Livreurs : une enquête de l’Anses confirme les dangers d’une gestion algorithmique du travail
27/03/2025
Alors que la France n’a pas encore transposé la directive européenne sur l’amélioration des conditions de travail des travailleurs de plateformes numériques, un rapport pointe les dangers de la gestion par des algorithmes du travail des livreurs de repas en France. Pour prévenir ces dangers, l’Anses recommande un dialogue social de proximité dans chaque plateforme et la prise en compte des enjeux de prévention et de sécurité des livreurs dans la rémunération des courses.
L’Agence nationale chargée de la sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) peut être saisie “de toute question” par certaines associations mais aussi par des organismes représentés au sein de son conseil d’administration (comme les syndicats de salariés), prévoit l’article L. 1313-3 du code de la santé publique. Cette possibilité a été utilisée par la CGT en avril 2021 pour saisir l’Anses au sujet des travailleurs des plateformes numériques qui livrent des repas.
Le syndicat souhaitait que l’Agence procède à une évaluation des risques pour la santé des travailleurs des plateformes numériques de livraison de repas, “en tenant compte de l’ensemble des expositions liées à la pratique de l’activité (accidents, contraintes biomécaniques, risques psychosociaux, pollution de l’air, contraintes thermiques, etc.), des conditions de travail particulières liées à l’organisation de l’activité, et de leurs relations avec les plateformes numériques”.
La directive européenne et la voie française
Le résultat de cette “expertise collective” a été publiée hier, sous forme d’un rapport de 268 pages (lire en pièce jointe) assorti de recommandations. Sa publication intervient alors que la France n’a toujours pas transposé la dernière directive européenne de 2024 visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes et à encadrer le traitement de leurs données personnelles.
En France, les gouvernements ont mis en place, depuis 2017, un statut à part pour la représentation syndicale et le dialogue social de ce secteur, l’Etat refusant toute reconnaissance de statut salarié à ces travailleurs indépendants au motif que cela tuerait dans l’œuf cette activité économique et remettrait en question ces emplois accessibles aux non qualifiés.
Livreurs à deux roues : une activité dangereuse, parfois mortelle
La conclusion du rapport est que l’activité de livreur de repas pour les plateformes numériques présente de nombreux risques pour la santé et la sécurité au travail : 17 morts et 14 blessés graves ont été rapportés entre 2019 et 2023 en France. Et pas moins d’un quart (26,4 %) des livreurs qui ont participé à une enquête en région parisienne ont déjà subi un accident dans le cadre de leur activité de livreur, des données que l’Anses juge “sous-estimées”.
Alors que ces travailleurs ne bénéficient pas d’un suivi médical, ils sont donc fortement exposés à des risques spécifiques liés au management algorithmique de leur activité, un processus qui se caractérise par “le désengagement humain dans la relation hiérarchique”. Pourquoi ? Parce que “l’algorithme est un outil informatique de prescription du travail “construit sur la base d’un cahier des charges ne tenant pas compte du travail réel du livreur”.
Par exemple, les temps d’attente entre les courses, la difficulté de trouver une adresse, le temps nécessaire à l’entretien du matériel, ne sont pas pris en compte dans le temps de travail ni dans le prix de la prestation. Le système “de rémunération à la pièce”, et l’évaluation individuelle des “performances” via la notation, poussent à une forme de compétition entre livreurs, et donc à multiplier les courses et à prendre des risques, avec des horaires sans limites du fait “d’une connexion quasi-permanente”. La peur de manquer une course ou d’être mal noté entraîne une anxiété, qu’on pourrait qualifier de risque psychosocial ou de souffrance psychique, une souffrance que les livreurs essaient d’atténuer en roulant toujours plus vite…
Extrait du rapport au sujet du modèle économique des plateformes et de ses effets “Sur la base des éléments analysés, l’Anses peut conclure que la pratique du vélo et le travail en extérieur en milieu urbain, dans le modèle économique et les modalités d’organisation du travail imposées par les plateformes (statut d’indépendant, mode et niveau de rémunération), peuvent manifestement entraîner des effets néfastes sur la santé physique et mentale. Du fait des possibilités d’adaptation en temps réel, de ciblage individuel des demandes et de l’opacité des décisions automatisées (répartition des courses, évaluation des performances, fixation des tarifs), le management algorithmique augmente les asymétries d’information et de capacité d’action qui existent dans de nombreux marchés de service. Dans les cas étudiés dans le rapport d’expertise, le management algorithmique est associé à des modèles économiques qui reposent en grande partie sur l’investissement financier dans une situation de rentabilité limitée. Les attentes de croissance des investisseurs dans un modèle économique à valeur ajoutée faible se répercutent principalement sur la partie opérationnelle de la chaîne de valeur, à savoir l’activité de production de service, ici la livraison. Ainsi, par différentes voies, le management algorithmique apporte une contribution certaine aux mécanismes d’apparition des effets sur la santé physique et mentale”. |
Les travailleurs ne sont pas en état, constate l’Agence, de comprendre comment sont prises certaines décisions au sujet de l’affectation des courses et de leur rémunération, du fait d’un “manque de transparence, d’explications ou d’accessibilité sur le fonctionnement de l’algorithme”.
