Salaire minimum hiérarchique : “le Conseil d’Etat a fixé une méthodologie pour les partenaires sociaux de la branche et de l’entreprise”
Le Club des branches du cabinet Barthélémy Avocats a organisé, le 11 janvier dernier, une matinée sur le salaire minimum hiérarchique. L’occasion de revenir sur les enseignements de la décision du Conseil d’Etat du 7 octobre 2021 qui a retenu une acception large de cette notion.
Le 7 octobre dernier, le Conseil d’Etat a rendu une décision importante sur le salaire minimum hiérarchique. Contredisant la doctrine du ministère du Travail, la Haute juridiction administrative retient une définition large du salaire minimum hiérarchique. Les partenaires sociaux de la branche peuvent, en plus du salaire de base, y inclure des primes. Les entreprises conservent toutefois la latitude de réduire ou supprimer les compléments de salaire identifiés par l’accord de branche à la condition que soit garantie aux salariés une rémunération effective au moins égale au montant du salaire minimum hiérarchique fixé par l’accord de branche. Le cabinet Barthélémy Avocats est revenu sur ce sujet, le 11 janvier, lors d’une matinée thématique du Club des branches.
Le Conseil d’Etat a fixé le cadre d’intervention des branches
Emmanuel Andreo, avocat associé au sein du cabinet Barthélémy, rappelle les enseignements de la décision du 7 octobre 2021. “Le Conseil d’Etat a sanctuarisé la notion de salaire minimum hiérarchique en posant le périmètre d’intervention de la branche (…) Le Conseil d’Etat fixe une méthodologie, un canevas pour les partenaires sociaux de la branche et de l’entreprise pour définir les différents champs du possible. La branche peut définir, ou pas, ce qu’elle entend par salaire minimum hiérarchique. Elle peut se borner au seul salaire de base ou, au contraire, décider d’y intégrer certains compléments de salaire expressément identifiés. Les entreprises peuvent, non pas au titre du bloc 3, mais au titre des garanties au moins équivalentes, réduire ou supprimer des compléments de salaire si elles parviennent à une rémunération effective au moins équivalente au salaire minimum hiérarchique en articulant les différents éléments de rémunération”.
Une décision qui ne l’étonne pas au regard de “la position dissonante” du ministère du travail. “Le Conseil d’Etat estime que le ministère a commis une erreur de droit”. Il a utilisé une “formulation assez inédite et atypique en rappelant l’état antérieur du droit à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 septembre 2017. L’accord de branche déterminait le salaire minimum pour chaque niveau hiérarchique et pouvait définir les éléments du salaire à prendre en compte pour apprécier si le salarié avait bien perçu une rémunération au moins égale au minimum conventionnel”. Les juges ont également précisé qu'”à aucun moment, le texte de loi, les travaux préparatoires ou les travaux parlementaires ne définissent ce qu’il faut entendre par salaire minimum hiérarchique”.
Une solution qui fait débat
Gwennhaël François, avocat associé chez Barthélémy Avocats et directeur du master droit social de l’Ecole de droit de Clermont-Ferrand, estime pour sa part que cette décision “peut paraître surprenante au regard de la nouvelle articulation et de la primauté de l’accord d’entreprise”. Selon lui, “les exceptions [à cette primauté] doivent être interprétées strictement. Les primes relevant du bloc 3, cela aurait dû amener à limiter le salaire minimum hiérarchique au salaire de base, sauf à vider le principe de sa substance”. Même s’il reconnaît qu’il n’existe pas de définition du salaire minimum hiérarchique, “cela n’enlève rien au fait que l’esprit de la réforme est de donner la primauté à l’accord d’entreprise qu’une interprétation stricte s’impose”. Il rappelle également que “seules les primes pour travaux dangereux ou insalubres peuvent être sanctuarisées au niveau de la branche”.
Ce que récuse Emmanuel Andreo. “La notion de salaire minimum n’est pas nouvelle ; elle existe depuis 1982 et n’a jamais été interprétée comme se réduisant au seul salaire de base”. Il rappelle aussi que les ministères des Transports et du Travail ont validé l’accord du 4 octobre 2017 dans le secteur des transports routiers qui a intégré les accessoires dans le salaire de base.
Enfin, souligne-t-il, “si la notion de salaire minimum hiérarchique était réductible au salaire de base, la notion de garanties au moins équivalentes serait dépourvue de sens et de portée”.
