Les députés votent à l’unanimité la création d’un registre national des cancers
01/07/2025

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun Pivet, lors de la séance publique portant sur la proposition de loi visant à instaurer un registre national des cancers au Palais Bourbon, le 23 juin.
Deux ans après le vote unanime des sénateurs le 15 juin 2023, c’est au tour des députés d’adopter définitivement à l’unisson lundi dernier, l’article unique de la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers en France, piloté par l’institut national du cancer (INCa). La loi instaurant ce registre vient d’être publiée.
Selon le texte adopté sans modification en première lecture le 23 juin 2025 par les députés, ce nouveau registre national des cancers aura pour objet de “centraliser les données populationnelles relatives à l’épidémiologie et aux soins de la cancérologie [pour] améliorer la prévention, le dépistage et le diagnostic des cancers ainsi que la prise en charge des patients et de constituer une base de données aux fins de recherche” (*).
“Pour mieux prévenir, mieux diagnostiquer, mieux soigner et mieux comprendre les cancers, nous devons mieux les connaître”, résume le ministre chargé de la santé Yannick Neuder.
D’après le professeur hématologue François Guilhot, en tribune lors du vote et qui plaidait déjà en 2021 pour la création d’un registre centralisé via un rapport de l’Académie nationale de médecine, seulement un quart de la population française (24 %) est aujourd’hui couverte par 33 registres territoriaux, généraux et spécialisés différents. Des outils, bien que fondamentaux, [qui] sont hétérogènes, inégalement répartis, souvent sous-dotés et parfois technologiquement dépassés”, liste le ministre.
Selon la députée LFI-NFP, Alma Dufour, “la France est le seul pays d’Europe, avec l’Espagne, à ne pas disposer d’un tel fichier”. Quand la députée, Nicole Dubré-Chirat (EPR), fait remarquer depuis le perchoir de l’hémicycle, comme d’autres, que “vingt-deux pays européens disposent déjà d’un registre national”.
Exposition professionnelle ou environnementale
“Les grandes agglomérations telles que Paris, Marseille, Lyon, Toulouse et Nice restent en dehors du dispositif, précise le député Paul-André Colombani (LIOT). Autrement dit, nous ne surveillons pas les territoires où les expositions aux polluants et aux facteurs de risque sont les plus concentrées. Cette couverture partielle peut fausser nos conclusions, limite notre capacité à identifier les facteurs environnementaux, sociaux ou professionnels à l’origine des cancers, et freine une action ciblée et efficace en matière de santé publique.”
Dans l’exposé des motifs du projet de loi, la sénatrice du Calvados du groupe Union Centriste (UC), et médecin du travail, Sonia de La Provôté, indiquait que “l’extraction de tout ou partie du fichier pourra être faite pour être exploitée à des fins de recherche » qui pourront porter « sur l’épidémiologie, la recherche de facteurs de risques éventuels, la qualité des soins, l’efficacité d’un traitement, l’évaluation de déterminants géographiques (tels que l’éloignement d’un centre anticancéreux ou une exposition professionnelle ou environnementale spécifique à un territoire donné) et de déterminants sociaux.”
Ces recherches devront être menées sur la base de protocoles validés par la Cnil. Le ministre Yannick Neuder a indiqué qu’un décret soumis à la Cnil, la commission nationale de l’informatique et des libertés, devrait être publié “d’ici la fin de l’année”. Le registre pourrait être opérationnel début 2026.
“Le registre national des cancers constituera également un appui précieux pour identifier et prévenir les cancers d’origine professionnelle, glisse le député GDR, Jean-Paul Lecoq. On estime leur nombre à près de 12 000. Or, moins de 1 % d’entre eux sont reconnus comme des maladies professionnelles. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.”
Le ministre chargé de la santé précise à cet égard que “ce registre devra […] s’articuler avec les travaux du plan national de recherche Environnement-Santé-Travail (PNR EST)”. Il s’inquiète particulièrement de la progression de certains cancers chez les jeunes adultes, notamment le cancer du sein.
Dans un communiqué publié le 25 juin, l’association de victimes de l’amiante, la Cavam, qui salue l’adoption du registre, en profite pour appeler les députés à aller plus loin en soutenant la création d’un tableau de maladies professionnelles pour le cancer du sein.
