Selon l’Unedic, le désendettement de l’assurance chômage est freiné par les prélèvements de l’État
12/06/2024
L’organisme gestionnaire de l’assurance chômage, l’Unedic, a rendu public hier ses prévisions sur l’emploi et ses conséquences financières pour 2024-2027, basées sur une estimation de croissance modérée (+0,8% en 2024, +1,2% en 2025, +1,4% en 2027).
► Concernant l’emploi, l’Unedic s’attend à 100 000 créations nettes d’emploi en 2024 (après +93 000 en 2023), et à une hausse plus soutenue ensuite (+112 000 en 2025, +180 000 en 2026, +182 000 en 2027). Le nombre de personnes aau chômage indemnisées passerait de 2,6 millions fin 2024 à 2,3 millions fin 2027, du fait de la réforme entrée en vigueur en février 2024. Les dépenses du régime baisseraient de 44,8 milliards en 2024 à 40,2 Md€ en 2027.
► Concernant ses prévisions financières, l’organisme paritaire constate que la dynamique de désendettement du régime devrait être “freinée par les prélèvements de l’Etat”. L’Unedic pointe la non-compensation partielle des exonérations de cotisations (soit 12 milliards d’euros sur la période 2023-2026), “qui diminue fortement les recettes du régime et par conséquent sa capacité à se désendetter”.
En 2024, bien que positif (+ 900 millions d’euros en 2024 au lieu de 3,6 Md€ sans les prélèvements de l’Etat), le solde financier de l’assurance chômage ne devrait donc pas suffire, selon l’Unedic, pour rembourser les échéances dues, ce qui obligera le régime “à réemprunter sur les marchés financiers dans un contexte de taux élevés, comme en 2023”. Pour les années suivantes, le solde positif serait plus important (3 Md€ en 2025, 5,5 Md€ en 2026 et 11,7 Md€ en 2027) “sous l’effet de la baisse des dépenses d’indemnisation” imposée par l’Etat.
Source : actuel CSE
Assurance chômage : économistes et sociologues se joignent aux syndicats pour dénoncer la réforme
12/06/2024
Alors que le gouvernement a annoncé hier que la réforme de l’assurance chômage serait bien publiée par décret, les cinq syndicats représentatifs ont convié au Conseil économique social et environnemental (CESE) économistes et sociologues spécialistes du chômage. Les représentants de la CFDT, de la CGT, de Force Ouvrière, de la CFE-CGC et de la CFTC ont rappelé leur opposition unanime contre une réforme qu’ils qualifient d’économique, de brutale et d’injuste. A leurs côtés :
- Michaël Zemmour, dont les analyses avaient mis le gouvernement en difficulté pendant la réforme des retraites notamment sur le minimum contributif, économiste et enseignant-chercheur à l’université Lyon 2 ;
- Claire Vives, docteure en sociologie et ingénieure de recherche au Centre d’études de l’emploi et du travail ;
- Bruno Coquet, économiste associé à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) ;
- Dominique Lhuillier, professeure émérite en psychologie du travail, membre du Centre de recherche sur le travail et le développement.
Les chercheurs ont partagé leurs travaux et pointé l’absence d’études sérieuses sur les précédentes réformes et leurs effets cumulatifs, mais aussi les effets pervers des “incitations” du gouvernement envers les demandeurs d’emploi, à savoir pousser ces derniers à accepter des emplois de mauvaise qualité ou ne correspondant ni à leurs aspirations ni à leurs compétences. Nous y reviendrons plus en détail dans une prochaine édition.
Source : actuel CSE
J. Bardella (RN) ne juge plus urgent d’abroger la réforme des retraites
13/06/2024
Lors d’une interview mardi 11 juin à la radio RTL, Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national aux européennes et potentiel Premier ministre en cas de victoire de l’extrême droite aux législatives des 30 juin et 7 juillet, a été interrogé sur la position du RN à l’égard de la réforme des retraites de 2023. Alors que le RN s’était positionné contre le relèvement à 64 ans de l’âge de départ, Jordan Bardella n’a pas parlé d’abrogation de la réforme des retraites, sa réponse étant prudente, son propos semblant indiquer que cette question serait examinée dans un second temps, après les priorités données à la sécurité, à l’immigration et à la baisse du coût de l’énergie : “Nous allons hériter d’une situation économique très compliquée, notre pays pulvérisant, sous Emmanuel Macron, les déficits commerciaux, les déficits publics et de dette. Par conséquent, nous serons, dans le cadre d’une cohabitation, amenés à faire des choix. Je souhaite que tous ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans puissent voir le dispositif de carrières longues renforcé et puissent partir avec 40 annuités”.
