CSE

Heures de délégation, réunion extraordinaire, audition des salariés par l’expert, dénonciation d’un accord : vos questions, nos réponses

19/09/2023

Le groupe d’édition juridique Lefebvre Dalloz était présent au Salon Eluceo de Lyon les 12 et 13 septembre. Bernard Domergue (actuEL-CSE) et Séverine Baudouin (Dictionnaire permanent social) y ont donné une conférence sur l’actualité du droit des représentants du personnel. De nombreux participants ont posé plusieurs questions pertinentes, dont les réponses peuvent intéresser nos abonnés ! Nous vous les partageons donc dans cet article questions-réponses.

Question n° 1
“L’employeur peut-il nous imposer de récupérer les heures de délégation effectuées en dehors du temps de travail au lieu de nous les payer ?”

► Notre réponse

Oui, mais dans certaines conditions. Rappelons que les heures de délégation permettent aux représentants du personnel qui en bénéficient de s’absenter de leur poste de travail pour exercer leur mandat. Il arrive que les nécessités du mandat les obligent à prendre ces heures de délégation en dehors de leur temps de travail. Dans les deux cas, il existe une “présomption de bonne utilisation” de ces heures, laquelle implique que l’employeur est obligé de les payer à l’échéance, en heures supplémentaires pour les heures prises hors temps de travail.

Oui, mais seulement s’il y a un accord de branche ou un accord d’entreprise qui le prévoit 

Concernant ces heures, doivent-elles obligatoirement être payées en heures supplémentaires ou l’employeur peut-il imposer leur récupération ? La jurisprudence a précisé que l’employeur peut imposer aux représentants du personnel de prendre un repos compensateur obligatoire en contrepartie des heures de délégation prises hors temps de travail, au lieu d’être rémunéré en heures supplémentaires. Cependant, cette alternative ne peut être mise en œuvre que s’il existe une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut de branche, appliqué à l’ensemble des salariés (Cass. soc., 9 oct. 2012, n° 11-23.167).

A savoir également : lorsqu’une convention collective prévoit que, contrairement aux salariés “de droit commun”, les représentants du personnel ont le choix entre repos compensateur obligatoire et rémunération des heures supplémentaires, l’employeur ne peut pas leur imposer la formule du repos compensateur. A défaut, s’il s’agit d’une convention collective étendue, il est susceptible d’être poursuivi pour délit d’entrave (Cass. crim., 26 janv. 2016, n° 13-85.770).

Enfin, lorsqu’un élu utilise des heures de délégation pendant ce repos compensateur, ces heures ne doivent pas faire l’objet d’une rémunération supplémentaire, mais simplement d’un report (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250).

Question n°2
“Comment demander une réunion extraordinaire du CSE ?”

► Notre réponse

C’est l’employeur qui fixe les réunions du CSE, c’est lui qui envoie convocation et ordre du jour (lequel est élaboré conjointement avec le secrétaire). Ce calendrier est parfois discuté avec les élus. Cependant, un besoin peut apparaître entre 2 réunions, et les élus doivent savoir qu’ils peuvent facilement demander une “réunion extraordinaire”.

Il y a 2 situations à distinguer :

Réunion extraordinaire « classique » : le CSE peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres (C. trav., art. L. 2315-28, al. 3). Cette possibilité est ouverte par la loi quelle que soit la périodicité minimale des réunions applicable dans l’entreprise. Cette majorité des membres du comité s’entend de la majorité des membres élus ayant voix délibérative (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-27.889).

Le code du travail ne prévoit aucun formalisme particulier pour cette demande. En pratique, la demande de convocation d’une réunion extraordinaire du comité peut résulter soit d’une lettre signée par la majorité des membres titulaires du comité que le secrétaire du comité ou l’un de ses membres adresse à l’employeur, soit d’un simple vote de la majorité des membres titulaires du comité au cours d’une réunion ordinaire.

Pour une réunion sur un thème “classique”, il faut une demande votée à la majorité 

La demande doit obligatoirement comporter les questions qui seront abordées au cours de la réunion. L’employeur ne peut pas se faire juge de l’opportunité ou de l’utilité d’une réunion extraordinaire régulièrement demandée par la majorité des membres du CE. Sous peine de commettre un délit d’entrave, il ne peut donc refuser de l’organiser. Cependant, le code du travail ne prévoit pas de délai entre la date de la demande et celle de la réunion. En pratique cette réunion doit avoir lieu le plus vite possible ;

Réunion extraordinaire dans le domaine de la santé, sécurité et conditions de travail : le CSE est réuni à la demande motivée de 2 de ses membres représentants du personnel, sur les sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-27, al. 2).

Pour une réunion sur la santé, une demande motivée de 2 membres suffit 

Ces dispositions sont d’ordre public, il est donc impossible d’y déroger dans un accord traitant des réunions du CSE, et l’employeur se doit nécessairement d’organiser la tenue de cette réunion.

