BPCE intègre l’intelligence artificielle générative dans son accord GEPP

08/09/2025

Le groupe bancaire consacre un volet spécifique à l’intelligence artificielle dans son nouvel accord sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, tout en posant des garde-fous éthiques et sociaux. L’accord prévoit une information des CSE. Décryptage.

Le groupe BPCE franchit une étape dans l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) générative au sein de ses activités bancaires. Dans son nouvel accord sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), signé le 17 juillet avec trois syndicats – CFDT, CFE-CGC et Unsa -, l’établissement financier consacre pour la première fois deux chapitres à ces nouvelles technologies.

Cette démarche témoigne de la volonté du secteur bancaire d’anticiper les transformations induites par l’IA, tout en tentant de préserver le dialogue social. “L’intégration de l’intelligence artificielle générative est l’un des enjeux majeurs du groupe”, souligne l’accord, qui place “l’humain et le dialogue social au cœur de la démarche”.

Une stratégie d’intégration sélective

BPCE a défini cinq cas d’usage prioritaires pour déployer l’IA générative. L’assistant conversationnel sur les applications mobiles doit permettre de réduire la sollicitation des conseillers clientèle. Dans les activités commerciales, l’outil facilitera la préparation d’entretiens et la rédaction de comptes rendus. Les métiers du retail bénéficieront d’un accès simplifié aux bases de connaissances tandis que la lutte contre la fraude sera renforcée par l’optimisation des dispositifs de détection. Enfin, les services informatiques pourront s’appuyer sur l’IA pour la maintenance préventive.

L’objectif affiché est double : “créer de la valeur au service des collaborateurs et des clients” tout en améliorant “la qualité de vie au travail” en automatisant “certaines tâches standardisées et chronophages”.

Formation et esprit critique

Conscient des enjeux de transformation des métiers, BPCE mise sur la formation. Le groupe développe son Campus tech & digital autour de dix compétences stratégiques, dont l’IA et la data. Un “socle commun de formation sur l’IA générative” sera dispensé à l’ensemble des collaborateurs, avec pour ambition de “développer une culture positive” autour de cette technologie. “Ces formations permettent de sensibiliser les collaborateurs sur les opportunités et responsabilités de l’utilisation avancée de la data et sur les bonnes pratiques de l’usage de l’IA générative”. De plus, les signataires s’engagent à ce que chaque salarié maîtrise “les outils et leviers IA à sa disposition pour exercer pleinement et efficacement son métier”.

L’accord insiste toutefois sur la nécessité de maintenir un “esprit critique”. Les salariés devront “conserver une analyse critique afin d’exploiter et analyser les résultats produits par l’intelligence artificielle générative”, précise le texte.

Un cadre “éthique et responsable”

Par ailleurs, les signataires s’accordent sur la nécessité de définir un “cadre éthique et responsable”, notamment en se conformant à l’IA Act européen et aux “valeurs des entreprises du groupe”. BPCE a d’ores et déjà mis en place des mesures pour analyser les modèles d’IA et se prémunir contre les biais algorithmiques et les failles de sécurité.

La dimension environnementale n’est pas oubliée. Le groupe s’engage à “privilégier les outils d’IA à faible empreinte carbone” dans une logique “éco-responsable”.

Les leçons de l’affaire Moniteur

Enfin, BPCE prévoit un dialogue social “pragmatique et évolutif”.

Selon l’accord, les entreprises du groupe s’engagent “à lancer une première information globale auprès de leur CSE afin de présenter la politique générale du groupe en matière d’intégration de l’intelligence artificielle, à travers : 

  • l’intelligence artificielle du quotidien pour tous les collaborateurs ; 
  • les cinq grands domaines métiers : les métiers de la Vente, l’expérience digitale de nos clients, les centres de relations clients spécialisés, la lutte contre la fraude, les métiers de l’IT ;
  • les axes prioritaires et les cas d’usage en étude ;
  • la démarche de dialogue social”. 

