Catherine Vautrin : à l’écoute mais…

16/01/2024

Que disent de Catherine Vautrin, la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités, ceux qui l’ont côtoyé en politique et ceux qui la connaissent sur le plan local ? Quelques éléments de réponse.

Catherine Vautrin appartient à Horizons, le mouvement de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe qui se situe dans la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron. Après avoir longtemps fait partie de la droite républicaine, Catherine Vautrin a donc rejoint le gouvernement comme ministre du travail, de la santé et des solidarités. Comment réagissent à sa nomination ceux qui l’ont connue comme personnalité de droite, à la fois comme députée, comme ministre (*), et comme décideuse locale ? 

Le point de vue de deux politiques de son ancien parti 

“Cela ne m’a pas étonné, sa sensibilité est centriste, cela correspond à sa ville de Reims”, réagit Gérard Cherpion, ancien député LR et bon connaisseur des questions sociales. Ce dernier juge qu’elle possède “d’énormes qualités politiques” pour réussir : “Elle connaît bien le terrain, elle aime les gens et les relations humaines, elle a une expérience de ministre et de députée”.

Au travail, rien n’est gagné sur le front de l’emploi 

En revanche, l’ancien député de la commission des affaires sociales de l’Assemblée se dit surpris par son portefeuille : “Elle hérite de deux ministères énormes : la Santé, avec un système très fragile au bord de l’explosion, et le Travail, où rien n’est gagné sur le front de l’emploi. N’aurait-il mieux pas valu un gouvernement avec quelques ministres de plus ?”. Et le parlementaire d’expliquer : “L’économie reste fragile et il peut y avoir à terme un effet retour négatif sur le plan du chômage du soutien à l’apprentissage. Certains centres de formation des apprentis (CFA) vont être en difficulté”. En outre, complète Gérard Cherpion, les six mois à venir risquent de se passer sans grand texte pour la ministre sur le plan du travail et de l’emploi.

 Comme femme en politique, Catherine Vautrin a dû s’imposer 

Autre spécialiste des affaires sociales quand elle était sénatrice LR, Catherine Procaccia ne tarit pas non plus d’éloges sur Catherine Vautrin, qu’elle a connue comme députée et ministre : “Une femme que j’estimais, franche et directe, un contact facile. Cette nomination, cela m’a fait plaisir”. Catherine Vautrin a dû s’imposer comme femme en politique, car rien ne lui a été donné, ni au plan local (elle préside l’agglomération) ni au plan national, souligne Catherine Procaccia, ce qui lui a donné une certaine assise politique à ses yeux : “Elle a les épaules suffisamment solides pour gérer son ministère, elle bénéficie d’une expérience locale et nationale, et elle a travaillé dans le privé, comme moi. Au Parlement, nous n’étions pas si nombreuses à avoir ce parcours. Et elle a été vice-présidente de l’Assemblée”. 

Du côté des syndicats de Reims

Catherine Vautrin est ancrée dans le territoire de Reims (Marne) dont elle préside l’agglomération. Quelle image ont d’elle les syndicats qui représentent les agents de cette collectivité ?

Mme Vautrin est dans l’écoute, mais elle suit ses objectifs 

Réponse d’Aline Gerraerts, secrétaire adjointe de l’union départementale UNSA de la Marne, et qui préside une maison de la culture dans le Grand Reims : “Madame Vautrin ne refuse pas le dialogue social, elle est dans l’écoute, elle connaît très bien ses interlocuteurs. Mais elle est politique, elle suit ses objectifs. A Reims, elle n’est pas dans le mépris des représentants syndicaux, elle écoute et dialogue mais elle poursuit ses projets en conformité avec ses convictions”.

Et la syndicaliste UNSA, qui ne jette pas la pierre à la nouvelle ministre pour son soutien passé à la manif pour tous (“dans son camp, beaucoup ont changé d’avis”), de compléter néanmoins : “Au niveau national, avec un ministère aussi démesuré, tout dépendra de la feuille de route donnée par Emmanuel Macron et des consignes qu’elle passera à son équipe pour mettre en oeuvre un dialogue social de qualité. J’espère qu’elle ne cèdera pas aux lobbies, comme pour le projet de loi grand âge : à mes yeux, il faut à la fois des services de soins palliatifs partout et de qualité, et donner la possibilité du suicide assisté”. 

Nous défendions des transports publics à Reims, C. Vautrin a choisi le privé 

Du côté de la CGT, l’appréciation n’est pas si différente. “Catherine Vautrin est dans le dialogue social, elle nous reçoit quand nous le demandons. Elle écoute les agents territoriaux mais de là à les entendre…”, nous répond Sabine Duménil, la secrétaire générale de la CGT de la Marne. Un exemple ? “Cet été, nous avons été reçus pour parler de la gouvernance des transports de Reims. Nous défendions le principe d’une régie publique, mais Catherine Vautrin a choisi de confier les transports à un groupe privé”, raconte Sabine Duménil. Pour cette dernière, les choses sont simples, “c’est une femme de droite, dans un gouvernement libéral”. Et la syndicaliste CGT de demander au gouvernement “un changement de cap” avec “une hausse du Smic et des salaires, la suppression du relèvement de l’âge de départ à la retraite, l’arrêt de la dégradation des services publics”.

