Retraites : les discussions se terminent sans accord entre syndicats et patronat

24/06/2025

Les partenaires sociaux vers 23 heures, à l’annonce de la fin du conclave sans accord

Alors que les partenaires sociaux se sont retrouvés hier après-midi pour une ultime séance de négociation sur les retraites, le Medef et la CPME ont communiqué une proposition commune à la presse. Un nouveau texte qu’ils n’ont pas transmis au préalable aux syndicats. Ces derniers ont très mal pris ce court-circuit, et peu avant 23 heures, les échanges se sont terminés sans accord, en grande partie à cause du Medef selon les syndicats.

“Un accord est encore possible” avait pourtant affirmé lundi après-midi Patrick Martin (Medef), accompagné d’Amir Reza-Tofighi (CPME), devant les locaux du conclave. Devant un fatras de micros et de caméras, le patronat avait dévoilé aux journalistes sa proposition commune. Les syndicats qui arrivaient derrière ont vivement réagi à cette méthode jugée déloyale. Et au final, cette sortie du patronat aura auguré une fin très négative des discussions. Une quinzaine de séances plus tard, le “conclave” se termine sans accord.

Un dialogue lunaire entre Yvan Ricordeau et Patrick Martin

Arrivant sur le trottoir à la hauteur de la conférence de presse, vers 15 heures, Yvan Ricordeau (CFDT) interpelle directement Patrick Martin et engage avec lui cet échange que les historiens du dialogue social retiendront :

– Yvan Ricordeau : “La question est de savoir si aujourd’hui la négociation s’opère sur le texte sur lequel on a discuté depuis cinq mois ?

– Patrick Martin : On ne va pas tenir la négociation ici !

– Y.R. : Mais si, justement !

– P.M. : C’est bien tenté !

– Y. R. : Pourquoi la partie patronale l’a tenté sur le trottoir alors qu’on veut juste savoir si ce texte discuté depuis cinq mois sert de base ?

– P. M. : C’est des déclarations, tu n’as pas été le dernier à en faire…

– Y. R. : Par contre, la réponse n’est pas très précise ! On a toujours été transparents sur ce qui s’est passé avec toutes les propositions, donc c’est pas clair, de savoir si on discute ce texte là…

– P. M. : Vous allez discuter… C’est quoi ce guet-apens ?!”

Pour Christelle Thieffine (CFE-CGC), “cette situation n’est pas normale, le dialogue social est abîmé, ça ne va pas être possible”. Toujours à l’entrée de cette séance de conclave, Pascale Coton ne se montrait pas très optimiste, la CFTC tenant coûte que coûte à un âge d’abaissement de la décote à 66 ans au lieu de 67. On peut dire en tout cas, qu’à l’entame de la dernière réunion, l’animateur Jean-Jacques Marette désigné par François Bayrou a laissé le Medef reprendre la plume.

Un texte patronal imposé aux syndicats

Sur le fond, le patronat a proposé un âge d’annulation de la décote à 66,5 ans, un compte pénibilité agrémenté des trois critères ergonomiques permettant des départs anticipés “pour les salariés dont l’exposition à l’usure sera constatée par un médecin”.

Après plus de deux heures de discussions, les discussions ont été suspendues deux fois pendant plus d’une heure. Lors de ces pauses, Pascale Coton (CFTC) s’est agacée des maigres concessions patronales : “Leur proposition sur la pénibilité et la décote ne nous convient pas, je ne sais pas du tout ce qu’on va pouvoir faire. Au niveau des points de pénibilité, ils veulent 50 pour la réparation et 50 pour la prévention, les gens perdraient 50% de leurs points pour partir plus tôt, donc ce n’est pas une avancée du tout”.

Sur les femmes, il semblerait que le patronat n’ait plus voulu des trimestres MDA (majoration de durée d’assurance) qui pourraient déclencher des carrières longues. 