À ce problème s’en ajoute un autre : “La pratique de la location de compte à des personnes migrantes sans papier par des livreurs en règle sur le territoire français pose des questions éthiques, comme le fait qu’elle puisse s’apparenter à la traite de personnes”.
La réalité analysée dans le rapport, qui souligne l’absence d’autonomie laissée aux livreurs et leur précarité, est donc loin du discours véhiculé par les plateformes sous la forme d’un “imaginaire social de l’entrepreneuriat et de la liberté dans le travail”.
L’Anses préconise une représentation de proximité
Il existe certes en France une Autorité des relations sociales des travailleurs de plateformes (Arpe). Elle organise notamment un scrutin de liste ouvert aux associations et organisations syndicales afin d’en déclarer certaines représentatives afin de stimuler un dialogue social sectoriel. Mais pour l’Anses, “ce dialogue social sans cadrage juridique sur le fond est livré au pur rapport de forces entre les plateformes et les livreurs” (*).
Un peu comme c’est le cas pour les très petites entreprises, l’élection n’entraîne pas de mandats reconnus ni d’IRP dans chaque plateforme, à l’inverse d’un CSE ou de délégués syndicaux.
Observant que le chapitre du code du travail censé traiter la question du dialogue social de plateforme “est actuellement vide”, l’Anses propose donc de fixer dans le code du travail “les conditions d’un dialogue social de proximité au sein de chaque plateforme”.
Un interlocuteur humain
L’Agence assortit cette recommandation d’une autre visant la vérification de la conformité des pratiques informatiques des plateformes “avec l’ensemble des règlements et accords relatifs aux données et traitement automatisés”. A ce sujet, la directive européenne qui doit être transposée en droit français prévoit l’interdiction de la collecte ou le traitement de certaines données, et rendent obligatoires “un contrôle et un interlocuteur humain”, sans oublier une évaluation des risques des décisions automatisées sur la santé et la sécurité des travailleurs.
Concernant le défaut de mise en place d’actions de prévention et de réparation dans ce secteur, l’Anses recommande au législateur de s’assurer que les plateformes numériques “mettent en application les obligations légales en matière de santé et sécurité figurant dans la partie IV du code du travail, à l’égard de l’ensemble des travailleurs visés à l’article L.7342-1“.
La prise en jeu dans la rémunération des enjeux de santé et sécurité au travail
Pour l’Anses, les plateformes devraient également être contraintes de prendre en compte les enjeux de santé et de sécurité dans le calcul de la rémunération des livreurs, de respecter une limitation du temps de travail quotidien des livreurs et de mettre à disposition des livreurs les équipements de protection individuelle pour les deux roues. Les plateformes devraient aussi s’assurer “de la mise à disposition pour les livreurs de lieux de repos, de repas et de rencontres, à proximité des lieux d’attente”.
L’Agence préconise aussi d’imposer une affiliation obligatoire de ces travailleurs à un régime de sécurité sociale professionnelle. Plus inattendue mais tout aussi intéressante est cette recommandation incitant le législateur à “réguler les offres publicitaires et commerciales des plateformes”, dans la mesure où la mise en avant de délais de livraison très court “crée chez les clients des attentes conduisant à faire passer la rapidité de livraison avant la sécurité du livreur”.
(*) “Les seuls accords signés [dans le secteur des plateformes] l’ont été dans le cadre de l’Arpe, dans chacun des 2 secteurs/collèges (travailleurs et plateformes). Ce sont des accords de méthode, sur la déconnexion et sur la rémunération. Aucun accord n’a été conclu sur la prévention des risques professionnels, alors que cela fait partie des sujets obligatoires de négociation. En outre, à la connaissance du groupe de travail au moment de la rédaction de ce rapport, aucune négociation n’a été ouverte sur le sujet”.
