Quelles conséquences pour le budget en cas de censure du Premier ministre ?
08/09/2025

Le constitutionnaliste Benjamin Morel
L’annonce par le premier ministre François Bayrou de sa décision d’engager sa responsabilité lors d’un vote de confiance ce lundi 8 septembre plonge le calendrier législatif et l’adoption du budget 2026 dans l’incertitude. Benjamin Morel, constitutionnaliste, a accepté de répondre à nos questions.
Si le gouvernement de François Bayrou est censuré aujourd’hui, le budget 2026 ne pourrait pas, selon vous, être adopté avant la fin de l’année. Faudrait-il nécessairement passer par une loi spéciale comme l’an dernier ? Quelles en seraient les conséquences avec la perspective des élections municipales ?
Cela rendrait d’abord encore plus difficile les négociations avec la gauche sur le budget. Contrairement à une idée répandue, le principe de non-rétroactivité ne s’applique pas de manière absolue en matière fiscale.
Le Conseil constitutionnel admet de longue date la possibilité pour le législateur d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, à condition qu’elles répondent à un motif d’intérêt général suffisant (garantir le rendement budgétaire, corriger une erreur manifeste, préserver l’égalité devant l’impôt) et qu’elles respectent deux limites : ne pas infliger de sanctions pour des comportements passés (article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) et ne pas porter atteinte à des droits consacrés par une décision de justice passée en force de chose jugée.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) admet elle aussi de telles mesures, sous réserve que la confiance légitime des contribuables soit respectée.
Si le vote du budget n’intervient qu’en 2026, les marges de manoeuvre fiscales seraient réduites
En pratique, il est fréquent que la loi de finances soit adoptée très tardivement, avec des mesures fiscales rétroactives au 1er janvier de l’année d’imposition. Cette « petite rétroactivité » est admise et ne pose pas de difficulté juridique majeure tant qu’elle est promulguée avant la fin de l’année.
En revanche, si le vote n’intervenait qu’en 2026, toute disposition touchant l’imposition des revenus de 2025 relèverait de la « grande rétroactivité ». Autrement dit, les marges de manœuvre fiscales seraient considérablement réduites : il serait impossible de céder à certaines demandes politiques, notamment de la gauche, qui porteraient sur l’exercice 2025 déjà clos.
Un vote du budget en 2026 pèserait sur le contexte des municipales
En revanche, les élections municipales ne sont pas menacées : elles relèvent des dépenses obligatoires inscrites au Code général des collectivités territoriales (CGCT) et, à défaut, peuvent être couvertes par une inscription d’office. Le principe constitutionnel de continuité du service public garantit en outre que le scrutin pourra se tenir. Se pose potentiellement la question du surcoût à prendre en charge sur le budget de l’Etat.
Enfin, cette situation pèserait sur le contexte politique et économique des élections municipales. Les collectivités, confrontées à un cadre budgétaire minimaliste et incertain, risqueraient de différer leurs projets ou de réduire leurs marges d’action. Cette contrainte pourrait parasiter la campagne, en orientant le débat local sur la question des moyens et en nourrissant le procès en immobilisme.
Si un nouveau gouvernement était nommé très rapidement, il pourrait déposer un projet de budget au plus tard le mardi 7 octobre. L’Assemblée nationale dispose d’un délai de 40 jours pour examiner le texte puis le Sénat de 15 voire 20 jours, n’y aurait-il pas alors quand même une voie pour l’adoption du budget avant le 31 décembre ?
Tout dépendra de la célérité du chef de l’État à nommer un successeur. La question est en réalité plus politique que juridique. Si un nouveau Premier ministre est désigné rapidement et qu’un gouvernement se met en place sans délai, on peut imaginer qu’il dispose d’environ trois semaines pour élaborer un budget… ce qui est extrêmement court.
Le nouveau gouvernement ne partira pas de rien mais il faudrait un texte très remanié pour qu’il soit adopté
Le gouvernement qui succèderait à celui de François Bayrou en cas de censure ne partira pas de rien, puisqu’une base existera, mais comme les causes produisent souvent les mêmes effets, il serait souhaitable d’ouvrir une discussion avec les oppositions, en particulier le PS, afin de présenter un texte substantiellement transformé et donc susceptible d’être adopté.
En soi, le Conseil constitutionnel a déjà indiqué qu’il ne faisait pas des échéances prévues par la LOLF (Ndlr : loi organique relative aux finances publiques) une contrainte absolue, dès lors que leur report répond à un motif d’intérêt général. Par ailleurs, si par miracle un accord était trouvé avant le 31 décembre sur un budget, on imagine mal le Conseil censurer le texte pour non-respect du délai de dépôt. Cela étant, ces délais ne sont pas purement décoratifs : ils visent à permettre un débat parlementaire à peu près serein et, le cas échéant, à prévoir l’exécution du budget par ordonnances en cas de non-adoption dans les délais (70 jours pour le PLF, 50 jours pour le PLFSS). Cette voie aurait l’avantage, pour le gouvernement, de ne pas avoir à réunir une majorité et, pour les oppositions, de ne pas cautionner un budget impopulaire à quelques mois des municipales.
Il reste une incertitude juridique
Il subsiste néanmoins une incertitude juridique. On ignore d’abord quel serait exactement le juge compétent en matière d’ordonnances budgétaires. Ensuite, la notion selon laquelle « le Parlement ne s’est pas prononcé » reste floue : s’agit-il du vote des deux chambres, même si leurs volontés sont contradictoires, ou bien du Parlement comme organe, qui ne peut s’être prononcé que si les deux assemblées se sont exprimées dans le même sens — en adoptant ou en rejetant ? Autant d’inconnues qui plaident pour la voie du compromis politique : elle demeure la plus sûre, mais aussi la plus étroite.
Quelles seraient les conséquences d’une dissolution ?
En cas de dissolution, la contrainte temporelle devient encore plus aiguë. Les élections doivent se tenir dans un délai de vingt à trente jours. Si la dissolution intervenait rapidement, on pourrait au mieux espérer la formation d’un gouvernement au début du mois d’octobre… soit précisément au moment où l’on attend la présentation du budget. Ce n’est pas un hasard si les élections législatives sont traditionnellement organisées au printemps : cela laisse le temps au nouvel exécutif de peaufiner ses arbitrages budgétaires.
Une majorité absolue paraît peu probable, et seul le RN paraît pouvoir l’obtenir
Si une majorité absolue émergeait, un nouveau gouvernement pourrait sans doute produire un texte, fût-il imparfait, quitte à le corriger ensuite par des lois de finances rectificatives. Mais les enquêtes d’opinion actuelles montrent que l’hypothèse d’une majorité absolue est loin d’être la plus probable. Si elle devait toutefois se réaliser, la seule force politique qui semble en mesure d’y parvenir est le Rassemblement national. Dans le premier cas, une dissolution déboucherait donc sur un nouveau blocage ; dans le second, se poserait la question de savoir si le RN, qui n’a aucune expérience de gouvernement, est aujourd’hui capable d’élaborer rapidement un budget cohérent.
François Bayrou pourrait-il décider de se maintenir malgré un vote de défiance ?
Si la question est de savoir si Emmanuel Macron peut, dans la foulée, renommer François Bayrou, la réponse est juridiquement positive mais politiquement très improbable. Aucune opposition ne pourrait justifier de ne pas le renverser immédiatement par une motion de censure, après l’avoir déjà contraint à partir sur le fondement de l’article 49, alinéa 1er. Par ailleurs, l’actuel Premier ministre est devenu allergisant pour une partie de sa propre majorité.
Juridiquement oui, mais c’est politiquement improbable
Si François Bayrou est renversé le 8 septembre, il n’est plus, de jure, Premier ministre. Son gouvernement expédie alors les affaires courantes, ce qui borne fondamentalement ses marges de manœuvre sur le terrain budgétaire.
Un gouvernement démissionnaire peut-il présenter un budget ?
Malgré une note du secrétariat général du gouvernement publiée l’an dernier, un doute sérieux demeure sur la capacité d’un tel gouvernement à déposer un projet de loi de finances. Certes, la pratique existe… mais elle remonte à la IIIe République.
Le principal obstacle ne viendrait pas, en réalité, du Conseil constitutionnel, qui n’aurait à connaître que du texte finalement voté, mais du Bureau de l’Assemblée nationale. Celui-ci pourrait refuser d’enregistrer le projet de loi en considérant que le gouvernement, limité aux affaires courantes, est incompétent pour le déposer. Or, c’est un enjeu majeur : le Bureau, actuellement dominé par le Nouveau Front Populaire (NFP), doit être renouvelé au tout début du mois d’octobre.
Audrey Gauvin-Fournis
Les dossiers et enjeux sociaux de l’après-Bayrou
09/09/2025

François Bayrou hier à l’Assemblée nationale
N’ayant pas obtenu la confiance des députés hier, François Bayrou va présenter la démission de son gouvernement. Le point sur les enjeux et les dossiers sociaux du moment que le prochain gouvernement devra traiter.