Chaque entreprise du groupe organisera des séances d’information et de consultation de son CSE, dans le but d’informer les IRP et de partager les projets de cas d’usage au fil des avancées de l’intégration de l’IA. Et les représentants du personnel “auront bien évidemment accès à toutes les formations dédiées à l’Intelligence artificielle ouvertes dans le cadre du Campus Tech & Digital”.

Cette approche fait écho aux déboires récents du groupe Moniteur. Le 15 juillet, deux filiales de cette entreprise ont été condamnées par le tribunal judiciaire de Créteil à suspendre l’utilisation de leurs outils d’IA, faute d’avoir respecté la procédure d’information-consultation des CSE.

Anne Bariet

Réforme des allégements généraux de cotisations patronales : le décret est paru !

08/09/2025

À partir du 1er janvier 2026, la réduction générale de cotisations patronales et la réduction des taux des cotisations famille et maladie seront remplacées par une réduction unique. Un décret paru le 5 septembre détaille les modalités de mise en œuvre de cette réforme.

Prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, la réforme des allégements généraux de cotisations patronales devrait permettre de réduire de 1,6 milliards d’euros le poids des exonérations de cotisations sur les finances publiques. Après une première étape en 2025, une deuxième étape était prévue pour 2026 selon des modalités à préciser par décret.

Celles-ci sont fixées par un décret du 4 septembre 2025, paru vendredi au Journal officiel. Les grandes lignes peuvent être définies comme suit. Nous reviendrons très prochainement plus en détail sur tous ces points.

Un seuil de sortie plus bas

À partir du 1er janvier 2026, le niveau de rémunération ouvrant à réduction sera plus bas qu’actuellement. La nouvelle réduction s’appliquera en effet aux revenus d’activité inférieurs à 3 Smic (CSS art D 241-7) alors que jusqu’au 31 décembre 2025 le seuil de sortie des allégements généraux est fixé à 3,3 Smic.

Le Smic à prendre en compte pour le calcul de ces seuils sera toutefois le Smic en vigueur au cours de la période d’emploi concernée, et non plus le Smic gelé à une valeur antérieure.

Actuellement, en deçà de 1,6 Smic les trois allégements s’appliquent (réduction générale + réduction du taux des cotisations maladie et famille), de 1,6 Smic à moins de 2,25 Smic on passe à deux allégements (réduction du taux des cotisations maladie et famille) et de 2,25 Smic à moins de 3,3 Smic seule la réduction du taux de la cotisation famille s’applique.

Une formule de calcul rénovée

Le coefficient de calcul de la nouvelle réduction sera obtenu par application de la formule suivante :

Coefficient = Tmin + (Tdelta × [(1/2) × (3 × Smic calculé pour un an / rémunération annuelle brute – 1)] 1,75)

Le coefficient ne pourra toutefois excéder la somme des valeurs Tmin et Tdelta 

Les valeurs minimales, delta et maximales de T seront fixées comme suit :

Taux de Fnal de l’entrepriseTminTdeltTmax (1)
0,100,02000,37730,3973
0,500,02000,38130,4013
(1) Le T max correspond à la somme des taux des cotisations éligibles à la réduction (maladie, vieillesse plafonnée et déplafonnée, allocations familiales, Fnal, solidarité autonomie, accidents du travail (dans la limite de 0,50 %), retraite complémentaire et assurance chômage), en prenant intégralement en compte les taux maladie et famille. Il a donc vocation à évoluer, de même que le T delta, si le taux de ces cotisations change.

► À noter, la mise en place d’un T min permet d’assurer un niveau minimum d’exonération de 2 % pour toutes les rémunérations couvertes par la réduction.

Selon le journal Les Echos la nouvelle formule entraînera par ailleurs une baisse des allégements pour les rémunérations comprises entre 1,4 et 1,8 Smic et une hausse de ceux-ci pour celles comprises entre 2,2 et 2,8 Smic.