“Tout l’enjeu de l’approche par l’exposome”
Pour Yannick Neuder, ce registre aidera à déchiffrer la polyexposition. “Au-delà des registres, nous devons aussi changer de paradigme dans notre manière d’appréhender les causes du cancer. Il ne s’agit plus seulement d’identifier un agent cancérogène isolé : nous nous efforçons désormais de comprendre les expositions multiples auxquelles chacun est confronté dans la durée, a-t-il lancé en préambule. C’est tout l’enjeu de l’approche par l’exposome, qui vise à documenter l’ensemble des expositions environnementales, professionnelles, alimentaires et comportementales, et ce depuis la naissance voire la période prénatale.”
Parmi les facteurs environnementaux, l’exposition de la population aux pesticides est une priorité de santé publique
“Cette approche est d’autant plus pertinente que les effets de ces expositions ne sont pas linéaires : ils s’additionnent et se potentialisent […], poursuit-il. C’est ce que l’on appelle l’effet cocktail, qui rend particulièrement difficile l’évaluation toxicologique classique.” Le ministre indique que ce registre devra ainsi « s’articuler avec les initiatives qui émergent autour du Green Data for Health ; celles-ci croisent données de santé et données environnementales pour mieux prévenir les pathologies chroniques ».
Avant d’ajouter que “parmi les facteurs environnementaux, l’exposition de la population aux pesticides est une priorité de santé publique”. Tout comme le besoin de “disposer de davantage d’informations sur l’origine environnementale des cancers”.
Avec quels moyens ?
Dans un communiqué du 23 juin, la Ligue contre le cancer dit espérer “de rapides garanties concernant trois points majeurs : les moyens financiers, la complémentarité de ce futur registre national avec les registres déjà existants, et sa méthodologie”. “La loi élude les moyens financiers et humains qui seront dédiés à ce futur registre national, pointe-elle. Un oubli regrettable, alors que l’activité des […] registres actuels est déjà fragilisée par le désengagement de l’État – au point que la Ligue contre le cancer, via ses comités départementaux, soutienne financièrement cinq d’entre eux.”
Interrogé par nos confrères du Monde en mars 2025, le président de l’INCa, Norbert Ifrah, indiquait que le registre “coûterait une soixantaine de millions d’euros par an et plus de 500 créations de postes, qui s’ajouteraient aux 150 postes existants, des personnels qu’il faudrait recruter et former”. Sans compter l’entrepôt de données qui pourrait coûter de 15 à 20 millions d’euros par an, selon les estimations de l’Inca.
“Dans un contexte de déficit record de la Sécurité sociale, de pénurie hospitalière et de crise en médecine libérale, mobiliser des moyens pour un nouveau “registre” est discutable”, avancent deux professeurs de médecine, Bernard Bégaud et Mahmoud Zureik, dans une tribune au Monde publiée le 22 juin. Ils estiment que cet outil “à l’efficience discutable” pourrait être “potentiellement redondant” avec le système national des données de santé (SNDS).
Sur ce point, le ministre chargé de la santé a précisé que le registre sera notamment bâti sur “l’extension de la plateforme de données en cancérologie de l’Inca, dont le but est d’agréger de manière sécurisée et pseudonymisée les données du système national des données de santé (SNDS), des registres et des bases de données biologiques, cliniques, sociales et environnementales”.
(*) La loi n° 2025-596 du 30 juin 2025 visant à mettre en place un registre national des cancers vient de paraître au Journal officiel du 1er juillet 2025.