La chute du gouvernement Bayrou
Pari tenté, pari perdu : nommé à Matignon en décembre 2024 à la suite de Michel Barnier, François Bayrou n’a pas obtenu la confiance des députés hier à l’Assemblée, confiance qu’il avait lui-même sollicité sur le thème de la réduction de l’endettement (*). Seulement 194 députés, sur 573 votants, hier soir, ont apporté leur soutien au Premier ministre, 364 ne votant pas la confiance. François Bayrou devrait donc présenter ce matin sa démission au président de la République.
Le centriste, soutien historique d’Emmanuel Macron, perd les commandes du gouvernement alors qu’il était parvenu à faire adopter le budget 2025 en février. Il l’avait fait en invitant les partenaires sociaux à rediscuter de la réforme des retraites (sans revenir sur les 64 ans) et en promettant d’en reprendre les avancées. Si ce conclave s’est finalement soldé par un échec, François Bayrou s’était de fait engagé à reprendre certains changements faisant consensus (lire plus bas).
Le Premier ministre avait ensuite choisi de devancer les débats budgétaires périlleux de l’automne en annonçant dès le 15 juillet de spectaculaires mesures d’économies afin de préparer en amont le budget 2026. Cette stratégie de dramatisation de la dette n’a pas eu l’effet d’électrochoc escompté par François Bayrou mais a au contraire cristallisé les oppositions.
Après Élisabeth Borne (20 mois), Gabriel Attal (8 mois), Michel Barnier (3 mois) et François Bayrou (9 mois), le président de la République va donc devoir nommer un cinquième Premier ministre pour la suite de son second quinquennat, à moins qu’il ne décide à nouveau de dissoudre l’Assemblée nationale afin qu’une majorité se dégage du nouveau scrutin, contrairement à ce qui s’est passé il y a un an. Cette dissolution ferait tomber tous les textes actuellement examinés au Parlement.
Le nouvel exécutif pourra-t-il conduire une politique supportée par une majorité de députés ? À moins d’une nouvelle construction d’alliances et d’un jeu parlementaire différent de ce que nous avons observé depuis la dissolution, le nouveau Premier ministre sera comme ses prédécesseurs exposé à l’absence de majorité et donc à un possible vote de censure.
L’urgence sera pour le nouveau gouvernement de tenter de présenter des textes budgétaires dans les temps. Une gageure : le projet de loi de finances est censé être présenté début octobre en conseil des ministres pour être ratifié avant la fin de l’année, ce qui n’avait pu être fait l’an dernier, d’où le recours à une loi spéciale transitoire pour assurer le fonctionnement de l’Etat. En outre, la formation d’un nouveau gouvernement va retarder l’examen des textes par l’Assemblée et le Sénat et donc sans doute restreindre ses possibilités d’action.
Le contexte économique
Le nouveau gouvernement va devoir bâtir le projet de loi de finances (PLF) et le projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 dans un contexte économique. L’État, qui entend renforcer son effort militaire compte tenu de la guerre en Ukraine, s’est engagé auprès de l’Union européenne à faire baisser déficits et dette publique (*).
L’Insee a prévu une croissance de seulement 0,6 % en 2025 et une remontée de chômage en fin d’année (7,7 %), alors que la France a enregistré une recrudescence des plans de sauvegarde de l’emploi (CCF, Arcelor Mittal, STMicroelectronics, etc.) malgré la mise en place de l’APLD Rebond. Les nouveaux droits de douanes sur les exportations vers les Etats-Unis risquent de fragiliser la balance commerciale, alors que le taux de marge des entreprises est de nouveau en baisse au second trimestre 2025.
Les annonces de futures économies peuvent en outre ralentir la consommation des Français (déjà en baisse de 0,3 % en juillet 2025) et donc pénaliser la croissance et les recettes fiscales et sociales. Il ne sera donc pas simple d’améliorer le taux d’emploi des jeunes et des seniors dans ce contexte.
Le contexte social
Rentrée sociale
À ces perspectives et défis s’ajoute une rentrée sociale potentiellement explosive. Le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre se nourrit du mécontentement persistant sur la réforme des retraites et du rejet des mesures d’économies envisagées (jours fériés supprimés, franchises médicales, gel des prestations sociales en 2026, etc.), la pauvreté touchant 15 % des ménages en France. Ce mouvement va-t-il perdre de sa force avec le départ de François Bayrou ou s’en trouvera-t-il au contraire encouragé ?
Ensuite viendra la journée d’action intersyndicale de grève et de manifestation prévue le 18 septembre. Les organisations syndicales entendent montrer qu’elles n’accepteront pas qu’un nouveau gouvernement reprenne les pistes envisagées par François Bayrou en juillet comme la suppression de deux jours fériés, la monétisation de la 5e semaine de congés, sans parler de nouvelles demandes d’économies sur l’assurance chômage ou sur la santé et les arrêts de travail.
Les syndicats réclament aussi une révision des aides publiques aux entreprises ainsi que leur conditionnement et un effort fiscal visant les hauts revenus. La décrispation entre syndicats et exécutif amorcée par Michel Barnier il y a un an, et qui s’est traduite par l’accord sur le chômage et l’accord sur les seniors, n’aura donc pas duré. Les organisations patronales, elles, attendent du gouvernement la poursuite d’une politique de l’offre (pas de hausse de cotisations ni de prélèvements fiscaux). Le Medef, qui a invité le Rassemblement national à ses journées d’été, défend par l’exemple l’idée d’allonger la durée du travail en permettant aux entreprises de définir par accord leurs propres seuils de déclenchement des heures supplémentaires.
L’enjeu des AT-MP, de la pénibilité, de l’assurance maladie et des retraites
Accidents du travail
Un des grands enjeux sociaux a trait aux conditions de travail et au maintien en France d’un niveau élevé d’accidentologie (759 morts au travail en 2023), à l’absentéisme et à la progression des dépenses d’assurance maladie, la revendication par certains syndicats d’un retour au CHSCT ou d’un renforcement de la CSSCT étant pour l’heure toujours repoussée par les derniers gouvernements.
En revanche, la ministre du travail Astrid Panosyan-Bouvet a annoncé en juillet de nouvelles orientations pour le futur plan santé au travail. La ministre a évoqué de nombreuses pistes en invitant les partenaires sociaux à en débattre :
- une nouvelle tarifications des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) afin de davantage responsabiliser les entreprises ;
- une stratégie de prévention des accidents sur 10 secteurs (bâtiment, travaux publics, métallurgie, transport routier, etc.) ;
- une extension de la responsabilité des donneurs d’ordres en cas de non-respect des obligations de sécurité ;
- un renforcement de l’obligation de formation à la sécurité des employeurs dont la définition serait confiée aux branches ;
- une obligation de transmission au CSE d’un rapport d’analyse pour les accidents du travail les plus graves et “un accompagnement pour la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) nécessité par un accident ;
- permettre une procédure d’arrêt temporaire des travaux en cas de péril grave dû à la chaleur, etc.
Ajoutons qu’une mission a été confiée à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) au sujet des services de santé au travail. La même Igas a déjà suggéré, en 2025, d’étendre le champ des amendes administratives de l’inspection du travail et d’associer le CSE à l’organisation du travail tout en faisant évoluer le droit d’expression des salariés dans l’entreprise vers un véritable dialogue professionnel.
Reste à savoir si certains de ces sujets portés par l’administration du travail seront repris par le nouveau gouvernement et, dans l’affirmative, s’il aura les temps de les mettre en œuvre dès le prochain PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale).
Retraite et pénibilité
Après l’échec des discussions du printemps sur une révision de la réforme des retraites, le gouvernement avait néanmoins annoncé vouloir reprendre, dans le PLFSS 2026, certains points faisant consensus comme :
- l’abaissement à 66,5 ans de l’âge d’annulation de la décote ;
- la prise en compte des 23 meilleures années (et non plus 25) pour le calcul de la pension des femmes ayant eu deux enfants, et 24 pour les femmes ayant eu un enfant ;
- la prise en compte de deux trimestres de maternité pour les femmes aux carrières longues ;
- la suppression de la surcote parentale de 5 % créée en 2023 ;
- la réintégration dans le compte pénibilité des trois critères ergonomiques supprimés en 2017 : port de charges lourdes, vibrations, postures pénibles ;
- une cartographie des métiers pénibles afin d’améliorer la prévention.
Le futur gouvernement reprendra-t-il ces engagements entraînant de nouvelles dépenses dans le contexte budgétaire tendu ? Il n’échappera pas à la question d’une meilleure reconnaissance de la pénibilité. Elle reste une revendication syndicale et une demande sociale forte et elle constitue aussi un obstacle à un meilleur taux d’emploi des seniors.
Notons à ce sujet la faible utilisation des crédits prévus par le Fipu, le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle.
