Retraites : le Medef pose ses conditions pour de nouvelles discussions, les syndicats demandent à F. Bayrou de trancher

30/06/2025

Les réactions des partenaires sociaux qui ont échoué à se mettre d’accord sur une réforme de la réforme des retraites n’ont pas tardé après les annonces du Premier ministre. 

► Le Medef, “tout en prenant acte du diagnostic dressé par le Premier ministre”, dit vouloir poursuivre “ses pourparlers dans un esprit constructif” mais il pose ses conditions : prendre en compte dans ces nouvelles discussions l’objectif de “redressement du taux d’emploi, de la croissance, du pouvoir d’achat et de notre compétitivité”, “au-delà du seul et indispensable objectif d’équilibre de nos régimes de retraites et globalement des finances publiques”. 

Si cette équation économique est partagée par tous les partenaires sociaux en amont de nouvelles discussions, explique l’organisation patronale, alors le Medef s’y engagera, “dans un format de préférence plus autonome”.

► La CFDT, CFTC et la CFE-CGC ont publié un communiqué commun à l’opposé. 

Les syndicats se félicitent des avancées évoquées jeudi 26 juin par le Premier ministre : “L’amélioration des pensions des femmes et la prise en compte de deux trimestres supplémentaires par enfant pour accéder plus facilement au système des carrières longues, la diminution de l’âge de la décote sont à mettre au bénéfice de ces quatre mois d’échanges”. 

Pour autant, nuancent-ils, les deux points de blocage mentionnés par François Bayrou sur l’utilisation du compte pénibilité ne sont pas mineurs : “La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, fermement opposées au décalage de l’âge de la retraite à 64 ans, ont bataillé pour réparer les injustices de la réforme de 2023 envers les travailleurs et les travailleuses qui exercent des métiers pénibles. En exigeant la réintégration des critères ergonomiques dans le Compte professionnel de prévention (C2P) ouvrant la possibilité à des départs anticipés, elles sont restées fidèles à leurs engagements. Dans un souci de responsabilité, les trois organisations syndicales ont porté leurs revendications dans le cadre défini d’un équilibre budgétaire du régime pour 2030. Cette contrainte était connue dès le départ. La CFDT, la CFTC, la CFE-CGC l’ont acceptée. La CFDT, la CFTC, la CFE-CGC l’ont respectée. Mais pour acter un compromis, il faut que tous les acteurs réunis autour de la table jouent le jeu avec franchise et loyauté. Lors de la dernière séance de négociation, l’animateur de la Délégation paritaire permanente, Jean-Jacques Marette, a proposé un texte équilibré. Ce texte a été repoussé d’un revers de main par le patronat, sans discussion. Conforme à son mantra — ni contrainte pour les employeurs ni contribution des entreprises — le patronat est resté arc-bouté. Il porte lourdement la responsabilité d’un échec de la négociation. Pour la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC il n’existe qu’une voie de passage : celle de la justice sociale et du partage des efforts financiers”.

Autrement dit, les trois syndicats refusent de reprendre de nouvelles négociations et demandent à Matignon de trancher dans leur sens. 

Interrogé sur ces positions, vendredi 27 juin, François Bayrou a répondu, selon des propos rapportés par le Parisien : “On tranchera”. Et le Premier ministre d’expliquer qu’il y aura un texte dans le projet de budget 2026 de la Sécurité sociale, “qu’il y ait eu un accord préalable ou qu’il y ait eu seulement les travaux préparatoires à un accord (..) Au bout du chemin, le gouvernement prendra ses responsabilités et le Parlement aussi”.

Source : actuel CSE

Retraites : “On va continuer à discuter pendant une dizaine de jours sur le dernier kilomètre”

30/06/2025

Interrogée vendredi 27 juin au micro de RTL, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, est revenue sur les déclarations de François Bayrou lors de sa conférence de presse du 26 juin à Matignon. 

Interrogée sur la reprise de négociations, la ministre du travail a précisé qu'”on allait continuer à discuter pendant une dizaine de jours sur le dernier kilomètre”, la ministre ne se satisfaisant pas que les négociations aient achoppé sur la pénibilité. “Il y aura un texte lors du prochain PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Il faut voir comment on transpose dans la loi les points d’accord entre les partenaires sociaux”. 

S’agissant du financement du régime des retraites, Astrid Panosyan-Bouvet a assuré : “On sera à l’équilibre ; c’est une condition sine qua non. Il y aura des efforts partagés entre l’entreprise, les salariés et les retraités”. Elle a confirmé que les pistes de travail seront présentées à partir du 14 juillet. “Tout le monde doit participer à l’effort de redressement des comptes publics”.

“Le compte n’y est pas mais il y a des progrès considérables”, a insisté la ministre du travail citant notamment la décote à 66,5 ans contre 67 actuellement, les retraites des femmes et la réintégration des trois critères ergonomiques dans le C2P en matière de prévention. “Comment ces critères ergonomiques peuvent-ils être pris en compte pour partir plus tôt”, s’interroge-t-elle, citant les deux conceptions qui s’opposent : une approche individuelle et médicalisée (patronat) et une approche collective (syndicats) “et c’est là qu’il va falloir travailler”.

