La Cnil publie des recommandations sur les enquêtes de mesure de la diversité au travail

16/06/2025

Le 10 juin, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a publié des recommandations afin d’aider les organismes qui souhaitent “mettre en œuvre des enquêtes de mesure de la diversité au travail en conformité avec la règlementation en vigueur” et en particulier le RGPD, le règlement général de protection des données.

Ces enquêtes, intéressantes dans le cadre d’une politique de lutte contre les discriminations, impliquent souvent la collecte de données sensibles, notamment celles liées aux origines des personnes concernées.

De la collecte à la diffusion des résultats de l’enquête, le document de la Cnil donne des directives pour qu’elles soit accompagnées de garanties visant à protéger la vie privée des participants et notamment de privilégier les enquêtes anonymes, facultatives, avec des questions fermées, de recourir à un tiers de confiance…

Source : actuel CSE

La consommation d’alcool et de drogues bondit en entreprise

17/06/2025

Une enquête d’iThylo publiée jeudi 12 juin révèle l’ampleur d’un phénomène encore largement sous-estimé. Fondée sur l’analyse de 110 884 dépistages inopinés réalisés entre 2017 et avril 2025 dans les entreprises françaises, l’étude fait état d’une progression spectaculaire de la consommation de substances psychoactives sur les lieux de travail.

En huit ans, le taux de positivité a plus que doublé, passant de 2,6 % en 2017 à 5,3 % en 2025 (+ 107 %).

Cette évolution masque des réalités contrastées selon les substances. Si le cannabis demeure la drogue la plus fréquemment détectée (1,8 % des tests positifs), c’est la cocaïne qui connaît l’explosion la plus spectaculaire, avec treize fois plus de cas positifs qu’en 2017.

Autrefois cantonnée aux milieux festifs ou aux cadres urbains, cette drogue a désormais gagné les chantiers, les entrepôts et les ateliers. L’alcool, lui, présente des pics de consommation en soirée, particulièrement après 17 heures et le vendredi, avec des taux jusqu’à deux fois supérieurs à la moyenne quotidienne.

L’enquête souligne également la vulnérabilité particulière des travailleurs précaires, notamment les intérimaires, face à ces consommations en milieu professionnel.

Source : actuel CSE

Quand l’entretien préalable au licenciement est reporté en raison de l’état de santé du salarié

18/06/2025

Si l’entretien préalable au licenciement est reporté du fait de son état de santé, le salarié doit être avisé en temps utile et par tous moyens de ses nouvelles date et heure. La procédure n’a pas à être recommencée et il n’est pas nécessaire d’observer un nouveau délai de cinq jours ouvrables entre la convocation et l’entretien.

L’employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cet entretien ne peut pas avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre (article L.1232-2 du code du travail ; arrêt du 12 mars 2025).

Lorsque cet entretien est reporté à la demande du salarié, la Cour de cassation considère que ce délai court à compter de la présentation de lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre initiale de convocation (arrêt du 24 novembre 2010) et l’employeur est alors simplement tenu d’aviser l’intéressé, en temps utile et par tous moyens, des nouvelles date et heure de l’entretien (arrêt du 29 janvier 2014). Dans un arrêt du 21 mai 2025, la Cour de cassation fait application de ces principes non pas, cette fois, dans une affaire où l’entretien préalable est reporté à l’initiative du salarié, mais dans une affaire où il est reporté par l’employeur en raison de l’état de santé de celui-ci.

► Lorsqu’il s’impose, le délai de cinq jours ouvrables a pour but de laisser au salarié le temps de préparer sa défense et de rechercher une assistance. Son non-respect est une irrégularité de procédure, même si l’intéressé a réussi à se faire assister lors de l’entretien (arrêt du 7 octobre 1998 ; arrêt du 6 octobre 2010).

Cinq jours ouvrables doivent séparer la convocation et la tenue de l’entretien préalable…

En l’espèce, une salariée est convoquée par lettre du 31 octobre à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement le 9 novembre mais, en raison de son arrêt maladie jusqu’au 16 novembre, cet entretien est reporté par l’employeur au 30 novembre, par lettre du 24 novembre.