Une formule qu’il faudra, comme aujourd’hui, adapter aux situations et cas particuliers

Comme actuellement, cette formule sera adaptée pour tenir compte de diverses situations ou cas particuliers (taux de cotisations inférieurs au droit commun, travail à temps partiel, forfait jours réduit, heures supplémentaires ou complémentaires, suspension du contrat de travail, entrée/sortie en cours d’année, horaire d’équivalence, professions relevant d’une caisse de congés payés, travail temporaire, aide à domicile, etc.).

► En cas d’entrée/sortie ou de suspension du contrat sans maintien intégral de la rémunération le Smic pris en compte dans la formule de calcul continuera d’être corrigé selon le rapport entre les revenus d’activité, et ceux qui auraient été dus si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l’absence. Mais il sera désormais précisé que seuls les éléments faisant l’objet d’une proratisation strictement proportionnelle au temps d’absence seront considérés comme affectés par l’absence.

Valérie Maindron

IA : le CSE central de France TV obtient la condamnation partielle de l’employeur pour défaut de consultation

10/09/2025

À la suite d’une action en justice menée par l’intersyndicale CGT, CFDT, SNJ et FO, le tribunal judiciaire de Paris vient de condamner France Télévision à consulter le CSE central sur une plateforme d’IA mettant à disposition des outils pour l’ensemble des salariés. En revanche, selon le tribunal, l’outil de conversation ne nécessitait pas de consultation.

La jurisprudence sur la consultation du CSE en cas de déploiement d’outils d’intelligence artificielle dans l’entreprise se voit aujourd’hui garnie d’un nouveau cas. Le 2 septembre 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a de nouveau condamné la société France TV à suspendre le déploiement de l’un de ses outils d’IA et à lancer une procédure d’information consultation du CSE central.

Elle se situe donc dans la droite ligne des décisions précédentes de Nanterre et Créteil qui ont requis explicitement la consultation du CSE dans des circonstances légèrement différentes. Ici, deux outils ont reçu deux réponses circonstanciées du juge : si la plateforme “Mediagen” de mise à disposition des IA devait faire l’objet d’une consultation des élus, tel n’était pas le cas du “chatbot” (agent virtuel de conversation).

Une IA susceptible d’avoir un impact sur la situation des travailleurs suffit à exiger une consultation

Point nouveau par rapport aux deux jurisprudences précédentes, le juge a ici cadré sa décision sur les deux outils au regard des remarques suivantes :

  • il importe peu que la décision du dirigeant de l’entreprise de déployer l’IA “ne soit pas accompagnée à ce stade de mesures précises et concrètes” dès lors que cette décision emporte une incidence sur l’organisation, la gestion ou la marche générale de l’entreprise ;
  • en cas de projet complexe comprenant des décisions échelonnées, le CSE doit être consulté avant chacun d’elles ;
  • l’article L.2312-8 du code du travail conditionne la consultation du CSE à l’introduction de nouvelles technologies et/ou de tout aménagement important MAIS sans l’associer à une modification des conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Le juge poursuit en ces termes : “Il n’y a aucune exigence d’importance ni d’impact sur les aspects ciblés de la relation de travail et il suffit que la mise en œuvre des nouvelles technologies soient susceptibles d’avoir un impact sur la situation des travailleurs”. Il répond ainsi à l’argument de la direction de France Télévision selon lequel les outils n’impactent pas les conditions de travail.

Enfin, il coupe court aux arguments de l’employeur prétendant que l’intelligence artificielle ne constitue pas une nouvelle technologie : “Il est manifeste qu’une technologie faisant appel à l’intelligence artificielle est une technologie nouvelle. En outre, ces technologies peuvent tout à la fois être bénéfiques pour les salariés, en termes de gain de temps notamment, mais peuvent également avoir d’autres impacts, tels que la perte d’autonomie, d’initiative ou de réflexion ou encore une intensification du travail”.

