Des critères implicites et subjectifs rendent illicite un dispositif d’évaluation professionnelle
12/11/2025
Est illicite l’évaluation des “compétences comportementales groupe” s’appuyant sur les notions à connotation moralisatrice “optimisme”, “honnêteté”, “bon sens”, utilisées sous les items “engagement” et “avec simplicité”, autant de critères vagues et imprécis qui manquent d’objectivité.
L’évaluation des salariés doit être fondée sur des critères objectifs et pertinents
Le contentieux de la licéité de critères d’évaluation des salariés est un contentieux suffisamment rare pour que les décisions de justice rendues en la matière soient remarquées, en particulier celles de la Cour de cassation. La Haute Cour a eu l’occasion, il y a une dizaine d’années, d’affirmer que les méthodes d’évaluation des salariés doivent reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie (arrêt du 14 février 2015). Elle confirme cette solution dans un arrêt du 15 octobre 2025, promis à une large publication, qui fournit également une illustration de la confrontation de ce principe à des critères d’évaluation du comportement.
Dans la présente affaire, à la suite de l’action en justice d’un syndicat, les juges du fond ont déclaré illicite dans son intégralité un dispositif d’évaluation nommé “procédure d’entretien de développement individuel” et ont interdit à l’employeur de l’utiliser.
Ce dernier contestait cette décision en faisant valoir en particulier que l’évaluation du salarié peut porter sur des éléments de la personnalité du salarié permettant d’apprécier ses facultés d’adaptation, son aptitude à s’intégrer à une équipe et à l’animer, ainsi qu’à son potentiel d’évolution, et que seule la partie du dispositif consacrée à l’évaluation des compétences comportementales du salarié étant critiquée, son interdiction en intégralité n’était pas justifiée.
L’évaluation de compétences comportementales, un exercice périlleux
La cour d’appel de Rennes a retenu en premier lieu que la partie du dispositif expressément consacrée aux “compétences comportementales groupe” ne peut pas être considérée comme accessoire ou secondaire et que l’abondance de critères et de sous-critères comportementaux pose question quant à la garantie d’un système d’évaluation suffisamment objectif et impartial. En effet, il n’est pas possible a priori de savoir dans quelle proportion exacte ils entrent en ligne de compte dans l’évaluation, ni s’il existe dans leur mise en œuvre une forme d’équilibre avec les critères d’appréciation purement techniques.
La cour d’appel a ensuite retenu que les notions d’”optimisme”, d’”honnêteté” et de “bon sens”, utilisées sous les items “engagement” et “avec simplicité”, dont la connotation moralisatrice rejaillit sur la sphère personnelle des individus, apparaissent trop vagues et imprécises pour établir un lien direct, suffisant et nécessaire avec l’activité des salariés et l’appréciation de leurs compétences au travail. De plus, ces notions conduisent à une approche trop subjective de la part de l’évaluateur et manquent d’objectivité et de transparence en s’éloignant de la finalité première de l’évaluation qui est la juste mesure des aptitudes professionnelles des collaborateurs de l’entreprise.
La Haute Juridiction en conclut que la cour d’appel a pu déduire de ces énonciations et constatations que les éléments d’information ainsi recueillis ne peuvent pas constituer des critères pertinents au regard de l’évaluation des compétences professionnelles des salariés et approuve pleinement sa décision de déclarer illicite la procédure d’évaluation mise en cause.
► Ainsi, si l’évaluation de compétences comportementales n’est pas interdite par principe, c’est à la condition qu’elles soient définies de façon suffisamment précise et en lien avec l’activité professionnelle et qu’elles puissent être appréciées de manière concrète et objective.