(*) Catherine Vautrin a été deux fois ministre du gouvernement Raffarin, comme secrétaire d’État chargée de l’Intégration et de l’Égalité des chances en 2004, puis secrétaire d’État aux personnes âgées en 2004 et 2005, et une fois ministre du gouvernement de Villepin, comme déléguée à la cohésion sociale et à la parité de 2005 à 2007. Elle a été vice-présidente de l’Assemblée de 2008 à 2017. Comme ministre du travail et de la santé, Catherine Vautrin a pour directeur de cabinet Georges-François Leclerc, jusqu’alors préfet des Hauts-de-France.

Bernard Domergue

La définition du montant net social est codifiée

16/01/2024

La simplification du calcul du montant net social, annoncée par le Bulletin officiel de la sécurité sociale, est entérinée par décret. En outre, la liste des informations dont le libellé, l’ordonnancement et le regroupement doivent être conformes au modèle officiel de bulletin de paie s’enrichit.

Le 14 novembre 2023, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) opérait un changement de doctrine en modifiant les modalités du calcul du montant net social dont l’affichage est obligatoire sur tous les bulletins de paie depuis le 1er juillet 2023. 

Ainsi, depuis le 1er janvier 2024 :

  • les IJSS (indemnités journalières de sécurité sociale) subrogées sont prises en compte dans le calcul du montant net social sur la fiche de paie ;
  • pour toutes les garanties collectives de frais de santé, y compris le versement santé, de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire, les cotisations salariales, d’origine légale ou conventionnelle, sont déductibles et les contributions patronales sont exclues.

Afin de sécuriser les règles applicables issues pour l’essentiel de la doctrine administrative, le décret du 28 décembre 2023 donne une base juridique au montant net social et l’intègre, ainsi que d’autres informations, aux mentions obligatoires du bulletin de paie listées dans le code du travail.

Jusqu’ici, la définition du montant net social figurait uniquement à l’article 1, II de l’arrêté du 25 février 2016 fixant les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie, dans lequel elle avait été intégrée par l’arrêté du 31 janvier 2023. Les éléments de calcul à prendre en compte, à exclure ou à déduire résultaient donc principalement de la doctrine administrative.

Une définition réglementaire

Pour mémoire, le montant net social est le revenu de référence à indiquer sur la déclaration trimestrielle de ressources des allocataires du RSA et de la prime d’activité pour le calcul de leurs droits. Le décret du 28 décembre 2023 codifie la définition du montant net social au sein du code de l’action sociale et des familles et du code de la sécurité sociale au titre des ressources prises en compte pour le calcul respectivement des droits à ces deux prestations, tenant ainsi compte des arbitrages retenus par le Boss.

Le montant net social est égal à la différence entre (article R.262-12, II nouveau du code de l’action sociale et des familles ; article R.844-1, II nouveau du code de la sécurité sociale ; décret article 1er, 3-b et 2, 2°-b) :

  • d’une part, les montants, pour leur valeur brute, correspondant aux sommes ainsi qu’aux avantages et accessoires, le cas échéant en nature, qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, d’une activité ou de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction élective, ainsi qu’aux sommes destinées à compenser la perte de revenu d’activité, quelles qu’en soient la dénomination et les modalités de versement, à l’exception du financement par l’employeur des garanties collectives de frais de santé, y compris le versement santé, de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire, ainsi que la contribution des employeurs aux chèques-vacances et au financement des activités et prestations de services à la personne ;
  • d’autre part, le montant des cotisations et contributions sociales à la charge du salarié, instituées ou rendues obligatoires par des dispositions législatives ou réglementaires, ainsi que les montants correspondant au financement par le salarié des garanties collectives de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire (article L.911-1 du code de la sécurité sociale).

Ces dispositions s’appliquent aux ressources perçues depuis le 1er janvier 2024 et déclarées à compter du 1er février 2024 (décret, article 4, II).

Le montant net social intègre la liste réglementaire des mentions obligatoires du bulletin de paie

En outre, le montant net social est officiellement  ajouté à la liste des mentions obligatoires du bulletin de paie fixée à l’article R.3243-1 du code du travail.

La mention du montant net social sur le bulletin de paie ne figurait jusqu’à présent que dans l’arrêté du 25 février 2016, modifié par l’arrêté du 31 janvier 2023.

Depuis le 1er janvier 2024, le bulletin de paie comporte également “le montant des revenus professionnels versés par l’employeur, tel qu’il est défini au II de l’article R.844-1 du code de la sécurité sociale” (article R.3243-1, 9 bis nouveau du code du travail ; décret, article 3, 1° et 4, I).

La rédaction de ce nouvel alinéa de l’article R.3243-1 du code du travail confirme la position du Boss, notamment sur les IJSS subrogées : seules les sommes versées par l’employeur, à l’exclusion de celles versées par un autre organisme (notamment IJ non subrogées, participation versée par un établissement financier) doivent être prises en compte dans le montant net social.

La liste des informations devant se conformer au modèle officiel de bulletin de paie s’enrichit

Sont désormais ajoutés à la liste des informations dont le libellé, l’ordonnancement et le regroupement doivent être conformes au modèle officiel de bulletin de paie fixé par l’arrêté du 25 février 2016 (article R.3243-2, al. 1 modifié du code du travail ; décret, article 3, 2°) :

  • le montant de la rémunération brute du salarié (article R.3243-1, 7° du code du travail ) ;
  • la nature et le montant des versements et retenues autres que les cotisations, effectués sur la période, notamment au titre de la prise en charge des frais de transport public ou des frais de transports personnels (article R.3243-1, 8°-b du code du travail ) ;
  • le montant de la somme effectivement reçue par le salarié (article R.3243-1, 10° du code du travail ).

