Le point sur la négociation du PSE d’Auchan

07/01/2025

Si la négociation du PSE d’Auchan aboutit, ce devrait être fin février, car la consultation du plan de sauvegarde de l’emploi des 5 CSE concernés devrait se faire le 12 mars. Mais les discussions restent pour l’instant “timides”. Elles se déroulent dans le cadre d’un accord de méthode qui prévoit davantage de crédits d’heures pour les délégués syndicaux et pour les membres des CSE.

La semaine prochaine, les organisations syndicales et la direction d’Auchan entameront leur troisième séance de négociation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). “Il faudrait que nous ayons un accord début mars car la consultation des 5 CSE des différentes entités juridiques concernées par les PSE (*), avec la remise de l’expertise, est prévue le 12 mars. À nous de faire en sorte que le plan tienne compte de la diversité des métiers et des situations de l’entreprise”, nous précise Bruno Delahaye, délégué syndical central CFTC.

Annoncé le 5 novembre devant les CSE de l’enseigne, ce PSE prévoit la suppression de 2 400 emplois chez le distributeur en France, et la fermeture de dix magasins.

“Il y a encore beaucoup de chemin à faire avant d’envisager un accord”, commente pour l’instant Gilles Martin, délégué syndical central CFDT.

Un constat partagé par le DSC FO, Franck Martinaud : “Cela n’avance pas très vite. Après les séances du 28 novembre et du 19 décembre, nous attendons beaucoup de la prochaine, celle du 16 janvier”. Le délégué CFTC parle pour sa part d’avancées “timides” tout en rappelant qu’Auchan n’a guère intérêt, au regard de son image de marque auprès des salariés et des clients, de ne pas rechercher un bon accord avec les organisations syndicales. En outre, “la Drieets (Ndlr : direction régionale du travail) verrait très mal l’absence d’accord”, affirme Bruno Delahaye, l’administration ayant déjà poussé dans le sens d’un unique PSE.

“Considérer un reclassement dans le groupe comme de la mobilité interne”

En attendant, le délégué syndical central de FO liste les points de désaccord :  “Nous défendons l’idée d’une mobilité offerte à chacun au sein des magasins Auchan, mais nous prônons aussi des reclassements au sein de la galaxie Auchan (Decathlon, etc.) qu’il faut à notre sens considérer comme de la mobilité interne car toutes ses enseignes se sont développées grâce à Auchan”.

Franck Martinaud avance aussi l’idée d’un mécanisme de substitution, afin qu’un salarié souhaitant partir puisse le faire à la place d’un salarié figurant sur le PSE. “Cela a été le cas lors d’autres PSE d’Auchan mais on sent que l’entreprise n’est pas très allante sur le sujet pour le moment”, confirme Bruno Delahaye (CFTC).

Il y a aussi la question du maintien du salaire des salariés reclassés dans le groupe, que le DSC FO souhaiterait voir garanti.

Le plan de départs volontaires brouille les cartes

Ces questions percutent aussi le contenu du plan de départs volontaires (PPV) que l’entreprise souhaite lancer au début du PSE, et qui pourrait concerner jusqu’à la moitié des 2 400 emplois supprimés selon certains syndicats.

Ce PPV ne pourra pas légalement être ouvert aux salariés des sites dont tous les emplois sont supprimés, ce qui pourrait créer un sentiment d’iniquité. “Ce PDV est compris dans le PSE, ce qui génère beaucoup de confusion, déplore Bruno Delahaye. Comment les salariés dont les départs sont contraints pourraient-ils comprendre que l’entreprise propose des conditions plus favorables à d’autres salariés pour qu’ils partent volontairement ?”

Parmi les autres points figurent la qualité du congé de reclassement, notamment “sa durée et le montant de l’indemnité” selon les mots du DSC CFTC, et de possibles pré-retraite : “Plus 400 des 2 400 personnes concernées ont plus de 55 ans. Mais où faut-il placer le curseur ? Je n’imagine guère l’entreprise financer une pré-retraite de 58 à 64 ans !” 

Enfin, cette négociation pose aussi la question de la future organisation de l’entreprise. “C’est beaucoup plus qu’un PSE, c’est une réorganisation complète des activités, avec notamment la fusion à terme des services support”, ajoute Bruno Delahaye, toujours inquiet par la dégradation des comptes du distributeur.

Autant dire que la période est délicate et le climat social tendu. Les salariés dont les postes seront supprimés ne sont pas les seuls à redouter l’avenir, les autres s’interrogent aussi sur le redressement de l’entreprise. D’autres encore, notamment ceux épargnés par la réorganisation, aimeraient voir les rémunérations des salaires revalorisées, les NAO devant encore se tenir. 