Il s’agissait là d’un argument très souvent présenté par les employeurs omettant la consultation du CSE sur des outils d’IA. Selon l’avocat du CSE central de France TV, Benoît Masnou, “je vois cette situation très fréquemment, bien que les textes du code du travail soient très clairs, mais de nombreuses directions sont dans le déni complet et redoutent de se trouver devant le fait accompli car l’IA est partout, comme une fatalité inéluctable”.

Ajoutons que beaucoup d’entreprises ont sans doute craint de “louper le virage” de l’IA. Partant d’une bonne intention en termes de business et pensant œuvrer à la pérennité de l’entreprise, elles se sont précipitées sur des outils d’intégration d’IA et en ont “oublié” le stade essentiel de la consultation des élus. Pour Christophe Bens, élu FO au CSE de France TV, “il est devenu difficile de comprendre la politique de notre direction. On nous dit qu’il n’y a pas de consultation sur les outils parce qu’on ne sait pas encore ce qu’on va en faire, mais dans le même temps, Mediagen est déployé auprès de mille personnes. Ou alors, ils avancent masqués…”.

Le juge exige une consultation sur la plateforme d’IA Mediagen

Ces préalables sur la consultation du CSE étant rappelés, le juge analyse chaque outil d’IA. Mediagen est une plateforme sécurisée permettant l’accès de 800 salariés aux outils d’IA du marché tout en préservant les données de l’entreprise. Elle leur permet également de créer des assistants virtuels personnalisés et programmables, avec des tâches dédiées et des utilisateurs définis grâce à un mode “expert”. La direction souhaite élargir la mise à disposition de cet outil à tous les salariés.

Pour le juge, aucun doute : Mediagen constitue une technologie nouvelle. Il relève par ailleurs que lors de la première mise en circulation pour 800 salariés en 2024, “il n’est pas fait état que le CSE central ait été informé et consulté” à ce moment-là, de sorte qu’il s’agit bien de la première introduction de ces technologies nouvelles.

Par ailleurs, les impacts sur la situation des travailleurs “ne sont pas connus à ce stade”, notamment sur les emplois. Pourtant, “il n’en demeure pas moins que les documents de présentation de cet outil mentionnent un objectif d’efficacité opérationnelle grâce à l’autonomisation et de la faculté de se créer ses propres assistants”. Par conséquent, pour le juge, “il ne s’agit pas seulement de permettre l’accès aux solutions d’IA génératives sur le marché”.

En outre, la formation prévue pour l’utilisation de cette plateforme “aura nécessairement pour effet de contribuer à son utilisation par davantage de salariés et partant, d’en accentuer les conséquences”.

Le juge conclut de ces éléments et du fait que l’ensemble des salariés sont concernés qu’il “convient de constater que le CSE central devait être informé et consulté préalablement à la mise en service de Mediagen”. En conséquence, le tribunal suspend le déploiement de l’outil tant que le CSE n’aura pas été valablement informé et consulté, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard et par infraction constatée pendant une durée de six mois.

Pour la CFDT de France TV, c’est une “première victoire” constatée par l’élu Bruno Espalieu : “La justice a entendu nos arguments sur le respect du principe d’information/consultation lors de l’introduction d’une Nouvelle Technologie”. Il se dit également confiant car “le dialogue social autour du déploiement de ces outils algorithmiques (générateurs d’automatismes ou de contenus) est une évidence au regard des enjeux sur l’emploi, les compétences, les conditions de travail et éthiques”.

Pas de consultation requise sur l’outil de conversation Raiponse

Le “chatbot” développé par France TV avait connu une première version utilisant le NLP (Natural language processing). Il était question de déployer une version 2 appuyée sur le LLM (Large language model) qui permet de mieux comprendre les questions posées et de générer des réponses plus complètes. Pour le juge, les techniques étant similaires, cette V2 n’introduit aucune technologie nouvelle. Il s’agirait plutôt, selon l’état des lieux sur l’IA à France TV versé aux débats par le CSEC, d’une “amélioration technologique permettant de mieux répondre aux attentes et d’interagir de manière plus dynamique” avec une personnalisation des messages, des résumés de textes, de la rédaction de contenu, des traductions.

