Salariés protégés : panorama des décisions récentes (juillet 2023 à janvier 2024)

20/02/2024

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux salariés protégés. Tableau récapitulatif de jurisprudence.

La protection des représentants du personnel donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes. Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts du mois de juillet 2023 au mois de janvier 2024.

ThèmeContexteSolution
Candidature frauduleuseLe bénéfice du statut protecteur est exclu en cas de candidature frauduleuse, c’est-à-dire si le salarié se porte candidat dans le but exclusif d’échapper à une sanction disciplinaire.L’employeur qui n’a pas contesté la régularité de la candidature du salarié devant le tribunal dans le délai de forclusion légalement prévu n’est pas recevable à alléguer du caractère frauduleux de sa candidature pour écarter la procédure d’autorisation administrative de licenciement, et ce, même si la candidature a été présentée avant la signature du protocole préélectoral (Cass. soc., 18 oct. 2023, n° 22-11.339).  
Prise d’acteLorsqu’un salarié protégé prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d’une démission. ► jurisprudenceC’est la qualité de salarié protégé à la date de la prise d’acte qui compte. En effet, lorsqu’à la date de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail le salarié bénéficie d’un statut protecteur, cette prise d’acte jugée justifiée, doit s’analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur, en dépit de la circonstance que la modification du contrat de travail (cause de la prise d’acte) avait été mise en œuvre avant que le salarié n’acquiert la qualité de salarié protégé. Dans cette affaire, une salariée protégée ayant reçu une nouvelle affectation, sans son accord, ayant entraîné la suppression totale des actes de soins, activité que cette infirmière diplômée d’État avait exercée pendant 20 ans et qui relevait de son poste, laquelle ne se voyait confier que des activités administratives (Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-16.095).  
Modification du contrat de travailAucune modification de son contrat de travail ne peut être imposée à un salarié protégé. Le représentant du personnel peut accepter ou refuser la modification de son contrat de travail qui lui est proposée. Si l’employeur n’engage pas la procédure protectrice et impose la modification contre son gré à l’intéressé, ce dernier peut saisir le juge des référés afin d’obtenir sa réintégration dans son ancien emploi. ► jurisprudence  L’employeur a l’obligation de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Ainsi, commet un manquement grave à ses obligations l’employeur qui n’a pas engagé de procédure de licenciement et qui n’a plus fourni de travail des salariés protégés ayant refusé les modifications de leur lieu de travail, et dont les autorisations de transfert de leurs contrats ont été définitivement refusées (Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 22-13.960).  
Assistance lors de l’entretien préalableLa lettre de convocation à l’entretien préalable doit rappeler au salarié qu’il peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Lorsque l’entreprise ne dispose pas du tout d’institutions représentatives du personnel (IRP), la possibilité pour le salarié de se faire assister par un conseiller du salarié inscrit sur une liste départementale doit être mentionnée, ainsi que les adresses de l’inspection du travail et de la mairie où cette liste peut être consultée ; à défaut, un vice substantiel de procédure doit être retenu. ► jurisprudence  L’employeur est tenu de mentionner, dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, la faculté pour le salarié protégé de se faire assister par un conseiller du salarié lorsqu’il est le seul représentant du personnel dans l’entreprise, cette situation étant assimilable pour l’intéressé à celle d’une entreprise dépourvue de représentant du personnel. Toutefois, la procédure n’est pas entachée d’irrégularité s’il est établi que le salarié a été pleinement informé, en temps utile, des modalités d’assistance auxquelles il avait droit, en fonction de la situation de l’entreprise, pour son entretien préalable (CE, 13 oct. 2023, n° 467113).
 
