Le baromètre des branches de janvier 2022
Quelles ont été en janvier 2022 les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.
Grâce au travail de veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives des Éditions Législatives (Lefebvre Dalloz), société éditrice d’actuEL-CSE.fr, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous thématique consacré aux branches professionnelles. Il n’est pas question pour nous d’être exhaustif sur ce sujet. Mais de vous signaler, au travers des arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche, ainsi qu’au travers d’accords récents, quelques tendances dans l’activité conventionnelle.
Ce baromètre nous paraît d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre.
Baromètre des branches : janvier 2022 | |
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles | 35 accords élargis/étendus, dont 23 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus en janvier 2022. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel. Exemples d’accords ou avenants étendus : – les textes relatifs à une révision de convention collective signés dans les branches suivantes : industries du cartonnage (IDCC 489, voir l’arrêté) ; métallurgie de la Seine-et-Marne (IDCC 911, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la mise en place du contrat de chantier ou d’opération signé dans la branche des industries et services nautiques (IDCC 3236, voir l’arrêté) ; – agrément d’une recommandation patronale relative au versement d’une indemnité mensuelle “Laforcade” (complément de rémunération au bénéfice des soignants) signé dans la branche du secteur sanitaire, social et médico-social (IDCC 29, voir l’arrêté) ; – un texte relatif aux nouvelles conditions de recours au travail à temps partiel dans les entreprises de transport interurbain de voyageurs, signé dans la branche des transports routiers (IDCC 16, voir l’arrêté). |
Accords liés à la crise sanitaire du Coronavirus | Des mesures exceptionnelles ont été prises pour faire face à l’épidémie de Coronavirus, notamment l’activité partielle de longue durée (APLD). Elle permet, sous réserve notamment de la conclusion d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche étendu, de diminuer l’horaire de travail des salariés. Ces derniers perçoivent une indemnité plafonnée à 4,5 SMIC et fixée en pourcentage de leur rémunération brute. Un accord APLD a été signé dans la branche de l’industrie des tuiles et briques : accord du 30 novembre 2021 qui prévoit son entrée en vigueur (une fois étendu) dès le lendemain de son dépôt et jusqu’au 30 juin 2025. Les engagements de l’employeur en matière d’emploi doivent au minimum porter sur l’absence de licenciement économique des salariés en APLD pour une durée au moins égale à la durée d’application du dispositif dans l’entreprise ou l’établissement majorée de 3 mois. Les périodes de recours à l’APLD sont sans effet sur le montant et les modalités d’attribution de la prime de vacances et ne donnent pas lieu à abattement pour le calcul de la prime de fin d’année. |
Télétravail | Branche des assurances : accord du 9 novembre 2021, applicable pour une durée de 3 ans à compter du 3 décembre 2021. Les partenaires sociaux encadrent le télétravail pour les salariés relevant des 4 conventions collectives des assurances suivantes : sociétés ; inspection ; salariés commerciaux des sociétés ; cadres de direction des sociétés. L’activité en télétravail doit débuter par une période d’adaptation de 3 mois. Les partenaires sociaux recommandent aux entreprises de ne pas recourir au télétravail, sauf circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure, à 100 % du temps de travail. |
Durée du travail | Branche des réseaux de voyageurs dans les transports publics urbains : avenant n° 1 du 17 décembre 2021 applicable à compter du 1er janvier 2022. Les partenaires sociaux révisent les dispositifs « toutes catégories » et « travailleurs de nuit » en matière de temps partiel de fin de carrière. Branche des transports routiers (transport sanitaire de La Réunion) : accord du 25 novembre 2021 applicable à compter du1er janvier 2022. Les partenaires sociaux fixent les conditions d’indemnisation des jours fériés chômés et des jours fériés travaillés dans les entreprises de transport sanitaire de La Réunion ; accord du 25 novembre 2021 applicable à compter du 1er janvier 2022. Les partenaires sociaux révisent le régime du temps de travail applicable aux personnels ambulanciers du département de La Réunion (planification, amplitude, heures supplémentaires, travail de nuit…). |
Parentalité et congés exceptionnels | Branche des télécommunications : accord du 9 novembre 2021 applicable à compter de sa date d’extension. Les partenaires sociaux améliorent les congés exceptionnels en cas de maladie d’un enfant et les conditions d’indemnisation du congé de maternité et du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Ils fixent aussi les règles applicables au congé de proche aidant. |