L’inscription à l’ordre du jour accéléré par Aurélien Rousseau, député atteint d’un cancer |
“C’est à la lumière de la science aujourd’hui que nous devons avancer, pas à la lumière blafarde du faisceau tendu par les complotistes ou tous les relativistes”, a lancé le député des Yvelines, Aurélien Rousseau, lors d’une intervention remarquée dans l’hémicycle le 3 juin, après avoir révélé être diagnostiqué d’un cancer. Soutenant la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, l’ancien ministre de la santé d’Élisabeth Borne a appelé le gouvernement à soutenir “la recherche en prévention” et à “s’engager à ce que les recherches en matière de cancer ne soient victimes d’aucune réduction budgétaire dans les mois à venir”. Il a plaidé, avec succès, pour l’inscription rapide de la proposition de loi portant sur la création du registre à l’ordre du jour de l’Assemblée, transmise aux députés il y a plus de deux ans. “En le disant parfois publiquement, [être touché directement par le cancer] comme je peux le dire aujourd’hui, pas seulement pour excuser de longues semaines d’absence sur ces bancs mais aussi pour dire aux Françaises et aux Français que ces sujets intimes sont aussi des sujets de politiques publiques”, a-t-il conclu, fébrilement, sous les applaudissements. |
Matthieu Barry
13 branches ont signé un accord sur le Fipu
02/07/2025
Le ministère du travail a mis à jour la liste des accords négociés sur le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu).
Au 30 juin 2025, 13 accords ont été signés dans les branches suivantes :
- branche des industries électriques et gazières ;
- branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale à but non-lucratif (IDCC 2466) ;
- branche des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager (IDCC 1686) ;
- branche des entreprises sociales pour l’habitat (IDCC 2150) ;
- branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (IDCC 2941) ;
- branche des fleuristes et de la vente et services des animaux familiers (IDCC 1978) ;
- branche des détaillants en chaussures (IDCC 733) ;
- branche de l’assainissement et de la maintenance industrielle (IDCC 2272) ;
- branche des entreprises des services d’eau et d’assainissement (IDCC 2147) ;
- branche de la boulangerie et pâtisserie artisanale (IDCC 843) ;
- branche des distributeurs conseils hors domicile (IDCC 1536) ;
- branche de l’hospitalisation privée (IDCC 2264) ;
- branche des détaillants fabricants de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie (IDCC 1286).
Les accords sont consultables sur la page dédiée du ministère du travail.
Source : actuel CSE
Inspection sur les services de santé au travail : ce que la ministre demande à l’Igas
04/07/2025
Impact des précédentes réformes, freins juridiques à lever, marché de la santé au travail pour les professionnels du numérique, prévention de la désinsertion professionnelle, lutte contre l’absentéisme… Que contient la lettre de la ministre du travail qui missionne l’Igas pour regarder l’activité des services de prévention et de santé au travail ?
“Les SPST (services de prévention et de santé au travail) rencontrent des difficultés structurelles à assurer pleinement les missions qui leur sont confiées”, estime la ministre du travail dans une lettre de mission adressée à l’Igas (inspection générale des affaires sociales). Astrid Panosyan-Bouvet avait en effet indiqué, lors de son audition au Sénat le 22 mai dernier sur le projet de loi seniors, avoir saisi l’inspection générale des affaires sociales (Igas) pour se pencher sur les services de santé au travail.
La lecture de la lettre de mission du 21 mai 2025 (en pièce jointe) en dit bien plus que ce qui a été annoncé.
D’abord, alors que le ministère parlait pudiquement de “faire le bilan de l’impact des réformes récentes”, la lettre de mission révèle qu’il souhaite aussi que l’inspection s’interroge sur les potentielles suivantes, puisqu’il évoque “les freins législatifs ou réglementaires qui pourraient encore être levés pour faciliter l’exercice des missions des services”.
On pense ici, entre autres, au périmètre des actions qui relèvent exclusivement des médecins du travail, réduit progressivement ces dernières années pour tenter de faire face à la pénurie médicale. Dernière réforme en date, demandée depuis longtemps par beaucoup de médecins : la modification en avril dernier de la liste des salariés faisant l’objet d’un suivi individuel renforcé. La ministre rapporte être interpellée par les employeurs, en difficulté pour assurer les visites médicales obligatoires.
Intelligence artificielle
Ensuite, on savait que l’Igas était missionnée pour examiner “les innovations organisationnelles et technologiques pour améliorer l’efficience et la qualité de l’offre des SPST” ; on apprend que le ministère estime que les services sont “peu dotés d’outils numériques innovants” alors que d’un autre côté, “de nouveaux SPST présentant une démarche résolument innovante peinent à pénétrer sur le marché”. Une formulation qui interroge : les services interentreprises sont des associations à but non lucratif.