Consultation du CSEL’administration ne peut légalement accorder l’autorisation demandée que si le comité a été mis à même d’émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation. ► jurisprudenceL’inspecteur du travail ne peut se fonder sur l’absence de convocation de l’ensemble des membres du CSE pour estimer que la procédure de consultation est irrégulière et refuser, pour ce motif, de délivrer  l’autorisation de licenciement (CE, 22 août 2023, n° 456517).  
Procédure conventionnelleIl incombe à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, d’apprécier si les règles de procédure prévues par un accord collectif préalable à sa saisine ont été observées. ► jurisprudencePour juger que l’irrégularité entachant la procédure de consultation prévue par un accord collectif fait obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, il faut rechercher si cette irrégularité a, en l’espèce, empêché les délégués du personnel d’émettre un avis en toute connaissance de cause, dans des conditions susceptibles de fausser leur consultation (CE, 13 oct. 2023, n° 459314).  
Licenciement pour fauteLorsque la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi. ► jurisprudence  La faute n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement lorsque la salariée dont il est relevé l’incapacité à organiser son équipe de travail et à assumer ses responsabilités de cadre, entraînant une surcharge de travail au sein de son équipe, ainsi que diverses fautes et erreurs techniques, mais dont la désorganisation de son service et la surcharge de travail en résultant ne peuvent lui être exclusivement imputées, eu égard aux absences prolongées d’une salariée de son équipe et de sa supérieure hiérarchique d’une part, et d’autre part, dont les fautes et erreurs techniques reprochées ne lui étaient pas toutes imputables ou pas en totalité, lesquelles n’ont pas porté préjudice à l’entreprise (CE, 22 août 2023, n° 456517).  
Poursuites pénalesSeuls le ou les motifs retenus par l’autorité administrative pour autoriser le licenciement disciplinaire d’un représentant du personnel peuvent justifier ce licenciement. Le juge judiciaire peut apprécier si le salarié protégé a commis une faute grave ou une faute lourde, mais il ne peut examiner que les fautes retenues par l’autorité administrative. ► jurisprudence  Lorsque les faits, pour lesquels l’autorisation administrative de licenciement a été définitivement accordée, ont fait l’objet de poursuites pénales à la suite desquelles le salarié a bénéficié d’une relaxe, le juge prud’homal ne peut pas qualifier des mêmes faits de faute grave (Cass. soc., 6 déc. 2023, n° 22-18.325).
ReclassementEn matière de licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude, les efforts de reclassement de l’employeur s’apprécient en fonction des possibilités d’aménagement des postes de travail. ► jurisprudenceEn cas de licenciement pour inaptitude, la seule circonstance que les postes disponibles relèvent d’une catégorie d’emplois, celle de cadre, supérieure à celle à laquelle appartenait le salarié protégé (agent de maîtrise), ne saurait par elle-même faire obstacle à ce que ces postes soient proposés par l’employeur au titre de ses obligations en termes de reclassement (CE, 21 juill. 2023, n° 457196).  
Responsabilité de l’ÉtatLe refus illégal d’autoriser ou de refuser d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’État, pour autant qu’il en soit résulté pour le demandeur un préjudice direct et certain. Lorsqu’est sollicité le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité de la décision administrative entachée d’un vice de procédure, le juge recherche, au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d’une procédure régulière. ► jurisprudence  Le juge administratif doit rechercher si l’autorité administrative aurait pu légalement, en suivant une procédure régulière, rejeter la demande d’autorisation qui lui était soumise (CE, 21 juill. 2023, n° 457196).
IndemnisationLorsqu’un salarié a attendu trop longtemps après l’expiration de la période de protection pour demander sa réintégration ainsi qu’une indemnisation courant à compter de son éviction de l’entreprise, sans pouvoir justifier de ce délai, commet un abus dans l’exercice de ce droit à indemnisation, et ce, même dans le cas où il a formulé sa demande de réintégration après l’expiration de la période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. La limitation de l’indemnité allouée au titre de la violation du statut protecteur est alors justifiée. ► jurisprudence  Le salarié qui présente de manière abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de la violation du statut protecteur qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 21-25.684)
Aux termes de l’article L. 2422-4 du code du travail, lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s’il l’a demandée dans le délai de 2 mois, ou l’expiration de ce délai dans le cas contraire.  Le salarié licencié en vertu d’une autorisation administrative ultérieurement annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, ne peut prétendre de ce seul fait à l’annulation de son licenciement, et ne peut bénéficier de l’indemnité pour violation du statut protecteur (Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-16.207).
Le représentant du personnel a droit, en raison de la violation de son statut protecteur, à une indemnité au titre de la violation de son statut protecteur égale au montant des rémunérations qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et l’expiration de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois. ► jurisprudenceL’erreur commise dans le calcul de l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, dès lors que le résultat retenu au titre de cette indemnité ne correspond pas à la durée de la période de protection retenue par le juge du fond, constitue une erreur matérielle qui peut être réparée par la Cour de cassation, selon l’article  462 du code de procédure civile (Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-14.037).