La responsabilité du patronat pointée du doigt

De l’avis des négociateurs syndicaux, la responsabilité de cette clôture sans accord se trouve du côté patronal. Selon Yvan Ricordeau (CFDT), “le patronat vient de fermer la porte aux trois organisations syndicales qui se sont battues jusqu’au bout”. La colère est partagée par Pascale Coton (CFTC) : “Je voulais aller au bout pour les femmes, les salariés en difficulté et tous ceux qui ont manifesté contre la réforme. Au final, rien ne se concrétisera”. Christelle Thieffine (CFE-CGC) ajoute à la colère la déception : “Le Medef a sabordé cette négociation car il n’en voulait pas. On pouvait atterrir sur des choses faisables, mais les parties patronales ne voulait pas être là”. Elle ajoute que le patronat s’est montré très dur avec les membres de la délégation paritaire en les accusant de ne pas avoir rédigé un texte paritaire mais uniquement un texte syndical et d’avoir été influencés.

Les syndicats ont également unanimement décrié la méthode patronale comme déloyale. “Aujourd’hui, deux numéros un sont venus expliquer des points potentiels, et en séance on n’a rien eu par écrit. Dans la dernière ligne droite, le patronat a retiré de l’équilibre financier les mesures permettant de combler les 6,5 milliards de déficit alors que nous étions d’accord pour un effort des retraités”, a expliqué Yvan Ricordeau. À la CFE-CGC et à la CFTC, le coup de la conférence de presse à 14h30 juste avant la séance ne passe pas. “On n’était vraiment pas loin mais le Medef ne voulait pas de nos propositions. Je me demande si dès le premier jour, ils ne voulaient déjà pas d’un accord”, a avancé Pascale Coton (CFTC).

Certes, l’absence d’un retour sur les 64 ans avait déjà plombé les débats il y a quelques semaines. Les syndicats participants avaient cependant accepté de poursuivre la négociation, avec pour objectif d’aménager la réforme de 2023 au bénéfice des femmes et des salariés ayant connu des postes pénibles. Sur deux sujets seront restés jusqu’au bout les principaux points d’achoppement.

Quoiqu’il en soit, la confiance semblait gravement entamée hier soir du côté des organisations syndicales. Cette fracture aura nécessairement des effets sur les autres négociations en cours, notamment les reconversions professionnelles. Selon Christelle Thieffine, même si la CFE-CGC va poursuivre les discussions, ” la relation est entamée de façon très forte”. Afin de sauver ce qui peut l’être, la négociatrice envisage de soumettre à ses homologues un texte purement syndical “afin de montrer notre responsabilité et que les thèmes s’inscrivaient dans les problématiques”.

“On ne peut pas dire que le Medef n’a pas fait de propositions”

La négociatrice du Medef, Diane Milleron-Deperois s’est agacée des accusations syndicales : “On ne peut pas dire que le Medef n’a pas fait de propositions. Nous avons avancé de revoir les régimes d’incapacité invalidité an abaissant les âges de départ. Nous avons proposé de revoir le calcul du salaire moyen des femmes à 23 et 24 ans au lieu des 25 meilleures années”. Des avancées auraient même été suggérées dans l’après-midi du 23 juin selon elle, notamment l’acceptation de l’âge d’annulation de la décote à 66,5 ans, le maintien de la surcote de 5% pour les femmes et la valorisation de deux trimestres pour leurs carrières longues. Selon le Medef, l’absence d’accord est liée au fait que “certains n’ont jamais accepté la suppression des trois critères ergonomiques”.

À la CPME, Éric Chevée attribue les raisons de l’échec à “des visions trop différentes, d’un côté on considère que le travail n’est pas la solution et on veut sortir le maximum de monde, de l’autre on pense au contraire que le travail est la solution pour financer notre modèle social, donc cela ne pouvait pas coller”. S’il dit regretter cette fin de conclave, Éric Chevée ne doute pas que les sujets réapparaîtront d’une manière ou d’une autre,  notamment à l’occasion de la campagne présidentielle de 2027 : “On ne peut pas continuer à financer le modèle de protection sociale le plus généreux du monde sans revenir sur le taux d’emploi, c’est impossible vu les niveaux de déficits”. Pour autant, il estime qu’il s’agit d’un sujet de travail qui concerne les entreprises et ne doit pas être laissé aux seuls politiques.