Aliya Benkhalifa
Les cadres supérieurs représentent 65 % des personnes identifiables à la télévision, les ouvriers 2 %
12/11/2025
L’Observatoire des inégalités s’intéresse à la représentation des catégories sociales à la télévision. Les chiffres qu’il diffuse, et qui proviennent des données 2021 de l’Arcom, sont édifiants : 65 % des personnes identifiables à la télévision sont des cadres supérieurs, contre 2 % seulement d’ouvriers. Les premiers ne représentent pourtant que 10 % de la population contre 12 % pour les seconds.
Cette situation tend de plus à se dégrader : “Entre 2013 et 2023, la part des employés et ouvriers a été divisée par deux, de 16 % à 8 %, avec un déclin notable notamment à partir de 2017. Une évolution d’autant plus difficile à expliquer que la crise des « gilets jaunes » en 2019 a souligné la faible représentation médiatique des catégories populaires. Visiblement, cela n’a pas fait évoluer le comportement des chaînes de télévision”.
Cette absence de représentation des classes populaires pourrait avoir un effet indéniable sur le débat démocratique et politique. En effet, selon l’Arcom, en 2023, les CSP « moins » [ouvriers et employés, ndlr] étaient complètement absentes du sujet politique, qui est traité à 95 % par des cadres. “En sous-représentant certains groupes de la société, on accroit le succès d’émissions où les animateurs parlent au nom du peuple de manière démagogique, dans l’excès et la polémique, dans le but d’augmenter l’audience et de maximiser les ressources publicitaires”, soutient l’Observatoire des inégalités.
Cette invisibilité ou moindre visibilité frappe aussi les femmes (seules 40 % des personnes vues à la TV sont des femmes alors qu’elles représentent 52 % de la population adulte) et les personnes non blanches (seules 15 % alors qu’elles représentent un quart de la population).
Source : actuel CSE
Les salariés estiment travailler davantage quand on leur demande de préciser leurs tâches
12/11/2025
Pour tenter d’évaluer les modifications des organisations du travail après la crise sanitaire, la direction des statistiques et de la recherche (Dares) du ministère du travail a interrogé en 2023 plus de 22 000 salariés (lire l’étude).
Un des enseignements de l’étude concerne le temps du travail. Quand on demande aux salariés d’évaluer leur temps de travail, leur réponse n’est pas du tout la même si la question leur est posée au début d’un questionnaire ou à la fin d’un questionnaire lors duquel les salariés sont amenés à préciser la nature de leurs horaires de travail.
La différence de réponses entre les deux catégories de salarié atteint même 25 minutes : les salariés amenés à préciser d’abord la nature de leurs horaires estiment travailler 36 heures et 49 minutes par semaine, soit 25 minutes de plus que les salariés auxquels on demande d’emblée d’estimer leur durée hebdomadaire de travail.
Pour expliquer ce phénomène, la Dares émet l’hypothèse d’un “effet de révélation” : “Les salariés, prenant conscience que leur temps de travail ne se réduit pas aux seuls horaires habituels, procèderaient à un recomptage plus exhaustif de la durée passée à travailler, recomptage qui apparaîtrait supérieur à celui qu’ils auraient spontanément annoncé autrement. Dans cette perspective, placer les questions sur les horaires de travail avant celle sur la durée du travail permettrait une meilleure prise en compte de l’ensemble des heures effectivement travaillées par le salarié”.
Source : actuel CSE
Licenciement : un préavis contractuel plus long prime sur un préavis conventionnel
13/11/2025

Lorsqu’un contrat de travail prévoit une durée de préavis de licenciement plus longue que celle prévue par un accord collectif, c’est la durée du préavis contractuel qui s’applique car elle est plus favorable au salarié. C’est ce principe que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 2025.
Si l’article L.1234-1 du code du travail fixe les durées de préavis de licenciement en fonction de l’ancienneté du salarié, celles-ci ne s’appliquent qu’à défaut de dispositions plus favorables au salarié. Il en est de même entre les clauses d’un accord collectif et un contrat de travail (article L.2254-1 du code du travail) rappelle la Cour de cassation dans une décision du 22 octobre 2025. La disposition la plus favorable s’applique au salarié.