Séverine Baudouin

Catherine Vautrin : “Pas question de toucher au dispositif de rupture conventionnelle”

20/02/2024

Dans un entretien à RTL dimanche 18 février, Catherine Vautrin est revenue sur la rupture conventionnelle, un dispositif de rupture du contrat de travail à l’amiable, qui permet au salarié de percevoir des allocations chômage. Alors qu’Elisabeth Borne avait déclaré vouloir réformer un dispositif jugé trop coûteux pour les finances publiques, la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités semble écarter définitivement cette piste : “Ce dispositif a fait ses preuves et il n’est pas question de toucher à ce dispositif qui fait partie de la relation bien comprise entre l’entreprise et le salarié”.

Interrogée sur un éventuel projet de restriction du droit de grève, suite aux propos de Gabriel Attal visant le mouvement social des contrôleurs de la SNCF pendant les vacances scolaires et aux propositions de certains députés, Catherine Vautrin a répondu : “Le droit de grève est un droit constitutionnel (..) Mais je suis très attachée à la continuité du service public (…) Comme l’a dit le Premier ministre, le droit de travailler existe aussi, et il existe d’autant plus qu’à la SNCF, il y a eu au mois de décembre dernier une prime de partage de 400€ , et il y en aura une deuxième de 400€ au mois de mars, et il y a aussi une revalorisation prévue de l’indemnité de résidence (..) Je trouve donc regrettable que deux organisations syndicales, CGT et Sud-Rail, prennent en otage les voyageurs”. 

Enfin, au sujet de la négociation en cours entre organisations syndicales et patronales sur le pacte vie au travail (lire notre article dans cette même édition) qui comprend un volet sur l’emploi des seniors, la ministre du travail a indiqué vouloir laisser travailler les partenaires sociaux : “Ils doivent rendre leur copie en mars. Soit ils auront trouvé un accord entre eux et à ce moment-là, nous le transposerons, soit ils n’auront pas trouvé d’accord, et à ce moment-là c’est le gouvernement qui reprendra la main”. 

Source : actuel CSE

La proposition de loi instaurant un congé menstruel rejetée au Sénat

20/02/2024

Le Sénat a rejeté, le 15 février, la proposition de loi qui visait à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail. 

Le texte prévoyait, d’une part, qu’une femme qui souffre de dysménorrhée, dont l’endométriose (*), peut obtenir une prescription d’arrêt de travail, valable pendant une durée d’un an, autorisant l’assurée à interrompre le travail, pour une durée ne pouvant excéder deux jours par mois, chaque fois qu’elle se trouve dans l’incapacité physique de continuer le travail, avec le versement d’indemnités journalières de sécurité sociale et ce, sans délai de carence. L’indemnité journalière versée correspond alors à la totalité des revenus d’activité antérieurs soumis à cotisations à la date de l’interruption du travail, retenus dans la limite d’un plafond et ramenés à une valeur journalière (et non seulement à 50 % comme pour les arrêts de travail de droit commun). . 

D’autre part, la proposition de loi prévoyait que l’accord collectif sur le télétravail ou la charte élaborée par l’employeur définisse les modalités d’accès des salariées souffrant de dysménorrhée invalidante à une organisation en télétravail.

(*) Dysménorrhée : règles difficiles et douloureuse. Endométriose : maladie gynécologique fréquente (une femme sur dix est concernée) liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, voir le site de l’Inserm.