Une nouvelle modification de l’arrêté du 25 février 2016 devrait intervenir prochainement. Aucune information n’a encore filtré mais il est possible que le modèle devant entrer en vigueur au 1er janvier 2025 prévu à l’article 1er de cet arrêté évolue, la différenciation cotisations et contributions obligatoires/cotisations et contributions facultatives perdant de son intérêt depuis la simplification du calcul du montant net social.

Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 (décret article 4, I).

Valérie Balland

Jérôme Fournel, nouveau directeur de cabinet de Bruno Le Maire

16/01/2024

Jérôme Fournel a démissionné de ses fonctions de directeur général des finances publiques (DGFIP) et a été nommé directeur de cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à compter du 12 janvier.

Source : actuel CSE

Les seniors au chômage sont peu accompagnés

16/01/2024

Selon une étude “Les Seniors et l’Emploi en 2023″ du site seniorsavotreservice.com (emplois et services), sur 10 seniors âgés de 50-64 ans, 7 ont connu une période de chômage, le plus souvent de longue durée (2,2 ans en moyenne) et en fin de carrière. “Passer par la case chômeur devient presque la règle avant d’atteindre la retraite”, indiquent les auteurs de l’étude. Ainsi, la fin de la vie professionnelle a lieu en réalité à “59 ans”.

Or, 84 % ne sont pas accompagnés dans leur recherche en dehors de Pôle Emploi ou de l’Apec (association pour l’emploi des cadres). Trois sur 10 ont bénéficié d’un point de carrière. Parmi ces derniers, seuls 14 % se sont vu proposer une formation.

Pourtant, ils prêts à faire des concessions : ainsi, 8 sur 10 accepteraient une baisse de rémunération.

A noter : les trois quarts des seniors actifs envisagent un cumul emploi retraite. Si seulement 12 % des retraités l’ont fait actuellement, la tendance est à la hausse ; la plupart étant motivés par un complément de revenus.

Source : actuel CSE

Salarié protégé : si l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire, l’administration doit refuser l’autorisation de licencier

17/01/2024

L’administration ne peut pas autoriser le licenciement d’un salarié protégé qui se fonde sur des agissements fautifs du salarié qui étaient déjà connus de l’employeur à la date à laquelle il a prononcé une précédente sanction disciplinaire.

En cas de licenciement pour faute d’un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit vérifier, notamment, la matérialité des faits reprochés et leur caractère fautif et leur imputabilité au salarié ainsi que leur degré de gravité au regard de la mesure de licenciement envisagé.

Dans ce cadre, une abondante jurisprudence donne des illustrations de faits fautifs justifiant ou non l’autorisation de licencier un salarié protégé. Le Conseil d’État s’est également prononcé à plusieurs reprises sur l’accumulation des faits fautifs, mais c’est la première fois à notre connaissance qu’il tranche la question de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Autrement dit, la question est la suivante : Que se passe-t-il lorsque l’employeur, qui a déjà sanctionné un salarié protégé, demande par la suite l’autorisation de le licencier sur des faits dont il avait connaissance au moment de la première sanction ?

La réponse est identique à celle apportée par la Cour de cassation concernant les salariés “ordinaires” : c’est impossible. Il en résulte que l’autorisation de licenciement ne peut être octroyée dans ce cas.

Le Conseil d’État apporte également des précisions importantes en matière de retrait d’une décision d’autorisation de licenciement.

Épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur

Dans cette affaire, le 18 décembre 2017, un salarié protégé se voit infliger une mise à pied disciplinaire de 3 jours. Quelques mois plus tard, l’employeur demande à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier ce salarié pour faute pour des faits sur lesquels ne reposait pas la précédente sanction mais dont l’employeur avait alors connaissance.

L’autorisation de licenciement est refusée mais le ministre du travail, saisi sur recours hiérarchique par l’employeur, retire sa décision implicite de rejet et autorise le licenciement. Le salarié conteste cette décision et obtient gain de cause devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État commence par rappeler la prescription des faits fautifs, interdisant l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en eu connaissance (C. trav., art. L. 1332-4). Puis il précise la notion de sanction : il s’agit de toute mesure autre que des observations verbales prises par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (C. trav., art. L. 1331-1).

Puis la Haute cour explique que “l’employeur qui, ayant connaissance, dans une même période de temps, de divers faits commis par un salarié, non atteints par la prescription résultant de l’article L. 1332-4 du code du travail et considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner qu’une partie, ne peut légalement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire en vue de sanctionner les autres faits dont il avait connaissance à la date de l’infliction de la première sanction”.

► Remarque : le Conseil d’État applique aux salariés protégés la jurisprudence établie de la Cour de cassation concernant les salariés ordinaires qui considère que dans ce cas l’employeur a “épuisé son pouvoir disciplinaire” (par exemple, Cass. soc., 16 mars 2010, n° 08-43.057).

Le Conseil d’État en conclut que “l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé pour un motif disciplinaire, ne peut légalement autoriser ce licenciement en ce qu’il se fonde sur des agissements fautifs du salarié qui étaient déjà connus de l’employeur à la date à laquelle il a prononcé une précédente sanction disciplinaire”.

