Reconversions professionnelles : les partenaires sociaux s’engagent dans une négociation express

22/05/2025

De gauche à droite, en haut, Aline Mougenot (CFTC), Michel Beaugas (FO) ; en bas, Hubert Mongon (Medef), Yvan Ricordeau (CFDT) et Jean-François Foucard (CFE-CGC)

Les organisations syndicales et patronales ont entamé, mardi 20 mai, une négociation sur les transitions et reconversions professionnelles. Malgré un calendrier serré et des positions divergentes, elles espèrent aboutir à un accord, le 16 juin, en vue d’intégrer les nouvelles dispositions dans le projet de loi seniors, dont l’examen est prévu au Sénat le 4 juin.

Les négociations sur les transitions et reconversions professionnelles ont officiellement débuté. Réunis mardi 20 mai au siège du Medef à Paris, les partenaires sociaux ont fixé comme échéance le 16 juin pour conclure leurs travaux, s’alignant ainsi sur le calendrier parlementaire. L’objectif : intégrer, via des amendements, les fruits de leurs discussions au projet de loi sur l’emploi des salariés expérimentés et l’évolution du dialogue social, dont l’examen est prévu le 4 juin au Sénat.

“C’est une opportunité législative qui n’est pas près de se représenter avant au moins deux ans, compte tenu de la composition de l’Assemblée et des discussions à venir sur les projets de loi de finances et de sécurité sociale”, fait valoir Michel Beaugas, négociateur de Force ouvrière. Un calendrier ambitieux puisque seules cinq séances ont été programmées (les 26 et 28 mai, les 2, 12 et 16 juin), avec l’ambition d’aboutir à un premier projet d’accord dès le 2 juin.

Des bases de travail préexistantes

Les partenaires sociaux ne partent pas de zéro. Après l’échec des négociations sur le Pacte de la vie au travail, l’U2P, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO étaient parvenus à s’entendre sur le sujet des reconversions. Mais ce texte, sans les signatures du Medef et de la CPME, était resté lettre morte. “C’est notre base de travail, a indiqué Aline Mougenot (CFTC). On ne va pas faire l’impasse sur cet accord”.

Les discussions s’appuieront également sur la lettre d’orientation envoyée le 10 avril par Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi. Cette feuille de route vise à simplifier le paysage de la douzaine de dispositifs de transition professionnelle, parmi lesquels : Pro-A, projet de transition professionnelle, Transco, congé mobilité reclassement, contrat de sécurisation professionnelle, contrat de professionnalisation, FNE formation… Le gouvernement souhaite n’en conserver que deux, l’un à la main du salarié, appelé projet de transition professionnelle (PTP), l’autre à la main de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un “accompagnement à la transition/reconversion interne ou pour une reconversion externe”, selon la lettre.

Des lignes rouges déjà tracées

Si tous les acteurs conviennent de l’importance d’un accord, les chances de réussite demeurent incertaines. “On ne se leurre pas, les précédentes discussions ont été compliquées”, rappelle Yvan Ricordeau (CFDT). “Nous souhaitons un résultat positif, mais il reste très aléatoire”, renchérit Jean-François Foucard (CFE-CGC). Les voies de compromis sont encore étroites.

Côté syndical, la CFDT et FO ont rappelé que la création d’un parcours de transitions professionnelles ne doit en aucun cas entraîner une rupture du contrat de travail lorsqu’il est à l’initiative du salarié – contrairement à ce que préconisaient initialement le Medef et la CPME. Michel Beaugas a insisté sur la nécessité de préserver les associations régionales Transitions Pro, “seul lieu paritaire qui existe dans les régions”, tout en soulignant l’importance d’aborder la question des reconversions pour les salariés “épuisés prématurément”.

La CFE-CGC, quant à elle, met l’accent sur la formation des personnes aux compétences techniques, face à l’évolution rapide des technologies. La CFTC se veut plus conciliante, estimant que des voies de passage existent sur la sécurisation des parcours professionnels, sans faire prendre de risques aux salariés, sur les leviers conduisant à des formations pas “forcément longues” et sur la question du pilotage des dispositifs, entre Etat et régions, pour préserver une “équité de traitement quel que soit l’endroit où le dossier est déposé”.

Le défi du financement

Hubert Mongon, pour le Medef, a posé un principe clair : proposer aux entreprises des “outils simples, lisibles et facilement mobilisables”. Il pointe la faiblesse des parcours de transitions actuellement financés – environ 60 000 – face aux 1,4 million de parcours effectués. “Une majorité de mobilités professionnelles se déroulent en dehors de tout dispositif et financement, ce qui pose un certain nombre de questions”, souligne-t-il.

Jean-François Foucard rappelle toutefois que la principale difficulté reste le financement. La lettre de cadrage est explicite : la réflexion devra s’inscrire dans les limites des enveloppes existantes. “Tout le monde a plein d’idées, mais personne ne veut mettre de l’argent. C’est ça le challenge”, résume-t-il.

L’enjeu est pourtant crucial dans un contexte de multiplication des plans sociaux. “Il faut anticiper, insiste Michel Beaugas. La période actuelle démontre que si l’on n’anticipe pas, ce sont des plans de sauvegarde de l’emploi qui se mettent en place, même avec l’APLD rebond. Il faut donc proposer, en s’appuyant sur la gestion de l’emploi et des parcours professionnels, de vraies voies de reconversion professionnelle”.

Anne Bariet