Source : actuel CSE

Barème Macron : la résistance de cours d’appel continue

20/02/2024

Dans un arrêt du 1er février 2024, la cour d’appel de Grenoble écarte l’application du barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu à l’article L.1235-3 du code du travail.

Dans cette affaire qui concernait un cadre de la SNCF, les juges ont décidé, “eu égard à l’applicabilité directe de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT (Organisation internationale du travail) et de l’article 24 la Charte sociale européenne et au fait que les barèmes d’indemnisation prévus par l’article L 1235-3 du code du travail ne garantissent pas au salarié licencié de manière injustifiée, hors les cas de nullités, une indemnité adéquate”, d’écarter les dispositions du code du travail et d’apprécier souverainement les éléments de préjudice subis par le salarié.

Ils retiennent ainsi plusieurs éléments de fait : 

  • âgé de 49 ans, le salarié n’a pas pu valider le diplôme BJEPS à raison du refus de la SNCF ; 
  • il n’a pas retrouvé de situation stable au regard de l’emploi puisqu’il a été recruté par CDD en qualité d’accompagnant des élèves en situation de handicap pour la période du 3 janvier 2022 au 2 janvier 2025, lui procurant un revenu de 1 061,47 euros brut, très nettement inférieur à son salaire moyen lorsqu’il travaillait pour l’Epic SNCF ; 
  • il a perdu avec son emploi, les facilités de circulation pour lui et sa famille de la SNCF ainsi que le bénéfice de la couverture santé spécifique du personnel de la SNCF, outre pour l’avenir du régime spécial de retraite ; 
  • sa situation financière est manifestement critique au point d’avoir sollicité et obtenu selon ordonnance du tribunal judiciaire de Valence du 24 août 2021 la suspension des échéances d’un crédit habitat primo pendant 24 mois ; 
  • il justifie d’un suivi par une assistante sociale de l’académie de Grenoble depuis septembre 2022 lui ayant permis d’obtenir un don de 1 000 euros de la commission départementale d’action sociale de l’académie de Grenoble et un prêt à taux 0 de 2 000 euros sur 24 mois.

Les juges décident ainsi, au vu de ces éléments de préjudice établis, de condamner la société à payer au salarié la somme de 28 400 euros brut au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Source : actuel CSE

Emmanuel Macron : “La panthéonisation de M. Manouchian est un acte de reconnaissance des FTP-MOI”

20/02/2024

Missak Manouchian, un résistant arménien et communiste engagé dans les rangs du mouvement FTP-MOI, a été fusillé avec 21 autres résistants le 21 février 1944. Ce mercredi 21 février, il entre au Panthéon. Dans une interview au journal L’Humanité, Emmanuel Macron explique le sens qu’il donne à cette cérémonie : “Soixante ans après Jean Moulin, la panthéonisation de Missak Manouchian et de ses camarades est un acte de reconnaissance des FTP-MOI et de tous ces juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, communistes, qui ont donné leur vie pour notre pays (…) Manouchian est d’abord enfant du génocide arménien, un génocide que la France a reconnu. Il était aussi ouvrier, internationaliste, communiste, poète (…) Et il fut un grand résistant, prenant tous les risques pour ses idéaux jusqu’à périr «sans aucune haine»”.

Dans l’interview, Emmanuel Macron réfute toute contradiction entre cette reconnaissance du rôle des étrangers dans le combat contre le nazisme et sa politique concernant l’immigration. Il s’oppose à l’idée que sa politique aurait favorisé l’extrême droite en France : “Regardons autour de nous. Quand je suis élu en 2012, l’AFD n’existe quasiment pas en Allemagne, elle est aujourd’hui la deuxième force du pays. L’extrême-droite a flambé en Espagne et en Pologne, elle a gagné en Italie et aux Pays-Bas. Le sentiment de perte de contrôle alimente le RN”.

► Sur l’histoire de l’affiche rouge, titre d’une chanson de Léo Ferré sur un poème d’Aragon, et pour comprendre ce qu’était le mouvement FTP-MOI, on peut lire l’ouvrage bref et accessible (4,9€) de l’historienne Annette Wieviorka, Anatonie de l’Affiche rouge, Seuil Libelle.

