Les seuils de nomination obligatoire des commissaires aux comptes sont relevés

04/03/2024

Un décret restreint le périmètre de l’audit légal en France dans les sociétés commerciales. Un contrôleur légal des comptes doit désormais être désigné dès lors que l’entreprise dépasse deux des trois seuils suivants : 5 millions d’euros de total de bilan, 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés.

Près de cinq ans après la loi Pacte, la France rehausse de nouveau les seuils de désignation obligatoire du contrôleur légal des comptes. Un décret du 28 février 2024, publié au Journal officiel du 29 février, transpose la directive déléguée (UE) 2023/2775 qui oblige les Etats membres à ajuster les critères de taille définissant les catégories d’entreprises et de groupes au sens de la directive comptable 2013/34/UE (avec de possibles marges de manœuvre). 

Déclenchement de l’obligation de nomination à partir de 5M € de total de bilan et/ou 10M € de chiffre d’affaires

Les sociétés commerciales seront désormais obligées de désigner un commissaire aux comptes (Cac) dès lors qu’elles dépassent deux des trois seuils suivants :

► 5 millions d’euros de total de bilan (et non plus 4 millions),

► 10 millions d’euros de chiffre d’affaires net (et non plus 8 millions),

► 50 salariés employés au cours de l’exercice.

Ces nouveaux seuils s’appliquent dans les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés par actions simplifiées, les sociétés en commandite par actions, les sociétés en commandite simple et les sociétés en nom collectif, ainsi que dans les petits groupes pour les entités mères et les entreprises qu’elles contrôlent.

Par ailleurs, les sociétés contrôlées par l’entité mère d’un petit groupe sont tenues de désigner un commissaire aux comptes dès lors qu’elles dépassent désormais deux des trois seuils suivants :

► 2,5 millions d’euros de total de bilan (au lieu de 2 millions d’euros),

► 5 millions d’euros de chiffre d’affaires net (au lieu de 4 millions d’euros),

► 25 salariés employés au cours de l’exercice.

Ce décret ne modifie pas les seuils du commissariat aux comptes dans les associations, fondations et fonds de dotation.

Poursuite des mandats en cours 

Ces dispositions s’appliquent aux comptes et rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Toutefois, les mandats de commissaires aux comptes en cours au 1er mars 2024 (entrée en vigueur du décret) se poursuivent jusqu’à leur date d’expiration.

Impacts potentiels sur 6500 mandats d’audit

“Nous avons défendu jusqu’au bout le statu quo sur ces seuils”, a réagi la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) dans un communiqué. “Le gouvernement a finalement arbitré en faveur d’un alignement sur la directive déléguée” mais “les efforts de la CNCC ont tout de même permis de contenir les éventuelles velléités du gouvernement, notamment celle qui aurait consisté à retenir l’option, qui lui était ouverte [pour les petites entreprises, ndlr], des seuils maximaux prévus par les textes européens à hauteur de 7,5 M€ de total bilan et de 15 M€ de chiffre d’affaires, avec un impact sur environ 23 000 mandats”, a-t-elle déclaré. 

Avec un relèvement du seuil de total de bilan à 5 millions d’euros et du seuil de chiffre d’affaires à 10 millions d’euros, la CNCC évalue “à environ 6 500” le nombre de mandats concernés. “Sachant que pour cette strate d’entreprises, nous estimons un taux de renouvellement proche de 70 % en référence aux statistiques des trois dernières années”, précise la Compagnie.

Relèvement des seuils des sociétés

Plus largement, le décret du 28 février relève les seuils monétaires des différentes catégories d’entreprises et de groupes, permettant notamment de fixer les différentes présentations possibles des comptes annuels, de déclencher l’obligation ou la dispense d’établissement du rapport de gestion, de rendre publics ou confidentiels les comptes annuels, ou encore concernant la certification des informations de durabilité.