Sur ce sujet de l’innovation, le ministère parle d’un “écosystème public comme privé” à construire. Il semble qu’il aimerait que les acteurs privés du numérique s’intéressent davantage au secteur de la santé au travail : “Dès lors que le déploiement de systèmes d’information, leur interfaçage avec les autres systèmes d’information en santé et le déploiement d’outils s’appuyant sur l’intelligence artificielle est une opportunité pour améliorer le suivi des travailleurs […], il apparaît primordial que la santé au travail soit bien identifiée des acteurs de la stratégie en santé numérique”.
Prévention de la désinsertion professionnelle
Enfin, on apprend dans la lettre de mission qu’en plus de la procédure de délivrance d’agrément par les Dreets (directions régionales du travail), l’Igas doit aussi s’intéresser “aux marges d’amélioration de la contribution des SPST à la prévention de la désinsertion professionnelle, la prévention des accidents du travail et la lutte contre l’absentéisme”. L’accord national interprofessionnel (Ani) de 2020 et la réforme dite Lecocq de l’année suivante avaient un peu fait bouger les choses sur la prévention de la désinsertion professionnelle, même si des SPSTI travaillent sur le sujet depuis longtemps. Visiblement, le ministère considère déjà que les résultats de la précédente réforme ne sont pas suffisants en la matière.
Ces travaux devraient être remis à la ministre fin septembre au plus tard.
En 2019, l’Igas avait déjà remis un rapport sur les services. Assez dure, l’Inspection concluait que leur contribution à la santé au travail n’était pas à la hauteur des attentes. Depuis, plusieurs réformes ont eu lieu. Sans se cantonner à une stricte évaluation de l’impact de ces réformes, visiblement, le ministère réfléchit déjà aux suivantes.
Pauline Chambost
Tableaux de maladies professionnelles : le ministère du travail récapitule les évolutions à venir
04/07/2025
Invité le 6 mars par le sénateur communiste du Nord (Hauts-de-France), Alexandre Basquin, à prendre de nouvelles mesures pour “remédier” à la sous-évaluation des cancers liés au travail, le ministère du travail a fait un point d’étape dans sa réponse écrite publiée le 19 juin sur l’évolution des tableaux de maladies professionnelles (TMP) à venir.
Le ministère indique avoir “entamé les démarches nécessaires” pour intégrer les liens avérés par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) entre les cancers de la vessie, de la plèvre ou du péritoine (mésothéliome) et la profession de pompier dans les TMP correspondants (n° 30, n° 15 ter et n° 16 bis). « La révision des tableaux de maladies professionnelles correspondants figure bien dans le programme de travail de la CS4 et fera l’objet d’une priorisation », précise-t-il. Dans son avis publié fin 2024, l’Anses préconise la création de plusieurs autres tableaux pour les cancers professionnels.
Le ministère rappelle aussi avoir saisi l’Anses pour étudier les liens entre les cancers du sein et différents facteurs d’exposition professionnels, ainsi que les liens entre les cancers cutanés et l’exposition professionnelle aux rayons ultra-violets. “Les résultats à venir de ces saisines alimenteront également le programme de travail de la CS4 en vue d’une actualisation des tableaux concernés”.
Il suggère enfin vouloir donner suite aux résultats “attendus pour avril 2025” d’une saisine de l’Anses du 8 novembre 2022 visant notamment, selon le ministère, à “définir les priorités de surveillance des expositions professionnelles aux PFAS (secteurs d’activités les plus exposés)”.
Contactée, l’Anses nous renvoie vers un avis publié en juin portant seulement sur l’élaboration de valeurs toxicologiques de référence (VTR) long terme par voie orale pour certains PFAS , seuls et/ou en mélange. « Dans la mesure où, même en cas d’interdiction, à terme, des usages des PFAS, leur persistance dans l’environnement nécessitera d’en poursuivre la surveillance dans les milieux [eaux, aliments, air/poussières intérieures (incluant la population professionnelle), sols, produits de consommation)], il a été proposé de concentrer les travaux d’expertise sur ce sujet », justifie l’Anses dans son avis.
Source : actuel CSE