Chacun se renvoie donc la responsabilité de cette fin décevante. A 7 heures ce matin, François Bayrou devrait réagir et pourrait proposer un rendez-vous aux organisations syndicales. Pour l’heure, les instances confédérales seront de nouveau réunies cette semaine afin d’envisager les suites de ces négociations inédites. 

Quels risques de censure pour François Bayrou ?
L’ouverture de ces concertations résultait d’un accord politique passé entre le Premier ministre François Bayrou et les députés socialistes afin d’éviter une censure du gouvernement l’hiver dernier. La fin du conclave sans accord signe-t-il le retour de la menace d’instabilité gouvernementale ? En fin de semaine dernière, La France Insoumise a annoncé déposer une motion de censure en l’absence d’accord issu du conclave. Elle risque cependant de ne pas aboutir : le weekend dernier, le député Rassemblement National Jean-Philippe Tanguy a été clair : le RN ne votera pas la motion et reporte le sujet des 64/62 ans à l’élection présidentielle de 2027.

Côté socialiste, on fourbit aussi ses armes : le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, a quant à lui détaché le sujet de la censure de celui d’un accord au conclave en exigeant du Premier ministre le dépôt d’un projet de loi relatif aux retraites avant la pause estivale. En l’absence d’un tel texte, François Bayrou risquerait aussi une motion de censure. Mais sans soutien largement partagé dans les rangs des députés, cette motion risque d’échouer autant que celle de LFI.

Si l’actuel Premier ministre passe l’été, la menace risque de revenir à l’automne prochain lors de l’examen des projets de lois de finances. Avec l’inconvénient, en cas de censure, de priver la France de budget et de devoir adopter de nouveau une loi spéciale.

Marie-Aude Grimont

Retraites : François Bayrou tente un ultime sauvetage de son conclave

25/06/2025

Après l’échec des discussions, les partenaires sociaux ont été reçus hier par le Premier ministre à Matignon. Les syndicats lui ont demandé de forcer la main du Medef pour que le patronat accepte le projet de texte issu des concertations. Le patronat a quant à lui rappelé les avancées concédées lors de la dernière séance.

Dans une ultime tentative de sauver ce qui reste du conclave, François Bayrou a pris la place de Jean-Jacques Marette depuis ses bureaux de Matignon, mardi 24 juin. Après leur dernier séance de négociation qui s’est étirée lundi 23 juin jusqu’à plus de 23 heures, le sujet des retraites s’est déplacé de l’avenue de Ségur aux locaux de la rue de Varenne. Le Premier ministre a reçu le patronat et les syndicats, en présence des ministres Catherine Vautrin (travail, santé solidarités) et Astrid Panosyan-Bouvet (travail) pour examiner avec eux les possibilités de ce qui s’apparente à une sortie de crise. L’enjeu est de contraindre le patronat à accepter le texte issu de la fin des négociations et qu’il refusait de signer lundi dernier.

Les syndicats poussent leur texte entre les mains de François Bayrou

« Nous avons fait le point des voies de passage et des blocages dans le cadre de la proposition de mardi dernier », a indiqué Marylise Léon, à la sortie du rendez-vous syndical avec François Bayrou. Accompagnée de Christelle Thieffinne (CFE-CGC) et de Cyril Chabanier (CFTC), la secrétaire générale de la CFDT a remis sur la table les sujets de friction du texte de la délégation paritaire (en pièce jointe), notamment sur la pénibilité, la réintégration des trois critères ergonomiques, les retraites des femmes.

Le rapport de force s’est donc déplacé des relations patronat- syndicats aux relations François Bayrou-Patrick Martin. Car tel était bien le point névralgique des rendez-vous d’hier à Matignon pour les organisations syndicales : faire plier le patronat.

Une nouvelle fois, les représentants des trois syndicats qui ont accepté de poursuivre le conclave ont critiqué les refus patronaux et la communication à la presse organisée de leurs dernières propositions sans leur en avoir fait part. Quoiqu’il en soit, Marylise Léon, Christelle Thieffinne et Cyril Chabanier refusent catégoriquement l’organisation d’une nouvelle réunion de négociations.