Source : actuel CSE

Les modalités de la carte d’identification professionnelle des salariés du BTP sont modifiées

21/02/2024

Un décret du 15 février 2024 modifie les règles relatives à la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics. 

La durée de validité de la carte d’identification professionnelle est portée à cinq ans ; celle-ci est toutefois désactivée entre deux périodes de détachement.

Le décret prévoit également une désactivation de la carte d’identification professionnelle pour les salariés intérimaires employés par des entreprises de travail temporaire établies sur le territoire national entre deux missions.

Source : actuel CSE

La CEDH soutient un juste équilibre entre la liberté d’expression du salarié et les intérêts légitimes de l’employeur

22/02/2024

Dans une décision du 20 février 2024, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) se prononce sur la liberté d’expression des salariés. 

Dans cette affaire, un ingénieur informatique d’une banque turque a envoyé, le 6 décembre 2016, depuis sa boîte mail professionnelle, un courriel au service RH en mettant en copie le directeur adjoint de l’entreprise, responsable du service informatique. Ce mail visait à dénoncer les pratiques managériales du président du conseil d’administration. Son employeur a alors ouvert une enquête disciplinaire le même jour. 

Pour sa défense, le salarié invoquait “d’une situation stressante pour lui en raison d’une importante charge de travail et d’une réduction de ses droits sociaux (…)”. Il avait “partagé avec ses managers ses préoccupations à ce sujet, ces derniers n’avaient pas répondu de manière positive”. Dès lors, il avait écrit ce courriel “parce qu’on lui avait dit que ces pratiques avaient été décidées par [le président du conseil d’administration] et émanaient du nouveau conseil d’administration”.

Le salarié est licencié pour ces faits le 8 décembre 2016. Il est lui notamment reproché avoir “écrit, dans un style et un langage moqueurs, un texte accusateur non conforme à la réalité et non fondé sur les informations et documents concrets, dépassant les limites de la critiques et allant jusqu’à l’insulte”.

La CEDH estime le licenciement du salarié injustifié. 

Elle invoque plusieurs arguments au soutien de sa décision : 

  • les propos s’inscrivaient dans un contexte particulier de suppression des avantages dont il bénéficiait auparavant ; 
  • le style et le contenu provocateur ne peuvent être considérés comme gratuitement insultants ; 
  • l’envoi du courriel a été effectué en interne. 

La Cour estime dès lors que “les autorités nationales n’ont pas tenu compte de tous les faits et facteurs pertinents dans les circonstances de l’espèce pour arriver à leurs conclusions selon laquelle l’acte litigieux du requérant était de nature à perturber la paix et la tranquillité sur le lieu de travail de l’intéressé”. 

“Elles n’ont pas cherché à évaluer notamment la capacité du courriel en cause à provoquer des conséquences dommageables sur le lieu de travail du requérant, compte tenu de sa teneur, du contexte dans lequel il s’inscrivait ainsi que de sa portée et de son impact potentiels sur le lieu de travail”, poursuit la Cour. 

Dès lors, en conclut-elle, “les motifs retenus en l’espèce pour justifier le licenciement du requérant ne peuvent être considérés comme pertinents et suffisants”.

La Cour souligne que les autorités nationales n’ont “pas pu démontrer de manière convaincante dans les raisonnements de leurs décisions que le rejet du recours du requérant en annulation de la mesure de licenciement était fondé sur un juste équilibre entre le droit de l’intéressé à la liberté d’expression, d’une part, et le droit de son employeur de protéger ses intérêts légitimes d’autre part”. 

Source : actuel CSE

Le salarié en CDI intérimaire peut demander la requalification de contrats de mission en CDI

23/02/2024

Dans un arrêt du 7 février 2024, la Cour de cassation admet qu’un salarié employé dans le cadre d’un CDI intérimaire peut demander la requalification de divers contrats de mission en CDI. La rupture du contrat de travail, analysée alors en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de la procédure, permet au salarié de réclamer des indemnités à ce titre.

