Formation

15 questions clefs sur le dispositif de transitions collectives

11/01/2021

Qui sont les salariés éligibles ? Comment les entreprises peuvent-elles y adhérer ? Avec quels financements ? Une circulaire ministérielle va être transmise aux Direccte cette semaine pour détailler les modalités du nouveau dispositif “Transitions collectives”, destiné à faciliter les reconversions professionnelles.

Le dispositif “transitions collectives” ou “Transco”, finalisé à l’occasion d’une réunion entre le ministère du Travail et les partenaires, le 6 janvier, devrait être opérationnel dès février. Imaginé dans le cadre du Plan de relance, il est censé faciliter les reconversions des salariés occupant des emplois menacés vers des métiers porteurs. Les entreprises, toutes tailles confondues, devront, en amont, conclure un accord de GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels). Un projet d’instruction ministérielle, que nous nous sommes procuré, va être transmise aux Direccte cette semaine pour encadrer ce nouveau dispositif, conçu comme une arme anti-chômage. Le détail des modalités.

1) Quel est l’objectif du dispositif “Transitions collectives” ?

Il vise à favoriser la mobilité professionnelle, en organisant, dans chaque bassin d’emploi, des passerelles entre les entreprises en difficultés et les secteurs et entreprises qui ont des besoins en recrutements. Et ce, sans actionner le levier d’un PSE. Concrètement, “Transco” permet de former pendant 24 mois (ou 2 400 heures) maximum des salariés occupant des métiers à risque afin de les orienter vers des métiers porteurs, sans passer par la case chômage. La formation doit déboucher sur une formation certifiante : une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ; l’acquisition d’un ou plusieurs bloc(s) de compétences d’une certification enregistrée, une certification enregistrée au répertoire spécifique (RS), la valorisation de l’acquis et de l’expérience (VAE).

2) A partir de quand sera-t-il opérationnel?

Le ministère du Travail espère lancer le dispositif début février. Il se déploiera via des “plateformes territoriales” qui mettront en relation les entreprises dont les emplois sont menacés et celles qui recrutent. De telles plateformes existent déjà sur certains territoires, par exemple pour faciliter le prêt de main-d’œuvre.

3) Quelles sont les secteurs et les régions concernés ?

Le ministère du Tavail devrait identifier dans les prochains jours une vingtaine de territoires pilotes, bassins d’emploi ou collectivités locales, pour expérimenter le dispositif parmi une centaine de candidatures reçues à la suite du lancement de l’appel à manifestation d’intérêt le 28 novembre dernier. Certains projets sont portés par des branches professionnelles, des entreprises, des groupements d’entreprises. D’autres sont soutenus par des Associations transitions pro (ex commissions paritaires interprofessionnelles régionales), des Direccte, des collectivités locales ou enore des organisations syndicales et patronales. Dans la région Centre Val-de-Loire, par exemple, un projet “très intéressant”, selon le minsitère du Travail, est soutenu par un consortium regroupant la Direccte, la région, l’Agence de développement économique, des opérateurs de compétences, des grandes entreprises, l’Apec, Pôle Emploi ainsi que l’association Carif-Oref du territoire.

Seuls quelques projets “ne répondant pas du tout au cahier des charges” ont été écartés, émanant le plus souvent d’organismes de formation. 

4) Comment la liste des métiers porteurs est-elle établie ?

Ce sont les Crefop (comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles), des organismes quadripartites (qui réunissent le préfet, la DGEFP, délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, et les partenaires sociaux) qui sont chargés d’identifier sur le terrain les métiers d’avenir. Il peut notamment s’agir des métiers en difficulté de recrutement (aides-soignants, aides à domicile…).

Ces listes pourront être déclinées à l’échelle des bassins d’emploi. Elles seront remontées par chaque Direccte à la DGEFP. Elles seront communiquées aux Associations transitions pro, aux Opco (opérateurs de compétences), aux conseils en évolution professionnelle et seront publiées sur les sites des Direccte et des préfectures.

5) Comment une entreprise identifie-t-elle les salariés éligibles au dispositif ?

Pour repérer les métiers fragilisés au sein de l’entreprise, le dispositif s’appuie sur des accords de GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels)y compris les moins de 300 salariés non soumis actuellement à cette obligation. C’est la condition sine qua non pour que les salariés d’une entreprise puissent bénéficier d’une prise en charge. La DGEFP va proposer un modèle d’accord-type ad hoc afin d’outiller les petites structures. Elles peuvent également solliciter l’appui technique des Direccte ou des Opco pour réaliser un “diagnostic RH”.

