salariés seraient privés de CSE ainsi que de toute activité sociale”.

Bernard Domergue