Licenciée pour faute grave, la salariée saisit la juridiction prud’homale afin de contester la rupture de son contrat de travail. A cette occasion, elle sollicite notamment le versement d’une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. Selon elle, lorsque le report de l’entretien préalable a lieu à l’initiative de l’employeur, celui-ci doit recommencer la procédure en respectant l’ensemble des prescriptions légales, dont le délai de cinq jours ouvrables devant séparer la convocation de l’entretien, ce qu’il n’a pas fait en la convoquant le 30 novembre par lettre du 24 novembre.

On rappellera que l’absence du salarié pour maladie ne dispense pas l’employeur de le convoquer à l’entretien préalable (arrêt du 25 novembre 1992) et que, sauf intention dolosive de sa part (arrêt du 1er février 2001) ou clause conventionnelle l’imposant (arrêt du 6 avril 2016), il n’est pas obligé d’accéder à la demande de l’intéressé sollicitant une nouvelle convocation (arrêt du 26 mai 2004). Si le salarié ne se présente pas à l’entretien, il peut poursuivre la procédure de licenciement et lui notifier la rupture de son contrat

.… mais pas en cas de report de l’entretien par l’employeur du fait de l’état de santé du salarié

La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir débouté la salariée de sa demande. Pour elle, en cas de report de l’entretien préalable, en raison de l’état de santé du salarié, l’employeur est simplement tenu d’aviser celui-ci, en temps utile et par tous moyens, des nouvelles date et heure de cet entretien. Le délai de cinq jours ouvrables prévu par l’article L.1232-2 du code du travail court à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre initiale de convocation.

► La Cour de cassation se prononce ici pour la première fois, à notre connaissance, sur le cas du report d’un entretien préalable à l’initiative de l’employeur du fait de l’état de santé du salarié, appliquant ici la solution qu’elle avait déjà adoptée en cas de report de l’entretien à l’initiative du salarié. Il convient toutefois, selon nous, de rester prudent et de considérer que cette solution ne vaut qu’en cas de report de l’entretien par l’employeur du fait de l’état de santé du salarié. Dans ce cas, il suffit que le salarié soit informé en temps utile des nouvelles dates et heure de l’entretien, c’est-à-dire dans un délai lui permettant de prendre les dispositions utiles à la défense de ses intérêts, et par tous moyens (téléphone, e-mail, ou courrier, le moyen oral étant toutefois à éviter du fait de la difficulté à apporter la preuve de l’information du salarié en cas de litige). Dans tous les autres cas de report à l’initiative de l’employeur, il est conseillé de respecter le délai légal de cinq jours ouvrables entre la nouvelle convocation et l’entretien en l’absence de solution jurisprudentielle. Par ailleurs, en cas de report d’un entretien préalable dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, l’employeur doit être vigilant sur la date de notification du licenciement. En effet, on rappellera que ce dernier ne doit pas intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien (article L.1332-2) et que le point de départ du délai d’un mois est la date du premier entretien si l’employeur a décidé, de sa seule initiative, de convoquer le salarié à un nouvel entretien (arrêt du 23 janvier 2013 ; arrêt du 18 décembre 2024). En revanche, si l’entretien est reporté à la demande du salarié (arrêt du 3 février 2004) ou à l’initiative de l’employeur informé par le salarié de son indisponibilité (arrêt du 7 juin 2006 ; arrêt du 23 janvier 2013), c’est à compter de la date du nouvel entretien que court le délai.

Valérie Dubois

Bourget 2025 : le secteur aérien en panne d’attractivité

18/06/2025

À l’occasion du salon du Bourget qui se déroule du 16 au 22 juin, la Chaire Pégase, dédiée à l’économie et au management du transport aérien et rattachée à MBS School of Business, publie un rapport sur l’attractivité des secteurs aérien et aéronautique auprès des jeunes. Le constat est sévère : 65 % des 15-24 ans n’ont jamais envisagé de faire carrière dans le secteur de l’aérien et l’aéronautique et 52 % estiment que ces métiers leur sont inaccessibles.