Sur cet outil, les documents de l’entreprise ne mentionnent aucune formation des salariés. En revanche, le juge relève que si cet outil pourrait avoir pour effet de libérer du temps pour le personnel RH, et que cela serait susceptible d’avoir des conséquences sur l’emploi, ces effets ne sont pas supérieurs à ceux de la version précédente ni des autres futures versions.

Enfin, contrairement à l’outil Mediagen, le CSE central avait été informé et consulté sur l’outil conversationnel, et avait rendu son avis le 8 juin 2022. De plus, le juge considère que même si la version 2 intègre l’IA générative, elle “se contente d’ajouter des thèmes et des documents” sans modification de la technologie utilisée.

Par suite, faute d’établir l’introduction d’une nouvelle technologie ou l’existence d’un projet important, “le CSEC n’avait pas à être consulté préalablement”. Il n’est pas impossible que le tribunal ait souhaité rendre une décision équilibrée et ait ainsi exigé une consultation sur Mediagen et pas sur Raiponse.

Car la chambre sociale de la  Cour de cassation avait bien requis, dans son arrêt du 7 février 1996 n° 93-18.756 que dans un projet complexe comprenant des décisions échelonnées, le CSE doit être consulté avant chacune d’entre elles. Or, on pourrait voir la création d’une version 2 de Raiponse et sa mise à disposition comme une nouvelle décision d’un projet complexe. “Vous vous doutez bien que c’est ce que j’ai plaidé !”, nous a répond l’avocat du CSEC Benoît Masnou. Sans réponse favorable du tribunal pour cette fois.

Le tribunal refuse de condamner l’employeur à fournir une liste de documents

Dernier point, le CSEC de France TV avait sollicité une liste d’informations précises et demandé au juge de condamner l’employeur à les lui fournir. Il s’agissait par exemple de présentations détaillées des projets, des études d’impact sur l’organisation du travail, des aspects juridiques et réglementaires ou encore des contrats et accords conclus avec les prestataires d’IA.

Le juge n’accède pas à cette demande : “Le CSEC ne saurait solliciter la transmission d’une liste d’informations précises alors que la procédure d’information consultation n’a pas commencé”. Selon l’avocat Benoît Masnou, obtenir gain de cause sur ce point n’était pas évident car il relève spécifiquement de l’article L.2312-15 du code du travail, qui exige pour le CSE des “informations suffisantes” afin de pouvoir rendre son avis et non du principe de la consultation du L.2312-8.

Cette liste de documents pourrait en tout cas être reprise dans le cadre de la future consultation imposée à l’entreprise par l’ordonnance de référés. “Cette décision intervient en tout cas dans un climat social qui se dégrade entre les CSE et la direction”, note Christophe Bens (FO) qui relève aussi que l’accord collectif réglant de multiples aspects, sorte de “mini convention collective interne” a été dénoncé par la direction en juillet.

Pour l’heure, l’intersyndicale se réserve la décision de faire appel ou pas sur l’outil Raiponse. “Nous verrons si l’arbitrage actuel est consolidé, et nous pourrons revenir sur cet outil si nous trouvons un accord de méthode global dans lequel un état des lieux des pratiques en cours et des différents niveaux de risques devra être réalisé”, nous a indiqué Bruno Espalieu (CFDT).

Pour la CGT (majoritaire à 36 % de représentativité), faire appel n’est pas non plus à l’ordre du jour. En revanche, l’élu Pierre Mouchel acte que “la décision pose la question des montées en version des logiciels” et juge que “cette décision nous donne du poids dans le rapport de force pour une future négociation encadrant les projets et leur suivi”.

La question se posera également pour la direction d’interjeter appel de cette décision. Selon l’intersyndicale, elle n’a pas encore réagi mais deux dates de négociation sur l’IA sont inscrites dans le calendrier social pour le mois de novembre.