Assurance maladie
La progression des dépenses suscitera forcément des mesures dans le futur projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Le gouvernement Bayrou tablait sur un milliard d’économies sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam). Sont sur la table :
- le projet de ne plus faire prendre en charge par l’assurance maladie les arrêts de travail jusqu’à 7 jours inclus ;
- plusieurs projets de décrets prévoyant l’augmentation de la participation (franchise) des patients pour leurs rendez-vous chez le médecin et pour les examens médicaux (de 2-3€ à 4-5€), pour l’achat de médicaments (de 1€ à 2€), pour le recours à des actes paramédicaux (de 4 à 8€) et pour les transports sanitaires (de 8 à 16€). Des textes qualifiés de “véritable épée de Damoclès”. par Éric Gautron, en charge de la protection sociale à FO. François Bayrou avait finalement renoncé à publier ces textes réglementaires avant le vote de confiance.
L’évolution des cotisations sociales et des aides aux entreprises
Cotisations sociales
En octobre 2024, le rapport Borzio-Wasmer recommandait de réformer le système d’allègement des cotisations sociales. Ce système, disaient-ils, dissuade les entreprises d’augmenter les salaires et donc maintient une économique de salariés faiblement qualifiés. Michel Barnier avait repris une partie de ces recommandations dans le projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Dans le texte final adopté en février 2025 (sous le gouvernement Bayrou), les parlementaires avaient toutefois réduit la hausse du coût du travail engendrée par ces modifications, la fusion des dispositifs n’étant prévue qu’en 2026.
Cette fusion vient d’être actée par un décret du 4 septembre 2025 (n° 2025-887, paru au journal officiel du 5 septembre). À partir du 1er janvier 2026, il n’y aura plus 3 dispositifs de réduction de cotisations, mais un seul. Le but est de lisser les réductions de charge pour les entreprises en évitant les effets de seuil. Le niveau de la rémunération ouvrant à réduction sera cependant plus bas qu’actuellement. En effet, la nouvelle réduction s’appliquera aux revenus d’activité inférieurs à 3 Smic (art D 241-7 du code de sécurité sociale) alors que jusqu’au 31 décembre 2025 le seuil de sortie des allégements généraux est fixé à 3,3 Smic (lire notre article).
Le prochain gouvernement hérite donc d’une situation préparée pour 2026. Reste à savoir s’il compte aller plus loin ensuite. Rappelons que le gouvernement avait envisagé une conférence sociale sur cette question (avec notamment le débat sur la TVA sociale), le patronat étant favorable à une réforme du financement de la protection sociale…
Précision : actuellement, en deçà de 1,6 Smic les trois allégements s’appliquent (réduction générale + réduction du taux des cotisations maladie et famille). De 1,6 Smic à moins de 2,25 Smic, on passe à deux allégements (réduction du taux des cotisations maladie et famille). De 2,25 Smic à moins de 3,3 Smic, seule la réduction du taux de la cotisation famille s’applique.
Aides aux entreprises et PLF
Ce débat sur les allègements de cotisations a rebondi récemment avec le rapport sénatorial évaluant à 211 milliards d’euros le montant des aides publiques aux entreprises.
Le rapport suggère par exemple une meilleure information des CSE sur les crédits d’impôts, les réductions d’impôts et de cotisations sociales. Si la gauche relaie les demandes syndicales sinon d’une baisse de ces aides, du moins d’une exigence de contreparties (maintien des emplois ou garanties sociales), la droite y semble défavorable. Reste qu’avec la préparation de la loi de finances 2026, la question d’une optimisation des aides et allègements pourrait s’imposer à tous les partis au regard de la situation budgétaire.
Cette situation remet aussi dans le débat la question d’une contribution supplémentaire des entreprises et des plus hauts revenus au budget de l’Etat. En juillet, François Bayrou a évoqué une contribution de solidarité qui viserait les plus hauts revenus.
Les éventuelles mesures sur le droit du travail
François Bayrou tombe après avoir présenté dès juillet des mesures impopulaires (qualifiées de « musée des horreurs » par Marylise Léon, de la CFDT), parfois assorties de négociations préalables. Le Premier ministre avait aussi évoqué un passage par ordonnance pour l’idée, assez floue, d’échanger de nouvelles simplifications pour les entreprises contre une baisse de leurs aides publiques.
► Indiquons ici quelques-unes des pistes avancées par François Bayrou touchant au droit du travail. On voit mal un gouvernement orienté à gauche reprendre la plupart de ces idées, mais elles peuvent au contraire constituer des bases pour un gouvernement de type centre-droit.
Sur le plan de la négociation collective et des CSE :
- rendre possible un accord monétisant la 5e semaine de congés ;
- augmenter le temps de travail : en facilitant le recours au forfait jours, et en levant le verrou de la branche pour permettre à un accord d’entreprise d’augmenter le temps de travail en l’aménageant sur une période allant jusqu’à 3 ans ;
- permettre l’adaptation par la négociation collective des contrats de travail (CDD, CTT, CDI de chantier, etc.) et de la période d’essai ;
- renforcer l’information des CSE sur les aides publiques aux entreprises ;
- permettre aux CSE de contrôler la mise en œuvre du plan de développement des compétences ;
- donner un cadre plus favorable au dialogue social des TPE-PME. Reste à savoir s’il s’agit d’inciter à généraliser les accords type pour les petites structures ou de mesures plus fortes, etc.
- réfléchir à généraliser le principe du dialogue professionnel entre travailleurs et managers et à son articulation avec le dialogue social, etc.
Sur le plan du droit du travail :
- baisser entre 4 à 6 mois le délai de contestation (12 mois aujourd’hui) d’un licenciement ;
- permettre un dépassement des 35 heures hebdomadaires d’un temps partiel sans risque une requalification du contrat ;
- réviser la rupture conventionnelle individuelle afin qu’elle soit moins favorable. Les économies attendues sur l’assurance chômage par ce projet pourraient toutefois n’être pas au rendez-vous, a prévenu l’Unédic.
► Important : le prochain gouvernement devra revenir sur la question des congés payés. Le 18 juin dernier, La Commission européenne a enjoint la France de se mettre en conformité avec le droit européen afin de garantir que les travailleurs qui tombent malades pendant leurs congés annuels puissent prendre plus tard les jours de congé qui coïncident avec leur maladie.
Les négociations, quelles négociations ?
► Les partenaires sociaux négocient en ce moment au sujet de la transparence salariale, un sujet qui comprend aussi une évolution de l’index de l’égalité entre femmes et hommes (l’index actuel devrait connaître sa dernière application en 2026, le nouvel outil nécessitant une déclaration avant le 7 juin 2027 pour les sociétés d’au moins 150 salariés et avant le 7 juin 2031 pour les entreprises de 100 à 149 salariés, cette tranche faisant d’ailleurs débat puisque l’index s’applique aujourd’hui dès 50 salariés).
Une directive européenne impose en effet à la France de prendre de nouvelles dispositions d’ici juin 2026 afin d’obliger les entreprises à donner davantage d’informations aux salariés sur les rémunérations dans l’entreprise, ce qui suppose l’adoption d’ici le début 2016 d’une nouvelle loi transposant un accord national interprofessionnel. Les discussions actuelles pâtissent de l’incertitude politique et des désaccords entre patronat et syndicat.
► D’autres négociations devaient avoir lieu cet automne à la demande de François Bayrou :
- sur la suppression des deux jours fériés avec 4 milliards de recettes en plus à la clé. Aucun syndicat ne voulant en parler et le Medef lui-même refusant de discuter du sujet, la négociation n’aura pas lieu. Ni Ensemble, le mouvement dirigé par Gabriel Attal, ni Les Républicains ne soutiennent la mesure ;
- sur l’assurance chômage, de nouvelles économies (entre 600 millions et 1,1 milliard dès 2026) sont réclamées aux partenaires sociaux. Les syndicats sont très peu enclins à discuter sur ces bases mais la droite parlementaire évoque toujours sa volonté d’une loi contre l’assistanat ;
- sur le droit du travail et la négociation collective. Les intentions du gouvernement Bayrou étaient connues (voir les pistes d’évolution du droit du travail ci-dessus) mais le document d’orientation n’a pas été envoyé aux organisations syndicales et patronales. Cette idée de négociation sera-t-elle reprise par le successeur de François Bayrou ? Ces idées alimenteront-elles directement son projet ?
Les textes en suspens
► De nombreux décrets restent à prendre sur les textes déjà adoptés : par exemple, seulement 12 % des 75 textes réglementaires rendus nécessaires par le PLFSS 2025 sont déjà parus (dont celui sur les cotisations sociales vendredi 5 septembre) et seulement 7 % des décrets de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne.