Le CDI intérimaire a été rendu pérenne par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Le dispositif est le suivant : une entreprise de travail temporaire (ETT) conclut avec un salarié un CDI pour l’exécution de missions successives. Le contrat peut prévoir des périodes sans exécution de mission. Ce contrat de travail est régi par les dispositions du code du travail relatives au CDI, sous réserve de certaines dispositions spécifiques au CDI intérimaire. Le CDI intérimaire doit prévoir le versement d’une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au produit du Smic, par le nombre d’heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu des rémunérations versées au cours de cette période.

Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce, dans un arrêt du 7 février 2024, sur les règles de fond de ce CDI intérimaire.  Dans cette affaire, une entreprise de travail temporaire avait mis à disposition d’une entreprise utilisatrice une salariée en tant qu’opératrice d’assemblage par la signature de contrats de mission entre le 8 avril et le 23 décembre 2015. Par la suite, le 13 janvier 2016, la société d’intérim avait conclu avec la salariée un CDI intérimaire (CDII). En exécution de ce contrat, l’entreprise de travail temporaire avait mis à la disposition de la même entreprise utilisatrice la salariée, entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, puis avec deux autres sociétés, entre le 5 juin et le 12 juillet 2019 et entre le 29 juillet et le 30 août 2019. 

Le 26 septembre 2019, la salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification de ses missions au sein de la première entreprise utilisatrice et de contester la rupture de la relation de travail avec cette dernière. Le 26 novembre 2019, elle est licenciée pour faute grave par l’entreprise de travail temporaire.

Le salarié en CDII peut-il obtenir la requalification de contrats de mission en CDI ?

Dans cette affaires, deux questions inédites se posaient à la Cour de cassation. 

La première : un salarié intérimaire mis à disposition d’une entreprise utilisatrice dans le cadre d’un CDII peut-il obtenir la requalification de ses missions en CDI à l’égard de celle-ci lorsqu’elle ne justifie pas du motif du recours au travail temporaire ? 

La seconde : la cessation de fourniture de travail par un entreprise utilisatrice à un salarié intérimaire, mis à disposition au titre d’un CDII, ayant terminé sa mission ensuite requalifiée en CDI peut-elle s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ? 

La cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt en date du 16 juin 2022, décide de requalifier la relation de travail entre l’entreprise utilisatrice et la salariée en CDI à compter du 8 avril 2015 et juge que la rupture du contrat, décidée le 31 mai 2019, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle condamne l’entreprise à verser à la salariée diverses sommes à titre d’indemnités compensatrices de préavis, de congés payés, de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

L’employeur conteste cette décision estimant que la salariée ne peut être liée par deux CDI pour une même prestation de travail. Quant à la qualification de la rupture du contrat de travail, il avance l’argument selon lequel, quand bien même la salariée serait liée à l’entreprise de travail temporaire par un CDI intérimaire, le fait de cesser de fournir du travail au salarié au terme d’une mission conclue dans le cadre de ce CDII ne peut pas s’assimiler à une rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Oui, et à ce titre, il est fondé à demander des indemnités au titre des deux ruptures de contrat de travail

La Cour de cassation va donner raison aux juges du fond.

La Cour de cassation commence par rappeler que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice (article L.1251-5 du code du travail). Il ne peut être fait appel à un salarié intérimaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés par le code du travail. En cas de méconnaissance de ces règles, l’entreprise utilisatrice s’expose à une requalification en CDI prenant effet au premier jour de la mission du salarié (article L.1251-40 du code du travail). Par ailleurs, quand bien même un CDII a été conclu entre le salarié et l’ETT, la rupture des relations contractuelles à l’expiration d’une mission à l’initiative de l’entreprise utilisatrice s’analyse si le contrat est requalifié en CDI en un licenciement qui ouvre droit à des indemnités de rupture. 

Elle approuve la cour d’appel d’avoir décidé que, même si le salarié est titulaire d’un CDII, il peut solliciter la requalification des missions qui lui sont confiées en CDI de droit commun à l’égard de l’entreprise utilisatrice au motif qu’elles ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de celle-ci.

