Emploi

Comment passer du télétravail exceptionnel à un télétravail permanent

31/03/2021

Une table ronde organisée la semaine dernière à l’Assemblée nationale est revenu sur l’essor récent du télétravail, lié à la crise sanitaire, et à la manière de le pérenniser dans de bonnes conditions.

Le télétravail, propulsé malgré lui sur le devant de la scène avec l’épidémie de Covid-19, a séduit un grand nombre de salariés qui souhaitent désormais pouvoir continuer à télétravailler quelques jours par semaine. Pour les entreprises, se pose le défi de passer d’un télétravail occasionnel ou lors de circonstances exceptionnelles à un télétravail bien installé dans les pratiques RH. Une table ronde organisée en visioconférence le 23 mars dernier à l’Assemblée nationale a permis de lister les points de vigilance pour les entreprises qui souhaiteraient désormais en faire un axe fort de leur politique RH.

Changement d’échelle

La crise sanitaire a entraîné une hausse sans précédent du télétravail, même si les chiffres ralentissent un peu ces derniers mois. Malik Koubi, sous-directeur “Salaires, travail et relations professionnelles” au sein de la Dares, confirme un “recours massif au télétravail au début de la crise. *La part des salariés qui étaient en télétravail a culminé à un quart en mars 2020 alors qu’usuellement, avant la crise, c’est plutôt entre 3 et 7 %. Au fil des déconfinements, le télétravail a baissé progressivement jusqu’à atteindre 10 % en août. Au fil des reconfinements, il est remonté à 15, puis 20 % puis s’est stabilisé autour de 22 %. On a une remontée mais qui ne s’est pas effectuée de façon aussi haute que lors du premier confinement.

Surtout, les pratiques ont évolué, observe-t-il. “Des choses un peu plus abouties sont mises en place ; le télétravail est dans une version un peu moins dégradée. Les accords sur le télétravail ont beaucoup augmenté, la preuve que les entreprises, après une période de mise en place panique, mettent des choses en place un peu plus organisées”. 

Revoir tout le système d’interactions au travail

Alors que la progression du télétravail doit s’organiser sur le long terme,  les choses sérieuses commencent vraiment pour les entreprises. “Le télétravail ne consiste pas juste à transposer une activité de bureau dans un lieu-tiers, met en garde Amandine Brugière, responsable du département “Capitalisation et développement des connaissances” au sein de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). C’est une véritable organisation à part entière qui nécessite de reconsidérer tout le système d’interactions qui se nouent et se tissent au sein des entreprises c’est-à-dire les formes de collaboration et, en particulier, entre salariés sur site et salariés à distance, l’adaptation des outils, l’adaptation des horaires, la charge de travail, la nature des activités qui peuvent être faites à distance ou en présence, les espaces,  les lieux, et bien sûr l’anticipation des risques spécifiques à ces situations de travail hybrides qui se conjuguent dans l’organisation. Cette spécificité organisationnelle du travail à distance et des organisations hybrides de travail (…) nécessite que le corps social chemine afin de trouver les points d’équilibres acceptables au regard des exigences de l’activité d’un côté, les attentes du corps social bien sûr et les exigences par exemple du marché économique”.

Sécuriser juridiquement le télétravail

Marc Canaple, chargé des études CCI Ile-de-France, invite quant à lui à sécuriser juridiquement la pratique. “Il faut un cadre juridique stable et sécurisé. Le recours au télétravail se fait souvent dans le cadre de circonstances exceptionnelles qui n’exigent aucun formalisme mais la situation est trompeuse”. Il en veut pour preuve  le jugement récent rendu sur le bénéfice des titres-restaurants pour les télétravailleurs. La CCI Ile-de-France liste 6 points de vigilance que Marc Canaple énumère :  

  1. Formaliser l’accord du salarié pour télétravailler, par avenant au contrat de travail par exemple ; 
  2. Appliquer à tous les télétravailleurs les règles définies par accord collectif ou par une charte (principe d’égalité de traitement) ; 
  3. Définir les règles et modalités par avenant ; 
  4. Indemniser les salariés des coûts directement engendrés par le télétravail même en cas de circonstances exceptionnelles ; 
  5. Privilégier l’organisation du télétravail par voie collective ou, encore mieux, par le dialogue social ; 
  6. S’assurer que le salarié jouisse bien de son droit à la déconnexion. 

Toutefois, Marc Canaple identifie deux “obstacles plus structurels pour l’entreprise”. Le premier : comment assurer la sécurité du salarié qui travaille à son domicile et encadrer la responsabilité de l’employeur en cas d’accident. “Les règles actuelles ne sont pas en adéquation avec l’essence même du télétravail, qui se caractérise par l’absence de contrôle de l’exécution du travail au quotidien, a fortiori lorsque celui-ci s’exécute au domicile du salarié, souligne Marc Canaple. Nous préconisons de faire évoluer le cadre réglementaire et de renverser la présomption d’imputabilité. Le salarié devrait démontrer le lien entre l’accident et le travail, lorsque l’accident survient au domicile du travailleur”.