La CGT veut faire reconnaître une présomption de salariat |
À l’origine de la saisine de l’Anses, la CGT se félicite d’un rapport qui montre la gravité de la situation physique et mentale des livreurs. La confédération demande aux pouvoirs publics d’appliquer les recommandations de l’Agence. “À l’approche de la transposition de la directive européenne devant instaurer une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, ce rapport doit interpeller le gouvernement et les parlementaires pour les inciter à adopter de toute urgence une législation ambitieuse en matière de protection sociale des travailleurs dits ubérisés”, estime le syndicat. La CGT préconise également de “mettre un terme à l’Autorité des Relations sociales des Plateformes d’Emploi (l’Arpe)”, qu’elle qualifie de “pseudo instance de négociation entre travailleurs et plateformes”. Le syndicat demande enfin “la transparence et le contrôle humain de la gestion algorithmique de la rémunération, de la répartition des missions et des sanctions avec un droit de regard des organisations syndicales”. |
Bernard Domergue
Les organisations syndicales de l’Anses très inquiètes pour l’indépendance de l’agence
27/03/2025
Le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi “visant à lever les contraintes du métier d’agriculteur”. Un amendement défendu par le gouvernement inquiète fortement les organisations syndicales qui siègent au conseil d’administration de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, voir notre article dans cette édition sur le rapport de l’Agence sur les livreurs des plateformes numériques).
L’article 2 du texte, transmis pour examen à l’Assemblée nationale, “prévoit d’une part une information des ministères de tutelle tout au long du processus de production des décisions confiées à l’agence sur l’ensemble de ses missions d’autorisation ou d’agrément, et d’autre part, pour les produits phytopharmaceutiques, la création d’un ‘conseil d’orientation de protection des cultures” composé principalement des représentants des firmes et des milieux agricoles”, alertent la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC. Une instance qui aurait pour rôle, craignent les syndicats, d'”orienter les priorités de gestion des dossiers de l’agence, en prenant en compte les intérêts économiques par rapport aux enjeux sanitaires”.
Le CA de l’agence, réuni le 13 mars 2025, a adopté par 15 voix sur 36, une motion contre les dispositions de cette “loi Duplomb”, ainsi nommée en référence à son rapporteur et premier signataire, Laurent Duplomb, sénateur Les Républicains (LR) de Haute-Loire.
Les organisations syndicales rappellent que “les agences de sécurité sanitaire ont été mises en place après plusieurs crises sanitaires de grande ampleur (amiante, sang contaminé, ESB, chlordécone…), qui avaient montré la nécessité de créer une capacité d’expertise scientifique apte à éclairer la décision publique grâce à une gouvernance claire et un périmètre de responsabilité propre, lisible et distinct de celui de l’État”.
Il y a quelques jours, la Fnath s’associait à la motion du CA et dénonçait elle aussi un “climat Trumpiste” contre l’Anses, voyant dans l’amendement défendu par le gouvernement une volonté “d’installer les organisations représentatives de la production agricole et de l’industrie phytopharmaceutique dans un rôle de décideurs des politiques publiques et de réduire à néant l’expertise de l’Anses sur tous les sujets phytosanitaires”.
Source : actuel CSE
Les taux de cotisation AT/MP 2025 s’appliqueront à compter du 1er mai sans effet rétroactif
27/03/2025
Dans une actualité du 26 mars 2025, le site Net-entreprises.fr indique que les taux de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) 2025 s’appliqueront à compter du 1er mai 2025, sans effet rétroactif.
Les taux de cotisation AT/MP 2024 restent donc applicables jusqu’au 30 avril 2025.
Rappelons que les taux de cotisation AT/MP sont déterminés annuellement. Ils sont fixés en application de plusieurs arrêtés (publiés en application de la loi de financement de la sécurité sociale) fixant les majorations, les coûts moyens et les taux collectifs.
L’alinéa 2 de l’article D. 242-6-11 du code de la sécurité sociale précise que les taux de cotisation AT/MP entrent en vigueur à partir du 1er jour du trimestre civil suivant leur publication au Journal officiel. En cas de publication après le 31 décembre, ce sont les taux nets antérieurs qui s’appliquent jusqu’à la publication des nouveaux taux nets.
Exceptionnellement en 2025, un décret fixera la date d’entrée en vigueur au 1er mai 2025, sans effet rétroactif.