Ce travail s’appuie sur une enquête menée auprès de jeunes et de demandeurs d’emploi et met en lumière quatre freins principaux : une méconnaissance persistante des métiers, une image élitiste, un manque de proximité, un décalage entre les attentes des jeunes et ce qu’ils perçoivent des entreprises du secteur.

Parmi les pistes pour inverser la tendance, les experts préconisent une sensibilisation précoce aux métiers via la mobilisation d’influenceurs pour toucher de nouveaux publics ainsi que des dispositifs d’immersion dès le collège. Ils prônent une plus grande diversification des profils recrutés, à travers un réseau d’ambassadeurs-métiers et suggèrent de valoriser la diversité des parcours professionnels. Enfin, ils recommandent de développer des parcours de reconversion rapide pour répondre aux besoins de recrutement et de positionner le secteur comme levier d’ascension sociale…

Source : actuel CSE

La Dares lance un outil de data visualisation pour suivre les transitions professionnelles

18/06/2025

Les cuisiniers qui changent de métier restent-ils dans le secteur des cafés-hôtels-restaurants ? Quels viviers de main-d’œuvre sont mobilisables pour répondre aux besoins de la rénovation énergétique ? Les transitions professionnelles des jeunes sont-elles plus fréquentes en Île-de-France qu’en Bretagne ? C’est à toutes ces questions que permet de répondre l’outil de datavisualisation consacré aux transitions professionnelles et mis en ligne par la Dares, le 16 juin.

Cet outil explore les mobilités des salariés sur le marché du travail de janvier 2022 à janvier 2023, en fonction des critères de votre choix : métier, région, secteur d’activité, sexe, tranche d’âge…

On y apprend, par exemple, que parmi les salariés du métier cuisiniers en janvier 2022 qui changent de métier en janvier 2023 : 23,3 % exercent le métier employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration, 8,4 % exercent le métier vendeurs et 7,3 % exercent le métier caissiers, employés de libre-service.

Source : actuel CSE

La liberté d’expression du salarié, une liberté fondamentale protégée par les juges

19/06/2025

Dans un arrêt du 12 juin, la cour d’appel de Paris décide de la nullité d’un licenciement du fait de la violation par l’employeur de la liberté d’expression du salarié. L’affaire concerne une journaliste de Public Sénat licenciée par sa direction au motif notamment d’un manque de loyauté. Elle devra être réintégrée.

La liberté d’expression du salarié sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de son travail est garantie par le code du travail (art. L.2281-1) et la jurisprudence sanctionne la violation de cette liberté, sauf en cas d’excès de la part du salarié (injures, diffamation par exemple) ou lorsque la restriction apportée par l’employeur se justifie au regard du travail.

L’exercice de cette liberté ne peut pas donner lieu à des sanctions ou à un licenciement (art. L. 2281-3 du code du travail). C’est donc l’une des libertés fondamentales reconnues au travailleur. Par conséquent, la violation de ce droit, comme c’est aussi le cas pour des faits de harcèlement moral ou sexuel, de discrimination ou d’un licenciement intervenant du fait d’une action en justice en matière d’égalité ou encore d’un licenciement d’un salarié protégé (art. L. 1235-3-1), échappe à l’application des limites d’indemnisation posées par le barème Macron en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (art L.1235-3). En cas de licenciement prononcé en violation de cette liberté fondamentale qu’est la liberté d’expression, le juge doit donc prononcer, sauf en cas d’impossibilité manifeste, la réintégration du salarié.

Les griefs : le contenu d’un documentaire et une attitude “déloyale”

C’est bien ce que décide ici la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 12 juin (lire en pièce jointe). L’affaire concerne une journaliste de Public Sénat, la chaîne de télévision gérée par le Sénat. A l’époque des faits, la journaliste, Hélène Risser, connue également pour avoir travaillé à Arrêts sur Image, était rédactrice en chef d’une émission décryptant les discours politiques (“#Hashtag”, ex “Déshabillons-les”) mais aussi responsable des documentaires de la chaîne.

Elle était par ailleurs, mais l’arrêt n’en fait pas mention, présidente de la Société des journalistes (SDJ) de Public Sénat, l’objet d’une SDJ étant de garantir l’indépendance d’une rédaction ainsi que la déontologie des pratiques professionnelles (lire notre encadré).