Plusieurs faits en cause

Or, dans cette affaire, le projet de licenciement du salarié protégé reposait sur plusieurs faits intervenus entre les mois de septembre 2017 et janvier 2018 et certains d’entre eux étaient déjà connus par la société lorsque, le 18 décembre 2017, elle a sanctionné le salarié d’une mise à pied d’une durée de 3 jours. En conséquence, l’administration ne peut légalement se fonder, pour autoriser le licenciement pour motif disciplinaire, “sur des faits sur lesquels ne reposait pas la précédente sanction mais dont l’employeur avait alors connaissance, en l’espèce, le défaut de transmission à l’employeur de lettres de voiture de novembre 2017 et le refus de faire droit à des relances en vue de leur transmission”. En d’autres termes, l’autorisation de licenciement doit alors être refusée. 

 Remarque : rappelons que si une faute ne peut donner lieu qu’à une seule sanction (Cass. soc., 21 mars 1991, n° 89-42.663), des fautes déjà sanctionnées, même de gravité limitée, peuvent être prises en compte pour apprécier la gravité d’un nouveau comportement fautif. Ces manquements précédents ayant déjà fait l’objet d’une sanction, peuvent en effet être pris en compte par l’administration pour apprécier la gravité d’un nouvel agissement fautif (Cass. soc., 4 nov. 1988, n° 85- 45.112 ; CE, 17 févr. 1992, n° 74566). De même, les antécédents disciplinaires n’ayant pas donné lieu à sanction ne doivent en effet pas être écartés d’emblée par l’autorité administrative au titre de l’ensemble des circonstances susceptibles d’être prises en compte pour apprécier si la faute reprochée est d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement (CE, 30 déc. 2020, n° 427509). Ces jurisprudences restent valables, il s’agit bien d’une autre situation : celle d’un salarié déjà sanctionné sur certains faits, et ensuite licencié sur d’autres dont l’employeur avait connaissance au moment de la première sanction. Dans ce cas, l’employeur a bien choisi de ne pas sanctionner ces faits dont il avait connaissance alors qu’il en sanctionnait d’autres, son droit disciplinaire est “épuisé” à leur égard.

Retrait de la décision implicite de rejet : le délai pour présenter les observations doit être respecté 

Second intérêt de cette décision du Conseil d’État : la présentation des observations en cas de retrait d’une décision implicite de rejet. Dans cette affaire, l’autorisation de licenciement est d’abord refusée par l’inspecteur du travail. L’employeur saisit le ministre d’un recours hiérarchique lequel n’y répond pas dans les délais, ce qui crée une décision implicite de rejet. Mais le ministre se ravise et souhaite retirer cette décision implicite pour autoriser le licenciement.

Dans ce cadre, au titre de la procédure prévue par l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, le ministre informe par courrier le salarié qu’était envisagé d’une part le retrait de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la société contre la décision de l’inspectrice du travail refusant l’autorisation de le licencier, en lui indiquant, d’autre part, qu’il disposait d’un délai de 10 jours à compter de la réception de ce courrier pour présenter ses observations.

 Remarque : l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que les décisions de l’administration retirant ou abrogeant une décision créatrice de droits (notamment) n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. 

Le salarié présente des observations par courriel, et le ministre retire sa décision implicite, avant l’expiration du délai de 10 jours (fixé par le ministre lui-même). Le ministre du travail a en conséquence entaché la procédure d’irrégularité et privé le salarié d’une garantie, “dès lors qu’il ne pouvait être inféré de son courriel qu’il ne se réservait pas la possibilité de produire des observations complémentaires avant l’expiration du délai imparti”.

La décision du ministre doit donc être annulée.

Séverine Baudouin

Congé de naissance, pouvoir d’achat, emploi, choc de simplification : les annonces d’Emmanuel Macron

17/01/2024

Lors de son intervention télévisée hier soir suivie d’une longue conférence de presse, le président de la République a lancé quelques annonces sur des sujets très divers, allant de la limitation des écrans pour les enfants à la généralisation d’un service national universel pour les élèves de seconde, sans oublier la rémunération au mérite des fonctionnaires et plusieurs dispositions économiques et sociales. Citons-en quelques-unes :

► Emmanuel Macron a ainsi évoqué un congé naissance en lieu et place d’un congé parental, congé qui serait ouvert aux deux conjoints d’un couple pendant 6 mois.

► Concernant le choc de simplification déjà évoqué avec un projet de loi présenté en mars, Emmanuel Macron a semblé retrouvé les accents du rapport Attali de 2008 qui avait inspiré la loi Macron de 2015 et la loi Pacte de 2017. Le chef de l’Etat a expliqué avoir demandé à son gouvernement de “mettre fin aux normes inutiles”, de mettre fin “à ces complexités qui découragent les industriels, les entrepreneurs, les commerçants, les artisans, les maires, ceux qui font”, “des complexités qui bien souvent protègent des rentes, des statuts et des situations établis”. Le président de la République demande au gouvernement de “réduire des délais, faciliter encore les embauches, augmenter tous les seuils déclenchant de nouvelles obligations”. Ces derniers mots peuvent renvoyer à des obligations sociales, et l’on pense notamment à la réduction souhaitée par le ministre de l’Economie de la durée du recours contre un licenciement, mais Emmanuel Macron n’a pas précisé son propos.

► Au sujet de l’emploi, Emmanuel Macron a évoqué, pour le printemps prochain, “un acte deux de la réforme du marché du travail lancée en 2017”, une réforme qui se traduira par “des règles plus sévères quand des offres d’emploi sont refusées et un meilleur accompagnement de nos chômeurs par la formation, mais aussi l’accompagnement à l’emploi sur des choses très concrètes comme le logement ou les transports”.