Catégorie d’entreprise ou de groupeNouveaux seuils français (*)
Micro-entrepriseUne micro-entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : ► 450 000 euros de total de bilan, ► 900 000 euros de chiffre d’affaires net, ► 10 salariés employés au cours de l’exercice.
Petite entrepriseUne petite entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : ► 7,5 millions d’euros de total de bilan, ► 15 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ► 50 salariés employés au cours de l’exercice.
Moyenne entrepriseUne moyenne entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : ► 25 millions d’euros de total de bilan, ► 50 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ► 250 salariés employés au cours de l’exercice.
Grande entrepriseUne grande entreprise est une entreprise qui dépasse au moins deux des trois seuils suivants : ► 25 millions d’euros de total de bilan, ► 50 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ► 250 salariés employés au cours de l’exercice.
Petit groupeUn petit groupe est l’ensemble formé par une société et les entreprises qu’elle contrôle (au sens du II ou du III de l’article L. 233-16), qui, à la date de clôture de l’exercice, ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : ► 9 millions d’euros de total du bilan, ► 18 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ► 50 salariés employés au cours de l’exercice.
Moyen groupeUn moyen groupe est l’ensemble formé par une société et les entreprises qu’elle contrôle (au sens du II ou du III de l’article L. 233-16), qui, à la date de clôture de l’exercice, ne dépasse pas au moins deux des trois seuils suivants : ► 30 millions d’euros de total du bilan, ► 60 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ► 250 salariés employés au cours de l’exercice.
Grand groupeUn grand groupe est l’ensemble formé par une société et les entreprises qu’elle contrôle (au sens du II ou du III de l’article L. 233-16), qui, à la date de clôture de l’exercice, dépasse au moins deux des trois seuils suivants : ► 30 millions d’euros de total du bilan, ► 60 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ► 250 salariés employés au cours de l’exercice.

(*) selon le décret n° 2024-152 du 28 février 2024

Céline Chapuis

Un local de 12,63 m2 pour 15 élus titulaires et 5 représentants syndicaux, c’est totalement insuffisant !

05/03/2024

La superficie du local mis à la disposition du CSE doit lui permettre de se réunir et de recevoir des personnalités extérieures. Pour un comité social et économique de 20 membres, 30 m2, c’est le minimum.

Estimant que son local était trop petit, le CSE de l’un des établissements de la société Goron, spécialisée dans la mise à disposition d’agents de sécurité et le gardiennage de sites, décide de s’en remettre à la justice. Il attend du tribunal judiciaire, saisi selon la procédure accélérée au fond, une condamnation sous astreinte de l’employeur à lui fournir un local “adapté, aménagé et équipé, à l’intérieur ou à proximité immédiate de l’entreprise conforme aux dispositions des articles L. 2315-25 et L. 2315-26 du code du travail, lui permettant de remplir ses fonctions et d’organiser des réunions”.

Dans un jugement du 8 juillet 2022, le tribunal judiciaire fait droit à la demande du CSE et ordonne à société Goron de mettre à sa disposition un local adapté, aménagé et équipé d’une surface minimale de 30 m2 et situé à l’intérieur ou à proximité du siège de l’établissement. La cour d’appel de Versailles confirme cette condamnation dans un arrêt du 30 novembre 2023 (lire l’arrêt en pièce jointe).

Pas de surface minimale dans le code du travail

L’article L. 2315-25 du code du travail prévoit que l’employeur a l’obligation de mettre à la disposition du comité social et économique “un local aménagé et le matériel nécessaire à l’exercice de ses fonctions mais le code du travail n’impose pas de respecter une surface minimale pour le local du comité social et économique.

► Remarque : l’article L. 2315-26 prévoit, quant à lui, que le CSE peut organiser dans son local des réunions d’information, internes au personnel, et y recevoir des personnalités extérieures et que les représentants du personnel peuvent s’y réunir sur leur temps de délégation.

Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de surface minimale à respecter. Toujours est-il que le local choisi par l’employeur doit, comme l’exige la jurisprudence, permettre au CSE d’exercer normalement ses fonctions (Cass. soc., 22 oct. 2014, n° 13-16.614). Cela veut notamment dire que les membres de l’instance doivent pouvoir se réunir dans de bonnes conditions, organiser des permanences pour les salariés, recevoir des prestataires ou des personnalités extérieures, etc.

Sous peine de commettre un délit d’entrave, l’employeur ne peut donc pas se contenter d’un local trop exigu (Cass. crim., 26 janv. 2016, n° 13-85.770).