Le taux de la cotisation AT/MP est également une des composantes de la valeur de T qui sert à calculer le coefficient de la réduction générale des cotisations patronales. Le nouveau taux de la cotisation AT/MP aura donc également une conséquence sur cette valeur à compter du 1er mai 2025. Deux valeurs de T devraient donc s’appliquer en 2025 : une pour les mois de janvier à avril et une autre pour les mois de mai à décembre. Un décret devrait prochainement préciser cette valeur de T et les modalités de calcul de la réduction générale des cotisations patronales en 2025.
► À partir du 1er mai 2025, le taux de la contribution patronale d’assurance chômage passe de 4,05 à 4 %. La contribution patronale à l’assurance chômage est l’une des composantes de la valeur de T qui sert à calculer le coefficient de la réduction générale des cotisations. Cette diminution aura donc également un impact sur la valeur de T.
Source : actuel CSE
[LFSS pour 2025] La rente AT/MP intégrera la réparation du déficit fonctionnel permanent
28/03/2025

À compter du 1er juin 2026 au plus tard, les modalités de calcul des indemnités versées en rente ou en capital en cas d’incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (AT-MP) seront révisées afin d’y intégrer la réparation du déficit fonctionnel permanent. Celle-ci ne pourra donc plus être demandée à l’employeur en cas de faute inexcusable.
L’article 90 de la loi clôt la saga sur la nature duale (qui indemnise les préjudices professionnel et personnel) de la rente accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) en intégrant dans celle-ci la réparation du déficit fonctionnel permanent. Pour rappel, ce dernier correspond aux incidences du dommage sur la sphère personnelle de la victime après consolidation et comprend notamment les souffrances physiques et morales endurées.
Cette mesure était réclamée par les partenaires sociaux en vertu de l’accord national interprofessionnel du 15 mai 2023, à la suite du revirement opéré par la Cour de cassation (arrêt du 20 janvier 2023. Elle avait fait l’objet d’une tentative de transposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, mais celle-ci avait été abandonnée. À la suite de cela, les signataires de l’Accord national interprofessionnel (Ani) du 15 mai 2023, à l’exception de la CGT, avaient précisé leurs préconisations, mais ces modifications nécessitaient une transposition législative pour être effectives (*).
► Au-delà de la réparation de l’incapacité permanente, la question de la réparation du déficit fonctionnel permanent par la rente a des conséquences sur l’indemnisation des fautes inexcusables, et donc le coût de celles-ci pour les employeurs. En effet, en jugeant que la rente ne répare pas ce poste de préjudice, la Haute Juridiction a permis aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle causés par la faute inexcusable de l’employeur d’engager une procédure contentieuse afin d’en obtenir la réparation intégrale, à la charge de l’employeur fautif.
Une amélioration de l’indemnisation de l’incapacité permanente…
La victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle qui souffre d’une incapacité permanente perçoit un capital si le taux d’incapacité permanente (IPP) est inférieur à 10 %, et une rente viagère dans le cas contraire. L’article 90 de la loi modifie le calcul de ces prestations pour y intégrer la réparation du déficit fonctionnel permanent et, corrélativement, redéfinit le taux d’incapacité.
Un taux d’incapacité fonctionnelle s’ajoutera au taux d’incapacité existant
L’article 90 distingue deux taux d’incapacité permanente, qui se substitueront au taux actuel, selon l’article L 434-1 A nouveau du code de la sécurité sociale :
- le taux d’incapacité permanente professionnelle correspondra au taux d’incapacité permanente actuel. Il sera déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’incapacité professionnelle défini par arrêté (à paraître) ;
- le taux d’incapacité permanente fonctionnelle, qui sera déterminé en fonction des atteintes persistant après la consolidation qui relèvent du déficit fonctionnel permanent, à partir d’un barème indicatif également défini par arrêté (à paraître).
S’agissant du taux d’incapacité permanente professionnelle, les termes “barème indicatif d’invalidité” ont été remplacés par ceux de “barème indicatif d’incapacité” afin d’éviter les confusions avec la pension d’invalidité servie par la branche maladie.
► C’est le taux d’incapacité permanente professionnelle, et non la somme des deux taux, qui sera retenu pour apprécier l’ouverture du droit aux prestations d’incapacité permanente : capital, rente, rente d’ayant droit, ainsi que la prestation complémentaire pour recours à tierce personne. Le taux d’incapacité fonctionnelle ne sera utilisé que pour déterminer le montant de la part fonctionnelle associée à la rente ou l’indemnité en capital et l’éligibilité à la conversion d’une partie de la rente en capital.