Une fois conclu, l’accord sera transmis à la Direccte pour enregistrement.

Lorsque l’entreprise dispose déjà d’un accord de GEPP, celui-ci pourra être pris en compte “sans qu’il soit besoin d’engager une nouvelle négociation, à la condition qu’il comporte une liste des métiers menacés”.

A noter : les entreprises engagées dans des démarches de plan de PSE ou de rupture conventionnelle collective sont exclues du dispositif.

6) Quelles sont les démarches à effectuer pour une entreprise ?

Elle constitue, éventuellement avec le concours de l’Opco, le dossier de demande de prise en charge pour ses salariés. Doivent y figurer :

  • l’accord de type GEPP identifiant la liste des métiers fragilisés dans l’entreprise ;
  • le cas échéant, des éléments de contexte relatif à l’entreprise qui s’est engagée dans la démarche ;
  • le document formalisant l’accord du salarié pour mobiliser un parcours de transitions collectives et l’accord de l’employeur à financer l’éventuel reste à charge.
  • la promesse d’embauche d‘une entreprise en besoin de recrutement peut également être jointe au dossier du salarié le cas échéant.

7) Quelles sont ensuite les étapes du parcours ?

Les salariés occupant un métier menacé, identifié dans l’accord de type GEPP, en sont informés par “tout moyen”. Ils bénéficient alors d’un premier accompagnement avec un conseiller en évolution professionnelle – une étape obligatoire – afin de construire leur projet de reconversion vers un métier dit “porteur” de la région. Puis le dossier, une fois complet, sera instruit par l’association Transition pro. Laquelle sera chargée de valider le projet et de financer la formation, à travers le FNE-formation, via un conventionnement avec les services de la Direccte.

A noter que cela se fait sur la base du volontariat pour le salarié : il n’a pas l’obligation d’accepter de recourir à transitions collectives, même si un accord est signé dans l’enteprise.

Le suivi sera “formalisé” dans un document qui permet de consigner les différentes actions réalisées au cours de ce parcours (entretien, nom du référent désigné dans l’entreprise…). En outre, cet accompagnement pourra se poursuivre au-delà du parcours, lors de la phase d’intégration chez le nouvel employeur, par exemple.

8) Quelles sont les conditions pour que le salairé puisse bénéficier du parcours ?

Outre l’obligation de justifier d’une activité salairée d’au moins deux ans consécutifs ou non dans la même entreprise, le salarié volontaire, titulaire d’un CDI, CDD ou d’un contrat de travail avec une entreprise de travail temporaire, doit être identifié dans l’accord de type GEPP comme occupant “un métier fragilisé dans l’entreprise”. Il doit également avoir en main une autorisation d’absence de l’employeur, au titre du congé de transition professionnelle. Un accord formel devra donc être rédigé entre l’employeur et le salarié. Lequel engagera également l’employeur à financer le reste à charge de la formation, le cas échéant.

En cas de non-respect de ces conditions, “le salarié ne pourra pas bénéficier d’une prise en charge de parcours de transitions collectives”.

9) Qui valide les projets ?

C’est l’association Transitions Pro qui a le dernier mot. Elle examine la demande de prise en charge selon les mêmes critères qu’un projet de CPF (compte personnel de formation) de transition. Dans son viseur notamment, la “pertinence des modalités de financement envisagées” appréciée par rapport au coût pédagogique de la formation choisie ainsi que les perspectives d’emploi, notamment dans la région. Dans ce contexte, “le salarié qui souhaite se reconvertir dans un territoire autre que celui sur lequel il dépose sa demande de prise en charge doit le justifier au regard de son projet et de la liste régionale établie sur le territoire concerné”.

10) Comment la formation est-elle financée ?

Ce dispositif est partiellement, voire en totalité, pris en charge par le FNE-formation, selon la taille de l’entreprise. Pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, le financement représente 40 % de la rémunération et des frais pédagogiques de la formation. Pour celles de 300 à 1 000 employés, il s’élève à 75 % des sommes déboursées. En deçà de ce seuil, le coût est nul pour les entreprises.

Le reste à charge peut être financé par l’entreprise du salarié ou celle qui prévoit de le recruter.

Le salarié n’a pas à puiser dans les crédits du CPF de transition professionnelle, ni même du CPF, non solubles dans le dispositif.

11) Quels sont les frais pris en charge ?

