SYNDICAT

La brigade financière met en cause des responsables d’une fédération de la CGT

31/10/2023

Selon le quotidien Libération en date du 30 octobre, plusieurs rapports de la brigade financière ont été remis au Parquet de Bobigny et mettent en cause des dirigeants et ex-dirigeants de la fédération agroalimentaire (Fnaf) de la CGT. Des faits qualifiés par les enquêteurs “d’abus de confiance” et de “blanchiment aggravé” leur sont reprochés en raison de “malversations dans la gestion de la fédération”. Sept personnes (présumées innocentes tant que le juge pénal n’a pas reconnu leur culpabilité) seraient ainsi poursuivies en justice, le procès se tiendrait en septembre 2024. L’avocat des dirigeants fédéraux indique qu'”un monde sépare la description caricaturale des faits présentée par les enquêteurs et la réalité”.

Source : actuel CSE

Fichage illégal à FO : Pascal Pavageau condamné

02/11/2023

La confédération Force Ouvrière remporte une victoire judiciaire contre l’ex-secrétaire général Pascal Pavageau dans l’affaire du fichage illégal de cadres dirigeants. Le délibéré a été rendu mardi 31 octobre par la 17e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris. Pascal Pavageau et ses coaccusées Cécile Potters et Judith Braesch ont été reconnus coupables et condamnés à des peines d’amendes et de dédommagement.

L’affaire se termine enfin pour Force Ouvrière. Mardi 31 octobre, Pascal Pavageau, ancien secrétaire général de FO d’avril à octobre 2018, ainsi que sa directrice de cabinet Cécile Potters et sa cheffe de cabinet Judith Braesch, ont été reconnus coupables et condamnés à des amendes pénales. Pour mémoire, l’audience du 13 septembre était revenue sur les faits : entre 2016 et 2018, tous trois avaient créé et mis à jour un fichier de données personnelles relatant les positions politiques, philosophiques, syndicales ou personnelles de responsables de fédérations et d’unions départementales afin de préparer l’élection de Pascal Pavageau. Après la révélation de l’existence de ces fichiers par la presse, ce dernier avait démissionné de ses fonctions en octobre 2018. Ayant reconnu les faits, sa condamnation faisait peu de doute.

De 1 500 à 4 000 euros d’amende

Ne pas se présenter à l’audience ne lui aura pas évité la condamnation, pas plus que la lettre d’excuses présentée au tribunal. Pascal Pavageau est reconnu coupable de collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux déloyal ou illicite entre octobre 2016 et juin 2017 (article 226-18 du code pénal), ainsi qu’ enregistrement ou conservation de donnée à caractère personnel sensible sans le consentement des personnes intéressées entre octobre 2016 et octobre 2018 (article 226-19 du code pénal). Considéré par le Parquet comme “l’élément moteur et l’initiateur” du fichage, il est condamné au paiement d’une amende de 4 000 euros.

Les juges l’ont en revanche relaxé du chef d’accusation de conservation de données au-delà de la durée prévue par la loi (article 226-20 du code pénal) : dès lors qu’un fichier est illicite, il ne répond à aucune durée de conservation. En principe, le responsable d’un traitement de données en fixe la durée de conservation conformément aux exigences légales et réglementaires, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, les données étant illégalement traitées. L’article 226-20 du code pénal a en effet vocation à s’appliquer “lorsqu’une durée de conservation a été fixée soit à la suite d’un avis, d’une autorisation ou d’une déclaration préalable de traitement, soit lorsqu’une disposition légale ou réglementaire fixe un délai de conservation”, expliquent les juges (lire le jugement en pièce jointe).

Le tribunal tient compte à l’égard de Pascal Pavageau du fait qu’il “était in fine le principal bénéficiaire” du fichier, mais aussi de “son positionnement tant à la fin de l’enquête qu’à l’audience, consistant à nier les faits malgré les nombreux éléments à charge”, indique le jugement. En revanche, les juges renoncent à prononcer la peine d’affichage public de la décision requise par la procureure, “en raison tant de l’ancienneté des faits que de la médiatisation déjà existante de la présente procédure”.