Second obstacle : le contrôle du temps de travail. “Le régime probatoire (…) n’est pas en adéquation avec le télétravail qui appelle à un management des travailleurs à distance par projet et par objectifs, management fondé sur la confiance réciproque et non sur la surveillance. Nous proposons de supprimer l’obligation de décompte du temps télétravaillé lorsqu’il se déroule dans un lieu qui n’est pas mis à la disposition du salarié par l’employeur (exemple : le domicile du salarié). Un nombre d’heures forfaitaire serait affecté à chaque jour de télétravail indépendamment du temps de travail réellement effectué. L’employeur serait néanmoins tenu au regard de son obligation de sécurité de vérifier que la charge de travail est raisonnable, adéquate et comparable à celle des travailleurs sur site”. 

La régulation collective du télétravail

Sur la question de la régulation du télétravail, Marc Canaple recommande de privilégier l’accord d’entreprise (par rapport à l’accord de branche mais aussi à la charte) “car il appelle une analyse plus fine des besoins du salarié et de l’activité”, mais aussi car depuis les ordonnances Travail de 2017, priorité est donnée désormais à l’accord d’entreprise. Amandine Brugière nuance toutefois cette affirmation, estimant que le rôle de la branche reste essentiel. “Beaucoup d’entreprises ont une culture du dialogue social partielle, voire nulle, donc l’accord de branche peut donner un cadre et constituer une référence pour la régulation en entreprise”.

Florence Mehrez

Les inspecteurs du travail vont contrôler l’effectivité des plans d’action en matière de télétravail

29/03/2021

Dans une nouvelle instruction du 25 mars 2021, la Direction générale du travail (DGT) précise les modalités d’intervention de l’inspection du travail en matière de plans d’action sur le télétravail que les entreprises des départements confinés doivent désormais mettre en place.

Une instruction de la Direction générale du travail (DGT) du 25 mars 2021 (en pièce jointe) actualise l’instruction du 3 février 2021 relative aux contrôles de l’inspection du travail en matière de télétravail. Elle tient compte des nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre et de l’actualisation du protocole sanitaire en entreprise

Contrôle des plans d’action en matière de télétravail 

Les entreprises des départements confinés doivent désormais mettre en place un plan d’action pour favoriser le télétravail. “L’attention sera portée au caractère effectif des actions mises en oeuvre dans les meilleurs délais par l’employeur pour réduire au maximum le temps de présence sur site des salariés dont les activités sont totalement ou partiellement télétravaillables, plutôt que sur le formalisme du plan d’action”, précise la DGT. 

Lors des actions de contrôle de l’inspection du travail, “les actions contenues dans les plans élaborés par les entreprises des départements les plus touchés devront être présentées aux agents de contrôle lors de leurs interventions, sans qu’aucune forme particulière ne soit requise”. Si l’employeur n’a pas élaboré de plan d’action ou n’a pas mis en place d’actions visant à réduire le temps de présence sur site des salariés, la Direccte pourra mettre en demeure l’entreprise en cas de situation dangereuse. 

La DGT rappelle que “les contrôles qui sont diligentés par l’inspection du travail doivent nécessairement porter sur le respect par l’employeur de son obligation d’évaluation des risques et sur les modalités qu’il a retenues pour déterminer les mesures de prévention les plus adaptées et en suivre l’application”. L’inspecteur du travail pourra en application de l’article L.8113-5 du code du travail, “demander communication des éléments attestant du taux de présence effectif sur site”. 

A noter : dans les cas les plus graves et dès lors qu’il existe un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique des salariés, l’agent de contrôle pourra saisir le tribunal judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque (article L.4732-2 du code du travail).

L’inspection du travail doit plus systématiquement, interroger les entreprises sur leur recours au télétravail et sur le taux de présence des salariés dans leurs établissements. Les contrôles sont ciblés sur les secteurs qui connaissent une baisse du télétravail au regard des indicateurs fournis par la dernière enquête Acemo menée par la Dares (la direction statistique du ministère du Travail).

Renforcer les messages de prévention

L’inspection du travail doit poursuivre son rôle d’information et d’accompagnement des entreprises. Au niveau régional, les agents doivent ainsi diffuser les informations sur les nouvelles dispositions et sur les règles de prévention et le nécessaire renforcement du recours au télétravail selon les modalités les plus adaptées (en visioconférences, par l’envoi de messages d’information ciblés, via des contacts personnalisés) lors de réunions d’information des organisations professionnelles, des organisations syndicales de salariés et de l’ensemble des acteurs économiques. Ils doivent également inviter les entreprises à organiser le suivi et le pilotage des tâches et des postes télétravaillables. 

