La santé et sécurité au travail est-elle prise en compte dans les chaînes d’approvisionnement ?

21/05/2024

Le rapport examine les principaux facteurs réglementaires, socioéconomiques et technologiques qui influencent les sujets liés à la SST et leurs implications pour les chaînes d’approvisionnement.

L’Agence d’information de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail (Eu-Osha) a publié récemment une analyse sur la santé et la sécurité au travail dans les chaines d’approvisionnement au travers des outils de responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Un rapport de l’Eu-Osha, l’Agence européenne d’information sur la santé et la sécurité au travail, sur la “surveillance et l’amélioration de la santé et de la sécurité au travail dans les chaines d’approvisionnement via les cadres d’évaluation en RSE” (rapport en anglais) a été publié récemment. Il fait un état des lieux sur la prise en compte des critères de santé sécurité au travail (SST) dans les évaluations RSE des chaînes d’approvisionnement. Dit autrement, ce “discussion paper” vise à répondre à la question de savoir comment les performances en matière de santé et de sécurité au travail peuvent être évaluées et améliorées au sein des chaînes d’approvisionnement, dans le cadre d’évaluation globales RSE.

Les chaînes d’approvisionnement : un défi

L’Eu-Osha rappelle qu’aujourd’hui, les organisations font partie de chaînes d’approvisionnement complexes qui impliquent une multitude de parties prenantes (ex. : fournisseurs, distributeurs, clients, etc.). Ainsi, tout processus d’évaluation de la performance d’une organisation en matière de développement durable doit aller bien au-delà des frontières de l’entreprise.

Or, mener ces évaluations est souvent un challenge, notamment sur la collecte d’informations et le suivi des rangs N-1,-2, etc. des chaînes de fournisseurs. L’agence constate que différents travaux actuels visent à faire converger les concepts de RSE et de gestion de la chaîne d’approvisionnement (on parle de alors de “sustainable supply chain management” ou SSCM).

Contexte actuel et influence sur la SST dans les chaînes d’approvisionnement

Le rapport examine les principaux facteurs réglementaires, socioéconomiques et technologiques qui influencent les sujets liés à la SST et leurs implications pour les chaînes d’approvisionnement.

Au niveau réglementaire, l’agence reconnaît que “les cadres, processus et mécanismes réglementaires ont eu un impact immense sur l’amélioration des performances et des pratiques en matière de SST”. Mais sur la “hard law”, elle estime que “les lois sur le devoir de diligence en matière de chaîne d’approvisionnement et les systèmes nationaux de SST doivent se compléter pour renforcer mutuellement leurs avantages en matière de SST et créer un environnement propice aux améliorations en matière de SST. Plus précisément, les cadres réglementaires nationaux devraient être étendus pour offrir une couverture plus spécifique des risques existants et émergents (par exemple les risques psychosociaux) et se concentrer sur l’inclusion d’approches de prévention et de promotion, alors que les lois sur le devoir de diligence en matière de chaîne d’approvisionnement telles que la directive européenne sur le devoir de diligence devrait se concentrer davantage sur le suivi et la communication d’indicateurs spécifiques en SST afin d’accroître la transparence et la comparabilité”.

En terme socio-économique, l’Eu-Osha revient sur la crise financière de 2008 – sur laquelle on a aujourd’hui du recul – et confirme que cette expérience a montré que “la pression sur les prix peut se répercuter sur les chaînes d’approvisionnement et entraîner la perte de professionnels de la SST, un déclin de la mise en œuvre des mesures de SST et une aggravation des conditions de SST en général”.

En termes techniques, on retrouve, comme souvent, à la fois des opportunités et des risques. Par exemple, grâce à l’utilisation de la robotique, de nombreuses tâches répétitives ou dangereuses peuvent être évitées, mais l’adoption de ces technologies présente des inconvénients tels que des potentiels impacts négatifs sur la santé mentale des travailleurs à cause des technologies de surveillance, par exemple.

L’Eu-Osha livre aussi une évaluation des outils et méthodes de surveillance de la SST dans les chaînes d’approvisionnement, en partant des recommandations internationales, jusqu’aux audits de tierce partie, en passant par les codes de conduits et les questionnaires fournisseurs.

Pas de RSE sans SST

L’Eu-Osha rappelle les liens entre la RSE et la SST.  Elle cite un de ses rapports de 2004 et écrit que “l’intégration des pratiques de SST concerne les trois dimensions de la RSE : environnement, société, gouvernance — et constitue un élément central de toute stratégie de développement durable transformatrice et holistique, dans la mesure où les employés constituent le principal groupe de parties prenantes internes de toute organisation”.