Source : actuel CSE
Retraites : le COR anticipe toujours des déficits jusqu’en 2070
14/06/2024
Désormais dirigé par Gilbert Cette, le Conseil d’orientation des retraites (COR) a présenté jeudi 13 juin son rapport annuel à la presse. Bilan : des déficits annoncés jusqu’en 2070 notamment en raison des revalorisations des retraites de base et des complémentaires.
Le résultat semble surprenant puisque la justification de la réforme de retraites de 2023 consistait dans un redressement des comptes. Pourtant, malgré le changement de présentation des données imposé par Gilbert Cette (que les organisation syndicales, FO en tête, avaient dénoncé), les déficits continuent de persiller le rapport du COR 2024. Explications.
Les hypothèses retenues : 5 % de chômage
Le Conseil a retenu les hypothèses démographiques centrales de l’Insee à savoir :
- une fécondité de 1,8 enfant par femme,
- une poursuite des gains d’espérance de vie à 65 ans tant pour les hommes que pour les femmes,
- un solde migratoire économique de 70 000 personnes par an.
Les hypothèses économiques sont plus étonnantes puisque le COR retient un taux de chômage à 5 % en 2030. Ce critère répond au scénario imposé par le gouvernement qui souhaite pousser son slogan de “plein emploi” afin de justifier des réformes. Rappelons que le taux de chômage s’établit au premier semestre 2024 à 7,5 %. A noter que les autres hypothèses de chômage à 7 % et à 10 % figurent aussi dans le rapport mais plus dans les documents de synthèse ni dans la présentation réalisée par Gilbert Cette lui-même à la presse. Il faut donc rechercher dans le rapport ces hypothèses :
Par ailleurs, le COR utilise un taux unique de productivité horaire de 1 % à compter de 2040.
Jusqu’à l’année dernière, le COR présentait quatre scénarios de productivité, selon des fourchettes entre + 0,4 % et + 1,3 %, contre + 0,7 % à + 1,6 %. Comme en matière de chômage, celles-ci ne sont désormais plus mises en avant dans la synthèse et les documents de présentation du COR.
Il faut rechercher plus loin dans le rapport, pages 102 et 103 :
La critique de Force Ouvrière consistait justement à dire que l’abaissement des fourchettes de productivité aboutissait “à afficher un système durablement déficitaire”. Or, comme dans le rapport 2023, le système des retraites reste chroniquement déficitaire.
Les revalorisations responsables des déficits
Selon le rapport, le solde des retraites atteindrait – 0,4 % du PIB dès 2024 et – 0,8 % en 2070, contre – 0,2 % dans le rapport 2023. Le système des retraités présentait l’année dernière un solde excédentaire de +3,8 milliards d’euros, soit 0,1 % du PIB. Le document précise que “le solde du système de retraite se dégraderait dès 2024 (-5,8 Mds€), sous l’effet des revalorisations des pensions, notamment celle du 1er novembre 2023 à l’Agirc-Arrco (4,9 %) et celle du 1er janvier 2024 pour les régimes de base (+5,3 %). Cette dégradation se poursuivrait sur l’ensemble de la période de projection pour atteindre -0,4 % du PIB en 2030 et -0,8 % du PIB en 2070”. Rappelons que ces revalorisations sont liées à l’indexation des pensions sur l’inflation.
Des chiffres à rapprocher de l’équilibre entre les dépenses et les recettes, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Selon le rapport, “même si les dépenses reculent (13,4 % du PIB en 2023, 13,2 % en 2070), les ressources diminuent plus encore (13,6 % du PIB en 2023, 12,4 % en 2070)”.
Le COR ne se prive pas de présenter les dépenses vieillesse comme “élevées en France” en fournissant plusieurs comparaisons avec les pays européens, alors que l’on sait leur efficacité limitée puisque le graphique ne présente pas les différences de fond entre les régimes et se contente des chiffres globaux.