► Concernant les projets et propositions de loi qui n’ont pas terminé leur examen parlementaire figurent notamment :
– les projets de loi (présentés par le gouvernement) :
- sur les seniors et le dialogue social. Rappelons que cette transposition de plusieurs accords nationaux interprofessionnels (Ani) prévoit la suppression de la limite de trois mandats successifs au CSE ainsi que plusieurs dispositions sur les seniors : nouvelles négociations dans l’entreprise et les branches, nouveau CDI senior, renforcement des entretiens de mi-carrière et de fin de carrière, etc. Il comporte également un volet sur les transitions professionnelles suite à l’Ani de juin. La version finale du projet de loi est connue mais il manque toujours l’approbation globale de l’Assemblée sur le compromis trouvé en commission mixte paritaire ;
- de simplification de la vie économique : le projet est resté suspendu aux portes de la Commission mixte paritaire. Il prévoyait (outre des amendements modifiant les seuils de CSE qui sont tombés pour irrecevabilité) des mesures relatives par exemple à la reprise de société par les salariés ou à un examen de conformité sociale ;
- autorisant la ratification de la convention n°155 de l’Organisation internationale du travail sur la sécurité et la santé des travailleurs ;
- contre la vie chère dans les outre-mer, etc.;
- sur l’assurance chômage : la mesure concernant les primo-entrants (baisse de 6 à 5 mois de la durée du travail nécessaire pour s’inscrire à l’assurance chômage) nécessitait une évolution législative qui n’a pas vu le jour.
– les propositions de loi (d’origine parlementaire) :
- visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai ;
- visant à favoriser l’écoute professionnelle ;
- instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches ;
- visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail ;
- réformant l’audiovisuel public ;
- portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental ;
- pour sécuriser le secteur des associations exerçant une activité économique ;
- créant un statut de l’élu local ;
- sur l’aide à mourir, etc.
► Par ailleurs, le gouvernement a soumis à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) un projet de loi sur la fraude sociale. Ses dispositions visent notamment à partager les données entre l’administration fiscale et les organismes sociaux, à prévoir la répression des fraudes au compte professionnel de prévention (C2P) et au compte personnel de formation (CPF) et à instaurer une possibilité de saisie pour certaines fraudes. Ce projet de loi aux dispositions très techniques pourrait être repris à son compte par le nouveau gouvernement.
Les autres points à suivre…
► Le bulletin de paie simplifié
► La poursuite de la restructuration des branches
► Le projet d’allocation sociale unifiée
► La santé mentale
► La politique publique au sujet de l’intelligence artificielle et de la transition climatique (avec les normes sociales et environnementales), etc.
(*) Le programme de stabilité transmis par la France à l’Union européenne prévoit de faire redescendre le déficit public sous le seuil de 3 % de PIB (produit intérieur brut) à l’horizon 2029, contre 5,4 % prévu en 2025. Dans son plan annoncé en juillet, dont il a défendu hier le principe, François Bayrou entendait respecter cet engagement n annonçant un effort de près de 44 milliards d’euros d’économies pour 2026, un chiffre sans doute surévalué, afin de limiter le déficit à 4;6 % l’an prochain. Hier, le Premier ministre n’a pas à nouveau détaillé son plan, se bornant à rappeler que l’objectif, “pour échapper à l’inexorable marée de dettes”, était “d’atteindre en 2029 le seuil de 3 % de déficits publics annuels, seuil à partir duquel la dette n’augmente plus”.
Bernard Domergue
NAO 2026 : les entreprises devraient jouer la prudence face aux incertitudes économiques
09/09/2025
Les hausses de rémunération s’échelonnent entre 2,1 % et 2,5 % en moyenne cette année, selon les études des cabinets LHH et Deloitte. Et 2026 devrait confirmer cette tendance. Les DRH privilégient une approche ciblée tout en se préparant aux nouvelles obligations européennes sur la transparence salariale.
La modération reste de mise dans les entreprises françaises. Après une année 2024 marquée par un reflux de l’inflation, les DRH maintiennent leur prudence en matière d’augmentations salariales. Selon l’Observatoire de la rémunération du cabinet LHH, l’enveloppe budgétaire consacrée aux hausses de salaire n’a pas dépassé 2,1 % en 2025, un niveau inférieur aux prévisions de janvier qui tablaient sur 2,8 %.
Cette tendance se confirme dans d’autres études. Le cabinet Deloitte, qui s’appuie sur un panel de 300 entreprises (plus d’un millions de données individuelles) observe des augmentations de 2,5 % pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise (OETAM) – soit une baisse d’un point par rapport à l’année précédente – et de 2,3 % pour les cadres, en recul de 1,1 point.
Un contexte économique contraint
“La baisse des enveloppes budgétaires n’est pas une surprise avec la réduction de l’inflation dans un environnement marqué par des incertitudes multiples”, analyse Delphine Landeroin, spécialiste des politiques de rémunération chez LHH. L’experte pointe notamment les finances publiques sous tension, la pression réglementaire croissante et les attentes sociales fortes qui pèsent sur les entreprises.
Cette prudence marque un retour aux niveaux d’avant la crise sanitaire, avant que l’inflation des années 2022-2023 ne contraignent les employeurs à des gestes salariaux plus généreux. Et rien ne laisse présager un changement de cap pour 2026 : seules 40 % des entreprises ont établi des budgets prévisionnels, d’après Deloitte. Avec à la clef, des enveloppes de 2 % en moyenne.
L’étude LHH, qui s’appuie sur un panel de 200 entreprises représentant 1,3 million de salariés, montrent que les DRH adaptent leurs pratiques, en optant pour la différenciation.
Des stratégies d’augmentation repensées
En 2025, les hausses individuelles dominent pour les cadres – 55 % des entreprises y ont exclusivement recours cette année, contre 51 % en 2024 -, tandis que les mesures collectives restent privilégiées pour les OETAM bien qu’en recul (22 % des entreprises optent pour des hausses uniquement individuelles, contre 34 % l’année dernière).
Parallèlement, la rémunération variable gagne du terrain chez les OETAM : 78 % d’entre eux en ont bénéficié cette année, contre 59 % en 2024, soit une progression de 19 points. Au total, 30 % des entreprises ont mis en place un système de rémunération variable en 2025.
La prime de partage de la valeur, en revanche, perd de son attrait. Soumise depuis fin 2023 à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux pour les entreprises de plus de 50 salariés, elle n’a été utilisée que par moins d’un quart des employeurs, pour un montant médian de 400 euros, selon Deloitte. Par catégorie, les cadres touchent 880 euros, les OETAM, 300 euros.
Attention particulière aux bas salaires
Autre mesure : les entreprises ont porté une attention particulière aux salariés les moins bien rémunérés. Près d’une société sur deux a prévu des hausses plus importantes pour les premières tranches de rémunération tandis qu’un quart a revu ses grilles internes ou instauré des minima salariaux.
Les DRH développent également des stratégies d’optimisation via les “packages salariaux” : 50 % ont augmenté leur participation aux frais de repas et 30 % ont renforcé leur soutien au transport, autant de leviers qui permettent d’améliorer le pouvoir d’achat sans impact direct sur la masse salariale.
L’égalité salariale, nouvel impératif
Au-delà, les entreprises doivent désormais intégrer une nouvelle contrainte : la future transposition de la directive européenne sur la transparence salariale, attendue pour juin 2026. Le texte européen ne se contente pas de viser la réduction des inégalités entre les sexes. Il impose à chaque employeur de démontrer, preuves à l’appui, que deux salariés occupant des postes de valeur équivalente perçoivent une rémunération comparable. Une exigence qui bouleverse les pratiques établies et contraint les entreprises à justifier objectivement chaque écart de salaire.
Or, les écarts persistent aujourd’hui : selon Deloitte, ils s’élèvent à 1,4 % en faveur des hommes pour les OETAM et à 3 % pour les cadres, avec des disparités plus marquées aux niveaux hiérarchiques supérieurs (10,2 % pour les cadres supérieurs contre 2,5 % pour les premiers niveaux).
Un tiers des entreprises ont déjà prévu des budgets dédiés à la correction de ces inégalités, avec un taux médian de 0,2 %. Près d’une société sur deux a engagé un diagnostic interne pour évaluer ses pratiques. “Cette année plus que jamais, les entreprises ont tout intérêt à poursuivre leurs efforts pour l’égalité salariale femmes-hommes mais aussi plus largement en cherchant à objectiver plus formellement l’ensemble des pratiques”, souligne Delphine Landeroin.
Le projet de loi français devrait être adopté d’ici la fin de l’année, après de nouvelles séances de négociation avec les partenaires sociaux prévues les 4 et 9 septembre. Les décrets d’application suivraient entre fin 2025 et début 2026, pour une entrée en vigueur effective en 2027.
Anne Bariet
Dispense de reclassement : inutile de notifier au salarié inapte le motif s’opposant au reclassement
09/09/2025

L’employeur qui licencie un salarié inapte n’a pas à lui notifier par écrit les motifs s’opposant à son reclassement lorsque la dispense de reclassement résulte d’une mention expresse du médecin du travail sur l’avis d’inaptitude.
Si le médecin du travail précise sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l’employeur peut le licencier pour inaptitude sans avoir préalablement à chercher à le reclasser ni à lui notifier les motifs s’opposant au reclassement.
Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte par le médecin du travail, il doit lui faire connaître par écrit les motifs s’opposant à son reclassement (article L.1226-2-1, al. 1 du code du travail pour une maladie ou un accident non professionnels ; article L.1226-12, al. 1 du code du travail pour une maladie professionnelle ou un accident du travail).
► On rappellera que la notification par écrit au salarié des motifs s’opposant à son reclassement doit intervenir avant l’engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude (arrêt du 26 mai 1994 ; arrêt du 11 janvier 2017) et que le non-respect de cette formalité ouvre droit, pour le salarié, à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi (arrêt du 9 mai 1990 ; arrêt du 28 mai 2014), sans affecter à lui seul la légitimité de la rupture (arrêt du 18 novembre 2003 ; arrêt du 7 mai 2024).
En outre, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail du salarié inapte que s’il justifie soit de son impossibilité de lui proposer un emploi de reclassement, soit de son refus de l’emploi proposé, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Dans ce cadre, la Cour de cassation a déjà jugé, lorsque le salarié inapte a refusé un autre poste approprié à ses capacités, que l’employeur est dispensé de lui notifier les motifs s’opposant au reclassement avant d’engager la procédure de licenciement (arrêt du 24 mars 2021).
Restait alors à savoir si la Haute Juridiction adopterait la même solution lorsque le médecin du travail indique expressément sur l’avis d’inaptitude du salarié que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Par un arrêt du 11 juin 2025, publié à son bulletin des chambres civiles, la Cour de cassation répond pour la première fois, à notre connaissance, à cette question. Elle rappelle en outre qu’une telle mention dispense l’employeur de chercher à reclasser le salarié, y compris dans les autres établissements de l’entreprise.
Si l’avis précise que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé…
En l’espèce, une salariée est déclarée inapte par le médecin du travail. Ce dernier précise expressément sur son avis que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé et que celui-ci fait obstacle à tout reclassement. Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, la salariée saisit la juridiction prud’homale afin que la rupture de son contrat de travail soit jugée sans cause réelle et sérieuse.
À l’appui de sa demande, elle fait valoir que son employeur aurait dû lui faire connaître par écrit les motifs s’opposant à son reclassement avant d’engager la procédure de licenciement. En outre, il aurait dû chercher à la reclasser dans les autres établissements de l’entreprise. En effet, selon elle, la compétence territoriale du médecin du travail était limitée à l’établissement auquel il était rattaché, de sorte que la dispense de recherche de reclassement qu’il avait établie ne concernait que l’établissement dans lequel elle travaillait.
… l’employeur n’a pas à chercher à reclasser le salarié, y compris dans les autres établissements
La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir débouté la salariée de sa demande. Pour la Haute Juridiction, dès lors que l’avis d’inaptitude de la salariée mentionnait expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé, l’employeur était dispensé de rechercher un poste de reclassement dans les autres établissements de l’entreprise. Il ne pouvait donc pas lui être reproché de ne pas l’avoir fait.
► La Cour de cassation confirme que la mention ainsi portée par le médecin du travail sur l’avis d’inaptitude dispense l’employeur de chercher un reclassement, quel qu’il soit. Elle fait ici application de la solution qu’elle avait déjà adoptée dans de précédentes décisions où le médecin du travail avait utilisé, sur l’avis d’inaptitude, la formule légale visée aux articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail selon laquelle l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (arrêt du 8 février 2023 ; arrêt du 12 juin 2024). Cette décision ne surprend pas dans la mesure où la Haute Juridiction a également considéré, dans un autre arrêt du 12 juin 2024, que, si le médecin du travail a mentionné expressément sur l’avis d’inaptitude d’un salarié que tout maintien dans l’entreprise serait préjudiciable à sa santé, l’employeur ne doit pas chercher à le reclasser, car ses propositions seraient incompatibles avec l’avis du médecin du travail (arrêt du 12 juin 2024).
La procédure de licenciement peut être engagée sans notification du motif s’opposant au reclassement
De même, pour la Cour de cassation, la cour d’appel ne pouvait que déduire de la mention expresse portée par le médecin du travail sur l’avis d’inaptitude que l’employeur n’était pas tenu de notifier à la salariée par écrit les motifs s’opposant à son reclassement avant d’engager la procédure de licenciement.
► La solution adoptée par la Cour de cassation semble logique et ne faisait guère de doute. En effet, dans la mesure où la Cour de cassation a déjà admis une telle dispense en cas de refus du salarié d’accepter le poste proposé, il aurait été pour le moins curieux que la Haute Juridiction lui impose de notifier par écrit au salarié les motifs s’opposant à son reclassement lorsque la dispense de reclassement résulte d’une mention expresse du médecin du travail sur l’avis d’inaptitude. On voit mal quel serait l’intérêt, pour l’employeur comme pour le salarié, d’une telle notification, alors que le reclassement est par définition considéré comme impossible. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’elle a déjà jugé qu’en cas de dispense expresse de reclassement par le médecin du travail l’employeur peut engager la procédure de rupture du contrat de travail sans consultation du comité social et économique sur le reclassement (arrêt du 8 juin 2022 ; arrêt du 7 février 2024). On peut donc déduire de cet arrêt que, si l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié inapte que dans les trois cas visés plus haut (impossibilité de proposer un emploi de reclassement, refus de l’emploi proposé ou mention expresse du médecin du travail sur l’avis d’inaptitude), c’est seulement dans la première hypothèse de rupture, c’est-à-dire en cas d’impossibilité de proposer un autre emploi de reclassement, que l’employeur a l’obligation de notifier au salarié les motifs s’opposant à son reclassement, conformément aux dispositions des articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail.
Valérie Dubois
Les positions politiques à l’Assemblée sur l’après-Bayrou
09/09/2025
Aux députés, François Bayrou avait lancé hier soir : “Une seule question est posée : la situation du pays peut-elle s’accompagner de divisions supplémentaires et d’un nouveau retard ou faut-il prendre acte de la gravité des choses ?”
À cette question, certains responsables politiques (Laurent Wauquiez, LR, Christophe Paul, Horizons, Gabriel Attal, Ensemble) ont répondu par la confiance, en suggérant une coalition pour faire adopter un budget dans les temps. Tout en exprimant des critiques : “Si nous n’avons pas de budget le 31 décembre, les entrepreneurs hésiteront à investir, il y aura des retards de recrutements de policiers, de professeurs, etc. (…). Nous avons tous des désaccords. Il n’est pas acceptable de demander aux Français de travailler deux jours de plus sans rémunération supplémentaire. Mais nous voterons pour la stabilité”, a expliqué Gabriel Attal.
“Pas de chèque en blanc pour un gouvernement sans définir avant un programme de travail”, a prévenu Laurent Wauquiez (LR) en réclamant une loi contre l’assistanat. “L’heure n’est pas venue des réformes structurelles mais de mettre fin à des dépenses inutiles (..) Nous ne souhaitons pas taxer davantage les entreprises”, a affirmé Christophe Paul (Horizons).
D’autres ont refusé la confiance.
Certains ont réclamé une autre politique et un autre gouvernement, comme Cyrielle Chatelain (Ecologistes), qui a demandé une contrepartie aux aides aux entreprises et une taxe sur les plus hauts revenus, et Boris Vallaud (PS) : “Nous sommes prêts à gouverner pour davantage de justice sociale”.
Laurent Panifous (Liot) également : “Où en est la coconstruction quand nos propositions ne sont jamais étudiées ni discutées ? Nous voulons élaborer des majorités de progrès”. Stéphane Peu (PCF) a lancé au Premier ministre : “Vous avez balayé toutes les propositions orientées vers les urgences sociales. L’appel du 10 septembre aurait-il eu un tel écho si votre politique n’était pas aussi rejetée ? Vous utilisez la dette pour effrayer les Français”.
Mathilde Panot (LFI) a demandé la démission d’Emmanuel Macron en accusant François Bayrou de vouloir “détruire les conquêtes sociales” : “Vous déplorez un déficit que vous avez vous-même creusé (..) Tous ceux qui chercheront à sauver le soldat Macron tomberont avec lui. Nous ne battrons pas pour des ministères (..) mais pour la VIe République (..) Le président ne veut pas changer de politique ? Changeons de président !”
Marine Le Pen, la président du Rassemblement national, a pour sa part demandé la dissolution de l’Assemblée en estimant que son parti était prêt à gouverner s’il obtenait une majorité absolue.
Sur 573 votants, hier soir, seulement 194 députés ont voté la confiance à François Bayrou, 364 s’y opposant et 15 s’abstenant.
Ont voté contre tous les députés du RN (123 députés), de la France insoumise (71), les socialistes et apparentés (66), 13 des 49 députés de la Droite républicaine, les députés du groupe Ecologiste et social (38), 15 des 23 députés de Liot, tout le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (17), l’union des droites pour la République (15), etc.
