Pour la Cour des comptes, le plan d’investissement dans les compétences a raté sa cible
30/01/2025
La Cour des comptes vient de publier un rapport dénonçant la médiocrité des résultats obtenus par le plan d’investissement dans les compétences (le “PIC”), lancé en 2018. La Cour déplore que le PIC soit devenu un énième plan pour l’emploi, à destination des publics éloignés de l’emploi, plutôt qu’un programme de formation visant tous les actifs.
Doté de “moyens massifs”, 15 milliards d’euros, le plan d’investissement dans les compétences (PIC), imaginé en 2017 par l’économiste Jean Pisani-Ferry, et déployé entre 2018 et 2023, a-t-il tenu ses promesses ? La Cour des comptes a dressé, dans un rapport rendu public le 28 janvier, un constat sans concession du dispositif.
Faire face à l’obsolescence des compétences
La Cour estime ainsi que ce programme a raté sa cible : il n’a pas permis d’édifier une “société de compétences”. Autrement dit, d’initier une nouvelle approche de formation, en repositionnant notre système de formation à la fois initiale et professionnelle, pour faire face à l’obsolescence des compétences et répondre aux mutations économiques, notamment les transitions numériques et écologiques, visant l’ensemble de la population.
À la place, le PIC s’est contenté d’être un énième plan de financement de la formation professionnelle des publics éloignés de l’emploi, similaire aux précédents et porté par le seul ministère du travail alors qu’au départ la mobilisation devait être interministérielle. Pour la Cour, le PIC s’apparente donc à “une réplique du plan 500 0000 formations supplémentaires”, de 2015. Bien loin de l’ambition initiale de Jean Pisani-Ferry,
“L’Etat a été incapable de mettre en œuvre une réforme structurelle qu’il avait lui-même décidée et financée”, pointent les magistrats financiers.
Signe de ce changement de cap, le deuxième plan, lancé pour la période 2024-2027, illustre que “non seulement que le PIC 2018-2023 n’était pas un plan temporaire mais bien un plan de financement”.
Atteinte “d’objectifs à court terme”
Concrètement, les “crédits du PIC ont été majoritairement détournés de leur objectif pour financer des dispositifs préexistants et de droit commun”, à l’instar de la garantie jeunes, remplacée en 2022, par le contrat d’engagement jeune (CEJ), en 2022, du parcours accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), des écoles de la deuxième chance (E2C), du rétablissement pour l’insertion dans l’emploi. Mais cette enveloppe n’a guère soutenu des dispositifs supplémentaires, comme le repérage des invisibles, les maraudes numériques, un dispositif digital qui a pour but de repérer les jeunes sortis du système scolaire depuis les réseaux sociaux et les rediriger vers des dispositifs d’insertion professionnelle qui leur correspondent.
Il n’a pas non plus bénéficié aux salariés.
Les incohérences
Les magistrats relèvent ainsi plusieurs incohérences dans le déploiement de ce plan. Tout d’abord, le ministère du travail s’est focalisé sur l’atteinte d’objectifs à court terme et a donc “privilégié des impératifs de baisse rapide du chômage, sans s’attaquer au chômage structurel”. Il a ciblé les publics éloignés voire les plus éloignés de l’emploi.
Les régions, qui ont bénéficié de la moitié des budgets, ont, elles aussi, suivi ce même objectif, en privilégiant la formation des demandeurs d’emploi.
Surtout, l’Etat n’a pas endossé un “rôle de pilotage stratégique”, il s’est positionné comme un “simple financeur”, sans donner de cadre général.
Or, pour les magistrats, le PIC ne devait pas être un plan pour l’emploi mais plutôt un plan d’investissement structurel dans les compétences. D’où un changement de cap flagrant.
Des programmes sur mesure et “sans-couture”
Néanmoins, à défaut de transformer les systèmes de formation, la Cour reconnaît des avancées dans l’accompagnement des publics éloignés de l’emploi. Avec à la clef des programmes sur-mesure (adaptés à la situation de chacun à partir d’un diagnostic) et “sans-couture” (sans rupture entre différents acteurs et avec un référent pour tisser un lien de confiance). “Avant le PIC, ces concepts avaient du mal à être appliqués sur le terrain, faute de moyens suffisants”, souligne la Cour.
Au total, deux millions de personnes en ont bénéficié.
En revanche, les PIC et Pric [pactes régionaux d’investissement dans les compétences] n’ont pas réussi à investir le champ des métiers d’avenir des transitions numériques et écologiques, en raison de leur caractère court-termiste. Ni même celui des emplois en tension.
Une évaluation délicate
Reste que les magistrats se montrent plus réservés sur d’autres aspects du plan : ils ne peuvent pas évaluer parfaitement l’effet du PIC sur les formations suivies : les entrées en stage ont certes augmenté durant la période de déploiement du PIC, mais certaines formations sont imputables au compte personnel de formation, lancé à la même époque. “Des effets de substitution avec des formations portées par le CPF ne peuvent pas être exclus”. De même, ils peinent à estimer l’impact du plan sur les chômeurs de longue durée et sur des bénéficiaires du RSA, le lien entre accès à la formation et Pic étant difficile à démontrer. D’où la nécessité de déployer des outils de pilotage et d’évaluation des parcours de formation en direction de ces publics.
Ils constatent également que “l’accès des moins diplômés à la formation ne s’est pas amélioré par rapport aux autres populations des demandeurs d’emploi”.
Seule certitude : les formations certifiantes ont connu une augmentation de 23 % entre 2017 et 2022.
Anne Bariet