L’agence revient aussi sur la notion de “transition juste” que l’OIT définit comme le processus visant à “rendre l’économie plus verte d’une manière aussi juste et inclusive que possible, pour toutes les personnes concernées, en créant des opportunités de travail décent et en ne laissant personne sur le côté”. 

Autrement dit, la transition verte et numérique en Europe, tout en relevant les défis environnementaux, sociaux, technologiques et économiques, doit être fondée sur l’équité et le bien-être social. La prise en compte de la SST joue donc un rôle essentiel dans cet objectif de parvenir à une transition durable : “Ce n’est qu’en promouvant la SST et le bien-être des travailleurs que les organisations pourront favoriser la résilience et renforcer leurs propres capacités d’adaptation aux évolutions futures”.

Recommandations

L’Eu-Osha fait des recommandations aux différents acteurs de la prévention, notamment les décideurs politiques et les entreprises acheteuses.

Au niveau politique, l’agence appelle de ses vœux un équilibre et une complémentarité entre les différentes approches réglementaires hard/soft law, mais aussi entre les réglementations qui portent sur les enjeux économique, de santé publique,  de santé au travail, ou ESG). Elle souhaiterait aussi un alignement mondial des exigences réglementaires qui protégerait non seulement les travailleurs du monde entier, mais favoriserai aussi une concurrence équitable entre les entreprises à l’échelle mondiale.

Concernant le secteur privé, l’agence estime que la relation entre une entreprise et ses fournisseurs doit dépasser la nature transactionnelle. Concrètement, les entreprises acheteuses sont incités à prendre des mesures proactives comme des programmes de sensibilisation, de formations sur la SST, à destination des fournisseurs. Le message à envoyer est que la santé et la sécurité ne sont pas seulement des cases à cocher mais des valeurs fondamentales à adopter dans le travail au quotidien.

L’Eu-Osha conclut son analyse avec ce rappel : “L’avenir de l’ESG est étroitement liée à la SST”.  Les entreprises, les décideurs politiques et toutes les parties prenantes ont la responsabilité collective de défendre cette cause et d’assurer un futur réellement durable, éthique et équitable.

Clémence Andrieu

Dématérialisation du DUERP : le ministère à la recherche d’une “solution alternative”

21/05/2024

Le 2 janvier 2024, le député Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine – Nupes – Allier) a interpellé le ministre du travail, qui était alors Olivier Dussopt, sur une “véritable anomalie”, à savoir le “non-respect, par de nombreuses entreprises, de l’obligation d’établir un DUERP” (document unique d’évaluation des risques professionnels). Il l’interroge sur “les modalités possibles d’une plateforme où les DUERP seraient déposés”. Et suggère “une transmission systématique et obligatoire d’un DUERP à l’administration” via le dépôt dématérialisé des versions du DUERP sur un portail numérique pour “résorber rapidement le retard inacceptable pris par la France”.

Dans sa réponse publiée le 14 mai 2024, le ministère du travail rappelle le « bilan bénéfice-risque négatif pour ce portail » dressé par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) en décembre 2023 et précise qu’il “procède à des concertations avec les partenaires sociaux afin d’identifier une solution alternative, dans une optique de renforcement de la traçabilité des risques au bénéfice de la prévention et de la santé des travailleurs et des anciens travailleurs”. Il indique que ce portail ne constituait “en aucun cas une plateforme de déclaration à l’administration, qui n’a pas vocation à la gérer ni à l’administrer”

Source : actuel CSE

L’infarctus survenu en télétravail est un accident du travail

22/05/2024

Dans un arrêt du 2 mai 2024, la cour d’appel de Nîmes juge que le décès d’une salariée à son domicile à la suite d’un infarctus, pendant ses horaires de travail, constitue un accident du travail dès lors que l’employeur ne produit aucun élément permettant de combattre cette présomption.

Aux termes de l’article L.1222-9 du code du travail, “l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale“. C’est cette règle qu’applique la cour d’appel de Nîmes dans un arrêt rendu le 2 mai dernier.

Malaise cardiaque en télétravail

Le 2 juillet 2020, une salariée, employée en tant que comptable, décède à son domicile d’un arrêt cardiaque. La salariée était en télétravail lorsque s’est produit son malaise à 15h18. L’employeur s’oppose à la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard qui a retenu le caractère professionnel de l’accident. 

Pour l’employeur, l’accident survenu au domicile de la salariée est sans lien avec l’exécution du travail de la salariée et ne constitue donc pas un accident du travail. Il invoque notamment le fait que la salariée rencontrait de graves problèmes de santé et il affirme que la salariée ne travaillait que le matin.