Un accord pour cadrer la négociation

La négociation sur le PSE se fait dans le cadre d’un accord de méthode (lire notre encadré et le texte en pièce jointe). Le texte a été signé fin novembre par la CFTC et la CFE-CGC, qui représentent à eux deux davantage que les 50 % de représentativité requis.

L’accord n’a pas été signé par les syndicats FO et CFDT. “Nous avons participé aux discussions sur les moyens accordés aux CSE et aux délégués syndicaux pour négocier ce PSE, et des moyens ont été obtenus. Ce que nous critiquons, c’est la manque d’équilibre dans le calcul du nombre de négociateurs pour chaque organisation syndicale”, nous explique Gilles Martin, délégué syndical central CFDT.

Franck Martinaud émet la même critique (“nous sommes très présents dans l’UES exploitation qui compte de nombreux salariés et notre délégation ne le reflète pas”) et en ajoute une autre : l’entreprise a refusé son idée d’une journée de formation supplémentaire pour les CSE, afin que ceux-ci soient mieux formés avant le PSE. “Nos CSE n’ont été élus qu’en décembre 2023, ce qui est très récent pour les nouveaux élus. Il aurait été logique de mieux les préparer à la consultation du PSE”, regrette-t-il. Quant aux crédits d’heures supplémentaires, il en prend acte, tout en considérant qu’un PSE caractérise de toute façon une circonstance exceptionnelle permettant un dépassement du crédit normal.

De son côté, Bruno Delahaye (CTC) se félicite d’avoir obtenu du temps supplémentaire pour que les élus puissent échanger avec les délégués syndicaux comme avec le personnel.

(*) Ces 5 entités sont AECF, Auchan E-commerce (l’activité s’arrête et est transférée aux Drives), l’UES Auchan Retail exploitation qui comprend les trois sociétés Auchan Supermarché, Auchan Hypermarché et My Auchan (fermeture de 3 hypermarchés et d’un supermarché), et les quatre entités des services d’appui, appelées à fusionner à terme : ARS, Auchan Retail services, ARA, Auchan Retail Agro, ARI, Auchan Retail international et l’OIA, l’Organisation internationale des achats.

Le contenu de l’accord de méthode
► Les délégations de négociation

L’accord de méthode prévoit que chaque syndicat représentatif dans les sociétés concernées par le CSE désigne une délégation composée de :

8 membres pour la CFTC ;

8 membres pour la Sega CFE-CGC ;

5 pour la CFDT ;

4 pour la CGT ;

4 pour FO. 

Ce nombre comprend pour chaque organisation le coordinateur syndical.

 Les crédits d’heures supplémentaires

Un forfait mensuel supplémentaire a été acté, de :

7 heures par mois pour les membres des CSE titulaires (CSE centraux et CSE d’établissements concernés). Ce crédit prendra fin “le dernier jour du mois suivant la date de la décision d’homologation/validation rendue par la Dreets” ;

7 heures par mois pour les délégués syndicaux, un crédit “exclusivement destiné à la préparation des réunions de négociations auxquelles ils assisteront”; 

4 heures par mois pour les secrétaires des CSE centraux et d’établissements concernés. Ce crédit doit être utilisé “pour l’accompagnement de la procédure de projet de réorganisation et de mise en œuvre d’un PSE. En conséquence, ce crédit n’est pas mutualisable ni reportable” ; 

7 heures pour les salariés non élus qui complètent les délégations syndicales.

 Le calendrier de négociation et d’information-consultation

Des réunions de négociation sont prévues “l’après-midi de manière à permettre aux délégations d’organiser une réunion préparatoire le matin”, les :  

28 novembre ;

19 décembre ;

16 janvier ;

11 février.

Le terme du délai de la procédure d’information-consultation du PSE est fixée au 12 mars 2025. Il s’agit d’un délai préfix : en l’absence d’avis, les CSE seront réputés avoir rendu un avis défavorable (voir le document pour le détail du calendrier des différentes instances). 

Les CSE devront adresser leurs questions à la direction “au moins 7 jours calendaires avant la date prévue de chaque réunion”.

► Le recours à l’expert

L’accord de méthode prévoit que la rapport d’expertise du CSE sera remis au plus tard le 28 février et que ce rapport sera présenté le 12 mars 2025.

Bernard Domergue

Sophie Binet (CGT) : “Si le gouvernement Bayrou veut rester, il doit répondre aux urgences sociales”

09/01/2025

Reçue hier soir à Matignon par le Premier ministre François Bayrou, la secrétaire générale de la CGT lui a présenté ses revendications. En premier lieu, les 300 plans sociaux dénombrés par son organisation : Sophie Binet lui a demandé un moratoire sur les licenciements ainsi qu’une nationalisation de la société Vencorex. Sur les Fonderies de Bretagne (lire notre article dans cette édition), Sophie Binet a souligné que “l’Etat devait taper du poing sur la table et prendre ses responsabilités face à Renault et tape du poing sur la table pour se faire respecter”.