Enfin, Hughes Lapalus, avocat associé au sein du cabinet Barthélémy Avocats, rappelle les avantages que cela représente pour la branche de définir son salaire minimum hiérarchique. “Cela permet de réguler la concurrence et d’éviter le dumping social, mais aussi de sécuriser la rémunération au niveau de l’entreprise”.
Florence Mehrez
Stellantis : un nouveau projet d’accord de RCC prévoit 2 600 départs d’ici à fin 2023
Pour “accompagner les transformations technologies”, Stellantis prévoit de réactiver un nouveau plan de rupture conventionnelle collective (RCC) visant 2 600 départs volontaires en deux ans. En 2021, il avait permis le départ de 1380 salariés.
Le nouveau projet d’accord devrait être soumis au CSE central extraordinaire le 16 février prochain et déjà l’inquiétude grandit au sein des organisations syndicales. Le DRH France de Stellantis (né de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler il y a un an), Bruno Bertin, a annoncé, le 1er février, lors d’une réunion avec les délégués syndicaux, un projet de rupture conventionnelle collective (RCC) comprenant des mesures d’âge portant sur 2 600 départs volontaires en deux ans. Il devrait concerner les métiers dits “sensibles”.
“Transition énergétique”
Selon le document de travail qu’actuEL-RH s’est procuré, la direction justifie ce projet “par des transformations technologiques à accompagner : la transition énergétique et le développement de la Software”. “Une anticipation nécessaire pour mener une politique emploi responsable et maintenir l’employabilité des salariés”, indique le plan de la direction.
Il ne s’agit pas d’une première pour le groupe automobile. Stellantis avait déjà actionné le dispositif de RCC en mars dernier. Il doit prendre fin le 31 mars 2022. 1380 personnes ont quitté le groupe via l’an passé, notamment via des congés seniors ou des mobilités sécurisées.
Quatre leviers d’”accompagnement”
Concrètement, la direction compte reconduire plusieurs leviers d’accompagnement. Primo, ce nouveau plan devrait proposer des mobilités externes sécurisées qui incluent un congé spécifique avec maintien de la rémunération à 100 % pendant la période de formation. Secundo, il intègre un congé mobilité. Avec à la clef un accompagnement par un cabinet conseil pendant toute la durée du congé ainsi que la prise en charge de formations inscrites au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles) jusqu’à 10 500€.
Tertio, le projet d’accord renouvelle le dispositif de “congé senior”, qui prend la forme d’une dispense d’activité (payée à 70% du salaire but antérieur) durant la période qui précède le départ à la retraite. Cette dispense d’activité est au maximum de 24 mois pour les cadres et de 36 mois pour les autres catégories (ouvriers et Etam). La direction propose également de participer au rachat de trimestres de retraite à l’initiative du salarié et d’accompagner les personnes souhaitant s’orienter vers un nouveau projet professionnel pendant le congé sénior.
S’y ajoute le dispositif “congé de longue durée”, d’une durée de 24 mois. A l’issue de son congé, le salarié réintègre son emploi ou un emploi équivalent au sein de la société.
“On est en sous-effectif comme jamais”
Reste que ce projet est loin de faire l’unanimité. “On ne peut pas cautionner ce type de politique, fustige Jean-Pierre Mercier, délégué central CGT. Le groupe devrait annoncer des bénéfices records d’ici au 23 février, de l’ordre de 12 milliards d’euros et durant ces deux dernières années, avec le Covid-19, on a eu le licenciement de milliers d’intérimaires et on est en sous-effectif comme jamais”.
La CGT demande en compensation un plan d’embauche massive de “plusieurs milliers d’emplois” ainsi que “l’ouverture du dispositif de préretraite aux ouvriers de production, exclus du système”.
Une chute des effectifs en France
Franck Don, délégué central CFTC, indique, de son côté, que ce projet s’inscrit dans la continuité des plans précédents, à savoir l’ajustement permanent d’effectifs ; “le passage de la voiture électrique à la voiture électrique engendrant des pertes de postes”.
Si la CFTC attend de connaître les contreparties de ce plan pour se prononcer, elle demande des garanties sur les embauches de jeunes. “Aujourd’hui on peine à savoir combien de jeunes vont être embauchés dans les prochaines années”. L’an passé, 1100 recrutements en CDI avaient été effectués au sein de la division automobile France et 273 sur le périmètre PSA Auto SA. La CFTC dénonce également les pressions exercées sur les salariés pour partir. “Certains reçoivent des courriers ou des mails leur promettant de toucher telle ou telle somme s’ils créent leur entreprise. Ces relances effectuées de manière récurrente ne sont pas normales”.