Prévoyance et frais de santé | Branche des industries et services nautiques : accord du 21 décembre 2021 applicable à compter du 10 janvier 2022. Sans recommander d’organisme assureur, les partenaires sociaux instaurent un régime de prévoyance obligatoire pour les salariés non-cadres. Branche du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles : accord du 19 octobre 2021 applicable à compter du 1er janvier 2022. Les partenaires sociaux réécrivent l’intégralité du régime de frais de santé. Branche des offices publics de l’habitat (sociétés coopératives d’HLM) : accord du 28 octobre 2021 applicable à compter du 1er janvier 2022, les partenaires sociaux révisent le régime de prévoyance. L’accord annule et remplace le précédent régime non étendu et met en place un régime de frais de santé obligatoire. |
Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) | Branche de l’enseignement privé non lucratif : accord n° 2021-2 du 3 septembre 2021 applicable à compter du 3 septembre 2021. Les partenaires sociaux fixent les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat prévue par l’accord n° 2021-1 du 18 mars 2021. |
Indemnité mensuelle “Laforcade” | Branche du secteur sanitaire, social et médico-social : en l’absence d’accord, la Confédération des employeurs du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif (AXESS) met en place, par recommandation patronale du 21 décembre 2021 applicable à ses seuls adhérents, un complément de rémunération sous la forme d’une indemnité mensuelle dite « Laforcade » (238 € bruts par mois à compter du 1er novembre 2021 pour un salarié à temps plein) au bénéfice des personnels soignants (structures pour personnes handicapées, services de soins à domicile, résidences autonomie, etc.). |
Revalorisation “Ségur 2” | Branche de l’hospitalisation privée à but lucratif (secteur médico-social des établissements accueillant des personnes âgées) : avenant du 6 décembre 2021 applicable à compter du 1er janvier 2022 pour les entreprises adhérentes du SYNERPA et au 1er jour du mois suivant l’extension pour les autres. Les partenaires sociaux prévoient, dans le cadre de la deuxième étape des accords du Ségur de la santé, une revalorisation salariale (dite « revalorisation Ségur 2 ») au bénéfice des professionnels paramédicaux, médico-techniques et de rééducation. |
Marie-Aude Grimont avec l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives
“C’est un travail titanesque, sans doute le chantier d’une vie”
Le 7 janvier dernier, l’UIMM et trois organisations syndicales de la branche (CFDT, CFE-CGC, FO) ont signé la nouvelle convention collective nationale unique. Grille de classification des emplois et des minima sociaux, temps de travail, protection sociale, emploi, compétences… Le point avec Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM.
Quelle est la genèse du projet ?
La réflexion s’est engagée dès 2014 à l’Union des industries et métiers de la métallurgie. Deux années de travaux préparatoires ont été nécessaires avant de lancer les négociations avec les organisations syndicales. Notre premier objectif était de donner un nouvel élan à la métallurgie pour lui permettre de faire face aux enjeux de l’industrie du 21e siècle, notamment d’accompagner la compétitivité et de développer l’attractivité.
Les années post-crise de 2008 ont fait apparaître de nouveaux enjeux liés à l’arrivée du digital dans les usines, à la transformation des organisations mais aussi aux attentes des chefs d’entreprise comme des salariés. Or, la plupart de nos conventions collectives qui encadraient jusqu’ici les relations sociales des 42 000 entreprises et des 1,6 millions de salariés du secteur étaient devenues obsolètes, décalées voire n’étaient plus conformes au droit positif. La plupart remontait aux années 70 et parfois même aux années 50/60. Une refonte était devenue nécessaire.
Quelle a été votre méthode ?
Nous avons réussi à réécrire les 7 000 pages des différents documents en 231 pages
Nous avons rencontré les organisations syndicales, en 2015 puis nous avons négocié un accord de méthode en juin 2016 pour fixer le cadre des discussions qui ont réellement démarré en septembre 2016.
A l’époque, nous pensions conclure trois ans plus tard. Mais la crise du Covid est passée par là. Nous avons suspendu les discussions pendant toute l’année 2020 pour nous concentrer sur plusieurs initiatives communes destinées à faire face à la crise sanitaire. Nous avons ensuite repris nos travaux en janvier 2021. Nous voulions surtout nous doter d’un cadre social qui se voulait entièrement renouvelé. On était tous d’accord pour partir d’une feuille blanche. Avec l’objectif commun de parvenir à un projet social plus équitable, plus transparent, mais aussi plus lisible.
L’exercice, d’une rare complexité, a été mené à un rythme soutenu, à raison d’une réunion plénière tous les 15 jours, pendant cinq ans.
Nous sommes finalement parvenus à transformer les 78 conventions (76 territoriales, une pour les ingénieurs et cadres, une pour la sidérurgie) qui existaient alors en un seul et unique texte, c’est-à-dire à réécrire les 7 000 pages des différents documents en 231 pages. C’est un travail titanesque, sans doute le chantier d’une vie car entre la préparation, la négociation et le déploiement, cette convention, signée le 7 février, va tous nous occuper 10 ans !
Qui était à la manœuvre ?
Côté syndical, nous avons commencé avec cinq syndicats mais terminé à quatre
Du côté de l’UIMM, le projet a été piloté par quatre présidents et deux délégués généraux, Jean François Pilliard et moi-même, arrivé au printemps 2016. Les deux tiers des membres qui composent aujourd’hui le Conseil de l’UIMM n’étaient pas là quand nous avons commencé les négociations.
