Les pouvoirs d’enquête du CSE n’empêchent pas une expertise pour risque grave

13/10/2025

Ni les pouvoirs d’enquête du CSE en matière de santé/sécurité, ni le déclenchement d’un droit d’alerte pour danger grave et imminent ne font obstacle à une expertise pour risque grave.

Par délibération du 26 septembre 2023, le CSE de l’un des établissements de la société Adecco France vote une expertise pour risque grave.

La délibération du comité de l’entreprise de travail intérimaire fait état d’une souffrance au travail. Elle invoque notamment “un effectif calculé au plus juste ne permettant pas de faire face aux pics de charge ni d’absorber les absences ordinaires ou extraordinaires, une gestion du personnel en réaction et non en anticipation, une situation qui se traduit par des défauts de qualité et une atteinte de la santé physique et mentale des salariés”.

Délibération annulée en première instance

La direction d’Adecco conteste et obtient en première instance l’annulation de la délibération du CSE.

Pour le tribunal judiciaire, les différentes analyses demandées à l’expert relevaient du pouvoir d’enquête du CSE en matière de santé et de sécurité au travail et non de l’expertise. En plus, cette expertise avait été votée “dans un contexte social marqué par une procédure d’alerte pour danger grave et imminent, déclenchée en 2021 et toujours en cours”.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 1er octobre 2025, n’a pas la même position.

Le droit d’enquête ne prive pas le CSE de son droit d’expertise

Pour les juges, “l’existence des pouvoirs d’enquête du comité social et économique en matière de santé et de sécurité au travail ou la mise en œuvre, avant la délibération, d’une procédure d’alerte pour danger grave et imminent” ne sauraient en soi “faire obstacle à une expertise pour risque grave”.

Le tribunal judiciaire devait donc juste “rechercher si les faits invoqués par le comité social et économique caractérisaient l’existence d’un risque grave, identifié et actuel au jour de la délibération ayant décidé du recours à une expertise pour risque grave”.

► Remarque : une cour d’appel a déjà eu l’occasion de juger que l’état de stress, en relation directe avec les conditions de travail au sein de l’entreprise, affectant dangereusement la santé mentale des salariés, suffit à caractériser l’existence d’un risque grave justifiant le recours à une expertise, sans qu’il soit nécessaire pour le CHSCT d’épuiser ses pouvoirs d’enquête propre (CA Colmar, 25 nov. 2015, n° 14/05422). Par ailleurs, le fait que l’entreprise soit dotée d’un organe spécifique de prévention des risques psychosociaux (RPS) ne s’oppose pas à une expertise pour risque grave (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-15.530). De même, ce n’est pas parce que l’employeur décide de mener sa propre investigation, par le biais d’un cabinet externe, que le CSE ne peut pas recourir à une expertise pour risque grave (Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-25.703).

Les pouvoirs d’enquête du CSE
D’après le code du travail, le CSE peut réaliser une enquête en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle (article L. 2312-13) ou d’incidents répétés ayant révélé un risque grave (article L. 2315-11).

Ce genre d’enquête ne sert pas à trouver le “coupable”. Elle doit permettre de comprendre ce qui s’est passé et de proposer des actions concrètes de prévention, dont la mise en œuvre empêchera tout nouvel incident ou accident.

Par ailleurs, lorsqu’un membre du CSE signale à l’employeur une situation de danger grave et imminent, une enquête a immédiatement lieu entre ce représentant du personnel et l’employeur (article L. 4132-2). L’enquête a pour objet de s’assurer de l’existence réelle d’un tel danger et de définir les moyens à mettre en œuvre pour le faire cesser.

Frédéric Aouate

Santé mentale : les cadres victimes d’une injonction au dépassement

13/10/2025

L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) publie sa première étude approfondie sur la santé psychologique des cadres et managers. Au-delà des constats de stress, de travail sous pression et de troubles du sommeil, les causes de la situation sont tout aussi inquiétantes : une culture de l’invulnérabilité et une injonction au dépassement de soi.

Pas étonnant que de plus en plus de salariés refusent les promotions : les cadres rencontrent des troubles de santé mentale alarmants.

L’Apec a enquêté sur un échantillon de 2 000 cadres auxquels elle a soumis un questionnaire en ligne. Une phase qualitative a réuni des entretiens en groupes de quinze managers en difficulté mentale, quinze managers encadrant des salariés en difficultés mentales et dix experts de type psychologues ou médecins du travail.

Si la pénibilité physique épargne les cadres, ils n’échappent pas au stress, au travail sous pression et à une charge mentale élevée.

Stress intense, irritabilité, troubles du sommeil

93 % des cadres travaillent dans un bureau contre 59 % des autres salariés. Ils utilisent intensément les outils numériques (74 %) et télétravaillent souvent (73 %). Ils connaissent donc peu les environnements bruyants et les postures pénibles ou autres ports de charge. Leur pénibilité est ailleurs : devoir sans cesse interrompre une tâche en cours (72 %), penser à trop de choses à la fois (63 %) et travailler sous pression (41 %).

À la clé, des symptômes qui dégradent la santé : un sentiment d’agacement et d’irritabilité qui se produit souvent ou occasionnellement pour 63 % d’entre eux.

Le stress intense se manifeste à 55 % et l’épuisement professionnel à 53 %. Il en ressort des troubles du sommeil (54 %), une perte d’intérêt ou de motivation (53 %), une fatigue profonde (60 %) ou encore une volonté de s’isoler de ses collègues (48 %).