Sur les retraites, François Bayrou a affirmé à Sophie Binet que l’augmentation des pensions des retraités du début janvier ne serait pas remise en cause. Quant à une suspension de la réforme sur l’âge légal à 64 ans, le Premier ministre s’est dit ouvert à regarder les bornes d’âge et la pénibilité sans s’engager sur une abrogation ni une suspension de la réforme. En revanche, il a convenu que 9 mois de concertations sur le sujet, ce serait trop long. Il n’a pas indiqué de date de début de ces discussions.

Cependant, pour Sophie Binet, “le fait qu’il dise qu’il faut parler de l’âge, c’est un premier signe du rapport de force mais il nous a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’avait pas les moyens de mettre en place nos propositions”. François Bayrou aurait par ailleurs indiqué avoir compris que la retraite par points “n’était pas le sujet du moment”. Sophie Binet a de plus invité Emmanuel Macron à organiser un référendum sur les retraites.

Quant à la proposition de Patrick Martin sur des discussions relatives au financement de la protection sociale par un transfert vers la fiscalité et une dose de capitalisation, Sophie Binet l’a déclaré “hors sujet”. Elle considère que c’est de conditionnalité des aides publiques aux entreprises qu’il faut discuter.

La secrétaire générale de la CGT a également réclamé une indexation des salaires sur l’inflation et un coup de pouce au Smic. Elle a rappelé au Premier ministre que la transposition de la directive sur la transparence salariale exigerait une refonte de l’index d’égalité professionnelle, point sur lequel Elisabeth Borne s’était engagée mais qui n’a jamais vu le jour.

“Nous attendons les arbitrages sur le PLF et le PLFSS, nous débattrons des moyens nécessaires pour faire reculer le gouvernement sur le budget”, a également rappelé Sophie Binet. Elle a conclu en ces termes : “Nous serons particulièrement vigilants lors du discours de politique générale qui ne doit pas se limiter, comme celui de Michel Barnier, à parler de justice fiscale, alors qu’on découvre le lendemain qu’on veut désindexer les pensions des retraités. Si le gouvernement Bayrou veut durer, il faut qu’il réponde aux urgences sociales”.

Source : actuel CSE

La transposition de l’accord CSE en bonne voie

10/01/2025

Frédéric Souillot et François Hommeril à Matignon jeudi 9 janvier

François Bayrou a reçu hier à Matignon Frédéric Souillot (FO), François Hommeril (CFE-CGC) et Michel Pion (U2P). Il résulte de ces rencontres que la transposition des accords seniors et CSE de cet automne semble en bonne voie. Les deux représentants syndicaux ont également porté leurs revendications sur les retraites, les salaires ou encore l’industrie.

Après avoir rencontré Patrick Martin (Medef), François Asselin (CPME), Marylise Léon (CFDT), et Sophie Binet (CGT), le Premier ministre s’est entretenu jeudi 9 janvier avec Frédéric Souillot (Force Ouvrière), François Hommeril (CFE-CGC) et Michel Picon (U2P). Ces discussions franches n’ont pas mis les sujets sous le tapis. La transcription en projets de loi des accords CSE et seniors de l’automne 2024 semble bien engagée, et des discussions “sans tabou” sur les retraites s’ouvriront prochainement.

“Sur la transposition des accords, pas de problème”

Le 14 novembre 2024, les partenaires sociaux ont négocié (outre l’avenant assurance chômage qui a reçu son agrément gouvernemental) deux accords sur les seniors et sur le dialogue social supprimant la limitation à trois mandats successifs des élus de CSE. Ces accords doivent désormais être transcrits dans des projets de loi.

Ce que Frédéric Souillot n’a pas manqué de rappeler à François Bayrou jeudi 9 janvier à Matignon. Selon le secrétaire général de Force Ouvrière, “Sur la transposition des accords, pas de problème. J’en avais déjà discuté avec la ministre du Travail. Ce sera rapidement, dès que l’activité parlementaire aura repris”.

Il est également revenu sur la conditionnalité des aides publiques, sachant que le sujet des exonérations de cotisations patronales sur les salaires autour du Smic devrait revenir rapidement sous l’effet du nouveau projet de loi de finances pour 2025. “La première conditionnalité, c’est l’emploi. La deuxième, c’est les salaires et la troisième c’est les conditions de travail”, a ajouté celui qui rappelle aux Premiers ministres successifs que “ce n’est pas aux travailleurs de payer la facture du quoi qu’il en coûte”.