Selon la CGT, en dix ans, les effectifs permanents sont passés de 70 000 à 40 000 salariés dans le groupe.
Anne Bariet
Nouvelle convention de la métallurgie : pourquoi la CGT n’a pas signé
“Pas d’équilibre dans le nouveau dispositif conventionnel”, “une boîte à outils pour les employeurs”, un texte “bien loin de reprendre le meilleur de l’existant”. C’est ainsi que la CGT (communiqué en pièce jointe) qualifie la nouvelle convention collective unique de la métallurgie signée lundi dernier par l’UIMM, la CFE-CGC, FO et la CFDT. La nouvelle convention constitue donc pour le syndicat un moins-disant social. Selon Stéphane Flégeau, secrétaire général adjoint de la CGT métallurgie que nous avons pu contacter, plusieurs lignes rouges expliquent que la CGT n’ait pas signé le texte, et en premier lieu la question des classifications : “Le statut de technicien disparaît. On sera cadre ou non-cadre. De plus, un salarié qui rentrait au coefficient 255 pouvait obtenir 285 au bout de 18 mois, cela disparaît. La classification pourra augmenter mais aussi baisser et le salarié devra l’accepter ou quitter l’entreprise”.
Autres raisons de la discorde, la fin de la prise en compte des diplômes à l’exception des bacs + 2 et bac + 5 mais à condition de figurer dans l’offre d’emploi. “Un jeu de dupes” pour Stéphane Flégeau. Il regrette également “l’explosion des heures supplémentaires à disposition des employeurs”, la possibilité de licencier un salarié dès le premier jour d’arrêt maladie si l’organisation du travail ou de l’entreprise est mise en difficulté, ou encore la refonte des congés et des primes d’ancienneté. Côté rémunérations, le secrétaire général adjoint doute que les minimas nationaux permettent de meilleurs salaires “car ils ne sont de toute façon pas respectés”. Il déplore également que les salariés recrutés à compter du 1er janvier 2024 ne bénéficieraient plus des compensations octroyées jusqu’à cette date aux salariés déjà employés dans la métallurgie.
La CGT participera cependant aux négociations territoriales qui vont se tenir dans les six prochains mois, même si “les UIMM territoriales ne voudront rien négocier”. Enfin, Stéphane Flégeau estime que seules “des garanties sociales dignes du 21ème siècle” permettraient de recruter de nouveaux salariés dans la métallurgie.
actuEL CE
La nouvelle convention collective de la métallurgie est signée
Quatre organisations syndicales de la métallurgie ont signé hier la nouvelle convention collective unique de la branche. Afin d’officialiser cette avancée historique pour le secteur de l’industrie, les représentants des syndicats signataires Hubert Mongon et Eric Trappier (UIMM), Stéphane Destugues (CFDT), Gabriel Artero (CFE-CGC) et Frédéric Homez (FO) se sont réunis au siège de l’UIMM à Paris pour y tenir une conférence de presse suivie d’une table ronde. La ministre du Travail Elisabeth Borne était présente et a félicité les signataires pour « ce travail qui illustre la force du dialogue social dans notre pays ». Il faudra cependant qu’aboutissent les négociations territoriales dans les six prochains mois. Rappelons que cette convention collective unique remplacera environ 70 textes conventionnels au 1er janvier 2024. Les sections syndicales en entreprises et les services RH disposent donc de deux ans pour intégrer le texte qui rénove de bout en bout les classifications, la prévoyance, les rémunérations, les primes ou encore les jours fériés. Le nouveau texte concernera 1,5 millions de salariés dans 42 000 entreprises.
actuEL CE
Egalité et qualité de vie au travail : un nouveau guide Anact sur la négociation
L’Anact (agence pour l’amélioration des conditions de travail) vient de mettre en ligne un nouveau guide constitué de 10 questions sur la négociation collective égalité professionnelle et qualité de vie au travail (EP-QVT). Ce guide fait le point sur :
- les enjeux d’une négociation EP-QVT ;
- les raisons d’associer dans la négociation l’égalité professionnelle et la QVT ;
- les enseignements à tirer des accords existants ;
- le rôle du CSE en la matière ;
- les grandes étapes de la préparation de la négociation EP-QVT ;
- l’identification des indicateurs sexués pertinents pour le diagnostic ;
- la façon de passer du diagnostic aux actions de prévention des inégalités ;
- les raisons pour lesquelles il faut évaluer l’impact des projets de transformation sur l’égalité professionnelle ;
- les manières d’intégrer la prévention du sexisme au travail dans un accord EP-QVT ;
- les moyens d’intégrer l’égalité dans tout accord collectif.