Cette journaliste a été licenciée le 6 janvier 2022. La lettre lui reproche “de graves manquements dans le suivi de la ligne éditoriale de la chaîne” et particulièrement à l’occasion d’un documentaire de 55 minutes portant sur l’occupation (*). Le PDG de la chaîne estime “contestables” les témoignages mis en avant dans ce documentaire au sujet de Philippe Pétain, ces témoignages laissant penser selon lui que le maréchal avait joué un “double-jeu” incluant une forme de résistance aux occupants allemands. Il reproche à la journaliste d’avoir “persisté” dans une attitude d’opposition aux directives de la direction en soutenant par mail qu’il n’y avait “AUCUNE ambiguïté dans le film”. Le PDG voit dans cette attitude et dans l’emploi de ces majuscules une “remise en cause inacceptable” de ses instructions, qui caractérise “un comportement déloyal”.

La défense de la journaliste

La journaliste dément tout révisionnisme historique dans le documentaire. Elle explique que le film respecte un narratif pédagogique : après avoir présenté cette version de la défense du régime de Pétain, il donne ensuite de façon très claire la parole à des historiens qui indiquent bien que cette idée de double-jeu est une illusion, le régime de Vichy ayant choisi le camp de l’Allemagne.

Hélène Risser, dont le défenseur rappelle qu’elle a gagné plusieurs prix pour les documentaires diffusés et qu’elle avait, juste avant cette affaire, été primée par son entreprise, soutient que le véritable motif de licenciement n’est pas là : ce qu’on lui reproche véritablement, dit-elle, c’est d’avoir à deux reprises exprimé un avis divergent de la direction. Ce motif, ajoute-t-elle, porte atteinte à son droit à la liberté d’opinion et d’expression, et à sa réputation de journaliste.

Pour trancher le différend, le juge d’appel évoque le déroulement du documentaire afin d’examiner si son contenu opère une forme de révisionnisme à l’égard de Philippe Pétain, à savoir “une remise en cause d’un fait ou d’une théorie communément admis, et s’agissant des événements liés à la seconde guerre mondiale, à la négation, la minimisation ou la contestation de certains éléments des crimes de guerre et des génocides commis en particulier par le troisième Reich allemand” (**) .  

La décision du juge

Le juge conclut par la négative aux affirmations de l’employeur :  la qualification par la direction de “forme de révisionnisme historique en faveur de Philippe Pétain (…) ne se vérifie pas à la lecture exhaustive du script du film (..) Les interventions claires et argumentées des historiens (..) à la moitié environ du film ferment clairement la porte à la thèse du double jeu”. Le juge note d’ailleurs qu’aucune critique ou réserve sérieuse contre le film n’a été émise suite à sa projection.

Le juge examine ensuite la nature des propos de la journaliste à l’égard de sa direction. Certes, elle a exprimé son point de vue argumenté dans deux courriels, mais dans des termes “dénués de toute connotation injurieuse ou diffamatoire”. L’emploi de majuscules au mot “AUCUNE” (ambiguïté) ne saurait d’ailleurs pas rétablir une attitude d’opposition, poursuit la cour d’appel.

Pour la Cour d’appel, d’autre part, l’absence de loyauté de la salariée n’est pas établi, puisqu’elle a finalement obtenu de l’auteur du documentaire qu’il réalise quelques modifications du passage incriminé par sa direction avant sa diffusion, mais surtout parce que les reproches formulés contre elle, “sous couvert d’une opposition à sa hiérarchie”, tendent “à remette en cause sa liberté fondamentale d’expression en ce qu’elle n’a fait qu’exprimer de manière argumentée et exempte de tout abus son point de vue”.

De ce fait, le juge prononce la nullité du licenciement, et impose à la chaîne sa réintégration, alors même que Public Sénat plaidait ce retour impossible du fait de la disparition de l’émission confiée à la journaliste et du fait que la responsabilité des documentaires avait été confiée à quelqu’un d’autre :  “Ce simple document n’est pas suffisant pour faire la preuve de l’absence de poste équivalent à celui occupée par la salariée de rédactrice en chef et de responsable d’un service au sein de la chaîne, en l’absence notamment de production du registre des années et sorties du personnel et d’une liste actualisée des emplois de l’entreprise” .