Ont voté pour 90 des 91 députés d’Ensemble, 27 des 49 députés de la Droite républicaine, les 36 députés des Démocrates (le parti de François Bayrou), les 34 députés d’Horizons (le parti d’Edouard Philippe), 4 des 23 députés de Liot, etc.
Le Premier ministre devrait donc présenter ce matin sa démission au président de la République qui a fait savoir vouloir nommer un nouveau Premier ministre “dans les tous prochains jours”.
Source : actuel CSE
Insertion par l’activité économique : un nouveau toilettage des critères d’éligibilité
09/09/2025
Un arrêté du 4 septembre, publié ce week-end au Journal officiel, vient ajuster les conditions d’accès aux parcours d’insertion par l’activité économique (IAE). Un dispositif qui constitue l’un des piliers la loi du 14 décembre 2020, en permettant aux personnes les plus éloignées du monde du travail de bénéficier d’un accompagnement renforcé et de contrats de travail dans des structures spécifiques qui perçoivent une aide financière.
Source : actuel CSE
Sébastien Lecornu est le nouveau Premier ministre
10/09/2025

Emmanuel Macron, qui avait reçu dans la matinée la démission de François Bayrou qui avait échoué à obtenir lundi la confiance des députés, a nommé dès hier soir un de ses proches, Sébastien Lecornu, à Matignon. Depuis trois ans, cet homme de 39 ans, licencié en droit, qui se définit comme un gaulliste “libéral et européen”, était ministre des armées, après avoir été dès 28 ans président du conseil départemental de l’Eure. Il a toujours fait partie des gouvernements d’Emmanuel Macron depuis 2017 : il a été ministre de la transition écologique et solidaire (2017-2018), ministre en charge des collectivités territoriales (2018-2020) et ministre des outre-mer (2020-2022).
Le communiqué de l’Elysée qui a annoncé sa nomination précise que Sébastien Lecornu est chargé “de consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois”. C’est seulement à la suite de ces discussions, précise l’Elysée, qu’il “appartiendra au nouveau Premier ministre de proposer un gouvernement au président de la République”.
Le nouveau Premier ministre hérite d’une situation politique instable, sans majorité à l’Assemblée, alors qu’il devra chercher à faire voter avant la fin de l’année un budget 2026 pour le moins épineux au regard de l’enjeu de la dette publique mais aussi des besoins sociaux. Les pistes d’économies annoncées en juillet par François Bayrou (suppression de jours fériés, franchises médicales, etc.) ont provoqué le renversement de son gouvernement et un mouvement social (“Bloquons tout”) pour ce 10 septembre, avant la journée d’action intersyndicale du 18 septembre.
Source : actuel CSE
Une précision sur la certification des compétences acquises pendant un mandat
10/09/2025
Un arrêté paru hier au Journal officiel modifie, pour le mettre à jour, un précédent texte réglementaire traitant de la certification des compétences acquises dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical. Les termes “titres professionnels” apparaissent désormais, avec cette précision :
“Toute demande de délivrance d’un ou plusieurs certificats de compétences professionnelles constitutifs d’un titre professionnel est adressée, par écrit, au représentant territorial compétent du ministère chargé de l’emploi. Elle est accompagnée de la certification ou du livret de certification relatif aux compétences acquises dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical.”
Les ministres du travail et de l’éducation nationale ont récemment annoncé vouloir relancer le mouvement de validation des acquis de l’expérience via la mise en place d’un portail unique.
Source : actuel CSE
Un tiers des salariés cherchent un emploi par crainte de l’intelligence artificielle, selon une étude
10/09/2025
L’intelligence artificielle (IA) suscite des sentiments contradictoires dans le monde du travail. Selon une enquête de l’éditeur de logiciels de paie ADP, seuls 11 % des travailleurs français estiment que l’IA aura un impact franchement positif sur leur emploi.
Le paradoxe est saisissant : parmi les 27 % de salariés qui anticipent des retombées favorables de ces technologies, nombreux sont ceux qui redoutent simultanément d’être remplacés par une machine. Plus révélateur encore, plus de 30 % des employés qui se jugent menacés par l’automatisation sont déjà en quête active d’un nouveau poste.
Cette ambivalence touche particulièrement les jeunes générations, à la fois les plus enthousiastes et les plus préoccupées par ces évolutions technologiques. À l’échelle européenne et mondiale, les professionnels du secteur technologique se montrent les plus optimistes, tandis que les métiers à forte dimension relationnelle – santé, aide sociale – adoptent une posture plus prudente.
Source : actuel CSE
“Bloquons tout” débloque l’expression de la colère sociale
11/09/2025

Les rassemblements “Bloquons tout” à Paris le 10 septembre
Paris a connu hier plusieurs rassemblements à l’appel de “Bloquons tout”. Nous y avons rencontré plusieurs élus CSE et délégués syndicaux. Ceux-ci voient la nomination de Sébastien Lecornu comme une provocation. Ils demandent le retrait des mesures d’économies envisagées par François Bayrou ainsi qu’un changement net de la politique sociale.
Lors du mouvement des Gilets jaunes en 2018 et 2019, certains observateurs avaient noté la diversité des revendications. Le détonateur était la nouvelle taxation des carburants, révélatrice d’un pouvoir d’achat en berne (*). Mais d’autres préoccupations émergeaient comme la dégradation des services publics ou l’équité fiscale. On peut se demander s’il n’en va pas de même avec le mouvement “Bloquons tout”.
La liste des revendications
Certes, ses partisans paraissent assez différents des ex-Gilets jaunes, sans doute moins divers socialement, davantage politisés et de gauche et peut-être moins hostiles globalement aux syndicats, comme l’a mis en avant l’étude de la Fondation Jean Jaurès.
Mais on retrouve, sur les boucles Telegram utilisées par les militants de “Bloquons tout”, des revendications très larges après un départ centré autour du refus des projets d’économies de François Bayrou (suppression de jours fériés, gel des prestations sociales, franchises sur les médicaments, etc.).
Ainsi, selon un “sondage” en ligne fait par “Les Indignés” du Puy-de-Dôme et de Bordeaux entre le 27 août et le 8 septembre (681 participants), les revendications recueillant le plus d’approbations concernent :
- le renforcement des services publics ;
- la lutte contre la concentration des médias ;
- la taxation des hauts revenus (taxe Zucman) ;
- l’annulation du budget 2026 ;
- la nationalisation des “services essentiels (transport, énergie, santé, eau)” ;
- la suppression de la loi Duplomb ;
- l’indexation du Smic à l’inflation ;
- l’adoption des mesures de la convention citoyenne pour le climat ;
- la mise en place d’une “sécurité sociale de l’alimentation”, etc.
On trouve aussi, dans les thèmes largement approuvés, des choses plus étonnantes, qui font davantage penser à des revendications syndicales et des souhaits d’élus du personnel, comme “augmenter la représentation du personnel dans le CA des entreprises” ou encore “la suppression des allègements de cotisations employeurs (ex-CICE)”.
Nous avons eu beaucoup plus de remontées du monde du travail que lors des Gilets jaunes
“Par rapport aux Gilets jaunes qui appelaient à manifester le samedi, nous avons un mouvement qui appelle à agir un mercredi. Nous avons d’ailleurs été sollicités par des salariés et des agents qui voulaient faire quelque chose et donc nous avons lancé un appel à la grève. J’ai aussi des remontées de discussions au travail, beaucoup plus que lors des Gilets Jaunes, dans lesquelles des salariés s’interrogent, se demandent quoi faire contre les mesures d’économie, en faveur du salaire. Il y a un effet ras-le-bol”, nous indique Julie Ferrua, de Solidaires.
“Il nous faut imposer un rapport de forces”
Un constat vérifié lors des rassemblements tenus dans Paris hier. Rencontré place du Châtelet, Camille, 35 ans, est représentant syndical Solidaires dans une société d’informatique de 400 personnes. “Il nous faut imposer un rapport de forces avec le gouvernement pour faire changer les choses, il y a un ras-le-bol général, c’est pourquoi nous faisons grève aujourd’hui, et j’ai l’impression qu’il y a eu une volonté de nos militants de se rapprocher de ce mouvement citoyen. Nous allons chercher à construire la mobilisation en vue du 18 juin pour éviter des actions au coup par coup”. Et le jeune représentant syndical de regretter également un piètre dialogue social dans son entreprise : “Même dans notre société, le CSE n’a pas été consulté au sujet de l’intelligence artificielle !”
Emmanuel Macron n’a pas pris la mesure du rejet de sa politique
Dans sa société, l’hôtel Prince de Galles (300 salariés) où la CGT fait 90 % des voix, le délégué syndical Elghadji (à droite sur la photo ci-dessous) ne se plaint pas trop, lui, du dialogue social. Celui-ci s’est amélioré après de vifs conflits sociaux : “Notre propriétaire est à l’écoute”. S’il fait grève aujourd’hui, c’est pour le mot d’ordre national de “Bloquons tout” : “Nous sommes contre les mesures d’austérité sur la Sécurité sociale et les congés qui pourraient concerner tous les salariés”.