Une part fonctionnelle sera ajoutée dans le calcul de la rente…
Le mode de calcul de la rente viagère est modifié afin que celle-ci soit composée de deux parts, l’une, professionnelle, et l’autre, personnelle.
La part professionnelle, qui correspond à la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité, reprendra le calcul actuel de la rente, selon l’article L 434-2, I-1° du code de la sécurité sociale modifié).
Ainsi, son montant sera égal au taux d’incapacité permanente professionnelle, qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci, multiplié par le salaire annuel de référence.
Cette part sera due même si la consolidation intervient alors que la victime est bénéficiaire d’une pension de retraite.
► Cette dernière précision permet de lever toute ambiguïté et de faire échec à la lecture d’une inéligibilité des retraités à la part professionnelle des prestations d’incapacité permanente au motif qu’ils n’auraient pas encouru de pertes professionnelles.
La part fonctionnelle correspond au déficit fonctionnel permanent. Conformément à l’article art. L 434-2, I-2° modifié du code de sécurité sociale, son montant sera égal au produit entre :
- un nombre de points d’incapacité permanente fonctionnelle ;:
- et un pourcentage de la valeur d’un point d’incapacité, fixée par un référentiel prenant en compte l’âge de la victime. Ce pourcentage et ce référentiel seront définis par arrêté.
Cette part pourra partiellement être versée en capital lorsque l’incapacité permanente fonctionnelle est supérieure ou égale à un taux minimal, dans des conditions fixées par arrêté. Dans ce cas, elle ne sera pas revalorisée.
► Cette mesure correspond à une demande des partenaires sociaux dans le relevé de décisions du 25 juin 2024 afin que la victime puisse financer rapidement les coûts liés à l’aménagement de son domicile ou d’autres dépenses ponctuelles. Le taux d’incapacité permanente fonctionnelle retenu devrait être de 50 %, et la part pouvant être versée en capital serait de 20 %, dans la limite du plafond de la sécurité sociale.
… ainsi que de l’indemnité en capital
L’indemnité en capital, versée lorsque l’incapacité permanente professionnelle est inférieure ou égale à 10 %, sera également composée de deux parts, selon l’article L 434-1 du code de la sécurité sociale modifié :
- l’une, professionnelle, qui correspond à l’indemnité actuelle. Son montant sera déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret et revalorisé annuellement comme les pensions de retraite. Elle sera révisée lorsque le taux d’incapacité professionnelle augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé. À l’instar de la part professionnelle de la rente, cette part sera due même si la consolidation intervient alors que la victime est à la retraite ;
- une part fonctionnelle, calculée de la même façon que la part fonctionnelle de la rente. Elle sera révisée lorsque le taux d’incapacité fonctionnelle augmente.
Actuellement, lorsqu’à la suite d’un nouvel accident ou d’une nouvelle maladie le taux d’incapacité permanente dépasse 10 %, la victime peut opter pour une rente tenant compte des capitaux déjà versés ou une nouvelle indemnité en capital. Cette option est maintenue, le taux de 10 % correspondra au seul taux d’incapacité permanente professionnelle. Le montant de la part professionnelle de la rente afférente au dernier accident ne pourra pas dépasser le montant du salaire servant de base au calcul de la rente, conformément à l’article L 434-2, III du code de la sécurité sociale modifié.
… qui aura des conséquences sur la réparation de la faute inexcusable de l’employeur
Les deux parts de la rente seront majorées
En cas de faute inexcusable de l’employeur, le montant de la rente est majoré. L’article 90 de la loi prévoit que cette majoration concernera les deux parts de la rente (article L 452-2 du code de la sécurité sociale modifié).
Le montant majoré de la part professionnelle sera fixé de la même façon que la rente majorée actuelle, et ne pourra donc pas dépasser soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire en cas d’incapacité totale.
Le montant majoré de la part fonctionnelle, quant à lui, sera fixé de telle sorte que la part fonctionnelle majorée ne puisse excéder le montant total correspondant au nombre de points d’incapacité fonctionnelle multiplié par la valeur du point, soit le montant maximal de la part fonctionnelle. À la demande de la victime, cette majoration pourra être versée en capital, dans des conditions fixées par arrêté. Dans ce cas, elle ne sera pas revalorisée.
► L’indemnité en capital, composée d’une part professionnelle et d’une part personnelle, sera également majorée, mais cela ne nécessitait pas de modification législative. Notons que, dans ce cas, le montant de la majoration ne peut pas dépasser le montant de l’indemnité en capital. Rappelons que, selon la jurisprudence, la majoration de la rente doit en principe être fixée systématiquement à son maximum (il en est de même pour l’indemnité en capital), selon l’arrêt du 6 avril 2004 et doit être calculée sur la base du salaire effectivement perçu (arrêt du 13 février 2020).