 La Cour d’appel lui accorde également une indemnisation correspondant aux salaires qu’elle aurait dû percevoir depuis son licenciement, “sans qu’il y ait lieu de déduire de cette indemnité les revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier au regard de l’atteinte portée à sa liberté fondamentale d’expression”.

D’autres jurisprudences sur la liberté d’expression

Cette décision apparaît conforme à d’autres jurisprudences traitant des libertés fondamentales du salarié.

Comme l’a rappelée la Cour européenne des droits de l’homme, le juge doit notamment vérifier si une sanction portant atteinte à la liberté d’expression est nécessaire, adaptée et proportionnée au but poursuivi, et donc non abusive. Difficile à évaluer, l’abus peut par exemple être caractérisé par le dénigrement systématique de l’entreprise (arrêt n°09-40.825  de la Cour de cassation du 23 juin 2010).

Dans le cas contraire, en l’absence d’abus du salarié (arrêt n°98-45.532 de la Cour de cassation du 2 mai 2001), le licenciement pris pour ce motif est nul, en application de l’article L. 1121-1 du code du travail et de l’article 10, premier paragraphe, de la Convention européenne des droits de l’homme.

“Sauf abus le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherchée peuvent être apportées”, confirme ainsi la Cour de cassation dans un l’arrêt n° 19-71.871 du 16 février 2022

Ne constituent, par exemple, pas un abus de la liberté d’expression “des critiques adressées par un salarié au président du directoire du groupe, mettant en cause le directeur d’une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe”, “les termes employés n’étant ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l’endroit de l’employeur et du supérieur hiérarchique” (arrêt n° 20-16-060 de la Cour de cassation du 29 juin 2022)

Ce même arrêt constate que cette décision vaut même lorsque le licenciement n’est que partiellement fondé sur l’exercice non abusif de la liberté d’expression : “Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement”.

En revanche, la Cour de cassation a jugé que des propos injurieux ou diffamatoires contenus dans une lettre de démission excédaient les limites de la liberté d’expression et constituent une faute grave justifiant l’interruption du préavis (arrêt n°00-40.868 du 30 octobre 2002). De la même façon, les propos d’un salarié qualifiant, au cours d’un entretien avec le chef d’entreprise de nationalité allemande, son lieu de travail de “camp de concentration” caractérisent une injure dépassant les limites de sa liberté d’expression (arrêt n° 10-27.256 du 6 mars 2012).

La réparation de la violation d’une liberté fondamentale

Sur le plan des conséquences d’une violation par l’employeur d’une liberté fondamentale et de l’indemnisation du salarié, la jurisprudence suit le principe de la réintégration du salarié dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent. Si cette réintégration n’est pas demandée ou si elle s’avère impossible, alors le juge accorde une indemnité ne pouvant être inférieure à 6 mois de salaire comme le dispose l’art. L. 1235-3-1 du code du travail

Par ailleurs, depuis un arrêt du 23 octobre 2024, sur lequel s’aligne donc la nouvelle décision de la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation décide qu’aucune déduction à l’indemnisation due au salarié (au titre de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la rupture et sa réintégration) victime de la violation d’une liberté fondamentale ne peut être décidée, y compris pour les revenus de remplacement (assurance chômage). 

Notons que l’absence de déduction de revenus de remplacement pour l’indemnisation du salarié décidée par le juge vaut aussi pour les licenciements prononcés en violation d’autres libertés fondamentales du salarié, par exemple pour l’exercice du droit de grève (arrêt du 2 février 2006) ou d’une activité syndicale (arrêt du 2 juin 2010).

(*) Ndlr : depuis les travaux de l’Américain Robert Paxton, de nombreux historiens (Jean-Pierre Azéma, Henry Rousso, etc.) ont démontré que, loin d’avoir été un bouclier contre l’occupant, le régime de Vichy a été un collaborateur zélé, notamment dans la déportation de la population juive, l’Etat de Philippe Pétain devançant même les demandes allemandes.