► Remarque : dans cette affaire, malgré les visites et courriers de l’inspecteur du travail, la direction s’était contentée d’un local trop exigu de 2 mètres sur 5, ce qui ne permettait ni la réunion des 17 membres du comité d’entreprise, ni aucune activité collégiale telle que l’invitation de personnalités extérieures.

Pour 15 élus titulaires et 5 représentants syndicaux au CSE, l’employeur devra fournir, décident les juges, un local d’au moins 30 m2.

Un constat d’huissier

Pour la cour d’appel de Versailles, “le fait que la loi ne précise pas la surface minimale du local ou la liste du matériel dont le local doit être doté ne rend pas irrecevable la demande d’un CSE d’un local adapté et aménagé selon certaines conditions”.

Comme avait pu le constater un huissier, le local affecté au CSE n’avait ni numéro de rue, ni boîte aux lettres. Sa surface était “de 12,63 m² (4,21 mètres sur 3 mètres)”, avec à l’intérieur “trois armoires métalliques, 2 bureaux, 1 table, 2 fauteuils, 4 chaises, 2 ordinateurs, 1 four micro-onde, 1 petit réfrigérateur, 1 cafetière, 2 meubles de rangement 3 tiroirs”.

“Une surface totalement insuffisante”

Cette surface est jugée “totalement insuffisante” tant par rapport au nombre de membres du CSE, 15 titulaires et 5 représentants syndicaux, que “pour la tenue de réunions et la réception de personnalités extérieures”. Quant à la proposition de l’employeur de fournir “un local situé dans un autre département … à plus de 20 kms du siège du CSE”, elle est jugée “inappropriée”.

Compte tenu de ces éléments, c’est donc à bon droit que le tribunal judiciaire a “considéré qu’un local destiné aux réunions du CSE de 20 personnes et à l’invitation de personnalités extérieures devait disposer d’une surface d’au moins 30 m²”. Tenant compte des technologies actuelles, le tribunal a à juste titre considéré que l’employeur devait mettre à disposition le matériel nécessaire au CSE pour se réunir et inviter des personnalités extérieures. A savoir, une boîte aux lettres et des moyens de télécommunication tels qu’un téléphone, un télécopieur, un accès internet, une imprimante et un photocopieur.

Frédéric Aouate

Le CSE central de Casino fait appel du jugement arrêtant le plan de sauvegarde accélérée

05/03/2024

Lundi 4 mars, le CSE central de DCF (Distribution Casino France) a annoncé faire appel du jugement du tribunal de commerce de Paris arrêtant le plan de sauvegarde accélérée de Casino. Ce plan a été déposé par un consortium mené par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et l’homme d’affaires français Marc Ladreit de Lacharrière. Rappelons que les élus du personnel considéraient déjà ce plan comme insuffisant car ne comportant pas de volet social, et donc laissant dans l’incertitude plus de 6 000 salariés du groupe sur l’avenir de leur emploi. Le Parquet peut lui aussi faire appel du jugement jusqu’au jeudi 7 mars.

Selon les élus du CSE central, le plan de sauvegarde ne garantit ni l’emploi ni la pérennité de l’activité puisque le groupe Casino, malgré ce plan, entrerait en cessation des paiements en 2027. Ils s’inquiètent également pour les 16 000 employés des magasins dont les contrats de travail devraient être transférés aux repreneurs, sans avoir obtenu pour l’instant aucune garantie.

Nous reviendrons en détail sur cette procédure et ses motifs juridiques dans une prochaine édition.

Source : actuel CSE

Plan de sauvegarde accélérée de Casino : le volet social fait débat

06/03/2024

Lundi 4 mars, les élus du CSE central de Casino ont annoncé faire appel du jugement du tribunal de commerce arrêtant le plan de sauvegarde accélérée du groupe. Motif : le plan ne présente pas de volet social, contrairement à ce qu’exige la loi. De son côté, la direction menace l’entreprise d’une liquidation judicaire si la procédure de sauvegarde n’allait pas à son terme.