Dans le détail, l’association Transitions Pro prend en charge les frais pédagogiques, les frais de validation des compétences et des connaissances liés à la réalisation de l’action de formation, les frais annexes (transport, repas et hébergement), la rémunération du salarié, les cotisations de sécurité sociale et les charges légales et conventionnelles assises sur cette rémunération, selon les mêmes modalités que les projets de transition professionnelle.

12) Quel est le statut du salarié pendant sa formation?

Durant son parcours, le contrat de travail est supendu. Le salarié a la qualité de stagiaire de la formation professionnelle. Si son projet de formation échoue, son contrat dans l’entreprise restera garanti.

13) Quel est le montant de la rémunération maintenue ?

Comme pour les CPF de transition professionnelle, le bénéficiaire touche un pourcentage de son salaire moyen de référence calculé sur 12 mois pour les CDI, quatre pour les CDD, variant selon la durée du projet. Ainsi, il percevra :

  • 100 % de sa rémunération si le salaire moyen de référence est inférieur ou égal à deux fois le Smic ;
  • 90 % au-delà de deux Smic lorsque la durée n’excède pas un an ou 1 200 heures pour une formation discontinue ou à temps partiel ;
  • 90 % pour la première année de formation ou pour les premières 1 200 heures de formation, lorsque la durée du congé est supérieure à un an ou 1 200 heures pour une formation discontinue ou à temps partiel puis 60 % pour les années suivantes ou à partir de la 1 201e heure.

Lorsque le salaire moyen de référence du bénéficiaire dépasse deux fois le Smic, le montant de la rémunération ne peut être inférieur au montant égal à deux Smic.

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, la rémunération du bénéficiaire d’un projet de transition professionnelle et les cotisations légales et conventionnelles à la charge de l’employeur assises sur cette rémunération sont versées mensuellement par l’employeur qui est remboursé par l’assocation Transitions pro, dans un délai maximum d’un mois, sur présentation de justificatifs dont la copie du bulletin de salaire.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés la rémunération sera versée directement par ATpro.

14) Et si le dossier du salarié est refusé ?

Dans ce cas, le salarié peut déposer un recours gracieux auprès de l’ATPro et/ou solliciter une médiation auprès de l’Union départementale de la Direccte.

15) Que se passe-t-il à la fin du parcours ?

L’objectif du dispositif est qu’à l’issue de sa formation, le salarié trouve un emploi correspondant à son parcours de reconversion. Mais attention, il n’y a pas de transfert du contrat vers un nouvel employeur.

Le salarié peut donc choisir de rester dans son entreprise d’origine. Dans ce cas, il réintègre son poste de travail ou “un poste équivalent dans l’entreprise”. Ce qui ne le met pas à l’abri d’une éventuelle procédure de restructuration.

A l’inverse, Il peut s’orienter vers le métier ou secteur professionnel lié à sa reconversion selon les modalités de rupture du contrat de travail existantes. S’il choisit de quitter son entreprise, il pourra bénéficier des offres de service de Pôle emploi, de plateformes de transitions professionnelles ou encore de tout autre acteur mobilisé au niveau des territoires pour repérer des emplois disponibles.

Anne Bariet

“Débattez du dispositif Transco lors de la consultation du CSE sur les orientations stratégiques”

15/03/2021

C. Pellet et R. Koskas

actuEL-CSE.fr

Le dispositif Transco (comme transitions collectives) est complexe, mais il permet de faire financer par l’Etat les formations destinées à reconvertir les salariés dont l’emploi est menacé. En tant qu’élus du CSE, vous avez donc intérêt à mettre cette question à l’ordre du jour de la consultation du CSE sur les orientations stratégiques, plaident l’avocat Roger Koskas et l’expert Christian Pellet.

“Attention, jargon formation !” C’est, en substance, l’avertissement lancé par l’avocat Roger Koskas (cabinet Brihi-Koskas) lorsqu’il présente aux élus le dispositif Transco, lors du webinaire animé le vendredi 12 mars avec Christian Pellet, le président du cabinet d’expertise et de conseil Sextant. “C’est, après l’activité partielle, un dispositif complexe mais qui va dans le bon sens pour tenter d’éviter des PSE (plans de sauvegarde de l’emploi) et des licenciements. L’idée est de proposer un parcours sécurisé pour les salariés qui devront changer de métier”, encourage Christian Pellet.

