L’actualité salariale dans les branches : le point sur les transports routiers

04/04/2024

Sur le plan salarial, la branche des transports se porte plutôt bien, avec une hausse de 5,4 % négociée dans le transport routier de marchandises. Un accord a également été trouvé sur le transport routier de voyageurs (+ 4,3 %) au 1er janvier 2024. Des discussions tendues se poursuivent sur la logistique avec une séance de négociation aujourd’hui même. Mais les Jeux olympiques qui se profilent suscitent l’inquiétude dans les fédérations.

La branche regroupe le transport de marchandises et de voyageurs, mais aussi l’interurbain, la logistique, le déménagement, le transport sanitaire et le transport de fonds. Selon le rapport 2023 de l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique, la branche employait plus de 800 000 salariés au 31 décembre 2022.

Les avenants signés dans le transport de marchandises et de voyageurs ont été étendus par arrêtés publiés au Journal officiel du 22 décembre 2023 (marchandises) et du 31 décembre 2023 (voyageurs). 

Les transports sont par ailleurs soumis à de fortes tensions liées au manque d’attractivité du métier de chauffeur. Enfin, l’organisation des jeux olympiques et paralympiques de Paris à l’été 2024 ne manque pas d’interroger les responsables fédéraux que nous avons contactés (par ordre de représentativité, lire l’arrêté au Journal officiel) :