“Ce plan ne sauvegarde ni l’activité du groupe Casino ni l’emploi pour ses salariés”, énonce Florence Joly, élue au CSE central de Distribution Casino France (DCF), devant la presse, ce lundi 4 mars, à Paris. Le CSEC de Casino s’est réuni avec l’intersyndicale (FO, CGT, CFDT, Unsa, CFE-CGC) afin de dénoncer publiquement l’absence de volet social au plan de sauvegarde accélérée. Leur communiqué commun accuse le consortium Kretinsky/Ladreit de Lacharrière/Attestor de ne pas respecter ses engagements de garantie d’emploi. Pire encore, dès le lendemain du jugement d’ouverture de la procédure (le 26 octobre 2023), la direction aurait dévoilé “une réalité économique et financière qu’elle avait cachée soigneusement aux représentants du personnel et au tribunal”.

La continuité de l’activité de Casino prend donc une tournure judiciaire, les élus du CSE central ayant décidé de faire appel du jugement du tribunal de commerce du 26 février arrêtant le plan de sauvegarde accélérée du groupe pour une raison simple : ils veulent protéger les emplois.

Au moins 6 000 emplois menacés

Lors de leur conférence de presse, les élus du CSE central de DCF et les délégués syndicaux ont montré leurs inquiétudes sur l’avenir des salariés. Ils chiffrent eux-mêmes le risque de perte d’emploi à au moins 6 000, incluant 1 500 sur la logistique et les entrepôts et 1 700 au siège. “Sans parler des 16 000 salariés transférés avec les magasins qui n’ont à ce stade aucune garantie de ne pas être licenciés au lendemain des cessions”. Toujours selon le communiqué de presse, les chiffres annoncés par la direction de Casino au lendemain du jugement d’ouverture “ont servi de justificatif à la cession des hypermarchés et des supermarchés de DCF, trahissant la confiance des salariés”.

Ces chiffres traduiraient par eux-mêmes l’absence pérennité du plan de sauvegarde puisque le groupe se trouverait en cessation des paiements en 2027. Selon Alida Melizi, déléguée syndicale adjointe Force Ouvrière et secrétaire adjointe du premier syndicat du groupe, “Le CSE central aurait dû être informé et consulté pendant la procédure de sauvegarde sur les cessions des hypers et supers. Les négociations avec l’intersyndicale ne peuvent déboucher sur aucun accord, nous faisons donc appel au lieu de les poursuivre”.

Un volet social bien présent mais laconique 

Principal motif de saisine de la cour d’appel pour les élus du CSE central de DCF : l’absence de volet social au plan de sauvegarde. En effet, le 5e alinéa l’article L626-2 du code de commerce prévoit que le projet de plan de sauvegarde “expose et justifie le niveau et les perspectives d’emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite d’activité. Lorsque le projet prévoit des licenciements pour motif économique, il rappelle les mesures déjà intervenues et définit les actions à entreprendre en vue de faciliter le reclassement et l’indemnisation des salariés dont l’emploi est menacé”. 

En tout état de cause, cet article relatif au plan de sauvegarde classique s’applique également à la procédure de sauvegarde accélérée (une procédure aux délais réduits de 3 à 2 mois depuis ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021) : selon l’article L628-1 du code de commerce, la procédure de sauvegarde accélérée est soumise aux règles du titre II relatif à la sauvegarde.

Forts de ces argument, les avocats de DCF, Matthieu Boissavy, Françoise Maréchal-Thieullent et Olivier Debeine dénoncent d’une seule voix les manquements du plan déposé devant le tribunal de commerce. Ce plan contient bien un paragraphe 3.7 intitulé “Volet social du plan de sauvegarde accélérée” évoquant des “perspectives d’emploi au sein de la société du groupe Casino”. Cependant, ce volet social semble de pure forme et s’avère laconique. Il se borne à énoncer page 79 que “le groupement Les Mousquetaires et Auchan Retail reprendraient l’ensemble des magasins hypermarchés et supermarchés cédés” avant d’ajouter si le groupe procède à cette cession, “une analyse sera effectuée afin de déterminer l’impact éventuel sur l’emploi et les fonctions support, ainsi que sur les mesures collectives d’accompagnement des salariés”.

La formulation générale semble assez éloignée des exigences du code de commerce. Quoi qu’il en soit, les élus du CSE et les délégués syndicaux réclament de plus amples détails sur ces cessions et leurs conséquences sociales. Selon l’avocate Françoise Maréchal-Thieullent, la direction de Casino aurait évoqué un maintien des contrats de travail pendant 15 mois “mais il s’agit d’une confusion, cet engagement ne vise que le maintien des garanties collectives déjà prévues par accord”. Ajoutons que le plan de sauvegarde accéléré peut être accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi (L626-1 du code de commerce) mettant en œuvre les licenciements économiques de droit commun de l’article L1233-58 du code du travail.