De fait, la lecture de l’instruction du 11 janvier 2021 sur la mise en œuvre de Transco ne procure nul ébahissement littéraire. Amateurs de poésie, tournez la page ! Le lecteur doit se familiariser avec différents sigles -plus gutturaux les uns que les autres- pour comprendre l’ingénieux meccano administratif constitué par cette opération destinée à favoriser les reconversions professionnelles, un mécanisme imaginé par l’Etat avec les partenaires sociaux sous l’égide –ça balance dirait Michel Berger- du plan France Relance.

Des sigles et organismes à connaître

Le plus connu de ces sigles est sans doute la Direccte (direction régionale du travail et des entreprises, pour simplifier) : c’est la Direccte qui pilote le dispositif Transco. Tu suis coco ? Continuons ! Et hop, la Direccte se fait assister par le Crefop (comité régional de l’emploi et de la formation professionnelle, sorte d’instance de coordination régionale) et par les “ATPro”, des plateformes territoriales de transitions professionnelles.

 Direccte, ATPro, Crefop, CEP… 

Les ATPro sont des structures réunissant les partenaires sociaux, les branches, les régions, les opérateurs de compétences (les Opco, ex Opca, nouveauté de la réforme de la formation de 2018). Ce sont elles, ces ATPro, qui définissent la liste des métiers jugés porteurs sur un territoire. Toujours là ? Alors sachez que ces ATPro (composées donc de représentants syndicaux et patronaux) vont également instruire les demandes des salariés souhaitant bénéficier de ce dispositif (1).

Le salarié peut s’appuyer, pour constituer son dossier, sur le CEP, qui va l’aider à opter pour une formation qualifiante débouchant sur un métier “porteur”. Attention, le CEP n’est pas un ceps de vigne mais un Conseil en évolution professionnelle (CEP), un conseil mis en oeuvre, par exemple, par Pôle Emploi, l’Apec ou les missions locales. Pas encore parti ? Restez, car nous entrons maintenant dans l’entreprise…

L’employeur doit définir les emplois menacés

L’employeur doit en effet agir pour permettre au dispositif de fonctionner. C’est lui qui doit définir une liste de postes dont l’emploi lui semble condamné ou menacé à terme. En terme administratif, on euphémise la chose comme à l’habitude et cela donne l’expression “emplois fragilisés”. Attention fragile, chantait Bernard Lavilliers, mais passons. Si l’employeur dispose d’un GEPP (accord de gestion des emplois et des parcours professionnels), il peut se contenter d’un avenant listant ces emplois. S’il n’a pas d’accord GEPP et s’il emploie au moins 300 salariés, il doit en négocier un avec cette liste d’emplois menacés. En dessous de 300 salariés, “l’employeur peut mener une négociation réduite visant à définir cette liste”, indique Christian Pellet.

Pour cet accord, le CSE doit être informé et consulté

Le gouvernement fait ici une exception à la règle selon laquelle le CSE n’a plus à être informé ni consulté sur un accord collectif : pour ce type d’accord en vue d’une Transco, le CSE doit bel et bien être informé et consulté, se félicite Roger Koskas. “La liste de ces emplois est essentielle car c’est seulement si un salarié occupe un de ces emplois qu’il pourra prétendre bénéficier du Transco”, enchaîne Roger Koskas. Sinon, pas de pot. Ou plutôt si, car cela signifie que votre emploi a un avenir. Quoi qu’il en soit, poursuivons nos explications !

Le volontariat du salarié est nécessaire

Le dispositif requiert donc le volontariat du salarié mais aussi l’engagement de l’employeur, qui doit présenter un dossier de demande de prise en charge qui sera validé, ou non, par l’ATPro. Le salarié, en CDI ou CDD ou en interim, doit justifier une certaine ancienneté (24 mois dont 12 dans la même entreprise pour un CDI) car la formation qu’il suivra devra être qualifiante, sanctionnée par un diplôme, sachant qu’une validation des compétences est aussi possible. Et le salarié, c’est important, ne doit pas être concerné par une décision de rupture de son contrat de travail : une entreprise ayant engagé un PSE ou une RCC (rupture conventionnelle collective) n’est donc pas éligible à Tranco.

L’employeur, lui, est financièrement incité à s’engager : l’Etat prend tout en charge (rémunération, cotisations sociales et coût pédagogique) en deçà de 300 salariés, 75% de 300 à 1 000 et 40% au-delà de 1 000 salariés.

Des ombres sur le tableau

Ce puzzle administratif maintenant reconstitué, qu’observons nous maintenant ? Quelques ombres qui tâchent le tableau. Que fait le salarié une fois diplômé à l’issue de sa formation ? S’il veut postuler dans une autre entreprise, il doit démissionner, sauf à “bénéficier” d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement économique, note l’avocat Roger Koskas qui s’interroge :  “Les salariés vont-ils partir sans indemnités de rupture ?”