Quelle que soit la réponse parlementaire sur les exonérations patronales, Frédéric Souillot suivra attentivement le discours de François Bayrou mardi 14 janvier : “Nous verrons le discours de politique générale afin d’évaluer si les entretiens du Premier ministre avec les uns et les autres sont rentrés dans son esprit”.

Tout en réclamant un “vrai plan de reconstruction” à Mayotte où FO compte 38 % de représentativité, Il s’est également félicité que “sur les retraites, on va enfin discuter en prenant les choses par le bon bout, c’est-à-dire sans recul de l’âge de départ ni allongement de la durée de cotisation (…) et sans tabou sur les finalités. On nous dit qu’il faut garder l’équilibre financier, cela tombe bien : il n’y en a pas. On nous parlait de 12 milliards d’euros dans les caisses, ils n’y sont toujours pas”.

FO reste par ailleurs fermement opposée à la proposition de Patrick Martin (Medef) d’introduire une dose de capitalisation dans le système. François Hommeril (CFE-CGC), a de son côté fustigé de son côté les positions de François Bayrou.

“Sur les retraites, ça commence très mal”

François Bayrou entend apparemment utiliser les déficits des régimes de retraites publics pour peser sur les prochains débats. Un parti pris déjà développé en 2022 en tant que Haut-Commissaire au Plan, dans une note dont l’introduction indique : “Pris globalement, notre système de retraites risque de se voir de plus en plus fragilisé dans son équilibre financier et, en aggravant continuellement notre dette, de peser de plus en plus sur la capacité économique du pays et sur son indépendance”.

Pour François Hommeril, cette vision des retraites est à proscrire : “Sur les retraites, il ne faut pas raisonner globalement comme s’il n’y avait qu’un seul système. Il ne faut pas mélanger dans l’analyse la retraite par répartition du privé et celle du public. Mais pour François Bayrou c’est un régime global, et de toute façon doit le monde doit payer”.

Sur les dossiers industriels du moment, notamment Vencorex et les Fonderie de Bretagne, le président de la CFE-CGC a appelé le premier ministre, comme Sophie Binet l’a fait la veille, à “taper du poing sur la table” : “Vous avez 15 % du capital de Renault. Vous ne pouvez pas considérer de façon indépendante votre poids d’actionnaire et les conséquences sociales et financières des fermetures d’entreprises alors que c’est la même personne morale”.

François Hommeril est également revenu sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, tout en accusant François Bayrou et l’exécutif en général de ne pas être à la hauteur sur le sujet des rachats d’action : “On vient nous dire que l’Etat n’a pas vocation à gérer les affaires du privé, mais en attendant les entreprises en profitent, il y a des effets d’aubaine partout.  200 milliards d’interventions dans les différents secteurs économiques sans aucun contrôle et sans aucune condition, c’est une gabegie infernale”.

Enfin, François Hommeril s’était dit “optimiste sur un changement de méthode” avec le précédent gouvernement. Il reconnaît aujourd’hui que “cet optimisme a été vite douché ! Nous verrons donc ce qu’il en sera pour Monsieur Bayrou, je ne veux pas insulter l’avenir : à chaque jour suffit sa peine”.

L’U2P inquiète du volume d’entreprises défaillantes

En fin de journée, Michel Picon, président de l’U2P s’est inquiété auprès de François Bayrou des 66 000 entreprises défaillantes, “dont près 84 % sont de toutes petites entreprises, notamment du bâtiment et de la construction, et 1 500 salariés sont licenciés chaque semaine dans les petites boîtes”. Il a également relevé que “l’instabilité politique pousse au repli sur soi” et a appelé à une réforme du financement de la protection sociale qui selon lui pèse trop sur les salaires. Il a enfin déploré les derniers arbitrages sur l’apprentissage et a rappelé être favorable à la retraite par points.

 Les revendications sur le CHSCT et la CSSCT restent d’actualité
Lors de sa rencontre avec Michel Barnier le 30 septembre 2024, Frédéric Souillot avait évoqué avec lui une baisse du seuil CSSCT (commissions santé sécurité conditions de travail) en dessous des 300 salariés. Ce point n’a pas été revu avec François Bayrou mais “figure toujours dans les revendications que nous avons déposées au Premier ministre”.

François Hommeril avait quant à lui porté la revendication d’un retour CHSCT. “On n’en a pas parlé aujourd’hui pour des raisons de timing mais il s’agit d’une demande constante depuis 2017. La suppression du CHSCT fut une très mauvaise réforme imposée par la force. En revanche, il faut noter que certaines directions d’entreprise ont restauré le CHSCT pendant l’épidémie de Covid, pendant laquelle ils ont été bien contents de trouver des experts de la santé, de la sécurité et de la prévention…”, a-t-il conclu.

Marie-Aude Grimont