Il soutient ainsi que “la salariée avait fini de travailler au moment de son décès et se trouvait à son domicile à titre privé”, qu’à “l’heure de son décès, elle n’était donc plus en situation de subordination pour son compte”. 

Un accident du travail

Les juges du fond donnent raison à la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie). Ils rappellent qu’aux termes de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, “est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise (…) Cette présomption ne tombe que si l’employeur établit que la cause de l’accident est totalement étrangère au travail”.

Ils rappellent ensuite que “selon l’article 21 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens des dispositions de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale”.

Or, dans l’affaire qui leur était soumise, les juges constatent que la déclaration d’accident de travail établie par l’employeur le 3 juillet 2020 mentionnait la survenue d’un accident dont a été victime la salariée le 2 juillet 2020 à son domicile correspondant à son “lieu de travail occasionnel”, que lors de l’accident, la salariée “faisait de la comptabilité à son domicile”. La déclaration renseigne enfin les horaires de travail de la salariée le jour de l’accident “8h30 à 12h00 et de 14h00 à 17h30”.

En outre, le gérant de la société avait été contacté téléphoniquement et avait indiqué qu’il confirmait l’ensemble des informations portées sur la déclaration d’accident de travail établie le 3 juillet 2020 par l’expert-comptable.

Dès lors, en déduisent les juges, “l’argument selon lequel il avait été convenu que la salariée travaille à son domicile seulement le matin, est inopérante et est contredite par les mentions qui figurent sur la déclaration d’accident de travail lesquelles sont confirmées par le gérant de la société à l’occasion d’un contact téléphonique par un agent assermenté de la CPAM du Gard”.

Par ailleurs, “l’entreprise qui invoque un état de santé fragile de la salariée, notamment des problèmes respiratoires, ne démontre pas que son décès résulterait d’une cause totalement étrangère au travail”. 

L’accident dont la salariée été victime bénéficie donc bien de la présomption d’imputabilité au travail, “l’entreprise ne produit aucun élément de nature à combattre utilement cette présomption”.

Florence Mehrez

Amiante : le ministère de la santé réfute la fin de la surveillance des mésothéliomes

22/05/2024

“Il n’est nullement envisagé de renoncer à cette surveillance”, promet Frédéric Valletoux, le ministre délégué à la santé à propos de la surveillance des mésothéliomes, cancers typiques de l’amiante. En janvier dernier, l’Andeva, association de défense des victimes de l’amiante, dénonçait dans un communiqué sanglant la fin du DNSM (dispositif national de surveillance du mésothéliome). Elle expliquait avoir été prévenue par Santé Publique France (SPF) qui annonçait mettre fin aussi dispositif faute de moyens. L’institution aurait, dans son courrier révélé par le magazine Santé et Travail, déploré une “décision extrêmement difficile” liée à des “ressources insuffisantes”.

Plusieurs parlementaires se sont fait le relais de l’émoi que cette annonce a suscité dans les milieux associatifs et scientifiques. Parmi eux, le sénateur Les Républicains de la Mayenne Guillaume Chevrollier demandait à l’Exécutif, dans une question écrite, de revenir sur la décision de suppression du dispositif. Dans une réponse publiée le 16 mai, le ministre Frédéric Valletoux n’évoque pas la question budgétaire mais explique que SPF a rencontré, au moment du passage du PNSM au DNSM (dispositif national de surveillance des mésothéliomes) des difficultés techniques, notamment liées aux exigences de sécurisation des données de santé. Il assure que l’institution souhaite juste “adapter les modalités opérationnelles” de cette surveillance.

Il indique que le DNSM sera bien disponible en 2024 et que SPF “poursuivra au-delà de 2025 l’actualisation régulière de ces indicateurs autant qu’elle continuera de fournir des éléments sur la caractérisation des expositions à l’amiante identifiées comme étant à l’origine des mésothéliome. Est-ce un réel rétropédalage ou bien la fin d’un programme ambitieux et le maintien d’un dispositif a minima ? La réponse du ministre n’est pour le moment pas très précise.

Le PNSM permet notamment de suivre l’incidence des mésothéliomes de la plèvre et de collecter des données sur la survie et les profils des patients. Le dispositif lancé en 1998 devait être remplacé fin 2023 par le DNSM, pour couvrir l’ensemble du territoire et d’autres mésothéliomes.

D’après Santé et Travail, Mesopath, un réseau d’expertise anatomopathologique qui permet de certifier les diagnostics (et ainsi affiner le choix de traitement et déclencher la réparation), était aussi touché par les annonces et devait perdre un tiers de son financement. La réponse du ministre délégué à la santé n’apporte pas d’information sur ce volet.

Source : actuel CSE