Pour l’heure, la CGT, la CFDT, le SNJ (syndicat national des journalistes) et FO seront aussi en plein dans les feux de l’actualité d’aujourd’hui : ils ont diffusé un appel à la grève contre les mesures budgétaires pour les 10 et 18 septembre. Avec le projet de loi sur l’audiovisuel, porté dans le dernier gouvernement par Rachida Dati, les sujets ne vont pas manquer pour les élus dans les mois qui viennent…

Marie-Aude Grimont

Emploi et croissance : pour 2025, l’Insee prévoit moins pire que prévu

12/09/2025

L’Insee prévoit pour 2025 une dégradation de l’emploi moins forte que prévu et une croissance légèrement supérieure. Mais l’attentisme des ménages et des entreprises reste très fort. Le faible niveau de la consommation et des investissements bloque un redémarrage de l’activité.

“Pas de confiance, un peu de croissance” : voilà, résumée par l’Insee, la situation économique française. Dans sa nouvelle note de conjoncture publiée hier soir, l’institut national de la statistique et des études économiques révise à la hausse ses prévisions pour l’année en cours.

Du fait d’une activité économique plus dynamique que prévu au printemps (+0,3 % de croissance au deuxième trimestre), ces prévisions sont un poil meilleures, ou moins mauvaises, qu’attendu. Mais ce n’est pas le Pérou !

► L’emploi

Les prévisionnistes ont été surpris par la résistance du marché de l’emploi en France au second trimestre dans le privé ( + 43 000 emplois et + 20 000 alternants au lieu d’une baisse de 20 000 attendue) comme le public ( + 9 000 emplois). Ils revoient donc leur prévision annuelle : sur 2025, le secteur privé ne perdrait plus “que” 51 000 emplois.

Ces pertes s’expliquent principalement par une baisse du nombre d’alternants. Certes, elle devrait s’accentuer en fin d’année (prévision de 45 000 postes d’alternants détruits lors des 6 derniers mois 2025). Toutefois, l’Insee estime que la baisse de l’aide à l’apprentissage n’a pas entraîné la décrue attendue, comme si les changements structurels en faveur de l’alternance avaient été assimilés en profondeur par les entreprises et que celles-ci résistaient donc à un moindre soutien public. Il faudra vérifier cette analyse à la lumière des chiffres de la rentrée de l’automne 2025.

► Le chômage

De 7,5 % au deuxième trimestre, le taux de chômage passerait à 7,6 % à la fin de l’année. Cette progression s’explique par l’augmentation de la population active, avec 140 000 actifs de plus en un an du fait de la réforme des retraites. Mais des étudiants pourraient aussi choisir, faute de postes d’alternants, de poursuivre leurs études plutôt que de rentrer sur le marché du travail. 

► L’inflation et les salaires

Du fait notamment d’une baisse des prix de l’énergie ( – 7 %), la France devrait terminer l’année avec une inflation contenue ( + 1,2 % sur un an), soit la plus faible augmentation des prix depuis 2020.

La progression des salaires serait limitée : + 2,1 % pour le SMPT en 2025 (contre  + 2,6 % en 2024) et  + 1,8 % pour le SMC (après + 2,9 %) selon l’Insee (*). Du fait d’une inflation en baisse, le rattrapage du terrain perdu continuerait cependant. “En cumul sur 2024 et 2025, les salaires réels des branches marchandes non agricoles” devraient donc “regagner environ les trois quarts des pertes subies en 2022 et 2023”. 

Le pouvoir d’achat des ménages augmenterait de 0,8 % en 2025 contre + 2,5 % en 2024. Cause de ce ralentissement : les prélèvements fiscaux, que ce soit sur les hauts revenus comme sur l’impôt sur le revenu du fait du gel du barème. 

► La croissance

La croissance devrait atteindre 0,8 % en 2025 grâce à une légère progression au 3e trimestre (+0,3 %) et au 4e (+ 0,2 %). Si celle se confirme, cette embellie serait une bonne  nouvelle inattendue pour l’exécutif qui peut escompter de nouvelles recettes fiscales.