La réparation du déficit fonctionnel permanent ne pourra plus être demandée à l’employeur
L’article 90 prévoit expressément que la victime pourra demander à l’employeur, devant la juridiction de la sécurité sociale, réparation de l’ensemble des préjudices ne faisant pas l’objet d’une réparation forfaitaire au titre des prestations de sécurité sociale. Ainsi, la victime ne pourra plus, comme c’est le cas aujourd’hui, demander réparation du déficit fonctionnel permanent puisque celui-ci sera déjà indemnisé de manière forfaitaire par la rente majorée. Une autre modification textuelle est apportée à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale afin que celui-ci dispose que la victime d’une faute inexcusable pourra demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par des souffrances physiques et morales endurées avant la consolidation, excluant ainsi celles endurées après la consolidation (qui seront incluses dans la rente majorée).
► L’article L 452-3 ainsi modifié clarifie l’application du principe selon lequel un préjudice ne peut être indemnisé deux fois. En conséquence, le coût des fautes inexcusables des employeurs devrait baisser, après la hausse induite par le revirement de la Cour de cassation en 2023, qui a pu aller jusqu’à la centaine de milliers d’euros. Rappelons toutefois que l’augmentation de la rente majorée n’est pas sans conséquence sur l’employeur, la caisse récupérant ces sommes auprès de celui-ci sous la forme d’un capital représentatif.
Entrée en vigueur
Ces mesures s’appliqueront aux victimes dont l’état est consolidé à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juin 2026.
(*) Au plan formel, outre la création de l’article L 434-1 A et la modification des articles L 434-1, L 434-2, L 434-17, L 452-2 et L 452-3 du code de sécurité sociale, les articles L 142-1, L 351-3, L 431-1, L 434-15, L 434-16 et L 443-1 du même code ainsi que les articles L 752-6, L752-9 et L 753-8 du code rural et de la pêche maritime sont modifiés pour des raisons de coordination textuelle.
Tableau avant/après

La rédaction sociale
L’INRS propose de nouveaux tutos pour sensibiliser les nouveaux embauchés aux risques professionnels
28/03/2025
L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) publie sur son site trois nouveaux “TutoPrév”. Ces outils sont destinés à informer les nouveaux embauchés sur les risques professionnels dès leurs premiers pas dans l’entreprise.
Ces nouveaux outils numériques, téléchargeables, sont proposés pour :
- les métiers de la beauté ;
- les métiers de bouche ;
- les métiers du bois.
Cela complète l’offre existante (BTP, commerce, logistique, travail de bureau, etc.).
D’autres existent en version papier (voir ici).
Source : actuel CSE
Les règles d’homologation des référentiels pénibilité sont modifiées
28/03/2025
Un décret du 25 mars 2025 modifie les modalités d’homologation des référentiels pénibilité de branche.
► Rappelons que les référentiels pénibilité sont élaborés par les organisations professionnelles des branches et visent à aider les employeurs à déclarer l’exposition de leurs salariés aux facteurs de risque indiqués dans le compte professionnel de prévention.
Jusqu’à présent, les référentiels pénibilités étaient homologués pour une durée qui ne pouvait pas “excéder cinq ans”. Désormais, ils le seront automatiquement pour une durée de cinq ans (article D. 4163-6 du code du travail modifié).
Les règles relatives à la réévaluation sont également revues. Il est désormais précisé qu’une “organisation professionnelle représentative au niveau de la branche peut solliciter le renouvellement de l’homologation de son référentiel professionnel de branche après avoir procédé à sa réévaluation pour tenir compte de l’évolution des postes, métiers ou situations de travail ainsi que de l’impact des mesures de protection individuelle et collective, au plus tard six mois avant l’expiration de l’homologation”. Ce renouvellement est, là encore, accordé pour une durée de cinq ans.
Le décret précise que :
- si un référentiel dont l’homologation a expiré antérieurement à la publication du décret, il est alors réputé homologué pour une durée de 12 mois à partir de la date d’entrée en vigueur du présent décret, soit le 28 mars 2025 ;
- si l’homologation a été délivrée antérieurement à la publication du décret et expire dans les 12 mois qui suivent, elle est prorogée pour une durée de 12 mois à compter du 28 mars 2025.
Source : actuel CSE