De son côté, l’employeur peut être réticent à s’engager dans ce dispositif qui n’est pas censé lui permettre de reclasser en interne les salariés aux postes fragilisés. En effet, rappelle Roger Koskas qui juge que l’instruction devrait être plus claire sur le lien avec le PSE ou le congé de mobilité, le Transco ne peut pas dédouaner l’employeur de son obligation consistant à former lui-même ses salariés pour assurer leur employabilité, et l’instruction ici vise sans doute à empêcher des effets d’aubaine.

Le dispositif Transco est en rupture avec le comportement habituel des entreprises qui n’aiment guère la transparence sur leur stratégie et ses conséquences 

“Ce dispositif est ambitieux mais en rupture avec les comportements habituels des entreprises qui montrent souvent peu de transparence quant à leur stratégie et à son impact sur les emplois et les compétences”, constate Christian Pellet. Autrement dit par le président de Sextant : “Les entreprises font parfois l’autruche et attendent le dernier moment pour annoncer un PSE alors qu’il aurait fallu agir avant pour préparer la transformation de l’activité et des emplois”. Rentrer dans le Transco, sorte de transsibérien de la formation continue et du reclassement externe, suppose donc une forme de courage pour l’entreprise, car c’est une façon pour l’employeur de devoir assumer que des emplois sont menacés, que son modèle économique doit être revu, et qu’il accepte d’aider les salariés à se reconvertir ailleurs.

Élus du CSE, prenez l’initiative ! 

Du reste, n’attendez pas, prenez l’initiative, suggère l’expert aux élus du personnel. “Imposez le sujet à l’ordre du jour de la consultation sur les orientations stratégiques car cette consultation est censée permettre d’anticiper (art L.2312-24 du code du travail). Demandez à l’employeur s’il estime que certains emplois sont menacés à terme et s’il envisage de recourir à Tranco. Lancez un débat sur le sujet”, conseille Christian Pellet. L’accord sur le CSE a espacé dans votre entreprise la consultation sur les orientations stratégiques 1 fois tous les 2 ou 3 ans ? L’expert encourage les élus à demander, sur la base des faits nouveaux survenus sur le plan social et économique en 2020, le retour à une consultation annuelle sur ces orientations stratégiques. Et Christian Pellet de prêcher ensuite pour sa paroisse : “Si vous faites intervenir un expert pour cette consultation, il aura les moyens d’analyser si l’entreprise comprend en effet des emplois dont l’activité est en déclin, ou dans une impasse stratégique”.

 Après le débat sur le Transco, motivez l’avis du CSE

Dans l’avis motivé que rendra le CSE sur les orientations stratégiques après le débat sur Transco, ajoute l’expert, précisez si l’ouverture d’un tel dispositif est envisagé par l’employeur, donnez la position de l’instance, ou notez en revanche que l’entreprise ne le juge pas utile car aucun risque n’est identifié, ce qui pourrait vous permettre ensuite de mettre en question la loyauté de l’employeur au cas où il lance demain un plan de suppressions d’emplois.

Quoique complexe, ce dispositif pourrait donc être un levier utile pour de nombreuses entreprises confrontées aux mutations multiples engendrées par la croissance du digital (commerce, banques, assurance, etc.), la prise en compte des enjeux environnementaux (automobile, transports) ou encore la crise sanitaire (transport aérien par ex.).

(1) Le  nom juridique des ATPro, qui figure dans le code du travail, est “commission paritaire interprofessionnelle régionale” ou CPIR. Cette nouvelle structure a succédé aux anciens Fongecif et elle finance également le CPF (compte personnel de formation) de transition professionnelle qui a remplacé le CIF, le congé individuel de formation. 

Négociation d’un GEPP : attention !
Nous avons vu qu’un accord GEEP (gestion des emplois et des parcours professionnels) listant les emplois “fragilisés” dans l’entreprise était nécessaire pour prétendre au bénéfice du dispositif Transco. Attention toutefois lors de la négociation : les congés de mobilité (art. L. 1237-18) qu’il est possible d’inclure dans un accord GEEP ne sont a priori pas cumulables avec Transco. Quant aux dispositifs type accords de performance collective (APC, voir l’art. L.2254-2), ils le sont, mais non sans risque associé, car un salarié qui refuse l’APC peut se voir imposer un licenciement individuel. 

Bernard Domergue