Ce qu’il attend ? “Que Macron démissionne ! Qu’ils fassent des économies ailleurs !” A ses yeux, la nomination rapide de Sébastien Lecornu à Matignon a encore accru la mobilisation et la colère sociale : “Le président de la République n’a toujours pas pris la mesure du rejet de sa politique”.
“Nos préoccupations ? La vie chère, les conditions de travail !”
Un point de vue partagé par des militants FO du secteur de la santé privée. Pourquoi participent-ils à ce mouvement avec lequel leur confédération a largement pris ses distances ? Leur réponse est une question : “Pourquoi attendre la journée intersyndicale du 18 septembre ? Nous, on veut se battre dès maintenant contre la vie chère, on ne veut pas faire les frais d’une économie de guerre”. Et Ruddy, qui siège au CSE central de son entreprise, d’ajouter : “Nos préoccupations, c’est les conditions de travail, les rémunérations. Notre bilan social est mauvais, nous sommes plombés par la faiblesse des dotations de l’Etat”.
Si les bannières syndicales étaient moins nombreuses place de la République, dans un rassemblement comptant de nombreux jeunes et de simples citoyens, certains ont affiché toutefois la couleur, témoin Nassim, élu CSE d’une entreprise de salles d’escalade de 400 salariés, dont le panneau proclamait : “Macron démission, l’humiliation sociale, c’est fini !”
Nommer Lecornu, c’est de la provocation
Cet élu CGT déclare ne plus avoir le sentiment d’être représenté par les politiques au pouvoir : “Nommer Lecornu, c’est de la provocation, c’est scandaleux”, lâche-t-il en faisant allusion aux propos homophobes tenus dans le passé par le nouveau Premier ministre. Et Nassim de s’interroger : “Quand nous faisons des manifestations classiques, comme lors de la réforme des retraites, nous ne sommes pas entendus. Que nous reste-t-il face à cette violence politique ? Il faut aller dans la rue”. De fait, les actions type blocages de dépôts de bus, d’axes routiers ou de zones économiques ont été nombreuses hier partout en France (**).
Dans son entreprise, le militant déplore une absence d’augmentations des salaires et de de mauvaises conditions de travail. “C’est un dialogue de sourd. J’ai l’impression que le personnel n’est qu’une ressource pour notre direction : les emplois du temps sont modifiés, les contrats renouvelés ou non, etc.”
Un ancien Gilet jaune devenu élu CSE
Place de la République, nous tombons aussi sur un ancien Gilet jaune, David Guin. Cet ancien VTC travaille aujourd’hui au laboratoire LFB (1 000 salariés) et il est devenu il y a deux ans membre du CSE en rejoignant FO. “Je vis ma vie, tout va bien”, nous dit-il en montrant sa famille. Mais alors, pourquoi être là ? “Ma mère a eu 7 enfants. La tolérance, la solidarité, ça vient de là”, nous répond-il en défendant l’idée d’actions pacifiques et non violentes. Il est venu promouvoir le mouvement qu’il a créé à l’effigie de Coluche, “les Essentiels”, qui prône comme moyens d’actions le boycott de la carte bleu, le boycott des grandes surface et la création de collectifs citoyens autour des besoins essentiels (“vivre de son travail, se nourrir, se loger”)
Ces mouvements créent des liens entre les gens
David Guin fait pour sa part le lien entre “Bloquons tout” et les Gilets Jaunes : “Ces mouvements permettent à des gens isolés, qui se sentent inutiles, seuls ou malheureux, de rencontrer d’autres personnes, d’échanger”.
C’est bien l’impression donnée, le matin, par le mouvement des mères isolées. Créé par Julie Souman, ce collectif appelait à un rassemblement devant le siège de France Travail, dans le XXe arrondissement, pour protester notamment contre les conséquences de la loi sur le plein emploi et les réformes de l’assurance chômage. “C’est la première fois qu’on m’a demandé des renseignements sur le droit de grève”, s’est félicitée Julie Soutman en demandant le retrait de la réforme des retraites.
La loi du plein emploi et les restrictions de l’assurance chômage fustigées
Les quelques dizaines de personnes présentes, surtout des femmes, ont échangé leurs expériences en fustigeant notamment l’obligation de 15 heures de travail faites aux allocataires du RSA, mais aussi le discours tenu à leur encontre, ce qui n’est pas sans rappeler la demande de dignité formulée lors des Gilets jaunes. “La façon dont on m’a parlé, ici, alors que je suis intermittente, franchement…”, témoigne l’une des femmes présentes en montrant le bâtiment administratif. Une autre opine : “C’est la honte !”
Nadia, au RSA, parle elle de sa fierté : “Je suis fière de tous les blocages de ce matin. Les gens en ont marre et il se passe quelque chose d’inédit. Les gens qui ont lancé le 10 septembre sont ceux qui ne partent pas en vacances. Quand on ne peut pas, en tant que mère, nourrir correctement ses enfants et s’occuper de ses grands-parents. Pourtant, sans tous ces femmes au travail précaire qui sont maltraitées, le pays ne tiendrait pas. ici, nous nous parlons, nous refaisons société”.
J’ai vu des gens voter pour la première fois pour un CSE
Delphine, devenue co-responsable d’une structure d’insertion après avoir été précaire, est elle fière d’être dans une structure qui a organisé des élections CSE alors qu’il n’y a que 10 équivalents temps plein. “C’est très important. J’ai vu des personnes qui votaient pour la première fois aux élections professionnelles”, nous confie-t-elle.
Que va-t-il se passer maintenant ? “La journée d’action intersyndicale, le 18 septembre, me semble loin. Pour moi, il aurait fallu lancer un mot d’ordre intersyndical de mobilisation dès le 10 septembre”, estime Philippe, un enseignant syndiqué récemment à la retraite, qui était du rassemblement devant France Travail. Un point de vue, on le sait, absolument pas partagé par les organisations CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC au nom de l’indépendance du mouvement syndical.
Nul ne peut prédire ce que ces mouvements sociaux vont advenir. Mais au vu des échanges tenus hier dans les rassemblements et les manifestations, le 18 septembre, avec une mobilisation organisée par toutes les organisations syndicales, pourrait rassembler largement…
(*) Selon certains économistes cités récemment dans le Monde, comme Xavier Ragot, président de l’OFCE, l’aggravation de l’endettement français sous la présidence d’Emmanuel Macron est due pour partie aux dépenses publiques lors de la crise sanitaire mais aussi au manque à gagner de recettes fiscales provoqué par la disparition de la taxe d’habitation et par les décisions prises par le président de la République en faveur des classes moyennes à la suite de la crise des Gilets jaunes : baisse de l’impôt sur le revenu, renoncement à la hausse de la taxe carbone et de la CSE, suppression de la redevance audiovisuelle.
(**) La CGT a indiqué hier avoir initié 1 000 appels à la grève et participé à près de 200 rassemblements et manifestations. “La réussite de la mobilisation du 10 septembre confirme l’exaspération sociale du pays”, estime la confédération qui appelle les salariés à “une grande journée de grève et de manifestations le 18 septembre”.
Bernard Domergue
Congés payés : la Cour de cassation se met enfin au diapason de l’Europe
11/09/2025

Par deux arrêts publiés le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a mis fin à la saga “congés payés et droit de l’Union”, en se mettant en conformité avec le droit européen sur deux points : le sort des congés payés lorsque la maladie survient pendant une période de congés payés et la prise en compte des congés payés pour le déclenchement du seuil des heures supplémentaires.
Un salarié en arrêt maladie pendant ses congés à droit à ce qu’ils soient reportés dès lors que l’arrêt est notifié à l’employeur
Dernière pièce manquante du puzzle, et oubliée de la loi du 22 avril 2024, la réponse à la question du sort des congés payés lorsque le salarié tombe malade pendant une période ses congés était très attendue.
Jusqu’à ce jour, la jurisprudence du 4 décembre 1996 considérait que le salarié tombant malade au cours de ses congés payés ne pouvait pas exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’avait pu bénéficier du fait de son arrêt de travail.
Jurisprudence devenue contraire au droit de l’Union qui a fait la différence entre la finalité des congés payés, dédiés au loisir, et la finalité de l’arrêt maladie dédié à la guérison et au repos (arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 20 janvier 2009 et du 21 juin 2012). La Cour d’appel de Versailles avait alors innové le 18 mai 2022 en autorisant ce report. Depuis lors, le ministère du travail conseillait aux entreprises d’appliquer la jurisprudence du 4 décembre 1996 pour éviter des litiges.
La Commission européenne a contraint la France à réagir en engageant une procédure d’infraction et mis en demeure la France de se conformer au droit communautaire dans un délai de deux mois à compter du 18 juin 2025.