Le patronat fait valoir ses dernières propositions

Selon Patrick Martin, le Premier ministre a également demandé aux organisations patronales de définir les sujets de désaccord persistant avec les syndicats. Si le président du Medef lui a répondu qu’il « faut ramener le balancier au milieu », il a rappelé les avancées proposées par son organisation dans les dernières heures du conclave, comme l’avait fait sa négociatrice Diane Milleron-Deperrois (lire notre article) : “Si les organisations syndicales ont fait une avancée significative, même s’il elle n’est pas aussi explicite que ça sur les 64 ans, il ne faut pas oublier que de notre côté, le Medef et la CPME ont fait des avancées considérables sur des sujets extrêmement sensibles”.

Traduction : les syndicats ont certes abandonné l’idée d’obtenir un abaissement de l’âge légal de départ de 64 ans, mais le patronat a accepté d’intégrer les trois critères ergonomiques au compte de pénibilité avec des départs anticipés pour les salariés dont l’exposition à l’usure sera constatée par un médecin. Sur les femmes, le patronat a concédé de réduire le nombre d’années de calcul du salaire moyen des femmes à 23 et 24 ans au lieu de 25 suivant le nombre d’enfants et de maintenir la surcote parentale de 5 % à compter de 63 ans issue de la réforme de 2023.

“Nous avons été de bonne foi et constructifs dans ce débat. Mais nous sommes soucieux de l’équilibre financier de nos régimes de retraite sans que cela se traduise par une hausse des prélèvements obligatoires”, a insisté le président du Medef. Il a conclu en évoquant les entreprises françaises “qui en prennent plein la figure de la part des concurrents étrangers” alors que “l’économie est à l’arrêt”.

François Bayrou espère un accord d’ici la fin de la semaine

Selon les organisations syndicales, François Bayrou prendrait une décision “d’ici la fin de la semaine”. Invité à l’Assemblée nationale pour une séance de questions au gouvernement, le Premier ministre a répondu au député socialiste Boris Vallaud et justifié les rencontres avec les partenaires sociaux par l’existence d’un “chemin qui peut permettre de sortir de cette impasse et de déboucher sur un texte qui pourra être examiné par la représentation nationale”.

Il a ensuite réaffirmé sa ligne politique sur les retraites : “Nous ne pouvons pas continuer à compromettre l’avenir des travailleurs d’aujourd’hui et des générations de travailleurs de demain en reportant sur les générations suivantes les déficits que nous causons tous les jours. Notre responsabilité, c’est de rétablir l’équilibre du régime de retraite”.

L’issue de ces cinq mois de discussions intenses va sans doute dépendre désormais de la pression que le Premier ministre pourra mettre sur les épaules du patronat. Et réciproquement. Les députés socialistes ont quant à eux annoncé le dépôt d’une motion de censure à l’encontre de François Bayrou. Pour l’heure, chacun campe sur ses positions…

Ce qu’en pensent la CGT et FO
Première organisation syndicale à avoir quitté le conclave, Force Ouvrière continue de considérer le comme “une mascarade”. Selon son numéro un Frédéric Souillot, “Tout ça pour ça, on a toujours tort d’avoir raison trop tôt. Quelles que soient les améliorations souhaitées ou les concessions tentées, elles ne faisaient qu’avaliser la réforme Borne. Et pour gagner 6 mois de décote, on parle de désindexation des retraites ? C’est s’asseoir sur de grandes avancées pour rien, il n’y a pas de progrès social là-dedans”.

Quant aux rendez-vous organisés par François Bayrou à Matignon hier, “après des mois de négociations, être convoqué pour expliquer pourquoi on n’est pas d’accord, c’est infantilisant”, nous a confié le secrétaire général de FO.  

La CGT a pour sa part réagi par voie de communiqué de presse en qualifiant le conclave de “concertation en trompe l’œil”. La centrale de Montreuil ajoute qu'”il n’était pas possible de discuter de l’essentiel, le vol de deux ans de nos vies ! Seules des miettes pouvaient être grappillées financées par de nouveaux reculs : un rabotage sévère sur le dispositif carrières longues, qui aurait fait travailler un à deux ans de plus 20 à 60 000 personnes, et plus largement une sous-indexation générale des pensions des retraité”. Elle voit les rendez-vous organisés par François Bayrou comme des “manœuvres politiciennes pour prolonger son bail à Matignon”, appelle “les députés à tirer toutes les leçons de cet échec organisé par le patronat et le gouvernement”, et revendique l’abrogation des 64 ans notamment par la mise en œuvre de la résolution symbolique mais largement adoptée dans ce sens à l’Assemblée nationale le 5 juin.