actuEL CE
Paritarisme : les partenaires sociaux négocient sur la gouvernance
Hier, organisations syndicales et patronales ont échangé sur la modernisation de l’accord de 2012 sur la gouvernance des organismes paritaires (type Apec, Agirc-Arrco, Unedic, etc.) dans le cadre de la négociation sur le paritarisme. Un thème qui comprend la question du poids de chaque organisation. Certaines, comme la CGT et la CFDT, demandent une révision de leur poids pour tenir compte de leur représentativité, mais d’autres, comme FO, y sont défavorables. Pour Jocelyne Cabanal (CFDT), il faut saisir cette négociation pour “renforcer l’autonomie politique” des administrateurs nommés par les partenaires sociaux et la neutralité des équipes de direction.
Pour Gilles Lecuelle (CFE-CGC), il faudrait éviter de mélanger les problématiques de gestion de la négociation elle-même : “C’est le conseil d’administration (CA) d’un organisme qui doit piloter la gestion, pas la direction générale, mais il n’appartient pas aux membres du CA de négocier un accord changer les règles de gestion”. La CFDT partage cette idée de différencier administrateurs et négociateurs mais FO n’est pas convaincue : “Etre administrateur permet de bien connaître un sujet et de bien négocier”, argumente Michel Beaugas.
La CFE-CGC prône également l’adoption de règles éthiques et d’un code déontologique, comme la CFDT, mais aussi un principe de rotation des présidences des différents organismes défini dans le temps, “ce qui permettrait à chaque organisation de faire monter les compétences”. Le syndicat des cadres propose une nouvelle règle de vote avec un minimum de votes favorables pour faire adopter une décision.
Au sujet de la parité F/H des administrateurs, la CFE-CGC estime qu’il faut se donner 8 ans pour réaliser cet objectif alors qu’Angeline Barh (CGT) juge qu’il faut se donner des règles et objectifs ambitieux pour réaliser des progrès, “comme nous l’avons fait à la CGT”. Pour Michel Beaugas (FO), “il ne faut plus attendre, chez FO, déjà 40% des secrétaires de nos unions départementales sont des femmes”. Une urgence partagée par la CFDT qui affirme son “intransigeance” sur le sujet.
La négociatrice CGT demande surtout des moyens permettant aux administrateurs de travailler, via “un stock de droits interprofessionnels” : “Un administrateur qui participe à un jour d’assemblée est en fait mobilisé 3 jours pour la préparation, l’analyse et le compte-rendu à son organisation”. Michel Beaugas (FO) propose une généralisation des conseillers techniques, comme il en existe à l’Unedic pour informer les administrateurs en amont des assemblées et réunions.
Toujours du côté des administrateurs, la CFTC a demandé un maintien de la rémunération pour les réunions de préparation des instances pour lesquelles l’administrateur bénéficie d’une autorisation d’absence, avec un “forfait heure individuelle afin de consacrer le temps nécessaire à l’exercice du mandat”, les frais de garde d’enfant devant pouvoir être remboursés. Au sujet de la reconnaissance des compétences acquises pendant leur mandat par les admistrateurs, la CFTC réclame que les formations techniques donnent effectivement lieu à une attestation de compétences acquises délivrée par l’organisme dispensateur, “comme c’est le cas au sein de l’Apec”. Pierre Jardon (CFTC) juge nécessaire de travailler sur socle commun de reconnaissance des compétences acquises dans l’écosystème des organismes gérés paritairement.
Michel Beaugas (FO) s’impatiente : “Maintenant, il faut entrer dans le dur !” “On est obligés de produire un texte ambitieux”, veut croire Jocelybe Cabanal (CFDT).
Un premier texte “martyr” résultant de ces discussions, menées de façon prudente par le Medef, devrait être soumis aux négociateurs avant la séance du 23 février, prévue de 14h à 18h au Medef et en visio également. Il sera question des conditions de la négociation interprofessionnelle.
actuEL CE