► Sur les salaires et le pouvoir d’achat, le chef de l’Etat a promis d’engager dès 2025 sa promesse de baisse des impôts de 2,5 milliards d’euros. Il a souhaité “un travail ardent pour permettre de mieux gagner sa vie, par le travail avec l’adaptation de nos dispositifs fiscaux et sociaux, mais aussi avec des négociations dans certaines branches pour que la dynamique salariale soit au rendez-vous des efforts”. 

► A lire également : à propos du gouvernement Attal, notre article sur les dossiers de la nouvelle ministre du travail, Catherine Vautrin, et sur son expérience.

Source : actuel CSE

Qui sont les demandeurs d’emploi sortis des listes de France Travail en septembre 2022 ?

17/01/2024

Les listes Pôle Emploi ont affiché 704 000 demandeurs d’emploi en moins en septembre 2022.

Parmi les sortants, un sur deux a retrouvé un job, selon l’étude de la Dares publiée le 16 janvier. A peine 40 % ont un CDI et 21 % sont en temps partiel. Les autres salariés ne bénéficient que de contrats précaires : 29% ont décroché un CDD et 14 % une mission d’intérim.

Par ailleurs, 8 %, principalement des hommes, plus âgés et plus diplômés que les autres salariés, se sont orientés vers une activité indépendante. Si le nouvel emploi correspond plus souvent au métier recherché que pour les salariés (87 % contre 73 %), ils se disent moins satisfaits de leur rémunération (54 % de satisfaction contre 66 % pour les salariés). Leur job est aussi plus aléatoire : seuls 62 % sont toujours à leur poste, trois mois après la sortie des listes, contre 81 % pour les salariés.

A noter également, 2,4 % des sortants sont inscrits en formation. Selon la Dares, la radiation administrative concerne 0,1 % de ces demandeurs d’emploi.

Source : actuel CSE

Plan France Relance : l’aide exceptionnelle à l’apprentissage a généré un surcroît de 80 000 emplois

18/01/2024

Le comité d’évaluation de France Relance a rendu son rapport final. Verdict ? Le volet “cohésion sociale” a démontré son efficacité mais les aides à l’apprentissage doivent être davantage ciblées sur les moins qualifiés. Les NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) restent la bête noire des politiques publiques.

Le volet « cohésion sociale » du plan de relance a-t-il été 100 % efficace ? Lancé en juillet 2020 par Jean Castex, alors Premier ministre, et doté de 36 milliards d’euros, le volet emploi/formation reposait sur trois chantiers : le plan jeune, l’activité partielle longue durée (APLD) combinée avec le FNE-Formation et l’investissement dans les compétences. Il intégrait les aides à l’embauche des jeunes, les aides à l’apprentissage mais aussi plusieurs dispositifs de réinsertion notamment le plan d’investissement dans les compétences (PIC).

Trois ans et demi après, le comité d’évaluation France Relance, présidé par l’économiste Xavier Jaravel et constitué de politiques, de partenaires sociaux, de représentants d’associations et d’administrations (Dares, DG Trésor) ainsi que d’experts (dont Yannick Lhorty), reste prudent. Certes, “l’objectif macroéconomique de court terme a été atteint : 350 000 emplois ont été créés en 2022, permettant ainsi à la France d’enregistrer une reprise plus rapide de l’emploi”, soulignent les auteurs dans un rapport présenté mardi 16 janvier. Mais le coup de pouce n’a pas été spectaculaire : “la contribution du plan a été minoritaire “. La France a retrouvé son niveau d’avant crise dès fin 2021/début 2022 alors sans ces mesures la reprise aurait eu lieu en 2023.

Surtout, à moyen terme, son effet pourrait s’estomper : l’impact du plan a d’ores et déjà été atténué par de nouveaux soubresauts économiques : la hausse des taux d’intérêt, celle de l’inflation et la guerre en Ukraine.

Apprentissage : un coût moyen de 20 000 euros par emploi

Reste que sur le plan de l’emploi, le plan a démontré son efficacité. Parmi l’arsenal de mesures anti-crise, le comité d’évaluation salue la belle performance de l’apprentissage : le plan a généré un surcroît de 80 000 emplois grâce à l’aide exceptionnelle (50 % des entrées supplémentaires) – chacun ayant nécessité 20 000 euros, en moyenne, d’investissement public. Soit un “dispositif efficient” pour le comité. Ce coût moyen correspondant à “la fourchette basse de ce qu’on peut trouver dans les politiques publiques de l’emploi déployées en France”, selon Xavier Jaravel.

Toutes les entreprises ont perçu ce coup de pouce mais celles de moins de 250 employés ont été les grandes bénéficiaires car aucune condition n’était exigée. Au-delà, les sociétés devaient s’engager à atteindre un certain seuil de contrats d’alternance ou de contrats favorisant l’insertion professionnelle dans leur effectif.

Pour le comité, la progression de l’alternance aura des “effets positifs sur l’insertion dans l’emploi”, à diplôme donné, les sortants de CFA ayant un taux d’emploi “nettement plus élevé que les sortants de lycées professionnels”.

Les jeunes peu qualifiés, grands perdants du plan de relance ?