Préavis distinct entre le contrat de travail et l’accord collectif
Dans cette affaire, le salarié convoqué à un entretien préalable devant se tenir le 9 octobre 2019 avait saisi la juridiction prud’homale le 4 octobre pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Son employeur l’avait licencié pour faute grave le 22 octobre 2019. Les juges du fonds ont considéré que la résiliation judiciaire était justifiée.
► La résiliation du contrat prononcée par le juge équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié peut de ce fait prétendre aux indemnités de rupture et à l’indemnité compensatrice de préavis.
En l’espèce, la cour d’appel avait accordé au salarié une indemnité compensatrice de préavis mais il en contestait son montant. Son contrat de travail prévoyait un préavis de trois mois, alors que l’accord collectif prévoyait un préavis de deux mois. La cour d’appel avait appliqué les dispositions de l’accord collectif sans tenir compte de la clause du contrat de travail et accordé au salarié une indemnité compensatrice correspondant à deux mois de salaire.
Le préavis contractuel plus favorable s’applique
La Cour de cassation donne raison au salarié.
Elle rappelle que selon l’article L.1234-1 du code du travail, les durées de préavis en cas de licenciement qu’il prévoit ne s’appliquent que “si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de service plus favorable pour le salarié”.
Elle ajoute que l’article L.1234-5 précise que lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice.
Enfin, elle souligne qu’aux termes de l’article L.2254-1 du code du travail, “lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables”.
La Cour de cassation recalcule donc le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et condamne l’employeur à payer au salarié une somme correspondant à trois mois de salaire, comme le prévoyait son contrat de travail.
► Rappelons qu’en revanche, toute clause d’un contrat de travail prévoyant une durée de préavis inférieure à la durée légale ou une condition d’ancienneté supérieure est nulle de plein droit (article L.1234-2 du code du travail).
Eléonore Barriot
Violences conjugales : les entreprises appelées à devenir des “lieux sûrs”
13/11/2025

Cinq mois après son lancement, le label SafePlace, porté par l’association “125 et après”, incite les entreprises à s’engager concrètement pour accompagner les salariés victimes de violences domestiques. L’initiative a été présentée, le 6 novembre, par Emilie Meridjen, avocate associée au sein du cabinet Sekri Valentin Zerrouk et Sarah Barukh, à l’origine du dispositif.
L’entreprise peut-elle devenir un refuge pour les victimes de violences conjugales ? C’est le pari de SafePlace, un mouvement lancé le 3 juin à l’Olympia par Sarah Barukh, fondatrice de l’association “125 et après” et membre du Haut Conseil à l’Égalité. Cinq mois après cette soirée inaugurale, l’initiative commence à mobiliser le monde de l’entreprise, avec déjà 22 structures engagées dans la démarche de labellisation et une trentaine de demandes en cours de traitement.
“On ne peut l’ignorer : 62 % des femmes et des hommes victimes ayant porté plainte sont salariés”, a rappelé Sarah Barukh lors d’une conférence organisée le 6 novembre par le cabinet d’avocats Sekri Valentin Zerrouk sur la “responsabilité des entreprises en matière de violences conjugales”. Parmi les entreprises ayant rejoint le mouvement figurent Dior, Havas, Publicis, Leboncoin, Canal+, Axa, Céline ou encore Ba&sh.
Un enjeu économique et social
Au-delà de la dimension sociétale, les violences conjugales représentent un coût économique pour les entreprises. “Ces violences sont des facteurs de perte de productivité, d’absentéisme, de turn-over, et donc de perte de savoir”, analyse Émilie Meridjen, associée en charge du droit social au sein du cabinet Sekri Valentin Zerrouk. Sans compter les risques réputationnels en cas d’incidents graves.