Marie-Aude Grimont

Chômage : les allocations revalorisées de 0,5 % le 1er juillet

26/06/2025

Au 1er juillet prochain, les allocations chômage seront revalorisées de 0,5 %, a décidé le conseil d’administration de l’Unedic, le gestionnaire paritaire de l’assurance chômage, lors de sa réunion du 25 juin. Cette augmentation concernera 2,1 millions de demandeurs d’emploi indemnisés. Le montant journalier de l’allocation minimale passera ainsi de 31,97€ par jour à 32,13€ par jour.

Cette décision est qualifiée d’insuffisante par les organisations syndicales, la CFDT expliquant avoir proposé + 1,5 % avant de faire le choix de s’abstenir face au refus patronal, afin de sauvegarder une petite augmentation. 

Commentaire de la CGT : “Alors que l’inflation en 2024 était de 2 %, le patronat impose une nouvelle cure d’austérité : les allocations ne sont revalorisées que de 0.5 %, au prétexte du contexte économique, de l’état des finances de l’Unedic, dégradé notamment par les ponctions de l’Etat… et par la baisse des cotisations patronales depuis le 1er mai 2025″. 

Source : actuel CSE

Les pistes de l’Assurance maladie pour limiter le recours aux arrêts maladie

26/06/2025

Dans son rapport “Charges et produits“, publié le 24 juin 2025, l’Assurance maladie avance de nouvelles propositions afin de limiter la croissance des arrêts maladie.

Premièrement, l’Assurance maladie propose de limiter la durée des primo-prescriptions à un mois et les prolongations à deux mois. 

Deuxièmement, elle suggère, lorsque le travail de l’assuré est télétravaillable et que les conditions médicales et matérielles sont réunies, que le salarié bénéficie plutôt qu’un arrêt maladie d’un certificat de télétravail pour raison de santé. 

Troisièmement, l’Assurance maladie envisage la création d’un bonus-malus lié aux taux d’absentéisme des salariés. Un dispositif d’incitation à la diminution de l’absentéisme qu’elle qualifie de très “atypique” pourrait être institué afin d’inciter les entreprises concernées à converger vers un taux d’absentéisme plus cohérent avec celui de la moyenne de leur secteur.

Enfin, elle étudie un scénario de transfert aux entreprises de l’indemnisation des premiers jours d’arrêts maladie, du 4e au 7e jour par exemple.

Source : actuel CSE

Retraites : François Bayrou reprendra “les avancées” du conclave dans le PLFSS 2025

27/06/2025

Catherine Vautrin, François Bayrou, Astrid Panosyan-Bouvet, Jean-Jacques Marette

Tous les sujets n’y sont pas et il manque 400 millions d’euros, mais c’était sans doute le seul moyen de recycler le conclave. Le Premier ministre reprend à son compte une partie des propositions des partenaires sociaux sur l’âge de la décote, les femmes et la pénibilité. Sur ce dernier sujet et la partie financement, il relance 15 jours de négociations.

Une montagne qui accouche d’une souris ? En tout cas l’essentiel y est pour François Bayrou qui risquait de perdre son crédit politique s’il ne parvenait pas à trouver une issue favorable au conclave qui s’est terminé sans accord entre syndicats et patronat. Le Premier ministre a donc donné ses orientations depuis le salon rouge de Matignon dont on avait ouvert les portes à cause de la chaleur, laissant apercevoir les arbres majestueux du jardin. 