En outre, elle estime justifié, à l’égard de l’entreprise utilisatrice par suite de cette requalification, comme de l’entreprise de travail temporaire en raison de son licenciement dans le cadre du CDII, d’avoir alloué à la salariée diverses sommes au titre des deux ruptures injustifiées, dès lors que l’objet des contrats n’est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d’une mission auprès de l’entreprise utilisatrice. 

Dans son avis, l’avocat général référendaire avait estimé que l’application de la sanction de requalification en CDI à l’égard de l’entreprise l’utilisatrice n’était pas incompatible avec le régime du CDII liant le salarié à l’entreprise de travail temporaire et ce, pour quatre raisons principales : 

  1. “il est admis de longue date que le salarié puisse exercer concurremment deux actions en requalification à l’encontre de l’entreprise utilisatrice et de l’ETT (arrêt du 20 mai 2009), lesquelles relèvent de deux fondements différents ce qui imposent aux employeurs de répondre in solidum des conséquences de la rupture du contrat ;
  2. le fait pour un salarié intérimaire d’être titulaire de deux CDI, le CDII originel et celui issu de la requalification avec l’entreprise utilisatrice n’est pas en tant que tel prohibé par le code du travail ; 
  3. la requalification interviendra la plupart du temps, en pratique, après la rupture du contrat de travail initial par l’entreprise de travail temporaire sans que le salarié puisse solliciter sa réintégration et aura pour principale conséquence d’indemniser le salarié pour la période passée au titre des prestations effectuées au sein de l’entreprise utilisatrice ; 
  4. l’objectif d’une relation de travail stabilisée entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire attachée au CDII s’inscrit dans celui plus large d’une lutte contre le recours abusif au travail précaire (…) ce qui justifie l’application d’une sanction dissuasive à l’égard de l’ETT pour le travailleur”.

Or, les juges du fond ont bien constaté que le motif de recours n’était pas justifié pour la période antérieure à l’année 2016. Dès lors, pouvaient-ils en déduire que les missions exercées par la salariée auprès de l’entreprise utilisatrice devaient être requalifiées en CDI à compter du 8 avril 2015, date de début de la première mission. 

S’agissant de la qualification de la rupture du contrat de travail, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir déclaré le licenciement intervenu le 31 mai 2019 à l’initiative de l’entreprise utilisatrice comme sans cause réelle et sérieuse car intervenu sans respect de la procédure de licenciement et d’avoir condamné l’entreprise à verser à la salariée des sommes au titre d’indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans son avis, l’avocat général référendaire avait souligné que “la requalification des missions de travail temporaire emporte application rétroactive du régime du CDI dès la première mission irrégulière”. Il avait également indiqué que “la rupture du CDI issu de la requalification est soumise au régime du licenciement même si le salarié s’est vu entretemps confier une nouvelle mission”. 

En retenant cette solution, la Cour de cassation aboutit à la situation selon laquelle le salarié se retrouve titulaire de deux CDI. Détenir un CDII n’empêche en effet pas la requalification de contrats de mission en CDI. Le salarié peut ainsi théoriquement obtenir des indemnisations à ces deux titres bien distincts.

Florence Mehrez

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : activité partielle, budget, formation, nominations, plateformes, représentativité

23/02/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, du vendredi 16 février au jeudi 22 février inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous n’évoquons pas ici les très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, que vous retrouvez dans notre baromètre des branches.