C’est chose faite ce 10 septembre 2025. Dans un arrêt publié hier, la Cour de cassation s’est prononcée, hier, reconnaissant un droit au report des jours de congés payés lorsqu’ils coïncident avec un arrêt maladie dès lors que la maladie empêche le salarié de se reposer.
Elle ajoute cependant une condition : le salarié doit notifier l’arrêt maladie à son employeur.
► Cet arrêt soulève des questions sur le régime de report applicable, sur les délais de prescription ou encore son application en paye. Nous y reviendrons dans un prochaine édition.
Lorsque le temps de travail est décompté à la semaine, les congés payés sont désormais pris en compte pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires
Jusqu’à lors, en droit français, le calcul du seuil de déclanchement des heures supplémentaires ne tenait uniquement compte du temps de travail effectif, excluant les jours de congés payés ou de maladie.
Inversement en droit de l’Union Européenne et selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne toute pratique ou omission d’un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par un travailleur est incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé. C’est le cas lorsque la prise d’un congé payé crée un désavantage financier.
La Cour de cassation s’aligne désormais sur le droit européen. Dans un autre arrêt du 10 septembre, elle reconnaît que lorsqu’un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, a été partiellement en congé payé au titre d’une semaine considérée, ce dernier peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine.
Les congés payés sont donc dorénavant pris en compte pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
► Nous reviendrons plus en détail sur les conséquences pratiques de cette décision dans une prochaine édition.
Perrine Alix
Sébastien Lecornu va recevoir “les forces syndicales”
11/09/2025
La passation de pouvoir entre François Bayrou et Sébastien Lecornu a été brève. Après avoir remercié son prédécesseur, celui qui est passé du ministère des Armées à Matignon a évoqué la nécessité de “ruptures” : “Il va falloir changer, être sûrement plus créatif, parfois plus technique, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions. (…) Il va falloir des ruptures. Et pas que sur la forme. Et pas que dans la méthode, des ruptures aussi sur le fond”.
Le nouveau Premier ministre a ajouté qu’il allait recevoir dès l’après-midi les forces politiques, “et dans les prochains jours les forces syndicales”.
Invité plus tôt le matin sur BFMTV, le secrétaire général de FO Frédéric Souillot a confirmé que Sébastien Lecornu l’avait contacté par téléphone le matin même, lui affirmant “être gaulliste” et “[souhaiter] redonner plus de place à la démocratie sociale”.
La CPME a salué “un homme d’expérience qui connaît bien les différentes arcanes gouvernementales et parlementaires et notre Confédération peut témoigner de ses qualités d’écoute et de son pragmatisme”. L’organisation patronale en a profité pour rappeler ses exigences : “la politique à mettre en œuvre ne devra pas, de manière directe ou indirecte, augmenter le coût du travail ou les prélèvements obligatoires mais au contraire rétablir un climat de confiance vis-à-vis du monde entrepreneurial”. La CPME attend également “un budget qui protège les entreprises, afin de ne pas fragiliser notre tissu économique sur les territoires”.
L’organisation patronale des entreprises de proximité U2P a également réagi par communiqué de presse : ” L’U2P salue la nomination rapide d’un Premier Ministre et souhaite que le gouvernement soit composé dans les meilleurs délais possibles”. L’U2P juge “impératif de mettre fin à la période d’incertitudes et de blocages des décisions” et appelle “la nouvelle équipe gouvernementale, avec les différents groupes parlementaires, [à] travailler ensemble en vue d’établir des compromis, texte par texte”.
Source : actuel CSE
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Cotisations patronales, gouvernement, insertion, numérique, protection sociale, représentants du personnel
12/09/2025
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 29 août au jeudi 4 septembre inclus, avec les liens renvoyant aux articles que nous avons pu faire sur ces sujets.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.
Cotisations patronales
- Un décret du 4 septembre 2025 modifie les modalités d’applications de différents dispositifs de réduction et d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale
Gouvernement
- Un décret du 9 septembre 2025 porte nomination du Premier ministre
Insertion
- Un arrêté du 4 septembre 2025 modifie l’arrêté du 1er septembre 2021 fixant la liste des critères d’éligibilité des personnes à un parcours d’insertion par l’activité économique et des prescripteurs mentionnés à l’article L. 5132-3 du code du travail
Justice
- Un décret du 9 septembre 2025 modifie diverses dispositions relatives à l’organisation judiciaire
Nominations
- Un arrêté du 1er septembre 2025 porte nomination à la commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles du Conseil d’orientation des conditions de travail
- Un arrêté du 8 septembre 2025 porte nomination à la sous-commission de la protection sociale complémentaire de la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle
Numérique / Informatique
- Un décret du 4 septembre 2025 modifie le Conseil de l’intelligence artificielle et du numérique
- Un arrêté du 29 août 2025 modifie l’arrêté du 11 octobre 2019 modifié relatif à la mise en œuvre du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “Système d’information du compte personnel de formation”
- Un décret du 5 septembre 2025 modifie le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés
- Une décision du ministère de la Justice du 1er septembre 2025 modifie les conditions et aux modalités d’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les organisations syndicales dans les services relevant du ministère de la justice
Organisations patronales
- Un arrêté du 5 septembre 2025 fixe la liste des organisations syndicales à vocation générale d’exploitants agricoles habilitées à siéger au sein des commissions, comités ou organismes à caractère national mentionnés au I de l’article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole
Protection sociale
- Un arrêté du 4 septembre 2025 porte approbation des modifications apportées aux statuts généraux de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV)
- Un décret du 8 septembre 2025 précise les conditions requises pour ouvrir droit aux indemnités journalières d’assurance maternité de l’assurance volontaire maladie maternité de la Caisse des Français de l’étranger
- Un décret du 8 septembre 2025 précise la prise en charge par l’État des coûts correspondant à la validation de trimestres en application du 9° de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale
Représentants du personnel
- Un arrêté du 12 juin 2025 modifie l’arrêté du 19 janvier 2022 modifié portant renouvellement de la certification relative aux compétences acquises dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical (lire notre brève)
Santé sécurité
- Un arrêté du 3 septembre 2025 précise la composition des dossiers de demande d’agrément ou de renouvellement d’agrément des services de prévention et de santé au travail et des dossiers spécifiques d’agrément des services de prévention et de santé au travail en charge du suivi des travailleurs temporaires
Syndicats de santé
- Un décret du 4 septembre 2025 modifie les dispositions relatives au crédit global de temps syndical alloué aux organisations syndicales représentées au Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques
Source : actuel CSE
Congés payés : FO se félicite des arrêts de la Cour de cassation, le patronat mécontent
12/09/2025
Pour Force Ouvrière, les deux arrêts alignant le droit français sur le droit européen en matière d’arrêts maladie pendant les congés payés constituent “des décidions protectrices”. “Force Ouvrière ne cesse de réclamer, depuis plusieurs années, la mise en conformité de notre droit du travail aux exigences de la directive européenne relative aux congés payés. Un salarié tombant malade durant ses congés payés les conserve. Ils seront désormais reportés à son retour en poste. Par ailleurs, un salarié peut obtenir le paiement d’heures supplémentaires même si la prise d’un congé payé l’a conduit à ne pas réaliser 35h de travail « effectif »”, indique le communiqué.
En revanche, les deux arrêts de la Cour de cassation ont provoqué l’ire du patronat. Dans un communiqué publié hier, Patrick Martin, président du Medef, dénonce des décisions qui envoient “un signal très négatif “, alors que “notre pays, confronté à la concurrence d’un monde ouvert, a besoin de travailler plus” et qu’il convient de “lutter contre les arrêts de travail abusifs”.
L’organisation patronale regrette que ces jurisprudences “vont à l’encontre” des objectifs de compétitivité qu’elle défend. Patrick Martin rappelle que le Medef s’était déjà “mobilisé pour limiter l’impact” d’un précédent arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, qui reconnaissait l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie.
Pour l’U2P, la priorité du pays est de “combattre la dérive des comptes sociaux en réduisant les arrêts maladie abusifs”. Or, cette décision “va produire les effets exactement inverses et va ajouter un frein supplémentaire à la décision d’embauche”.
Face à cette situation, le patronat exhorte le futur gouvernement à “se saisir de toutes les possibilités” pour défendre ce qu’il appelle “la valeur travail”. Parmi les pistes évoquées par le Medef : une révision de la directive européenne de 2003 relative au temps de travail, une “remise à plat du cadre légal” en la matière ou encore la mise en place de “garde-fous” destinés à limiter les conséquences financières de ces arrêts pour les entreprises.
L’U2P plaide également une refonte complète, “aux niveau national et européen, des règles relatives au temps de travail effectif, à l’acquisition de congés payés et aux arrêts maladie”.
Pour Patricia Drevon (FO), le patronat tente d’éviter d’avoir à payer des heures supplémentaires pour les salariés malades pendant leurs congés payés. La démarche de demander une révision de la directive sur le temps de travail a selon elle peu de chances d’aboutir car elle est issue de procédures judiciaires.
Source : actuel CSE