(**) Le documentaire porte notamment sur la figure d’un polytechnicien, René Carmille, qui souhaitait pouvoir constituer un service de démographie ayant d’établir clandestinement un ficher permettant une éventuelle remobilisation de l’armée française contre l’armée allemande. Mais Philippe Pétain n’a jamais donné suite à ce projet.

“Dure bataille que le journalisme”
Sur le réseau LinkedIn, Hélène Risser, qui avait obtenu le soutien de nombreux producteurs, évoque la décision de justice qui intervient trois ans après son licenciement :

“La cour d’appel confirme la nullité de mon licenciement pour violation de ma liberté d’expression, un droit fondamental quand on est journaliste. Ironie du sort, j’étais aussi présidente de la SDJ, chargée de défendre l’indépendance de la rédaction, et ce licenciement est intervenu alors même qu’un rapport du Sénat , notre actionnaire, préconisait de faire des présidents de SDJ des salariés protégés.
Dure bataille que celle du journalisme. Je le savais pour certaines chaînes, dans certains pays, mais je n’imaginais pas que cela puisse se jouer aussi pour cette chaîne citoyenne où j’œuvrais depuis 17 ans”.


La journaliste va-t-elle être réintégrée par Public Sénat ? “Le PDG à l’origine de mon licenciement (Ndlr : Christophe Baldelli) n’est plus en poste, il a été remplacé en janvier dernier par Jean-Emmanuel Casalta. Je souhaite bien sûr rencontrer la nouvelle direction pour évoquer ma réintégration et mon avenir dans l’entreprise. Avant mon licenciement, j’y ai passé 17 ans sans connaître aucun problème”, nous a-t-elle répondu hier par téléphone.

Bernard Domergue

De nouvelles équivalences pour la certification des compétences acquises pendant le mandat

19/06/2025

Un représentant du personnel ou un délégué syndical peut faire reconnaître des compétences acquises pendant l’exercice d’un mandat et les faire certifier afin d’acquérir un nouveau titre professionnel (art. L. 6112-4 du code du travail). Il doit pour cela valider ses acquis, dans 6 domaines de compétences (encadrement et animation d’équipe, assistance dans la prise en charge d’un projet, etc. voir l’arrêté du 18 juin 2018) et obtenir des équivalences pour la reconnaissance des certifications de compétences professionnelles. 

Un arrêté du 12 juin 2025, paru hier au Journal officiel, dresse des équivalences entre les certifications de compétences acquises lors d’un mandat d’élu du personnel ou d’un mandat syndical avec les titres professionnels.

Exemples :

  • le certificat de compétences (CCP) acquises durant un mandat sur “l’encadrement et l’animation d’équipe” offre une équivalence pour le certificat de compétences professionnelle “Diriger une structure avec une équipe” ;
  • le CCP “prospection et négociation commerciale” renvoie au CCP “négocier une solution technique et commerciale et consolider l’expérience client” ;
  • le CCP “mise en œuvre d’un service de médiation sociale” renvoie au au CCP “assurer un service de médiation sociale” ;
  • le CCP “Suivi social d’entreprise” a une équivalence dans le CCP “Réaliser la gestion administrative, juridique et la présentation des bulletins de paie” ;
  • le CCP “Gestion et traitement de l’information” renvoie au CCP “Assurer les fonctions de support administratif et organisationnel à l’équipe de direction”, etc. 

Source : actuel CSE

Titres restaurant : vers une nouvelle prolongation des achats de produits alimentaires ?

19/06/2025

Véronique Louwagie, la ministre chargée du commerce, annonce le 17 juin, dans les colonnes de Ouest-France, que les titres restaurant seront utilisables dans les supermarchés en 2027 pour les produits non directement consommables.

Pour rappel, la loi du 21 janvier 2025 prolonge d’un an, jusqu’au 31 décembre 2026, la dérogation d’usage des titres restaurant pour tout produit alimentaire, comme cela était possible jusqu’au 31 décembre 2024.