Le Premier ministre n’a pas manqué de saluer plusieurs fois le travail mené par les syndicats et le patronat : “Je suis impressionné par les progrès qui ont été faits depuis quatre mois. Il a pu y avoir des moments de tension, parfois d’agacement. C’est inévitable dans de telles négociations et sur un sujet aussi passionnant. Mais j’affirme que les représentants des salariés et des entreprises ont chacun pris en compte les attentes de leurs interlocuteurs et ce qui est plus important encore, l’intérêt général”. Sans pour autant brocarder ceux qui n’ont pas participé : “Je pense qu’ils avaient besoin de manifester un signe d’opposition pour des raisons internes que je peux comprendre et que je ne condamne pas”.

Après une journée de rencontres avec les partenaires sociaux la veille, il a décidé d’intégrer leurs dernières propositions au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 : l’abaissement (certes modeste) de l’âge d’annulation de la décote à 66,5 ans au lieu de 67, les mesures en faveur des femmes et une partie de la pénibilité. En revanche, le voeu syndical d’un retour à 62 ans d’âge légal de départ reste lettre morte.

L’abrogation des 64 ans toujours pas à l’ordre du jour

L’absence d’une remise en cause des 64 ans de la lettre de mission de François Bayrou aux négociateurs avait déclenché le départ de Force Ouvrière puis de la CGT. Au fil des discussions, les organisations participantes (CFDT, CFE-CGC et CFTC) ont fini par y renoncer face à l’opposition du patronat, augmentant d’autant leurs exigences sur les autres mesures.

Pour François Bayrou hier, l’exclusion d’un retour à 62 ans faisait donc partie d’un accord des partenaires sociaux : “Tous les participants se sont accordés, et ça n’était pas facile, pour ne pas remettre en cause dans cette négociation, les conditions d’âge fixées par la loi de 2023. C’est une avancée décisive et je veux saluer le courage des responsables qui se sont accordés sur ce point”, a-t-il souligné.

Certes, les syndicats poursuivent leur objectif des 62 ans hors conclave et continueront de le revendiquer. Il faudra cependant attendre des amendements au prochain PLFSS ou la campagne présidentielle de 2027 pour voir le sujet refaire surface.

6 mois de gagnés sur la décote

Les syndicats, en particulier la CFTC qui en avaient fait sa ligne rouge, tenaient absolument à obtenir 66 ans d’âge d’annulation de la décote. Mais le patronat n’avait cédé en toute fin du conclave que sur 66,5. C’est donc ce niveau qui sera présenté par François Bayrou dans le PLFSS pour 2026.

Pour mémoire, la décote (c’est-à-dire une baisse de pension) est appliquée aux salariés qui partent en retraite sans avoir droit à leur taux plein en termes de trimestres. A taux plein, la pension de retraite est calculée sur la base de 50 %  du salaire brut annuel moyen des 25 meilleures années. Si des trimestres de travail manquent, pour partir en retraite avant 67 ans sans taux plein, le taux de 50 % est réduit de 0,625 % par trimestre manquant.

Pendant les concertations, le patronat avait fait valoir qu’un abaissement d’un an coûtait 1,2 milliards d’euros. Il n’était pas plus favorable aux 66,5 ans et à leurs 600 millions de coût mais il avait cédé sur ce point lundi 23 juin.

Le calcul du salaire des femmes abaissé à 23 et 24 ans

Les femmes ont été de loin le sujet le plus consensuel des négociations. Rappelons qu’en avril, la CFE-CGC avait proposé des mesures recueillant l’unanimité : permettre aux femmes ayant atteint leur durée de cotisation avant l’âge légal de bénéficier d’une surcote.

Au final, une autre solution avait été retenue : une modification du calcul de la pension sur les 25 meilleures années. Le Premier ministre accepte de retenir la proposition finale des partenaires sociaux : réduire ce chiffre aux 23 meilleures années pour les femmes ayant eu 2 enfants, et aux 24 meilleures années pour les femmes ayant eu 1 enfant.

Le Premier ministre n’ayant pas évoqué la suppression de la surcote parentale de 5 % créée par la réforme de 2023 (1,25 % pour chaque trimestre cotisé) voulue par le patronat, nous lui avons directement posé la question. Ce sont les ministres Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet qui, d’un signe de tête, lui ont confirmé le maintien du dispositif. 