Les effets douteux de la réforme de 2023
En 2023, la réforme a repoussé de deux ans l’âge légal de départ (de 62 à 64 ans) et allongé la durée de cotisation. L’argument gouvernemental consistait à demander “un effort” aux Français afin de “sauver le régime par répartition”. On se souvient d’ailleurs de l’irritation de la Première ministre Elisabeth Borne lorsque l’ancien président du COR, Pierre-Louis Bras, avait indiqué que “les dépenses de retraite n’explosent pas, elles sont relativement maîtrisées”.
Nous avons donc demandé à Gilbert Cette de nous éclairer sur les effets budgétaires de la réforme : a-t-elle amélioré les comptes des retraites ou pas ? Sa réponse : “Il est très difficile de le déterminer car la réforme ne contenait pas que le report de l’âge légal mais aussi diverses dispositifs comme le minimum contributif, les carrières longues etc. Au départ, on observe une baisse de dépenses, donc au début, cela rapporte mais pas après. Dans un premier temps, la pension diminue, puis les gens acquièrent de plus en plus de droits et on voit les effets des mesures de solidarité. L’effet est également progressif en dehors du champ des retraites puisque l’offre de travail augmente, cela fait plus de PIB et de TVA. Là, l’effet massif est considérable”.
Le graphique présenté sur les effets de la réforme de 2023 montre en effet une baisse des dépenses en 2030 puis un accroissement à l’horizon 2050 et 2070 :
La synthèse du rapport tente de se défendre de cette tendance : “Le principal effet de cette réforme sur les finances publiques vient in fine de la hausse des recettes publiques qui découle du taux d’emploi et de l’activité qui en résulte”. Ainsi, pour le COR, au global, la hausse de l’activité des salariés générerait des effets positifs sur l’ensemble des dépenses publiques.
Sur les retraites à proprement parler, il reste un effet de bouclage macro-économique selon lequel, dans un premier temps, la réforme améliore le niveau des dépenses puisque les salariés travaillant deux ans de plus, ils rapportent deux ans de cotisations au régime. Mais à terme, la hausse du montant des pensions générée par ces deux ans de travail supplémentaires grève les comptes. Et il faut tout recommencer…
L’Unsa veut lever le tabou des recettes |
À l’heure où nous rédigeons cet article, seule l’Unsa a réagi publiquement par communiqué de presse au rapport du COR. Selon l’Union, “[Le rapport] démontre (…) que la réforme de 2023 n’aura quasiment aucun effet sur le solde des retraites. Ainsi, le déficit se creusera de nouveau, dès 2030, pour retrouver son niveau d’avant la réforme. Ce rapport démontre, une fois de plus, qu’il faut agir prioritairement sur les recettes. Pour preuve, à horizon 2070, l’écart entre les dépenses et les recettes va s’accroitre et le volume des recettes diminuera, au minimum de 1,2 point de PIB”. Le syndicat défend donc une amélioration du pouvoir d’achat des salariés, une hausse des cotisations patronales, une refonte des exonérations de cotisation des employeurs, des hausses de salaires au détriment des primes et “une ambitieuse politique d’emploi des seniors”. |
► Rapport, synthèse et présentation sont en ligne sur le site du COR.
Marie-Aude Grimont
Gabriel Attal confirme la publication du décret sur l’assurance chômage
14/06/2024
Interrogé sur la station France Inter jeudi 13 juin au matin, le Premier ministre Gabriel Attal a confirmé la publication du décret réformant l’assurance chômage : “Nous voulons atteindre le plein emploi (…) et ça passe par un meilleur accompagnement des chômeurs vers l’emploi. Dans ce contexte, il y a une réforme qui a été travaillée, on a demandé aux partenaires sociaux de négocier un accord (…), ils ont pris 8 mois, ils n’ont pas trouvé d’accord donc c’est le gouvernement qui doit prendre la main. On a donc présenté une réforme, un décret sera pris d’ici le 1er juillet, qui reste dans les paramètres de celle de 2019”.
Rien n’aura donc convaincu l’exécutif de renoncer à son projet, même l’argumentation scientifique des chercheurs universitaires contre les dangers sociaux de tels changements.
Si d’un point de vue juridique, le gouvernement a le droit de poursuivre l’exercice de son pouvoir réglementaire, sur le plan politique, cette décision paraît plus discutable, une certaine pratique républicaine limitant l’action d’un gouvernement, après une dissolution, à l’expédition des affaires courantes. L’exécutif aurait pu choisir de prendre un décret prorogeant les règles actuelles plutôt qu’un texte qui prévoit de nouvelles conditions au 1er décembre.
Source : actuel CSE