Le label, qui coûte entre 4 000 euros pour une petite entreprise et 13 000 euros pour une multinationale, propose un catalogue de 60 actions concrètes. Après un audit, l’association en suggère cinq à l’entreprise candidate, qui doit en mettre en œuvre au moins trois pour décrocher la certification, valable un an.
Des mesures pragmatiques
Les actions privilégiées par les entreprises pionnières révèlent des angles morts du droit social.
La première concerne l’autorisation d’absence pour permettre aux salariés de porter plainte pendant leur temps de travail. “L’entreprise est peut-être l’un des rares échappatoires des victimes dont le quotidien est parfois largement contrôlé par l’auteur des violences”, souligne Sarah Barukh. “Or, à quel moment allez-vous porter plainte, quand vous êtes surveillée ? Si votre téléphone est géolocalisé ? Le temps de travail devient, de fait, du temps masqué”.
La deuxième mesure phare porte sur le versement du salaire. Certaines entreprises s’engagent à ne plus verser les rémunérations sur un compte joint mais sur un compte personnel. A défaut, “si la victime cherche à établir son plan de départ, si la moindre augmentation est lisible, elle est coincée”, explique la fondatrice du label. Depuis le 26 décembre 2022, la loi Rixain impose déjà que les salaires soient versés sur un compte dont le bénéficiaire est titulaire ou cotitulaire, une disposition de la loi du 24 décembre 2021 visant à favoriser l’autonomie financière.
Enfin, des dispositifs de sensibilisation sont déployés : affichages dans les toilettes, QR codes permettant de réaliser des auto-évaluations – “suis-je victime ? Suis-je auteur de violences ?” -, ou encore formation de réseaux de référents au sein des services des ressources humaines.
Des évolutions législatives souhaitées
L’association “125 et après” ne cache pas ses ambitions d’aller plus loin. Elle souhaiterait notamment que les comptes bancaires soient strictement nominatifs, sans lien avec le conjoint, afin de lutter contre les éventuelles emprises et appelle à une évolution du droit du travail pour faciliter les dépôts de plainte sur le lieu de travail, ce qui nécessiterait une coordination entre les ministères du travail et de l’intérieur.
Elle souhaite également faciliter les dérogations pour absence autorisée.
Le mouvement bénéficie du soutien de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH). En France, près d’une femme sur cinq sera victime d’une relation toxique au cours de sa vie, et 270 000 plaintes sont déposées chaque année pour des violences conjugales, sexistes et sexuelles ou intrafamiliales, qui touchent toutes les catégories socioprofessionnelles.
Créée par Sarah Barukh, elle-même ancienne victime de violences conjugales, l’association “125 et après” s’emploie à faire du monde professionnel un acteur de la protection des victimes, là où elles passent en moyenne 35 heures par semaine, loin de leur foyer.
Anne Bariet
La CJUE confirme en grande partie la directive sur les salaires minimaux
13/11/2025
Dans un arrêt rendu ce 11 novembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a validé la plupart du texte de la directive sur les salaires minimums adéquats dans l’UE. Saisie par le Danemark d’un recours visant à son entière annulation, la Cour a seulement annulé l’énumération des critères à prendre obligatoirement en compte par les États membres dans lesquels il existe des salaires minimaux légaux lors de la fixation et de l’actualisation de ces salaires, ainsi que la règle empêchant la diminution de ces salaires lorsqu’ils font objet d’une indexation automatique.
Pour FO, seule organisation syndicale à s’exprimer pour l’instant sur cet arrêt, il s’agit d’une “victoire pour l’Europe sociale” : “Malgré les tentatives de plusieurs pays européens pour y mettre fin (…), cette décision qui valide cette directive et ses principales dispositions, aux retombées concrètes pour le quotidien de millions de travailleurs et essentielle pour lutter contre le dumping social en Europe”. Selon Branislav Rugani, chargé du secteur international à la confédération FO, “Le maintien des seuils de décence, à savoir un salaire minimum à hauteur de 50% du salaire moyen et de 60% du salaire médian, et des plans d’action nationaux de soutien à la négociation collective aura un impact majeur pour la convergence par le haut des salaires et des conditions de travail en Europe”.