Consultation du CSE central : un délit d’entrave ?

Autre motif de saisine de la cour d’appel, et pas des moindres : l’absence d’information et consultation du CSE. A lire le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, quatre réunions extraordinaires ont été convoquées entre le 12 décembre 2023 et le 31 janvier 2024. A l’issue, les élus ont remis un avis négatif sur le plan de sauvegarde, dénonçant déjà l’absence de volet social. De ce fait, ils considèrent n’avoir pas été informés et consultés sur le nombre de licenciements effectués au sein de l’activité restante de Casino, les efforts de reclassement, l’indemnisation des salariés licenciés, puisqu’ils étaient absents du plan. En effet, le jugement du tribunal de commerce de Paris ne fait état que d’un engagement du consortium à verser une indemnité supra-légale de licenciement, sans en préciser le montant ni les bénéficiaires.

L’avis négatif du CSE central de DCF indique qu’il pourrait être reconsidéré si des engagements majeurs étaient pris par DCF et le consortium en matière d’emploi, ainsi que des actions de suivi du projet de plan de sauvegarde, des mesures relatives à la protection de la santé mentale et physique et à la sécurité des salariés. De leur côté, les avocats du CSE central de DCF s’appuient sur l’article L626-8 du code de commerce, selon lequel “le CSE et le mandataire judiciaire sont informés et consultés sur le bilan économique et social et sur le projet de plan qui leur sont communiqués par l’administrateur”. En attendant que la cour se prononce sur un éventuel délit d’entrave, la direction menace de liquider Casino.

Un “chantage à la liquidation judiciaire”

Selon Didier Marion, délégué syndical de groupe CFE-CGC, “la direction fait courir le bruit que faire appel serait préjudiciable car cela entraînerait une liquidation judiciaire de Casino”. Thomas Meyer, délégué syndical Unsa, avance que “cette menace est utilisée pour nous inciter à faire le moins de vagues possible. Mais le rejet du plan n’entraîne pas de liquidation judiciaire. Nous ne pouvons pas imaginer que le consortium n’ait pas préparé de plan de continuation “.

Sur ce point, on peut rappeler en effet qu’à défaut d’arrêté du plan de sauvegarde accélérée, le tribunal de commerce met fin à la sauvegarde sans aucune possibilité de basculer immédiatement ni automatiquement en liquidation judiciaire, comme l’indique l’article L 628-8 du code de commerce. De plus, selon l’avocat Olivier Debeine, les ouvertures de liquidation sont extrêmement rares, les juges préférant toujours l’ouverture d’une procédure de redressement afin de tenter, comme son nom l’indique, de redresser l’entreprise par tous les moyens. La liquidation, c’est-à-dire la fermeture définitive de l’entreprise, avec pertes et profits pour les actionnaires comme pour les salariés, n’intervient qu’en dernier recours. Elle dépend principalement de la date à laquelle le groupe devra se déclarer en état de cessation des paiements (dans les 45 jours).

Questions sur l’issue de la procédure

L’appel interjeté par le CSE central n’est pas suspensif d’exécution du jugement du tribunal de commerce. La mise en œuvre du plan de sauvegarde accélérée va donc se poursuivre jusqu’à ce que la cour d’appel se positionne. Il est difficile de fixer un horizon puisqu’elle fixe son propre calendrier et n’est pas soumise à un délai, mais sa décision pourrait n’intervenir que dans 3 à 5 mois selon les délais d’usage constatés par les avocats. Seul un appel du Parquet pourrait suspendre l’exécution du jugement du tribunal de commerce. Cet appel étant soumis à un délai de 10 jours, il doit intervenir avant jeudi 7 mars.