De plus, le Premier ministre souhaite permettre la prise en compte de deux trimestres de maternité permettant un départ anticipé des femmes ayant réalisé des carrières longues.

De nouvelles discussions sur la pénibilité

Enfin, la pénibilité s’était révélée le sujet le plus ardu des concertations. Au final, le Premier ministre intégrera au PLFSS les points d’accord trouvés entre syndicats et patronat :

  • une cartographie des métiers pénibles afin d’améliorer la prévention (une propostion de la CFDT),
  • la réintégration dans le compte pénibilité des trois critères ergonomiques supprimés en 2017 : port de charges lourdes, vibrations, postures pénibles.

En revanche, il appelle les partenaires sociaux à de nouvelles discussions de quinze jours afin de régler les points de désaccord persistants, à savoir l’utilisation de la pénibilité pour permettre des départs anticipés. Le Medef s’y était opposé, souhaitant focaliser le C2P sur de la prévention, à l’exclusion de toute réparation.

Selon le Premier ministre, “cette recherche d’accord est indispensable et je voudrais dessiner ce chemin à partir des travaux les plus récents des partenaires sociaux”.

Encore 400 millions d’euros à récolter

Sur le financement, François Bayrou a revanche acté l’apport de 500 millions d’euros via la branche accident du travail et maladies professionnelles (AT/MP) et 500 autres millions issus de la rationalisation du cumul emploi-retraites. Rappelons que ce dispositif permet de cumuler la pension de retraite de base avec un revenu d’activité professionnelle. Ce cumul peut être intégral ou soumis à un plafond de revenus.

Dans leur dernière proposition de relevé de décisions, les partenaires sociaux rappelaient le constat de la Cour des comptes et demandaient aux pouvoirs publics de dégager 300 millions en le rationalisant. L’institution financière a en effet dénoncé un dispositif coûteux, mal ciblé et favorisant les effets d’aubaine car mal contrôlé.

Dans les sources de financement, les syndicats avaient évoqué une hausse de 2 points du forfait social de 20 %. Le gouvernement ayant renoncé à accorder aux syndicats d’augmenter ce forfait payé par les entreprises, il faudra trouver les 400 millions correspondants. Il ne sera cependant pas question d’une hausse des cotisations salariales et surtout patronales comme le souhaitaient les syndicats. Selon le Premier ministre, “le souci du revenu du travail est au moins aussi important que celui des coûts du travail. Et donc, autant que je le pourrai, je protégerai le travail”.

Pour l’instant, François Bayrou écarte également la hausse de la CSG des retraités et la désindexation des pensions : “Cela sera discuté plus largement dans le cadre de ce qui sera discuté”, probablement mi-juillet avec ses annonces budgétaires.

Il reste cependant une inconnue : les partenaires sociaux accepteront-ils de repartir pour quinze jours de négociation ? Dans ses derniers passages télévisés, Marylise Léon (CFDT) y a déjà fermé la porte. A la CFTC, Pascale Coton nous a indiqué anticiper “des échanges de mails, des appels téléphoniques, mais pas de réunions”. Et pour Christelle Thieffine, c’est déjà non. 

Si les partenaires sociaux renoncent, François Bayrou a indiqué que “le gouvernement prendrait ses responsabilités et proposerait des dispositions de compromis qui seraient introduites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale”.

“Je lis des menaces de censure tous les jours”
Interrogé sur les risques de censure émanant du Parlement, François Bayrou s’est montré serein : “[Un] sondage, au mois de décembre, considérait que pour 84 % [des sondés] je n’atteindrai pas la fin de l’année 2024”. Et le Premier ministre de dire que si quelqu’un est conscient des risques que la situation politique du pays, sans majorité d’aucune sorte, ni absolue ni relative, fait courir au gouvernement, c’est bien lui.

Il reprend : “Et je lis des menaces de censure tous les jours. C’est probablement le mot qui est le plus souvent écrit. (…) Mais mon travail est à moi, notre mission à nous, les ministres qui sont là avec moi, c’est de répondre aux questions qui se posent et aux enjeux du pays sans rechercher, si j’ose dire, la sécurité de l’emploi, puisqu’on parle de travail…”.  

Marie-Aude Grimont