Source : actuel CSE
Accords sur le forfait jours : l’insuffisance des mesures conventionnelles de nouveau sanctionnée
14/11/2025

Fidèle à sa ligne protectrice, la Cour de cassation sanctionne une nouvelle fois, par la nullité des conventions individuelles conclues, l’insuffisance de deux accords d’entreprise relatifs au forfait jours. Elle rappelle ainsi que ces accords collectifs doivent impérativement prévoir des garanties suffisantes, précises et effectives destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés.
Depuis une jurisprudence constante de la Cour de cassation du 29 juin 2011, issue du droit de l’Union européenne, le forfait jours est valable sous réserve du respect des principes généraux de protection de la sécurité et de la santé du salarié. Les stipulations de l’accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait jours doivent alors obligatoirement assurer la garantie effective, du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, d’une amplitude et une charge de travail raisonnables, et d’une bonne répartition du temps de travail. De ce principe subsiste en pratique, la difficulté de déterminer si les modalités conventionnelles des accords collectifs autorisant le forfait jours respectent bien ces exigences, comme l’illustrent ces deux arrêts rendus par la Cour de cassation.
La protection de la sécurité et de la santé des salariés comme seul objectif
Dans le cadre de leur saisine prud’homale, les deux salariés mettent en cause la validité des accords collectifs portant sur le forfait jours au motif que les garanties conventionnelles étaient insuffisantes au regard des exigences fixées par le code du travail (articles L.3121-60 et L.3121-64 du code du travail) et le droit européen.
Ces accords prévoyaient :
- d’une part, une amplitude maximale de la journée de travail de 7 heures à 20 heures afin de garantir le respect journalier de 11 heures ainsi qu’un système auto-déclaratif indiquant les jours de travail ou de repos (arrêt du 10 septembre 2025) ;
- d’autre part, la comptabilisation individualisée du temps de travail par un document déclaratif mensuel soumis à validation du manager, le respect des durées maximales de travail, un plafond en nombre de jours annuels, un récapitulatif biannuel du nombre de jours travaillés et chômés par les RH, un bilan annuel afin de vérifier le respect de l’amplitude, de la charge de travail et de la bonne répartition du temps de travail du salarié par les RH (arrêt du 24 septembre 2025).
Saisie des affaires, la Cour de cassation considère ces dispositions insuffisantes. De manière constante, elle rappelle le droit constitutionnel à la santé et au repos, et que “toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires”. Des exigences qui ne sont pas respectées selon elle.
Dans la première affaire, les juges du droit reprochent aux modalités présentées d’être insuffisantes en ce qu’elles ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Ce faisant, elles ne sont alors pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et n’assurent pas une bonne répartition dans le temps du travail du salarié. Tandis que dans la seconde affaire, sont essentiellement visés les manques de clarté et de précision des mesures quant au cadre dans lequel elles s’appliquent, conduisant à leur enlever toute effectivité. De plus, aucun dispositif n’était prévu pour permettre au salarié de saisir l’employeur de difficultés éventuelles, ni pour permettre qu’il soit remédié utilement à toute situation mettant la santé du salarié en danger.
Pour la Cour de cassation, si le chemin menant à sanctionner les deux accords d’entreprise est différent, le but reste le même : celui de la protection de la sécurité et de la santé des salariés. En n’apportant pas suffisamment de garantie précise et effective quant à la défense de cet impératif, c’est donc à juste titre que les dispositions sont illicites et que les conventions individuelles de forfait doivent être annulées.
La nécessité de revoir les accords forfait jours en vigueur pour sécuriser les conventions de forfait et prévenir le risque de nullité
Ces deux arrêts ne remettent pas en cause la jurisprudence. Au contraire, ils s’inscrivent dans un contentieux nourri depuis plusieurs années, soulignant à la fois la complexité du sujet au sein des entreprises et leur inaction à se mettre en conformité.