La ministre souhaite également encourager la dématérialisation des titres-restaurant. Véronique Louwagie a estimé que le format papier génère une “gestion très lourde” pour les “restaurateurs”. Les émetteurs de tickets-restaurant sont appelés à “ne plus avoir de stocks de papier au 1er janvier 2027”, a prévenu la ministre.

À savoir :  une proposition de loi, déposée le 13 mai dernier par Karim Benbrahim (député socialiste de Loire-Atlantique), vise également à pérenniser l’achat de produits alimentaires afin d’adapter ces titres à l’évolution “des modes de travail et de consommation”. Avec à la clef, un plafond journalier d’utilisation différencié, l’un pour l’achat de produits directement consommables dans les restaurants et les commerces de bouche ; l’autre pour les grandes et moyennes surfaces.

Source : actuel CSE

Le licenciement fondé sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée est atteint de nullité

20/06/2025

Une cour d’appel ne peut pas à la fois établir l’existence d’une atteinte à la vie privée et déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Un tel licenciement doit être annulé.

Dans cette affaire, une salariée, responsable des ressources humaines, est mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave en avril 2019.

Il lui était reproché, dans la lettre de licenciement, de nombreux manquements dans l’exécution de ses missions, notamment :

  • de ne pas avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche d’une salariée, faisant courir ainsi un risque juridique et un risque pénal à la société ;
  • le non-paiement des salaires de plusieurs salariés en février et mars 2019 ;
  • l’absence de paiement des cotisations pour les régimes de mutuelle et de prévoyance en mars 2019 ;
  • l’insuffisance de versement des cotisations Urssaf en février 2019 ; 
  • la découverte de 68 cartes de badgeage non remises aux salariés ;
  • l’absence de remise de tableau de bord en février et mars 2019 ;
  • le manque de respect à l’égard du directeur du magasin en remettant en cause ses consignes et l’absence de réponse aux demandes du conseil de l’employeur dans le cadre de litiges prud’homaux.

Un licenciement fondé sur des supposées fautes professionnelles…

La salariée saisit la justice pour contester la rupture de son contrat, estimant son licenciement nul.

Elle considère que son congédiement est uniquement dû à la découverte de sa liaison – qui durait depuis plusieurs mois – avec le président de la société, par l’épouse de ce dernier, la veille de sa convocation à l’entretien préalable.

► L’épouse du président était elle-même directrice générale de ladite société et avait lancé un ultimatum à son mari consistant à licencier immédiatement la salariée.

La cour d’appel estime que les motifs du licenciement ne sont pas fondés, établit bien l’existence d’une atteinte à la vie privée, mais déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse – et non pas nul.

Pour écarter la nullité du licenciement, l’arrêt retient, d’une part, que la lettre de licenciement pour faute grave fait état de divers manquements dans l’exécution du contrat de travail et de griefs relatifs au comportement de la salariée sans faire aucune mention d’un grief en relation avec sa vie privée ou constituant une atteinte au respect de celle-ci et, d’autre part, que la salariée a elle-même diffusé, dans le cadre de la procédure, les SMS échangés entre elle-même et le président de la société, de sorte que si cette atteinte est établie, elle rend simplement le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas nul.

La salariée se pourvoit en cassation et obtient cette fois-ci gain de cause.

… est nul s’il a en réalité été prononcé pour un motif relevant de l’intimité de la vie privée

La Cour de cassation rappelle en premier lieu certains grands principes en la matière selon lesquels :

  • un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ;
  • le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et l’employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, fonder un licenciement sur un fait relevant de l’intimité de sa vie privée ;
  • est nul le licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale.

Elle reproche ensuite à la cour d’appel de ne pas avoir déclaré nul le licenciement de la salariée alors qu’elle avait retenu :

  • qu’aucun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n’était établi ;
  • et que la véritable cause du licenciement était la découverte, le 28 mars 2019, par l’épouse du président de la société, elle-même directrice générale de celle-ci, de la liaison qu’entretenait son mari avec la salariée depuis plusieurs mois et l’ultimatum qu’elle lui avait posé de la licencier immédiatement.

La cour aurait dû en déduire que le licenciement était fondé sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée de la salariée, et qu’il était ainsi atteint de nullité.