En 2022, le taux d’emploi des jeunes est de 5,4 points plus élevés qu’en 2019. Mais la part des NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) parmi les 15-29 ans est de 12 % en 2022. C’est 1 point de moins qu’en 2019 (13 %). Une évolution à mettre au crédit du plan “un jeune, une solution” recentré sur les jeunes les moins qualifiés. Mais qui reste très modeste.

FNE-formation : un dispositif difficile à “évaluer”

L’autre mesure du volet “Cohésion sociale” du plan porte sur la formation financée par le FNE-Formation pendant l’activité partielle de longue durée (APLD). Un dispositif présenté comme un “bouclier anti-licenciement” par Elisabeth Borne, à l’époque ministre du travail. “Il s’agit d’éviter que les entreprises se séparent des salariés et des compétences dont elles auront besoin dans la reprise en combinant activité partielle de longue durée avec le financement de formation”.

Mais à ce stade, “il n’a pas été possible de mener une analyse détaillée croisant le recours à l’APLD et au FNE-Formation”. En effet, alors que 760 000 salariés ont été placés au moins une fois en APLD entre 2020 et décembre 2022, seuls 152 000 stagiaires ont bénéficié du FNE-Formation. D’autres travaux plus poussés sont actuellement menés par la Dares, notamment sur la qualité de la formation et l’acquisition de nouvelles compétences. Ils devraient aboutir dans l’année.

Parmi les points de vigilance, le comité d’évaluation reconnaît que l’aide exceptionnelle à l’apprentissage est “perfectible”, notamment en la ciblant davantage sur les moins qualifiés. De fait, selon le bilan, 55 000 des contrats en alternance ont été fléchés depuis 2020 vers le niveau supérieur ou égal au baccalauréat, contre 25 000 vers niveau strictement inférieur.

Pour l’heure, cette recommandation n’a pas été suivie par l’exécutif. Lequel a reconduit l’aide exceptionnelle pour 2024 dans les mêmes conditions que les années précédentes.

En revanche, les contrats de professionnalisation expérimentaux (bien que prolongés en 2024) ne sont plus couverts par cette aide.

Coup de pouce à l’emploi dans le bâtiment
Selon le rapport, les aides au bâtiment, MaPrimeRenov’ et le soutien à la rénovation des bâtiments publics ont eu des “effets significatifs sur l’emploi”, de l’ordre de 100 000 dans la construction en 2022, pour un coût moyen de 60 000 euros par emploi créé via les mesures de subvention à la rénovation.

 Anne Bariet

Congés payés acquis pendant un arrêt maladie : la nouvelle ministre du travail souhaite travailler avec les partenaires sociaux

18/01/2024

Après le revirement de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 qui s’est alignée sur le droit européen afin que les salariés français en arrêt maladie puissent acquérir des droits aux congés, Elisabeth Borne avait annoncé son intention de légiférer rapidement, tout en précisant vouloir limiter les contentieux, certains juristes estimant que les congés payés acquis depuis le 1er décembre 2019 n’étaient, en l’état, pas prescrits.

Questionnée hier sur le sujet à l’Assemblée nationale, la nouvelle ministre du Travail, Catherine Vautrin, a confirmé cette position : “Nous devons attendre la décision du Conseil constitutionnel sur le sujet, car une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée sur le sujet. Notre pays se mettra bien évidemment en conformité avec la législation européenne mais les conséquences financières sont très importantes pour les entreprises, les PME et les TPE. Donc nous ne pouvons que travailler avec l’ensemble des partenaires sociaux, les représentants des salariés et les représentants des entreprises, pour trouver une solution dans le délai le plus court possible”.

Source : actuel CSE

A l’employeur de prouver que les heures de délégation n’ont pas été utilisées en conformité avec l’objet du mandat

19/01/2024

L’employeur ne peut obtenir le remboursement des heures de délégation payées au représentant du personnel que s’il prouve que ces heures ont été utilisées pour exercer des activités non-conformes à l’objet du mandat.

En juin 2017, un salarié est élu représentant du personnel de son entreprise, en qualité de titulaire, dans le collège des employés. Par lettres des 3 avril et 3 juillet 2018, l’employeur lui demande de justifier de l’utilisation de ses heures de délégation. Quelques mois plus tard, il porte l’affaire en justice en vue d’obtenir le remboursement des heures de délégations payées au représentant du personnel.

Participation à une réunion syndicale

Pour lui, l’élu du personnel n’avait pas à puiser dans son crédit d’heures pour participer à des réunions syndicales. Notons qu’à l’époque des faits, le salarié a été élu comme membre de la délégation unique du personnel (DUP), regroupant le comité d’entreprise et les délégués du personnel. Même si cette instance a disparu, la décision rendue par la Cour de cassation conserve tout son intérêt pour les élus du CSE. 

Les heures de délégation, comment ça marche ? Les heures de délégation prises par le représentant du personnel sont présumées avoir été utilisées conformément à l’objet du mandat représentatif. On dit qu’elles bénéficient d’une présomption de bonne utilisation.

Toujours est-il que l’employeur peut, après avoir payé en travail effectif les heures utilisées, demander au représentant du personnel de lui fournir des indications sur l’utilisation des heures en question. Sous peine de poursuites en justice, le représentant du personnel doit répondre à cette demande.

S’il continue à contester l’usage qui a été fait des heures de délégation, l’employeur doit intenter une action en remboursement devant les prud’hommes. C’est alors à lui, et à lui seul, de prouver que les heures de délégation n’ont pas été utilisées conformément à l’objet du mandat. Autrement dit, que le représentant du personnel a pris des heures pour des activités étrangères à son mandat.