Bien que le code du travail liste l’ensemble des clauses devant figurer dans un accord collectif sur le forfait jours, l’ambiguïté demeure sur le niveau de détail requis pour que l’accord soit jugé conforme. L’accord collectif peut-il, par des modalités souples, satisfaire à ces exigences, ou un formalisme détaillé est-il indispensable ? Si la jurisprudence ne donne pas clairement de réponse, la Cour de cassation se prononce régulièrement sur la validité des accords autorisant le forfait jours dans le cadre des affaires soumises, laissant l’occasion d’apporter des indications sur ce qui est admis ou ce qui doit être corrigé.
► Permettent ainsi un suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié, les dispositions d’un accord qui prévoient : un suivi des jours travaillés et de repos ainsi que de la charge de travail à l’aide d’un document tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur, un entretien proposé par la hiérarchie lorsque le document mensuel de décompte présente des anomalies répétées mettant en évidence des difficultés en matière de temps de travail et ayant pour objet d’examiner des mesures correctives, un entretien supplémentaire possible à tout moment à l’initiative du salarié, un bilan effectué trois mois plus tard afin de vérifier que la charge de travail présente bien un caractère raisonnable (arrêt du 2 octobre 2024).
Les solutions rendues doivent amener les employeurs à s’interroger sur la conformité de leurs mesures conventionnelles. Dans une logique de sécurisation des conventions de forfait, il devient alors opportun de préciser ces modalités, les modifier ou les renforcer. Car sans action de leur part, le risque d’un éventuel contentieux est de s’exposer à un contrôle bien réel des juges, qui n’hésitent pas à sanctionner lorsque les garanties prévues ne sont pas respectées par l’employeur ou insuffisamment protectrices.
L’impact financier d’un accord sur le forfait jours déclaré invalide peut être important, d’autant plus si le nombre de salarié sous forfait est élevé. Les sommes peuvent atteindre des dizaines voire des centaines de milliers d’euros.
► Si le salarié ne peut obtenir automatiquement réparation en raison de cette irrégularité (arrêt du 11 mars 2025), il peut en revanche prétendre au paiement d’un rappel de salaire et de ses majorations au titre des heures supplémentaires effectuées (arrêt du 5 juin 2013), et voir son préjudice subi au titre des repos et du dépassement des durées maximales de travail indemnisé (arrêt du 4 février 2015).
Jean-David Favre
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : fonction publique, nominations, protection sociale
14/11/2025
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 6 novembre au jeudi 13 novembre inclus, avec les liens renvoyant aux articles que nous avons pu faire sur ces sujets.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.
Fonction publique
- Un arrêté du 30 octobre 2025 porte dérogation à l’utilisation du vote électronique pour l’organisation d’un scrutin visant à mettre en place une instance de dialogue social (Académie nationale de médecin)
Nominations
- Un arrêté du 24 septembre 2025 porte nomination à la commission professionnelle consultative “Services aux entreprises”
- Un arrêté du 3 novembre 2025 modifie l’arrêté du 19 septembre 2022 portant nomination des membres de la Commission nationale de la négociation collective maritime, de l’emploi et de la formation professionnelle
Protection sociale
- Un décret du 10 novembre 2025 fixe pour 2025 et 2026 les paramètres des régimes d’assurance vieillesse complémentaire des professionnels libéraux et pour 2025 les paramètres du régime de retraite de base des avocats, des régimes de prestations complémentaires de vieillesse des médecins et sages-femmes, des régimes d’invalidité-décès des professionnels libéraux et des régimes d’assurance vieillesse complémentaire des artistes-auteurs
► Plus de 80 arrêtés de représentativité ont également ét publiés au JO cette semaine. Nous les récapitulons dans notre infographie de cette édition.
Source : actuel CSE