Interrogée sur l’âge de départ et son éventuelle évolution au-delà même de 64 ans, Astrid Panosyan-Bouvet a indiqué qu’il fallait “des ajustements”. “Qu’on arrête avec cette représentation collective de LA réforme des retraites. Des ajustements  permanents tenant compte de la démographie, du taux d’emploi, du taux de chômage, de la productivité [sont nécessaires]. C’est le sens naturel des choses”, estime-t-elle.

S’agissant de la gouvernance du régime des retraites, la ministre a souligné que “la gouvernance confiée aux partenaires sociaux comme pour l’Agirc-Arrco” permet  de prendre “des décisions difficiles de manière dépassionnée car il y a des ajustements permanents”.

Source : actuel CSE

La ministre du Travail annonce une conférence sociale à la rentrée

01/07/2025

Interviewée dans La Tribune du Dimanche, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a annoncé la tenue d’une conférence sociale à l’automne 2025 : “En octobre prochain, la Sécurité sociale fêtera ses 80 ans. Ce cap nous invite à un débat national lucide, sérieux, apaisé. C’est dans cet esprit qu’avec Catherine Vautrin, nous préparons actuellement une grande conférence sociale, rassemblant responsables politiques, économistes et partenaires sociaux”. Le gouvernement pourrait donc en profiter pour essayer d’avancer sur l’un de ses chantiers : l’utilisation de la TVA sociale pour financer une partie de la protection sociale.

Pour mémoire, la dernière conférence sociale a eu lieu sous le gouvernement d’Élisabeth Borne, le 16 octobre 2023. 

Source : actuel CSE

Gabriel Attal propose de supprimer la part salariale des cotisations vieillesse

02/07/2025

Dans une interview accordée aux Echos, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal présente sa propre vision d’une réforme des retraites. Tout en disant soutenir l’action de François Bayrou, le responsable de Renaissance (issu du mouvement En marche d’Emmanuel Macron), prône à terme de supprimer la référence à un âge légal de départ, afin de ne garder que le seul critère de durée de cotisation, “en continuant à travailler plus longtemps”.

Sa réforme comprendrait une part de capitalisation, une éventuelle désindexation des pensions, mais aussi la suppression de la part salariale des cotisations vieillesse, ce qui engendrerait, assure-t-il, “un choc de 40 milliards d’euros de hausse de salaire”. 

Ce changement fait penser à celui ayant consisté à supprimer la part salariale des cotisations chômage, l’Etat n’ayant cessé, depuis cette réforme, d’imposer une révision à la baisse des critères d’indemnisation des chômeurs. 

Source : actuel CSE

Financement de la Sécurité sociale : trois Hauts Conseils prônent une vision à long terme

04/07/2025

Jeudi 3 juillet, trois Hauts Conseils ont rendu un rapport commun “pour un redressement durable de la Sécurité sociale”. Ils y proposent la fin d’un certain nombre de mauvaises habitudes de pilotage court-termiste mais aussi la combinaison de leviers sur les dépenses et les recettes.

Passons rapidement sur le constat, déjà connu de longue date et permettant aussi de justifier de coupes budgétaires dans les dépenses de Sécurité sociale : cette dernière se trouve endettée à hauteur de 15 milliards d’euros en 2024, et de 25 milliards d’euros en 2029. Alors que le gouvernement pousse son chantier de TVA sociale (à laquelle les syndicats se sont opposés) et prépare une conférence sociale à l’automne, ce rapport tombe à point nommé.

Il met d’emblée les pieds dans le plat et avance dès son état des lieux une évidence : les causes structurelles des déficits se trouvent dans “une dynamique spontanée des dépenses plus rapide que celle des recettes”. Ce rapport constitue également le fruit inédit d’un travail commun demandé par François Bayrou aux organismes : Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAM) et Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA).

Le pavé de 500 pages prône dix principes de redressement des comptes sociaux et une transformation profonde du système de santé.

La fin de l’autruche et des visions à court terme

“Il faut rompre avec le court-termisme et inscrire ces mesures dans des principes forts”, martèle Dominique Libault, président du HCIFPS. S’appuyant sur des constats partagés par les trois Hauts Conseils, il met en avant la nécessaire adoption du long terme dans le pilotage des comptes de la Sécu. Son premier principe présente une gestion à l’équilibre “par les soldes” comme une “nécessité absolue”.

Ce pilotage devra impérativement, selon le HCFIPS, prendre en compte le vieillissement de la population, accélérateur spontané des dépenses de protection sociale. Selon le président du HCIFPS, “il faut arrêter la politique de l’autruche, ce sont des données prévisibles qui impactent l’autonomie, les retraites et le système de santé Il devra de plus définir des stratégies de moyen et long terme “pertinentes et assumées, non déconnectées des réalités sociales et de leur mise en œuvre opérationnelle”.