Toutefois, ce regain reste modeste. L’Insee l’explique essentiellement par les bons résultats de quelques branches : l’aéronautique (avec un effet de stock), le tourisme avec une fréquentation de touristes étrangers en hausse en France, ce qui tire l’activité et les emplois, le rebond de l’agriculture et un marché immobilier en redressement. “Après trois années de fort repli l’activité du bâtiment arrêterait de reculer, et les entreprises du secteur sont nettement plus optimistes sur leurs perspectives d’activité”, analyse Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture de l’Insee. 

La baisse des prix de l’énergie – si le contexte géopolitique ne le remet pas en cause – est un atout pour le redémarrage, mais le renchérissement de l’euro et les barrières douanières aux États Unis menacent nos exportations. L’embellie du commerce extérieur qui devrait intervenir à la fin 2025 s’expliquera, prévient l’Insee, surtout par des livraisons attendues de matériel aéronautique et par la mise à flot d’un navire de croisière.

Notons que les canicules de l’été ne paraissent pas avoir eu d’effet sur l’activité économique. 

► Les investissements et la consommation

Pour le reste, le paysage dessiné par l’Insee est morose. Alors qu’en Europe les investissements repartent avec un redressement attendu en Allemagne et une activité plus dynamique en Espagne et en Italie, la France paraît à la traîne. “L’investissement redémarre un peu moins vite qu’ailleurs, les industriels perdent un peu plus de parts de marché et le climat des affaires se maintien en deçà de sa moyenne de long terme depuis l’été 2024 sans signe d’amélioration”, constate l’Insee. 

L’investissement des entreprises, qui avait chuté en 2024 ( – 2,4 %) ne devrait pas se redresser cette année ( + 0,1 % au 1er trimestre mais – 0,2 % au deuxième).

La dissolution de l’Assemblée en France il y a un an continue donc de produire des effets délétères sur le moral des chefs d’entreprise et des ménages. “Nous avons alors perdu 5 points dans notre baromètre mesurant le climat de affaires. Depuis, nous sommes toujours sur cette marche”, explique Dorian Roucher. La nouvelle instabilité gouvernementale n’arrange pas les choses, même si l’Insee note que les mouvements sur les marchés financiers provoqués par le vote de défiance du 8 septembre sont restés très en deçà de ceux observés au moment de la dissolution en 2024. 

Les Français redoutent une dégradation de l’activité économique et de l’emploi bien plus forte que les prévisions de l’Insee l’imaginent. Du coup, le taux d’épargne atteint des records : les Français épargnent 18,9 % de leur revenu, le niveau le plus élevé 45 ans si l’on excepte la crise sanitaire. Conséquence : la consommation est en berne ( + 0, 5% attendue en 20205 après + 1% en 2024). Or, comme le rappelle Dorian Roucher, ce qui pourrait débloquer le gel des investissements, c’est une reprise de la demande. 

► Le taux de marge

Le taux de marge des entreprises baisserait de 1,2 point en 2025 pour s’établir à 31 % de leur valeur ajoutée. La productivité augmente (+ 0,9 %), mais la révision des allègements généraux de cotisations sociales devrait faire progresser les cotisations patronales. 

(*) Le salaire mensuel de base (SMB) correspond au salaire brut de toute forme de cotisations (sécurité sociale, assurance chômage, retraite complémentaire, prévoyance, CSG, CRDS). Il ne comprend ni les primes (sauf, le cas échéant, la prime liée à la réduction du temps de travail), ni les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires (pour les temps pleins) ou des heures complémentaires (pour les temps partiels). Son montant correspond généralement à celui de la première ligne du bulletin de paye d’un salarié.

Le salaire moyen par tête (SMPT) rapporte les masses salariales brutes versées par l’ensemble des employeurs au nombre de salariés en personnes physiques. L’évolution du SMPT reflète l’évolution des qualifications et de la quotité du travail et celle de la rémunération des heures supplémentaires et des primes.

Bernard Domergue