Surveiller les salariés sur site

S’agissant des tâches non télétravaillables, les salariés concernés doivent “faire l’objet d’une vigilance accrue, eu égard à l’évolution de la situation sanitaire”, notamment les travailleurs en contact avec le public ou en collectif. Les inspecteurs du travail doivent ainsi veiller à la mise en oeuvre des règles contenues dans le protocole sanitaire en entreprise.

Si ces règles ne sont pas encore effectives et que des mesures alternatives équivalentes ne sont pas adoptées, l’agent de contrôle doit agir. “Une attention particulière sera apportée aux locaux sociaux (vestiaires, sanitaires…), aux conditions de transport du personnel et aux locaux de restauration notamment en lien avec les évolutions du PNE (protocole national en entreprise) sur le sujet”, insiste la DGT. 

Florence Mehrez

Covid-19 : les entreprises des départements confinés doivent mettre en oeuvre un plan d’action sur le télétravail

24/03/2021

Le ministère du Travail vient d’actualiser son protocole sanitaire en entreprise. Les entreprises des départements reconfinés devront mettre en place un plan d’action en matière de télétravail. Par ailleurs, de nouvelles mesures plus restrictives sont décidées pour la restauration collective.

Le ministère du Travail a actualisé, hier soir, le protocole sanitaire en entreprise afin de tenir compte des nouvelles mesures annoncés le 18 mars dernier par le Premier ministre. Ainsi, les entreprises situées dans les départements reconfinés vont devoir amplifier leurs actions en matière de télétravail.

Un plan d’action sur le télétravail dans les entreprises des départements reconfinés

Le protocole mis à jour prévoit que dans les départements soumis à des restrictions supplémentaires de déplacement, les entreprises doivent définir un plan d’action pour les prochaines semaines, pour réduire au maximum le temps de présence sur site des salariés, tenant compte des activités télétravaillables au sein de l’entreprise. Ce plan d’action, dont les modalités sont adaptées à la taille de l’entreprise, doit faire l’objet d’échanges dans le cadre du dialogue social de proximité. En cas de contrôle, les actions mises en oeuvre devront pouvoir être présentées à l’inspection du travail.

Le ministère du Travail en profite pour rappeler que “le télétravail peut être considéré comme une des mesures les plus efficaces pour la protection de la santé des travailleurs, conformément au premier principe de prévention énoncé à l’article L.4121-2 du code du travail qui consiste à éviter les risques pour la santé et la sécurité au travail”. 

Limiter le covoiturage

Le protocole recommande aussi de limiter autant que possible les situations de covoiturage, tenant compte ainsi de la dernière étude de l’Institut Pasteur qui identifie là un risque de surcontamination. Lorsque le covoiturage est nécessaire, la présence de plusieurs salariés dans un véhicule est possible à la condition du port du masque par chacun, du respect de l’hygiène des mains et de l’existence d’une procédure effective de nettoyage / désinfection régulière du véhicule, rappelle le protocole, et y ajoute la nécessité d’une aération de quelques minutes du véhicule très régulière. 

Un isolement effectif

L’étude de l’Institut Pasteur a mis en lumière le fait alarmant selon lequel près d’un salarié sur deux contaminé au travail l’est par une personne présentant des symptômes de la Covid-19. La nouvelle version du protocole insiste donc sur le fait que les personnes qui présentent des symptômes de la Covid-19 doivent s’isoler à leur domicile, dès l’apparition des symptômes, et effectuer un test de dépistage au plus vite. Si elles ne peuvent pas continuer à travailler depuis leur domicile, elles doivent se déclarer sur le site declare.ameli.fr afin de pouvoir bénéficier d’indemnités journalières sans délai de carence dès la déclaration des symptômes, sous réserve de réaliser un test PCR dans les 48 heures.

Le ministère du Travail alerte également sur la nécessité pour les salariés “cas contact” (et non seulement ceux présentant des symptômes évocateurs de la Covid-19) de rester chez eux. L’employeur doit les inviter à ne pas se rendre au travail. Le protocole rappelle que ces personnes peuvent également solliciter un arrêt de travail pour s’isoler sans délai de carence. 

Déjeuner seul dans la mesure du possible

La fiche dédiée à la restauration collective est également actualisée compte tenu des risques associés à la prise de repas en commun. Les flux doivent être réorganisés afin de respecter les règles de distanciation de deux mètres. Les entreprises doivent, dans la mesures du possible, proposer aux salariés des paniers à emporter et à consommer dans leur bureau individuel, à leur poste de travail ou dans les locaux mis à disposition. En cas de déjeuner à la cantine, il est vivement recommandé de déjeuner seul en laissant une place vide en face de soi, et en respectant strictement la règle des deux mètres de distanciation entre chaque personne. Les entreprises doivent ainsi disposer les chaises de manière à respecter strictement la distance de deux mètres et à éviter les vis-à-vis.

L’ensemble de ces règles entrent en vigueur dès à présent. 

Florence Mehrez