Cécile Potters, la directrice de cabinet de Pascal Pavageau, et Judith Braesch, sa cheffe de cabinet, sont reconnues coupables des mêmes infractions auxquelles est ajoutée celle de traitement sans mesure assurant la sécurité des données (article 226-17 du code pénal). Elles ont en effet transmis les fichiers via les messageries grand public non sécurisées Orange et Gmail. Leurs peines sont cependant plus légères : 2 000 euros d’amende pour Cécile Potters et 1 500 euros pour Judith Braesch. Le tribunal prend en considération la répartition des responsabilités entre les trois coaccusés, Cécile Potters et Judith Braesch ayant joué des rôles “actifs mais moindres” que Pascal Pavageau.

Les juges rejettent la stratégie de la défense

Les juges rejettent la stratégie de défense des accusés, consistant à nier l’existence de l’élément moral/intentionnel de l’infraction, c’est-à-dire avoir eu conscience d’une violation de la loi en collectant les données sans le consentement des personnes fichées. En effet, la reconnaissance pénale d’une infraction suppose la réunion d’un élément matériel (avoir commis les faits) et de cet élément moral. Or, les accusés ont largement reconnu les faits lors de l’audience du 13 septembre, Pascal Pavageau ayant également commis l’erreur de les avouer dans la presse peu de temps après la révélation des fichiers. Ainsi, l’élément matériel des infractions était constitué. La défense des accusés a donc consisté à agiter l’absence de l’élément moral, Cécile Potters arguant par exemple ignorer la loi sur les données personnelles, Pascal Pavageau niant avoir réclamé à ses subordonnées la création d’un fichier. 

Le tribunal balaie ces arguments en déduisant l’élément moral des faits reconnus lors des auditions et de l’audience. Il rappelle la définition de l’élément intentionnel : “Il sera relevé que l’élément moral ne réside pas dans l’intention de nuire aux personnes (…) mais dans la conscience d’avoir procédé à une collecte des données sans leur consentement, caractérisée en l’espèce”.

Les juges indiquent “prendre en considération à la fois la gravité des faits mais aussi leur ancienneté” et ne prononcent pas de peines d’emprisonnement. Pour mémoire, la procureure avait requis six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende à l’encontre de Pascal Pavageau, et trois mois de prison avec sursis pour Cécile Potters et Justine Braesch. Cependant, les condamnations seront inscrites à leur casier judiciaire. Ils disposent de 10 jours calendaires pour faire appel, soit jusqu’au 9 novembre à minuit. 

Force Ouvrière “lavée” et dédommagée

Enfin, le tribunal reconnaît que “la constitution des fichiers a créé de vifs troubles internes” à la confédération FO, ainsi qu’un préjudice d’image, “alors qu’il ressort des pièces produites, des statuts du syndicat et de ses résolutions générales que la confédération s’engageait, dans le cadre de ses missions syndicales, dans la lutte contre la discrimination et la pratique du fichage”. Le tribunal admet également “que de nombreuses pièces produites au dossier viennent souligner le retentissement des faits à l’époque où ils ont été révélés, ainsi que leurs conséquences immédiates dans la gestion de la confédération”. En conséquence, les trois accusés sont condamnés solidairement à verser à la confédération un euro de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre des frais de justice (article 475-1 du code de procédure pénale). Le tribunal fait ainsi droit à la demande de FO qui visait plus à réaffirmer son honneur et ses valeurs qu’à recueillir un important montant de dédommagement.

Après avoir assisté à cette audience en délibéré, l’actuel secrétaire général de Force Ouvrière, Frédéric Souillot, s’est réjoui de l’issue de cette affaire : “Cette décision condamne les trois prévenus. Nous voulions laver notre organisation qui avait été salie par ces fichiers. Ce fichage était inadmissible, le tribunal a donc rendu justice à la confédération FO”. 

Marie-Aude Grimont