Côté syndical, nous avons commencé avec cinq syndicats mais terminé à quatre : en 2017, la CFTC a perdu sa représentativité au niveau de la branche, à l’issue des élections professionnelles. Puis les leaders syndicaux CGT et CFDT ont changé. Seules la FO et la CFE-CGC ont gardé les mêmes chefs de file.
Quels ont été les points d’achoppement ?
Quatre critères sur six sont totalement nouveaux, comme celui sur les connaissances
L’une des principales difficultés a concerné la refonte complète de la classification des emplois de la branche, c’est-à-dire le squelette de la nouvelle convention. Nous avons négocié sur ce sujet pendant 17 mois. Comme tous les systèmes de classification en vigueur dans le monde et, contrairement à ce que souhaitait la CGT, notre système ne repose sur l’évaluation des compétences et des qualités d’un salarié mais classe l’emploi réellement tenu par ce dernier, à travers 18 classes d’emploi et six critères classants : complexité de l’activité, connaissances, autonomie, contribution, encadrement-coopération et communication. Quatre critères sur six sont totalement nouveaux, comme celui sur les connaissances qui prend en compte les formations initiales, continues mais aussi l’expérience professionnelle.
D’autres sujets ont également constitué des points de difficultés. C’est le cas du temps de travail et notamment du quota et du montant des heures supplémentaires qui sont désormais directement mis à disposition des entreprises, conformément aux ordonnances travail de 2017. Ou encore du contrat de travail. Il a fallu harmoniser les dispositions figurant dans les différentes conventions (traitement de la maladie, durée du préavis, jours de congé pour enfant malade…), en trouvant sur chaque thème un point d’équilibre. Ce qui n’est pas une mince affaire !
Les autres principaux sujets concernent la protection sociale, la rémunération et le dialogue social.
En matière de protection sociale, nous avons créé de toute pièce un régime de branche commun à l’ensemble des 42 000 entreprises. La mise au point de ce dossier a nécessité pratiquement trois ans de travail et de négociation avant de converger vers des solutions qui conviennent à l’UIMM et à la majorité des organisations syndicales.
Les entreprises vont devoir maintenant s’approprier ce texte notamment la nouvelle grille au 1er janvier 2024. Vont-elles jouer le jeu ?
Nous avons lancé un réseau de 80 correspondants pour aider les entreprises à mettre en place les nouvelles classifications
Depuis le début de la négociation, nous réunissons tous les mois un groupe de 20 à 25 DRH de grandes entreprises pour suivre cet immense chantier. Nous avons également testé tout au long de la négociation notre système de classification, à partir d’un échantillon de 150 cas d’entreprises de toute taille, de tout secteur et de toute région. Et nous avons lancé il y a trois ans au sein des chambres territoriales de la métallurgie un réseau de 80 correspondants chargés de les aider à mettre en place les nouvelles classifications. De très nombreux déplacements ont été programmés en territoire pour aller à la rencontre des PME.
Un certain nombre de grands groupes ont d’ores et déjà négocié des accords de méthode et créé des équipes projets en charge du déploiement de la nouvelle convention collective.
En parallèle, les chambres territoriales de la métallurgie et les organisations syndicales locales sont chargées de négocier leur propre accord autonome ?
La nouvelle convention collective n’ayant pas pu traiter toutes les spécificités locales, les territoires ont, en effet, jusqu’au 30 juin 2022 pour négocier sur les différences significatives et signer des accords autonomes. Ils ont également pour mission d’engager une discussion pour opérer une révision-extinction de leur convention collective territoriale afin que la nouvelle convention collective nationale puisse s’appliquer.
Quelle pourrait être la date d’application de cette nouvelle convention ?
Il est convenu que nous ferons la demande officielle d’extension de notre convention collective nationale à la Direction générale du travail dans les prochains mois. En juin, nous ferons avec les organisations syndicales le bilan des négociations territoriales. Le volet protection sociale sera mis en œuvre le 1er janvier 2023 ; les autres dispositions le 1er janvier 2024.
Anne Bariet
Fiches pratiques, questions-réponses : les syndicats expliquent la nouvelle convention collective de la métallurgie
Signée depuis dix jours (lire notre brève sur les signataires et celle sur la CGT), la nouvelle convention collective de la métallurgie est désormais décryptée. La FGMM-CFDT propose sur son site une foire aux questions, une vidéo de la signature du texte ou un tract “vrai/faux sur les principaux points du document. FO métaux fait aussi œuvre de pédagogie avec des fiches pratiques par thèmes comme l’indemnité d’astreinte, le forfait jour ou les heures supplémentaires. Côté CFE-CGC, on trouve également le texte de la convention, un tract et un replay de la conférence de presse du 7 février.
actuEL CE