Si la cour d’appel rejette les prétentions du CSE, la mise en œuvre du plan de sauvegarde tel qu’il a été présenté au tribunal de commerce pourra se poursuivre, à moins que les avocats du CSEC ne trouvent d’autres recours à exercer en justice. Selon Olivier Debeine, si au contraire la cour donne raison aux représentants du personnel, elle ne condamnera pas pour autant le consortium à intégrer un certain nombre de licenciements ni à prévoir un montant d’indemnité pour les salariés. Elle prononcera simplement le plan de sauvegarde comme non valable. A partir de là, il reviendra au consortium de changer ses plans…

Marie-Aude Grimont

Le contrôle du Dreets sur la procédure d’information-consultation du CSE sur le PSE doit être global

06/03/2024

L’administration saisie d’une demande d’homologation du PSE exerce un contrôle global sur la régularité de la procédure d’information-consultation du CSE. Par conséquent, le juge ne peut pas annuler l’homologation en se fondant sur la seule circonstance que le CSE n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un expert compte tenu du bref délai séparant la communication d’une note d’information de l’employeur, comportant des éléments nouveaux en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, et les réunions d’information-consultation.

Un litige relatif à une expertise en matière de santé et de sécurité 

Le CSE de la société avait nommé un expert en matière de santé et de sécurité, qui lui avait remis son rapport en vue de la consultation sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Le CSE avait refusé de rendre un avis sur le projet de PSE et la mission de l’expert avait été clôturée.

Mais le Dreets (directeur régional du travail) a fait usage de son pouvoir d’observation s’agissant des risques psychosociaux liés au projet, et l’employeur a rectifié son document unilatéral. Le CSE a donc de nouveau été informé et consulté. Un mois après le retrait du document unilatéral, l’employeur lui a en effet adressé une note complémentaire relative à l’analyse des risques liés à la réorganisation et aux mesures de prévention qu’il entendait prendre.

Deux réunions ont eu lieu quelques semaines plus tard, à l’issue desquelles les représentants du personnel ont à nouveau refusé de rendre un avis, au motif notamment qu’ils n’avaient pas pu bénéficier de l’assistance d’un expert pour examiner ces nouveaux documents.

Ayant saisi le juge administratif d’une demande d’annulation de l’homologation du PSE, le CSE avait obtenu gain de cause auprès de la cour administrative d’appel de Versailles, qui avait jugé que la procédure d’information-consultation était irrégulière (CAA de Versailles, 9 mars 2022, n° 21VE03335).

Les juges du fond avaient en effet rappelé que, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, lorsque l’assistance d’un expert a été demandée, l’administration doit s’assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au CSE de formuler ses avis en toute connaissance de cause (Conseil d’Etat, 21 octobre 2015). Or, en l’espèce, compte tenu du bref délai séparant la communication par l’employeur du document rectifié et les réunions du CSE, ce dernier n’avait pas pu solliciter une nouvelle expertise. En outre, le précédent rapport d’expertise relatif aux risques psychosociaux ne lui avait pas permis de formuler un avis en toute connaissance de cause puisqu’il ne portait pas sur les nouvelles mesures intégrées par l’employeur.

La procédure peut être jugée régulière malgré l’inobservation de certaines règles

L’argument, pourtant solide, est écarté par le Conseil d’Etat au nom du caractère global du contrôle que doit exercer le Dreets – et, en cas de contentieux, le juge administratif – sur la régularité de la procédure d’information-consultation du CSE. En effet, il s’agit de vérifier si le CSE a pu, malgré, le cas échéant, l’inobservation de certaines prescriptions légales, émettre un avis “dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation” (Conseil d’Etat, 22 mai 2019).

En l’espèce, la cour administrative d’appel aurait donc dû exercer un contrôle global de la procédure d’information-consultation et rechercher si l’impossibilité d’avoir recours à un expert avait effectivement empêché le CSE de rendre son avis en connaissance de cause : c’est pour cette raison que son arrêt est annulé.

Ce contrôle global justifie, par exemple, que la procédure d’information-consultation du CSE puisse être jugée régulière, même si l’expert n’a pas eu accès à l’intégralité des documents dont il a demandé la communication (Conseil d’Etat, 21 juillet 2023).

Le Conseil d’Etat, qui se penche ensuite sur le fond de l’affaire, estime en tout état de cause que le CSE a effectivement disposé des informations utiles pour se prononcer sur l’opération projetée et rejette son recours. Il en veut pour preuve que les représentants du personnel n’ont formulé aucune demande d’injonction auprès du Dreets sur le fondement de l’article L.1233-57-5 du code du travail, et que l’employeur n’a pas fait obstacle à la mission de l’expert qui n’a pas entendu compléter son rapport.

