Retraites : des divisions patronales et syndicales sur la capitalisation

25/04/2025

La séance de concertation de jeudi 24 avril a été consacrée à la fin des discussions sur le financement de la protection sociale et surtout à l’ajout d’une part de capitalisation au système actuel. Si syndicats et patronat étaient d’accord pour discuter du sujet jugé « non tabou », ils s’opposent sur les modalités.

Au Medef, Diane Milleron-Deperrois refuse toujours une hausse des coûts du travail, que ce soit via les cotisations employeurs ou salariés. Elle envisage en revanche un « étage de capitalisation » au-dessus du régime de base (Caisse nationale d’assurance vieillesse Cnav) et du régime complémentaire assuré par l’Agirc-Arrco. Son objectif est d’améliorer les taux de remplacement, c’est-à-dire la proportion dans laquelle la pension de retraite vient remplacer le salaire. Si la pension est plus faible que l’ancien salaire, le taux de remplacement est limité et jugé insatisfaisant.

Son second objectif est de rassurer les jeunes générations inquiètes sur l’avenir de leurs retraites. De plus, et c’est là un point commun avec la CPME, LA CFDT et la CFE-CGC, la capitalisation permettrait de financer l’économie française, la réindustrialisation et la souveraineté européenne. Elle juge en revanche particulièrement délicate la phase d’amorçage, c’est-à-dire la période où la capitalisation va s’ajouter aux autres sources de financement.

Du fait de son opposition à toute nouvelle hausse du « coût du travail », le Medef n’est pas aligné avec la CPME qui propose de son côté que les salariés travaillent une heure de plus par semaine, sur le même modèle que la journée de solidarité consacrée au financement de la branche autonomie. Cette heure financerait directement un fonds de capitalisation et Éric Chevée se dit favorable à ce que les employeurs paient sur cette heure leur part de cotisation patronale. L’écueil serait en revanche de faire avaler que la durée du travail passerait de ce fait de 35 heures à 36 heures. Selon Éric Chevée, cela rapporterait 2,9 % de masse salariale et augmenterait le pouvoir d’achat des salariés de 2,5 %. Ce système poserait de plus une difficulté pour les salariés en forfait jour qui sont souvent cadres. Le vice-président de la CPME a bien indiqué que ce système de capitalisation ne viendrait pas en remplacement sur système par répartition, ce qui constitue une ligne rouge pour la CFDT et la CFE-CGC. Il concède cependant que l’Agirc-Arrco pourrait très bien gérer ce système seule. La question de la gouvernance sera d’ailleurs abordée lors des prochaines séances, sachant que les partenaires sociaux aimeraient aussi diriger seuls le régime de base.

Les projets de la CPME rencontrent cependant l’opposition de la CFE-CGC. Christelle Thieffine refuse l’idée d’un système de capitalisation obligatoire car il pénaliserait les salariés disposant de peu d’épargne et qui peuvent choisir de l’investir par exemple dans un projet immobilier ou dans un plan géré par leur entreprise (PEE, PER, PERECO ou autre) . La négociatrice souligne que le taux de remplacement des cadres est déjà inférieur à celui des non-cadres (53 % au lieu de 76). Elle ajoute que la capitalisation ne va pas régler la question du financement du régime par répartition qui doit être résolue au niveau de la Cnav. Elle s’oppose à l’idée d’une heure de travail en plus qui signifierait pour les cadres 7 jours de travail en plus sur l’année et pointe que si le patronat ne participe pas à l’effort, les fonds issus de la capitalisation seraient légitimement gérés par les organisations syndicales sans le patronat.

Seul consensus : ouvrir davantage la possibilité pour les salariés des TPE-PME de disposer d’une épargne retraite. Yvan Ricordeau (CFDT) y est lui aussi favorable. Il a également insisté sur la nécessité que la capitalisation ne remplace pas le système par répartition mais ne vienne que comme un complément. Sur l’heure de travail en plus proposé par la CPME, il souhaite comme la CFE-CGC une participation patronale : « Si ce sont les seuls salariés qui épargnent sur leur investissement, nous n’avons pas besoin du patronat pour organiser un système paritaire », a-t-il indiqué en rejoignant donc la proposition d’un fonds piloté par les seuls syndicats avancée par Christelle Thieffine. Il souhaite enfin que l’épargne retraite par capitalisation puisse bénéficier à tous les salariés y compris dans les petites entreprises, ce que la loi sur le partage de la valeur portait mais sans grand succès. Selon Christelle Thieffine, très peu de branches négocient en ce moment sur un tel dispositif (la métallurgie en ferait partie).

Enfin, les organisations patronales et syndicales qui composent aujourd’hui la « délégation paritaire permanente » se disent d’accord pour entamer la négociation d’un accord national interprofessionnel consacré à la capitalisation à l’issue de ces concertations.

Le sujet sera de nouveau abordé en fin de négociation, notamment lors des séances consacrées au pilotage, ainsi que les 22 et 28 mai. Les négociateurs reconnaissent cependant que les séances pourraient se poursuivre « jusqu’à l’été ».

Source : actuel CSE