54 % des entreprises n’agissent pas ou trop peu

Selon l’Apec, les entreprises sont en majorité à l’écoute mais agissent mal ou pas assez. Pour seulement 26 % des cadres interrogés, leur employeur a pris la santé mentale très au sérieux, prévient les difficultés et agit en conséquence. En revanche, 44 % des cadres indiquent que leur entreprise communique sur le sujet mais que ses actions sont insuffisantes et 30 % qu’elle n’a déployé aucune action sur la santé mentale.

Les managers eux-mêmes ressentent un stress intense (58 %) et peinent à appréhender le sujet. S’ils considèrent que prévenir la santé mentale de leur équipe relève bien de leur rôle (93 %), ils estiment qu’il est difficile de détecter les problèmes (65 %) et de trouver des solutions (69 %).

49 % d’entre eux craignent de mal faire en tentant de gérer les situations. Ils ne parviennent pas à distinguer ce qui relève de leur responsabilité et de celle d’autres acteurs. Il leur semble très compliqué de réduire la charge de travail (32 %), d’adapter l’organisation du travail (42 %) et de dégager du temps pour discuter avec leur équipe de la santé mentale (56 %).

L’association pour l’emploi des cadres relie cette impossibilité d’agir à l’intensité du travail des managers : 52 % travaillent au moins 50 heures par semaine, et 76 % continuent à penser à leurs missions en dehors des heures de travail.

“Un cadre doit donner l’exemple”

L’injonction culturelle à se dépasser dans son travail est largement répandue chez les cadres, à hauteur de 89 %. De plus, 57 % craignent de laisser transparaître leur souffrance car cela remettrait en cause leur légitimité : “Un cadre doit donner l’exemple”, mentionne l’un des verbatims de l’enquête.

Pas question donc de s’exprimer sur ses difficultés psychologiques : 39 % des managers et 32 % des cadres redoutent que cela freine leur évolution professionnelle. Dans ces deux catégories , les cadres craignent aussi (36 %) d’être perçus comme des personnes non fiables. Viennent ensuite la peur d’une dégradation des relations avec le manager, les réactions de type moquerie ou reproches, l’ébruitement dans l’entreprise, la perte de missions intéressantes et la surcharge de travail pour les autres collègues.

Face à leurs difficultés, 39 % des managers prennent une journée de congé pour souffler. Côté cadres, on préfère à 38 % s’aménager des temps de calme pendant le travail. Beaucoup réagissent par une augmentation de leurs horaires de travail (37 % des managers et 28 % des cadres), ce qui risque au contraire de faire flamber le problème…

L’Apec recommande aux entreprises de réguler la pression, de mieux anticiper la charge de travail, de mieux accompagner les managers et enfin de déconstruire le mythe de l’invulnérabilité des cadres, seule solution pour libérer la parole et enrayer le cercle vicieux…

Marie-Aude Grimont

Santé au travail : le télétravail plébiscité, le stress omniprésent

13/10/2025

Selon le premier baromètre sur la santé au travail d’AG2R La Mondiale, réalisé avec Occurrence (groupe Ifop) et publié vendredi 10 octobre, 76 % des télétravailleurs estiment que ce mode d’organisation a un impact positif sur leur santé mentale, contre 55 % des non-télétravailleurs. Il permettrait également de diminuer le stress pour 43 % d’entre eux et d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle (82 %, contre 63 % pour ceux qui ne télétravaillent pas).

Si 89 % des actifs se déclarent en bonne santé physique et 86 % en bonne santé mentale, un tiers d’entre eux juge que le travail pèse négativement sur leur bien-être. Le stress reste omniprésent : 60 % des sondés considèrent le rythme des journées de travail comme une source de tension. Face à cette pression, 39 % font du sport et 35 % prennent du temps pour eux, mais d’autres adoptent des comportements à risque, comme le grignotage (24 %) ou l’automédication (9 %).

L’étude pointe également l’hyperconnexion d’un quart des actifs, qui consultent leurs outils professionnels plusieurs fois par semaine hors temps de travail.

Source : actuel CSE

Pour 70 % des élus interrogés, la santé des salariés s’est dégradée depuis la crise sanitaire

14/10/2025

Du 2 au 18 septembre 2025, 775 élus du personnel ont été sondés par le cabinet Syndex pour une enquête flash portant sur les risques graves en entreprise (*).

Pour 70 % de ces élus, la santé physique et mentale des salariés s’est dégradée depuis la crise du covid, 57 % des élus disant avoir été confrontés à un risque grave au cours des 4 dernières années.

Les risques les plus cités par les élus sont les RPS (risques psychosociaux) et les TMS (troubles musculosquelettiques) pour 94 % des répondants, devant les chutes de plain-pied (citées par 79 %), le risque routier (71 %) et le risque chimique (43 %). 

Selon cette enquête, l’expertise risque grave que peut déclencher le CSE reste peu utilisée par les élus : seuls 30 % ont déjà déclenché une telle expertise, tandis que 39 % des élus ont déjà procédé à une enquête par leurs propres moyens. 

(*) 78 % des représentants du personnel qui ont répondu travaillent dans le secteur privé, 56 % sont élus de CSE et 30 % délégués syndicaux. 

Source : actuel CSE