► Rappelons que, selon la doctrine, le terme de vie privée “désigne une véritable liberté publique, devant être réservé à la protection du domicile, de la correspondance et de la vie sentimentale, c’est-à-dire à l’intimité de la vie privée”. Ainsi, tous les aspects de la vie personnelle du salarié ne relèvent pas de l’intimité de la vie privée et ne sauraient s’analyser en une liberté fondamentale. C’est ce qu’a récemment jugé la Cour de cassation dans une affaire où le motif du licenciement “était tiré de la vie personnelle du salarié sans toutefois relever de l’intimité de sa vie privée”. Le licenciement n’était de ce fait pas atteint de nullité en l’absence de la violation d’une liberté fondamentale (arrêt du 25 septembre 2024).

Delphine DE SAINT REMY

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : données personnelles, protection sociale, prud’hommes, travailleurs étrangers, validation des compétences

20/06/2025

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 13 juin au jeudi 19 juin inclus, avec les liens renvoyant aux articles développés que nous avons pu faire sur ces sujets.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.

Compétences acquises pendant le mandat

  • Un arrêté du 12 juin 2025 fixe les modalités d’équivalence entre la certification relative aux compétences acquises dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical et plusieurs titres professionnels du ministère chargé de l’emploi (lire notre brève)

Conseillers prud’hommes

  • Un avis publié au Journal officiel du 19 juin donne trois mois aux établissements et organismes intéressés pour demander à la Direction générale du travail (DGT) un agrément les autorisant à assurer la formation continue des conseillers prud’hommes

Données personnelles

  • La Commission nationale informatique et libertés (Cnil) adopte une délibération n° 2025-028 du 10 avril 2025 portant adoption d’une recommandation relative au traitement des données à caractère personnel dans le cadre d’enquêtes de mesure de la diversité au travail

Nominations et ministères

  • Un arrêté du 6 juin 2025 porte nomination des membres du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse
  • Un arrêté du 13 juin 2025  porte nomination au Haut conseil à la vie associative
  • Un arrêté du 16 mai 2025 porte nomination de membres CFDT et CPME du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)
  • Un arrêté du 13 juin 2025 modifie la composition du cabinet du Premier ministre (nomination de Lionel Teixeira comme conseiller presse)
  • Un arrêté du 12 juin 2025 nomme Artus de Cormis conseiller santé au cabinet de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
  • Un arrêté du 12 juin 2025 nomme Sébastien Delescluse conseiller santé au cabinet de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
  • Un arrêté du 12 juin 2025 porte nomination au conseil d’administration de la caisse centrale d’activités sociales des industries électriques et gazières (Pascal Leconte, pour la CFE-CGC énergies)
  • Un arrêté du 13 juin 2025 nomme Miguelle Mambert directrice adjointe de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de Martinique, chargée des fonctions de directrice déléguée
  • Un décret du 16 juin 2025 précise que la ministre en charge du travail ne connaît pas des actes de toute nature relatifs à la société Unibail-Rodamco-Westfield (déport)
  • Un décret du 13 juin 2025 porte nominations (CFDT et FSU) au Conseil commun de la fonction publique

Protection sociale

  • Un décret du 12 juin 2025 précise la composition de la commission des comptes de la sécurité sociale
  • Plusieurs arrêtés en date du 16 juin 2025 étendent des avenants à l’accord national interprofessionnel du régime de retraite complémentaire Agir-Arrco (avenants n°23n°24n°25n°26)

Santé, sécurité et conditions de travail

  • Un décret du 16 juin 2025 prévoit la mise en place d’un dispositif permettant le recueil et le traitement des signalements des faits de violence dans les établissements d’enseignement privés

Travailleurs agricoles

  • Un décret du 12 juin 2025 modifie le plafond de rémunération donnant droit au niveau d’exonération maximal des cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi

Travailleurs étrangers

  • Un décret du 13 juin 2025 précise les modalités des cartes de séjour “talent” et modifiant certaines dispositions relatives aux cartes de séjour “recherche d’emploi-création d’entreprise” et “entrepreneur et profession libérale”

Source : actuel CSE