Référendum d’accord d’entreprise : les suffrages exprimés en faveur d’un syndicat catégoriel comptent

10/02/2025

Un syndicat catégoriel représentatif ayant signé un accord d’entreprise peut demander, avec un syndicat représentatif intercatégoriel, une consultation des salariés visant à le valider, à condition qu’ils aient recueilli ensemble plus de 30 % des suffrages exprimés, tous collèges confondus.

L’article L.2122-2 du code du travail fixe les règles de représentativité des syndicats catégoriels. Ainsi, dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles :

  • affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ;
  • qui satisfont aux critères de l’article L.2121-1 du même code (respect des valeurs républicaines, indépendance, ancienneté minimale de deux ans etc.) ;
  • ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique (CSE) dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants.

L’article L.2232-12, premier et deuxième alinéas, du même code fixe, quant à lui, les règles de validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement. Il dispose que la validité d’un tel accord est subordonnée à sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.

Si cette condition de 50 % n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées ci-dessus (accord dit minoritaire), quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent solliciter une consultation des salariés visant à valider l’accord. Cette consultation est appelée également “référendum”.

L’audience électorale d’un syndicat catégoriel peut-elle être prise en compte, avec celle d’un syndicat intercatégoriel, pour apprécier le seuil de 30 % permettant la consultation des salariés visant à valider un accord intercatégoriel ? C’est la question qui a été posée à la Cour de cassation dans un arrêt du 22 janvier 2025.

Un syndicat catégoriel est représentatif dans l’entreprise s’il atteint 10 % des voix dans son collège

Un accord NAO concernant l’ensemble du personnel a été signé par trois organisations syndicales : deux syndicats intercatégoriels (la CFTC ayant recueilli 23,79% des suffrages exprimés et la CGT avec 17,36 %) et un syndicat catégoriel d’encadrement la CFE-CGC avec 7,56 %.

Cet accord a recueilli 48,71% des suffrages exprimés. Il n’était donc pas valide, le seuil de 50 % n’ayant pas été atteint. La CFE-CGC et la CFTC ont alors sollicité l’organisation d’un référendum pour valider cet accord.

Soutenant, entre autres, que les organisations syndicales ayant demandé le référendum n’avaient pas recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, la CFDT et une salariée ont saisi le tribunal judiciaire pour notamment demander l’annulation de la consultation des salariés et juger l’accord réputé non écrit.

Pour les demandeurs, le syndicat CFE-CGC ayant obtenu moins de 10 % d’audience électorale tous collèges confondus (en l’espèce 7,56 % des suffrages exprimés), il n’était pas représentatif au niveau de l’entreprise. La part des suffrages obtenus par ce syndicat ne devait donc pas être prise en considération pour apprécier le seuil de 30 % permettant la consultation des salariés.

Le tribunal judiciaire, suivi par la Cour de cassation, n’est pas de cet avis. La CFE-CGC a obtenu lors des dernières élections professionnelles 51,65 % des suffrages exprimés au sein du collège cadres. Elle a ainsi atteint le seuil de 10 % au sein de son collège. Les juges en ont déduit que ce syndicat est représentatif au sein de la société.

Son audience électorale doit être prise en compte pour apprécier le seuil de 30 %

Après avoir jugé que le syndicat catégoriel était représentatif, la chambre sociale en a déduit que son audience pouvait être prise en compte pour apprécier le seuil de 30 % permettant une consultation des salariés.

En présence d’un accord minoritaire, un syndicat représentatif catégoriel ayant signé cet accord peut demander, avec un ou plusieurs syndicats représentatifs intercatégoriels l’ayant également signé, une consultation des salariés visant à le valider, à la condition que ces organisations syndicales représentatives aient recueilli ensemble au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs, tous collèges confondus.

La solution est logique. En effet, la Cour de cassation reconnait à un syndicat catégoriel la capacité à négocier et signer un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel. Elle a jugé qu’un syndicat représentatif catégoriel peut, avec des syndicats représentatifs intercatégoriels, et sans avoir à établir sa représentativité au sein de toutes les catégories de personnel, négocier et signer un tel accord, son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, devant alors être prise en compte pour apprécier les conditions de validité de cet accord (arrêt du 31 mai 2011).

Si le syndicat catégoriel représentatif peut, avec un syndicat intercatégoriel, négocier et signer un accord collectif intercatégoriel, il doit pouvoir solliciter la consultation des salariés visant à valider cet accord.

► Rappelons que si un syndicat représentatif catégoriel peut négocier et signer, avec des syndicats représentatifs intercatégoriels, un accord d’entreprise intercatégoriel, il ne peut pas le signer seul (arrêt du 2 juillet 2014). L’arrêt du 22 janvier 2025 rappelle la différence qui doit être faite entre la détermination de la représentativité d’un syndicat catégoriel, et donc de de sa capacité à négocier, dont on sait qu’elle peut être appréciée sur un seul collège, et la détermination de la validité de l’accord lui-même qui doit être signé par des syndicats représentant, à eux tous, une part significative de l’ensemble des salariés. Pour apprécier la légitimité de l’accord, il convient donc de rapporter l’audience de chacun des signataires à l’ensemble des collèges, quand bien même leur représentativité pourrait être déterminée à l’égard d’un seul.

Si le seuil de plus de 30 % est atteint, la demande de référendum est valide

En l’espèce, le syndicat CFE-CGC a signé l’accord collectif intercatégoriel avec les syndicats CFTC et CGT, syndicats intercatégoriels, sans que le seuil de 50 % ait été atteint.

Ensuite, les syndicats CFTC et CFE-CGC, ayant respectivement recueilli 23,79 % et 7,56 % des suffrages au niveau de l’entreprise (soit 31,35 %), ont sollicité une demande de référendum.

Le tribunal en a déduit que le seuil de 30 % des suffrages exprimés ayant été atteint, ces organisations syndicales pouvaient demander une consultation des salariés visant à valider l’accord.

► Dans un autre branche du moyen au pourvoi, les demandeurs soutenaient que la consultation des salariés était irrégulière. Ils faisaient valoir que les salariés avaient été induits en erreur d’une part, par un manque de clarté de la question posée “Approuvez-vous l’accord NAO dans son entièreté ?” et d’autre part, par le fait que certaines mesures de l’accord étaient déjà appliquées par l’employeur. Le tribunal a pourtant considéré, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que les modalités de la consultation n’étaient pas déloyales. Il en déduit que l’accord négocié avait été validé par la consultation des salariés.

Julie Castro