La rédaction sociale

Emploi : la crise financière de 2008-2009 a laissé des séquelles durables

06/03/2024

Selon une note de France stratégie, publiée hier, “quel rebond local après les pertes d’emplois massives ?”, les auteurs analysent, à l’aune de la crise financière de 2008-2009, la capacité des régions touchées à absorber ce choc social. Leur conclusion est sans ambages : le retour à une situation d’avant-crise reste difficile. Le taux d’emploi ne repart pas à la hausse mais se contracte davantage : “alors que le décrochage initial de l’emploi salarié était en moyenne de 2,7 % en 2009 par rapport à ces zones, il est de 4,3 % en 2019. L’effet multiplicateur estimé est ainsi d’environ 1,6 : la perte d’un emploi pendant la crise financière se traduit en 1,6 emploi en moins en 2019”.

Des différences existent entre les territoires : la crise a accentué le déclin des zones déjà affaiblies. Mais si certaines régions dynamiques ont pu rebondir, d’autres ont eu du mal à se relever : leur essor a été fortement freiné. Au final, un emploi perdu sur ces bassins d’emploi dit dynamiques pendant la crise équivaut à environ 2,5 emplois en moins en 2020. Soit un manque à gagner “conséquent”.

En résumé, selon les auteurs, “ce sont plutôt les zones dynamiques qui souffrent le plus”. En raison à la fois des pertes d’emplois dans le secteur industriel mais aussi celles qui ont lieu à “bas bruit” dans le secteur non industriel, dans les petites entités.

Source : actuel CSE

Label Investissement sociale responsable (ISR) : le nouveau référentiel est publié

07/03/2024

Un arrêté du 29 février 2024 remplace l’annexe 2 de l’arrêté du 8 janvier 2016, concernant le référentiel du label ISR, premier label d’Etat permettant au grand public de choisir des supports d’épargne intégrant dans leur gestion des principes environnementaux, sociaux et de gouvernance. Est donc publié le nouveau référentiel en vigueur ce 1er mars 2024. Pour mémoire, le référentiel a été modifié en décembre 2023. Dorénavant, l’éligibilité des fonds exclura les entreprises qui exploitent du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, ainsi que celles qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures. Rappelons également que les modalités de transition figurent sur le site internet de la Direction Générale du Trésor, distinguant :

  • les fonds candidats à une première labellisation (audits initiaux) ;
  • les fonds déjà labellisés avec la version V2 (audits de renouvellement et audit de suivi).

Source : actuel CSE

Près de 6 millions de salariés ont perçu une prime partage de la valeur en 2023

08/03/2024

Après s’être penchée sur les primes partage de la valeur (PPV) octroyées depuis le 1er juillet 2022, l’Urssaf affine son analyse dans un communiqué paru hier et donne les chiffres pour la seule année 2023. L’an passé, ce sont ainsi 5,9 millions de salariés du privé qui ont bénéficié de cette prime, pour un montant total de 5,27 milliards d’euros. 519 000 établissements ont versé la PPV, soit 24 % des entreprises du secteur privé.

Concernant le montant de la prime, 885 euros ont été perçus en moyenne mais avec de grosses inégalités. 33,5 % des bénéficiaires se sont vu verser 1 000 euros ou plus, 39,2 % moins de 500 euros. Le montant moyen varie également selon le sexe (861 euros pour les femmes, 906 pour les hommes), l’âge, les régions mais aussi la taille de l’entreprise. Si la part des entreprises ayant versé la PPV augmente avec leur taille, son montant est plus élevé dans les petites entreprises (1 141 euros dans les entreprises de moins de 10 salariés contre 855 euros dans celles de 2 000 salariés ou plus).

Enfin, ce sont toujours les secteurs des activités financières et d’assurance, de l’industrie chimique, des activités informatiques, juridiques, de conseil et d’ingénierie qui sont les plus généreux (entre 1 066 et 1 308 euros) et ceux de l’action sociale, de l’hébergement médico-social et de l’intérim qui le sont le moins (entre 451 et 446).

Source : actuel CSE