De même, une trajectoire fixée au détour d’une loi de programmation des finances publiques lui semble insuffisante. Inefficaces également les conditions d’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) chaque année qui “rendent difficile une analyse en profondeur et une mise en perspective de moyen et long terme”. Dans le même esprit, le plan de redressement idéal devrait combiner des mesures de rendement de court terme et une stratégie de moyen terme, celle-ci comportant de manière impérieuse “un effort en faveur de la prévention”.

Il faudra également “payer au juste prix” les services financés par la Sécurité sociale et mettre le parcours du patient au cœur du système de santé. Dominique Libault rappelle également que lors de la dernière amélioration des comptes sur la période 2011-2019, les stratégies avaient consisté à utiliser autant de leviers sur les dépenses que sur les recettes et appelle à s’inspirer de nouveau de cette solution.

Taux d’emploi et qualité de l’emploi

“Le premier sujet reste les recettes importées par le système de production et l’emploi”, insiste Dominique Libault. Le président du HCIFPS déplore le manque de stratégie française autour de l’emploi de qualité, détérioré par le recours à la sous-traitance et à l’intérim. Le rapport souligne donc l’existence de marges sur le taux d’emploi des jeunes, des femmes et des seniors, un débat maintes fois évoqué entre syndicats et patronat depuis l’accord national interprofessionnel de novembre 2024 relatif aux seniors et le “conclave” sur les retraites.

Selon le rapport commun, différents leviers permettraient d’agir sur la qualité de l’emploi : une évolution de la politique de santé au travail, des pratiques managériales, ainsi qu’une maîtrise des risques liés à l’intérim et à la micro-entreprise.

Se trouve également dénoncé le mécanisme d’exonération de cotisations patronales autour du Smic, comme l’avait fait en son temps le rapport Bozio-Wasmer. Si la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 a légèrement amendé le dispositif, il maintient toujours un volume de salariés au niveau du Smic sur des emplois peu qualifiés et à faibles perspectives salariales.

Le rapport se montre également sévère à l’égard de l’idée de TVA sociale : qu’elle soit vue comme un levier de compétitivité des entreprises ou un moyen que le travail paie plus, “dans les deux cas, il s’agit d’utiliser la ressource sans qu’elle serve à la résorption du déficit de la Sécurité sociale. À supposer qu’un apport de TVA soit retenu, il devrait participer au rééquilibrage des comptes”, souligne le rapport.

Comme la rappelle le rapport, les organisations syndicales y sont fermement opposées : convertir des cotisations en impôt revient à étatiser la gestion de la Sécurité sociale, justement l’année de son 80e anniversaire, alors qu’elle était dirigée de manière paritaire avant la réforme de 1995.

Pour toutes ces raisons, le rapport commun se montre plus favorable à des évolutions de CSG, une augmentation du prélèvement sur le patrimoine, des travaux sur les niches sociales et des taxes comportementales.

Enfin, le document pointe des exonérations de cotisations en hausse, notamment sur les indemnités de rupture conventionnelle, les heures supplémentaires et les titres restaurant.

Un ciblage sur les arrêts maladie de longue durée
Le rapport commun constate une hausse du recours à l’arrêt maladie chez les jeunes et l’explique par la détérioration des conditions de travail, les pratiques de management, sans oublier l’existence d’arrêts injustifiés. Le nombre d’arrêts de courte durée pourrait être réduit par des actions à destination des employeurs en vue de détecter les “sinistralités atypiques”.

Pourtant, le rapport indique que “la régulation doit prioritairement cibler les arrêts longs qui concentrent l’essentiel des enjeux financiers, les arrêts de plus d’un mois représentant 83 % de la dépense”. Il préconise dans ce but une prévention accrue de la désinsertion professionnelle et un accompagnement renforcé du retour à l’emploi des salariés en arrêt maladie de longue durée.

Enfin, il interroge une piste déjà dénoncée par le Medef : le transfert des indemnités liées aux arrêts maladie de courte durée aux employeurs. Dit plus clairement, cela signifie que ce serait à l’entreprise d’indemniser le salarié en arrêt. Déjà envisagée dans les années 2018 par le gouvernement d’Edouard Philippe qui en exigeait la remise à plat, l’hypothèse se trouvait déjà dans les tiroirs des ministères. A l’époque, il s’agissait de faire payer aux entreprises quatre jours d’indemnités journalières au-delà du délai de carence de trois jours pour les arrêts de moins de huit jours.

Le numéro deux du Medef, Patrick Martin, devenu Président depuis, avait vivement dénoncé ce projet comme “une double peine” pour les entreprises.

Côté santé, le rapport commun préconise de réduire les séjours à l’hôpital en développant la chirurgie ambulatoire et la prise en charge à domicile. Le “potentiel de l’intelligence artificielle” lui semble à même d’augmenter la productivité à court terme des professionnels de santé en automatisant certaines tâches administratives.

Marie-Aude Grimont