Dans cette affaire, l’action de l’employeur échoue. Comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 8 novembre 2023, c’est à l’employeur qui conteste en justice l’usage qui a été fait des heures de délégation de prouver “la non-conformité de l’utilisation de ces heures avec l’objet du mandat représentatif”. Or, les juges ont estimé ici que cette preuve n’était pas du tout rapportée.

Sur le fond, il est également rappelé que le temps passé par les représentants du personnel à leur information personnelle ne peut être inclus dans les heures de délégation que si l’information se rattache directement à une difficulté particulière à leur entreprise.

La nature du rendez-vous

D’après les constats des juges, “la réunion du 20 janvier 2018 avait pour objet de rencontrer d’autres délégués du personnel d’autres entreprises de la grande distribution pour échanger avec eux” et “le rendez-vous du 5 février 2018 avait pour objet des heures de préparation sur le délit d’entrave et le droit d’alerte eu égard au climat délétère existant dans l’entreprise et à la plainte déposée par l’employeur pour dénonciation calomnieuse”.

Par ailleurs, “le salarié expliquait que sa participation aux réunions organisées par la CGT était liée aux difficultés qu’il rencontrait dans l’entreprise pour exercer son mandat” et que, le 13 mars 2018, il avait “répondu à la convocation de la gendarmerie en sa qualité de représentant du personnel à la suite d’une plainte pour dénonciation calomnieuse déposée par l’employeur et non à une convocation qui lui aurait été délivrée à titre personnel”.

Conclusion des juges : “La participation aux réunions syndicales litigieuses et les recherches personnelles étaient en lien avec les difficultés rencontrées par le salarié dans l’entreprise à l’occasion de l’exercice de son mandat”.

Frédéric Aouate

La France condamnée pour avoir sanctionné une femme ayant dénoncé un harcèlement

19/01/2024

Pour avoir évoqué dans un mail une accusation de harcèlement contre son employeur, une femme avait été condamnée pour diffamation par les juges français. Dans un arrêt rendu hier, la Cour européenne des droits de l’homme estime que la France a violé l’article 10 de la Convention des droits de l’homme qui garantit la liberté d’expression. Cette condamnation pénale était de nature à dissuader des victimes de harcèlement de dénoncer de tels actes.

Dans un arrêt rendu hier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France dans une affaire de diffamation et de harcèlement. La France se voit reprocher la condamnation pénale, pour diffamation publique envers un particulier, d’une femme qui avait dénoncé, dans un mail envoyé à six personnes, des faits de harcèlement sexuel de la part de son employeur. La décision du tribunal correctionnel de Paris avait été confirmée partiellement par la cour d’appel et par la Cour de cassation.

Un courriel restreint

La CEDH estime que ce courriel n’a eu que des effets limités sur la réputation de “son prétendu agresseur”. En effet, un seul des destinataires ne connaissait pas l’affaire, les autres étant “soit impliqués, soit habilités à recevoir des dénonciations de harcèlement”, comme l’inspecteur du travail, un des destinataires. Mais les juges français ont retenu néanmoins le caractère public du courriel. Pour la CEDH, “une telle approche apparaît, dans les circonstances de l’espèce, excessivement restrictive au regard des exigences attachées au respect de l’article 10” de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit la liberté d’expression (lire en encadré). 

Quant aux actes dénoncés dans le courrier, ils doivent certes reposer sur une base factuelle solide, admet la Cour européenne. Mais en l’occurrence, selon la supposée victime, les faits ont été commis sans témoins, et l’absence de  plainte ne saurait caractériser la mauvaise foi de la “requérante”. Or, les juges français n’ont pas tenu compte de ces éléments, ce qui a eu pour effet, selon le juge européen, de faire “peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer”.  

Une condamnation pénale de nature à dissuader les victimes d’agir

Si la sanction financière prononcée en France contre la femme dans ce procès pour diffamation paraît faible (1 000€), note la CEDH, “il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une condamnation pénale, qui comporte, par nature, un effet dissuasif susceptible de décourager les intéressés de dénoncer des faits aussi graves que ceux caractérisant, à leurs yeux, un harcèlement moral ou sexuel, voire une agression sexuelle”.

Pour le juge européen, il y a donc eu violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH condamne la France à verser à la requérante 8 500€  pour dommages moral et matériel, et 4 250€ pour frais et dépens.

L’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme garantit la liberté d’expression
Voici le contenu de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme :

“Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire”. 

Bernard Domergue

Déclaration du refus d’un CDI : “une lourdeur administrative incontestable”

19/01/2024

Depuis le 1er janvier, les employeurs ont l’obligation de transmettre à France Travail les refus de CDI opposés par des salariés en CDD ou en contrat de mission. Cette nouvelle obligation déclarative, non sanctionnée, ne convainc pas les experts qui accompagnent les entreprises.

Avec la loi du 21 décembre 2022 et le décret du 28 décembre 2023, les employeurs ont depuis le 1er janvier une nouvelle obligation : celle de déclarer à France Travail les refus qui leur seront opposés à une proposition de CDI à un salarié en CDD ou en contrat de mission. A l’issue de deux refus de CDI, l’ancien salarié perdra ses droits à allocations chômage.

Le législateur n’a pas assortie cette nouvelle déclaration – pourtant obligatoire – de sanctions. Sur le papier, l’employeur ne risque donc rien à méconnaître son obligation et à proposer un emploi identique ou similaire en CDI sans respecter ce nouveau formalisme. Il n’est pas prévu que France Travail puisse contrôler et sanctionner l’employeur pour cette inexécution.