Activité partielle

  • Un décret du 21 février 2024 porte modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’allocation d’activité partielle spécifique en cas de réduction d’activité durable applicable à Mayotte (lire notre brève dans cette édition)

Budget

  • Un décret du 21 février 2024 porte annulation de 10 milliards d’euros de crédits dont certains relèvent du ministère du travail (lire notre brève dans cette édition)

Droits des salariés

  • Un décret du 15 février 2024 modifie les règles relatives à la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics

Formation

Gouvernement

Nominations

  • Un arrêté du 15 février 2024 porte nomination au cabinet du ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention (Evan Malczyk, conseiller sécurité sanitaire, santé environnementale, jeux Olympiques et Paralympiques)
  • Un arrêté du 13 février 2024 porte nomination au cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées
  • Un arrêté du 12 février 2024 porte nomination au cabinet de la ministre du travail, de la santé et des solidarités
  • Un arrêté du 12 février 2024 porte nomination au cabinet de la ministre du travail, de la santé et des solidarités
  • Un arrêté du 30 janvier 2024 porte nomination (Estelle Saminadane, FO) au Conseil national d’orientation des conditions de travail du Conseil d’orientation des conditions de travail 
  • Un arrêté du 30 janvier 2024 porte nomination (Estelle Saminadane, FO) à la commission spécialisée relative aux questions transversales, aux acteurs de la prévention en entreprise, aux études et à la recherche du Conseil d’orientation des conditions de travail
  • Un arrêté du 30 janvier 2024 porte nomination (Philippe Chognard, CPME) à la commission spécialisée relative aux questions transversales, aux acteurs de la prévention en entreprise, aux études et à la recherche du Conseil d’orientation des conditions de travail

Plateformes

  • Un avis de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) envisage l’homologation d’un accord conclu dans le cadre du dialogue social entre les plateformes et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité dans le secteur des activités de conduite d’une voiture de transport avec chauffeur
  • Un arrêté du 19 février 2024 précise la contribution financière allouée par l’Autorité des relations sociales des plateformes (ARPE) aux organisations dont la candidature a été déclarée recevable, destinée au financement de la campagne électorale pour le scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations de travailleurs des plateformes

Représentativité

  • Un arrêté du 9 février 2024 fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel 

Sécurité sociale

  • Un décret du 16 février 2024 fixe la participation des assurés aux frais de santé en application des II et III de l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale (modification des franchises médicales)

Source : actuel CSE

Le ministère du travail et des solidarités touché par la réduction des crédits

23/02/2024

On commence à voir les conséquences de l’annonce, par le ministre de l’économie, de la suppression de 10 milliards d’euros de dépenses en 2024 dans le budget de l’Etat. Paru hier au Journal officiel, un décret liste les crédits supprimés pour 2024. Alors que le chômage repart à la hausse en France, le ministère du travail, de la santé et des solidarités est très impacté par ces suppressions d’engagements de dépenses. Sont ainsi supprimés :

  • 863 millions d’euros (M€) de dépenses de la politique d’accompagnement des mutations économiques et de développement de l’emploi ; 
  • 230 M€ au titre du handicap et de la dépendance ;
  • 227 M€ au titre de l’accès et retour à l’emploi ;
  • 50 M€ pour l’inclusion sociale et la protection des personnes ;
  • 50 M€ pour la protection maladie ;
  • 20 M€ pour la conduite et le soutien des politiques sanitaires et sociales ;
  • 7 M€ pour la politique d’égalité entre femmes et hommes ;
  • 5 M€ pour l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail ;
  • 3,5 M€ pour la conception, la gestion et l’évaluation des politiques de l’emploi et du travail, etc. 

D’importantes réductions de dépenses sont également opérées dans les lignes budgétaires du ministère de l’écologie : 1,3 milliards d’euros supprimés pour l’énergie et le climat, 430 M€ pour l’accélération de la transition écologique dans les territoires, 70 M€ pour la prévention des risques, etc.

Source : actuel CSE

Revalorisation du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et d’APLD à Mayotte au 1er janvier

23/02/2024

Un décret du 21 février 2024 relève à 7,14 euros le taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur à compter du 1er janvier 2024 et à 7,93 euros le taux horaire minimum de l’allocation versée aux employeurs qui bénéficient de l’activité partielle de longue durée (APLD) au titre des heures chômées à compter du 1er janvier 2024.

Ces dispositions s’appliquent aux demandes d’indemnisation adressées à l’autorité administrative au titre des heures chômées par les salariés à compter du 1er janvier 2024.

Source : actuel CSE