  • Patrick Blaise (CFDT, 34,24 %) ;
  • Fabrice Michaud (CGT, 24,81 %) ;
  • Patrice Clos (FO, 20,75 %) ;
  • Guillaume Cadart (CFTC, 14,35 %) ;
  • Christian Meyer (CFE-CGC, 5,85 %).
  1. Où en sont les négociations salariales dans la branche des transports ?  
Patrick Blaise (CFDT) : “Le secteur de la logistique est le plus problématique” “Sur le transport routier de marchandises, nos syndicats ont approuvé l’augmentation de 5,4 % des salaires, nous avons donc signé l’accord de décembre 2023. De même dans le transport routier de voyageurs. Le secteur de la logistique est beaucoup plus problématique, sachant que les chauffeurs sont aussi des chargeurs. Les cadences de travail sont élevées, les jeunes ne veulent pas rester, et le patronat ne propose que 1,13 % d’augmentation. Il faudrait 2,7 ou 2,8 % pour conserver les écarts dans la grille de salaire et pour que le premier coefficient reste au-dessus du Smic”.
Fabrice Michaud (CGT) : “Nous n’avons pas signé les accords” “Nous n’avons signé ni l’accord sur les marchandises ni celui sur le transport de voyageurs car nos bases syndicales nous ont dit que les augmentations proposées n’étaient pas suffisantes. Il aurait fallu suivre au moins l’inflation. De plus, nous revendiquons qu’à chaque hausse du Smic, il y ait de automatiquement une augmentation des minima sociaux et des classifications de branche”.
Patrice Clos (FO) : “Une partie du patronat a compris que la rémunération contribue à l’attractivité” « Nous avons conclu 5,4 % d’augmentation dans le secteur routier de marchandise. Ce fut assez difficile mais une partie du patronat a compris que la rémunération contribue à l’attractivité. En France, il manque entre 60 000 et 80 000 chauffeurs de véhicules lourds, et cela s’amplifie au fil des années. C’est lié aux conditions de travail et aux rémunérations car les contraintes ne paient plus comme avant. Nous avons également signé l’accord sur le transport routier de voyageurs. En revanche, nous avons appelé une journée de mobilisation dans la logistique le 2 avril conjointement avec la CFDT”.
Guillaume Cadart (CFTC) : “Dans la logistique les propositions patronales sont basses” “Nous avons signé les accords sur le transport de marchandises et sur les voyageurs. Les négociations se poursuivent encore dans la logistique car nous avions une clause de revoyure. Le Smic ayant augmenté de 1,13 % en janvier, il fallait rééquilibrer mais les propositions patronales sont basses. Après 4,5 % négociées en octobre et applicables au 1er novembre 2023, on attend un peu plus que 1,13″.
Christian Meyer (CFE-CGC) : “C’est un compromis acceptable” “Nous avons signé les avenants sur les marchandises et les voyageurs. Bien-sûr, nous aurions aimé obtenir plus, mais c’est un compromis acceptable. Nous attendons la suite sur la logistique, les 1,13 % proposés mettent le premier coefficient de la grille au niveau du Smic. Il y a pour l’instant à la fois une forte attente et une forte déception”.
  2. Les entreprises de transport ont-elles aussi renégocié les salaires ?  
Patrick Blaise (CFDT) : “Il y a bien quelques accords mais ce n’est pas simple” “Les entreprises suivent les évolutions conventionnelles des minima de grille, mais certaines augmentent aussi les salaires de leur côté. Cela se produit en transport “pur”, hors logistique, il y a bien quelques accords mais ce n’est pas simple. La logistique subit la concurrence des pays de l’Est. Le secteur n’est pas assez contrôlé faute d’inspecteurs en nombre suffisant”.
Fabrice Michaud (CGT) : “Ce n’est pas l’intérêt du patronat d’augmenter les salaires “ “Certaines entreprises l’ont fait mais il reste deux problème de fond. D’une part, ce n’est pas l’intérêt du patronat d’augmenter les salaires : le serpent se mord la queue avec les allégements Fillon (1). D’autre part, le métier du transport routier n’est pas assez attractif”.
Patrice Clos (FO) : “Un moins-disant social sur les cars scolaires” “En général, les entreprises attendent la fin des négociations de branche. Pour l’instant, ça n’a pas l’air de bouger. Sur le secteur des voyageurs c’est la catastrophe. Pourtant, nous manquons de conducteurs de cars scolaires. Les sociétés organisatrices baissent les prix et organisent le moins-disant social”.
Guillaume Cadart (CFTC) : “Des négociations en cours chez STEF et FM Logistique” Il y a en effet des négociations dans les filiales de STEF qui ont commencé en février et se terminent fin avril. Chez FM Logistique, ils sont en train de négocier entre 2,8 et 3 % mais les discussions ne sont pas terminées”.
Christian Meyer (CFE-CGC) : “Une cinquantaine d’accords l’année dernière” Certaines petites entreprises de transport de marchandises le font mais cela reste résiduel, surtout si elles n’ont pas de représentants du personnel. Dans les grandes entreprises, les syndicats communiquent les nouvelles grilles à leurs adhérents. Il y a pas mal d’accords allant au-delà des minima de branche, environ une cinquantaine l’année dernière”.
  3. Les enjeux sur les transport pendant les Jeux Olympiques sont-ils discutés avec l’exécutif ?  
Patrick Blaise (CFDT) : “Le ministère refuse l’utilisation des voies réservées, cela va être très compliqué” “Oui, il y a des discussions en cours avec la CPPNI (2) car on a besoin de 1 600 conducteurs pour les JO. Il faut absolument un accord conventionnel dérogatoire pour les faire travailler, et les discussions ne sont pas très bien engagées. Nous discutons aussi avec les ministères des Transports et de l’Intérieur pour le transport de fonds car cela va être une période de fort brassage monétaire. Nous demandons donc l’utilisation des voies réservées. Le ministère a refusé et on peut se poser beaucoup de questions. Vont être impactés la logistique, les livraisons, le sanitaire et tout cela sans accès aux voies réservées. Cela va être très compliqué”.
Fabrice Michaud (CGT) : “La mobilisation des ressources pour les JO va créer des disfonctionnements” “Les JO vont encore accroître les difficultés. On va demander aux conducteurs d’assurer les liaisons urbaines en région parisienne, ils auront moins de congés, et ils devront à la rentrée de septembre reprendre le ramassage scolaire. Nous avons alerté les ministères, ils disent prendre des dispositions particulières pour les scolaires mais nous doutons de leur capacité à répondre en dehors d’une approche visant à dégrader la desserte des réseaux publics. Avec les carences de recrutement, la mobilisation des ressources pour les JO va créer des disfonctionnements”.
Patrice Clos (FO) : “Cela ne va pas concerner que Paris, les chauffeurs en province seront mobilisés” “A la RATP les choses sont en train de s’arranger grâce à une enveloppe supplémentaire. Pour les salariés du privé, chaque groupe négocie en interne. Par ailleurs, le problème des JO est que la croyance répandue que cela ne va concerner que Paris alors que les chauffeurs de l’ensemble des villes vont être mobilisés pour la capitale. On déshabille Pierre pour habiller Paul. Il y aura des problèmes en province car les chauffeurs prennent des congés d’été. Il y aura nécessairement des temps d’attente à rallonge”.
Guillaume Cadart (CFTC) “Les plans ne sont pas trop dévoilés” “Nous participons aux négociations au niveau préfectoral sur les VTC (3) et les taxis mais les plans ne sont pas trop dévoilés, il y a des non-dits et des tâtonnements”.
Christian Meyer (CFE-CGC) : “Les contreparties sont jugées insuffisantes” “Le gouvernement ne nous demande rien si ce n’est de fonctionner. Des discussions importantes sont en cours sur le transport de voyageurs avec la FNTV (4) pour déroger à certaines règles pendant les JO, mais les contreparties sont jugées insuffisantes. Il se pose aussi la question du logement des chauffeurs venus de province à Paris”.
Menace sur le droit de grève dans les transports publics
Mardi 9 avril, le Sénat doit examiner la proposition de loi déposée par le sénateur centriste des Hauts-de-Seine Hervé Marseille. Destiné à “concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève”, l’article unique de ce texte prévoit la possibilité de suspendre l’exercice du droit de grève des personnels et agents concourant directement au fonctionnement et à la gestion des services publics de transports terrestres et aériens réguliers de personnes, pour des périodes continues de 15 jours maximum, dans la limite de 60 jours par an.