Les deux experts que nous avons interrogés sur ce nouveau dispositif se montrent dubitatifs et critiquent cette nouvelle obligation tant le dispositif lui-même que ses modalités.

Risque pour le recrutement

Elodie Tabel-Diffaza, directrice marché conseil social et paie au sein du groupe d’expertise comptable In Extenso, craint que cette nouvelle obligation aille à contre-courant du contexte économique et social actuel de tension sur l’emploi, surtout dans les TPE-PME qu’elle accompagne. “L’employeur doit proposer un CDI avant le terme du contrat. Or, les TPE-PME sont peu nombreuses à anticiper. Ensuite, l’exigence de formalisme – effectuer la proposition de CDI par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre décharge pour justifier d’une traçabilité – risque d’entacher une relation de travail qui a vocation à continuer et instaurer un processus de défiance”.

Nouveau circuit déclaratif autonome

Abdelkader Berramdane, responsable de la veille juridique chez l’éditeur SDWorx, déplore pour sa part que le législateur ait fait le choix d’un nouveau circuit de traitement des données. “Pour nous éditeurs, modifier l’attestation Pôle emploi [désormais France Travail] relève de notre rôle d’adaptation. Mais là il s’agit d’un autre circuit déclaratif. L’ajouter à la DSN (déclaration sociale nominative) déchargerait l’employeur de cette obligation de déclaration”.

Il se pourrait qu’à terme, la transmission de l’information par voie dématérialisée se traduise par de nouvelles mentions sur l’attestation chômage via un changement de la DSN , mais pas avant 2025.

Il dénonce “une lourdeur administrative incontestable”, incompatible avec “une mesure efficiente”.  “Il y a une distorsion entre les objectifs et les modalités de mise en œuvre”.

Elodie Tabel-Diffaza s’interroge aussi sur le circuit choisi. “Avec le FCTU, [fin de contrat de travail unique] France Travail est destinataire de toutes ces données, dont le motif de fin de contrat. On fait peser sur l’entreprise une obligation qui ne présente aucun intérêt pour elle. On impose à l’employeur de transmettre des données, de joindre des documents et de justifier du respect d’une procédure”. Alors que selon elle, “France Travail dispose d’informations qui lui permettraient d’être en démarche proactive auprès de l’employeur”.

Non-versement de la prime de précarité

Sur l’absence de sanctions, d’autres règles du droit du travail pourrait-elle venir sanctionner l’employeur négligent ? “Pourrait-on considérer éventuellement que l’employeur apporte son concours à une tentative d’obtention frauduleuse d’allocations chômage (L.5429-1 du code du travail), se demande Abdelkader Berramdane. Il serait difficile toutefois de prouver l’intention frauduleuse de l’employeur”.

Autre piste : un employeur qui ne verse pas la prime de précarité car le salarié a refusé un CDI (article L.1243-10 du code du travail) mais ne déclare pas le refus d’un CDI s’exposerait-il à un retour de bâton ? Non pour les deux experts d’une part “parce qu’il y a plusieurs situations où elle n’est pas versée. Ce pourrait être un indice, pas plus. Si France Travail soupçonne une fraude, il lui appartiendra d’engager une instruction plus approfondie”, estime Abdelkader Berramdane. D’autre part, assure Elodie Tabel-Diffaza, “si la prime de précarité n’est pas versée car le salarié a refusé un CDI, il n’y a pas de risque pour l’employeur quand bien même France Travail le saurait car il n’y aurait pas d’intention frauduleuse”. 

Florence Mehrez

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : élections professionnelles, formation, nominations, remaniement

19/01/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, du vendredi 12 janvier au jeudi 18 janvier inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous n’évoquons pas ici les très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, que vous retrouvez dans notre baromètre des branches.

Élections professionnelles

  • Un arrêté du 8 janvier 2024 précise le traitement automatisé de données à caractère personnel prévu à l’article R. 7343-3 du code du travail aux fins de préparer et de permettre le scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations de travailleurs recourant pour leur activité aux plateformes et au délai de transmission, par ces plateformes à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, des données nécessaires à ces fins.

Formation

  • Un arrêté du 3 janvier 2024 porte fixation du plafond mentionné à l’article R. 6333-6-2 du code du travail (plafond de chiffre d’affaires pour réaliser une prestation éligible au Compte personnel de formation)
  • Un arrêté du 17 janvier 2024 précise l’élection des représentants des étudiants aux conseils d’administration des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Mayotte et La Réunion)
  • Un arrêté du 10 janvier 2024 porte prorogation du titre professionnel de conducteur du transport routier de marchandises sur tous véhicules
  • Un arrêté du 10 janvier 2024 porte prorogation du titre professionnel de conducteur du transport routier de marchandises sur porteur

Nominations

  • Un arrêté du 12 janvier 2024 porte nomination de Jérôme Fournel au cabinet du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
  • Un arrêté du 16 janvier 2024 porte nomination de personnalités qualifiées aux conseils territoriaux placés auprès des services territoriaux de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines
  • Un arrêté du 16 janvier 2024 porte nomination au conseil d’administration de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines
  • Un décret du 17 janvier 2024 modifie le décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels (nombre de membres)
  • Un arrêté du 11 janvier 2024 porte nomination du président et du président suppléant de la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières

Remaniement

Source : actuel CSE