Patrick Blaise (CFDT) s’y oppose fermement : “C’est une remise en cause du droit de grève, alors qu’existent déjà les alertes sociales (5). Ce sera très mobilisateur si c’était adopté car c’est un sujet sensible”. Fabrice Michaud (CGT) juge également les contraintes de l’alerte sociale suffisantes et s’inquiète de ce projet : “A chaque fois qu’on encadre le droit de grève, on le remet en cause, même s’il reste protégé dans la Constitution”. Pour Patrice Clos (FO), “c’est un vieux cheval de bataille de la droite, ils tapent tout le temps sur le droit de grève mais ne s’occupent pas des négociations qui échouent. On verra le 9 avril, mais s’ils veulent le feu, il y aura le feu”.
  1. Les “allégements Fillon” désignent la réduction générale des cotisations patronales sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic brut.
  2. Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation
  3. Véhicule de transport avec chauffeur
  4. Fédération Nationale des Transports de Voyageurs (organisation patronale)
  5. Mis en place à la RATP par accord en 1996, ce dispositif prévoit une négociation entre syndicats et direction dans les 5 jours suivant son déclenchement.

Marie-Aude Grimont

Les négociations salariales au point mort dans la logistique

05/04/2024

Les représentants des fédérations syndicales des transports ont tenu, jeudi 4 avril, une nouvelle séance de négociation salariale. Un désaccord avait été acté lors de la séance précédente, les organisations patronales ne proposant que 1,13 % de hausse des salaires, après une première proposition de 0,6 %. Hier, ils ont de nouveau avancé le chiffre de 1,13 %, qui correspond à la hausse automatique du Smic de janvier 2024. Les organisations syndicales ont donc dénoncé une séance pour rien. La reprise des discussions doit avoir lieu le 2 mai prochain.

Source : actuel CSE