A savoir également : l’employeur peut lui-aussi être à l’origine d’une réunion extraordinaire lorsqu’il l’estime nécessaire ou lorsque des circonstances particulières liées à l’urgence d’une situation l’exigent. Il pourrait par exemple en être ainsi en cas de consultation du CSE sur le licenciement d’un salarié protégé. Il est important de souligner que les réunions extraordinaires organisées à l’initiative de l’employeur sont soumises à l’ensemble des règles applicables aux réunions ordinaires du CSE. Dans ce cas, l’employeur ne peut pas établir l’ordre du jour tout seul, il doit convier le secrétaire. Il ne peut pas non plus ne convoquer que certains membres du CSE et pas d’autres.

Question n°3
“Le refus de l’employeur de laisser l’expert auditionner les salariés peut-il justifier un report des délais de consultation du CSE ?mment demander une réunion extraordinaire du CSE ?”

► Notre réponse

Cette question fait suite au commentaire que nous faisions d’un arrêt récent. En juin dernier, la Cour de cassation a décidé qu’un expert, intervenant dans le cadre de la politique sociale, ne pouvait procéder à l’audition des salariés de l’entreprise, audition qu’il estimait utile pour sa mission, qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés (Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.293).

Rappelons tout d’abord, comme le souligne d’ailleurs cette décision, que l’expert a libre accès à l’entreprise et que l’employeur doit lui fournir les informations nécessaires à sa mission (C. trav., art. L. 2315-82 et L. 2315-83). D’autre part, c’est seulement lorsque le comité estime ne pas disposer d’éléments suffisants, qu’il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Attention, cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires, le juge peut décider la prolongation du délai (C. trav., art. L. 2312-15, al. 4 et 5).

Non, il n’y a pas de report automatique du délai de consultation 

Donc, non, il n’y a aucun automatisme de report du délai de consultation lorsque l’employeur refuse à l’expert le droit d’auditionner les salariés.

Cependant, si ces auditions s’avèrent nécessaires à l’information de l’expert dans sa mission, laquelle a pour but d’éclairer le CSE pour rendre son avis, la procédure de demande d’informations supplémentaires, avec demande de prolongation du délai de consultation semble envisageable. Mais il faudra agir en justice et prouver la nécessité de ces auditions à l’information de l’expert.

Question n°4
“Un accord collectif sur le temps de travail a été dénoncé. Combien de temps continue-t-il de produire ses effets après sa dénonciation ? Quelles dispositions s’appliquent-elles si les partenaires sociaux ne signent pas de nouvel accord ?”

► Notre réponse

En cas de dénonciation d’un accord collectif à durée indéterminé (la dénonciation d’un accord à durée déterminée étant impossible), le code du travail prévoit que la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis de 3 mois, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure (C. trav., art. L. 2261-10, al. 1er). C’est ce que l’on appelle le “délai de survie de l’accord”.

L’ouverture de négociations d’un accord dit “de substitution” est obligatoire à la demande d’une partie intéressée dans les 3 mois de la dénonciation.

 Une garantie de rémunération s’applique en l’absence de nouvel accord

En cas d’échec des négociations dans le délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord dénoncé(e) et du contrat de travail, lors des 12 derniers mois (12 mois précédant la date à laquelle la convention ou l’accord cesse de produire ses effets).

Rappelons qu’avant l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016, les salariés conservaient leurs “avantages individuels acquis”  en application de la convention ou de l’accord dénoncé. La jurisprudence avait défini l’avantage individuel acquis comme une rémunération ou un droit dont le salarié bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (par exemple, outre la rémunération : des jours de congés ou des temps de pause). Désormais, les salariés ne peuvent plus prétendre au maintien des avantages non salariaux. Les nouvelles dispositions s’appliquent aux conventions ou accords dénoncés ayant cessé de produire leurs effets à compter du 9 août 2016.

Ainsi, en dehors de cette garantie de rémunération, en l’absence d’accord de substitution, c’est le code du travail qui redevient applicable. Il convient de vérifier également si des dispositions d’un accord de branche ou de la convention collective sont applicables dans le domaine concerné.

► La rédaction d’actuEL-CSE et du Guide CSE des Editions Législatives / Lefebvre Dalloz vous propose deux nouvelles dates pour cette conférence sur le droit et l’actualité des représentants du personnel (“Salariés et CSE : les dernières évolutions du droit à connaître”) dans le cadre des salons Eluceo : le vendredi 13 octobre 2023 de 10h30 à 11h30 en salle 1, au stade Pierre Mauroy à Lille (s’inscrire ici); le mercredi 18 octobre 2023 de 11h30 à12h30 en salle 2, au Parc des Princes, à Paris (s’inscrire ici).  Si vous vous trouvez à ces dates dans les régions lilloise et parisienne, vous êtes cordialement invités à venir échanger avec nous lors de ces conférences ou sur nos stands (stand A18 à Lille, loge 2-B08 à Paris) .

Séverine Baudouin

Les entreprises industrielles peuvent donner leur avis sur le prix de l’électricité

19/09/2023

Le gouvernement lance une consultation à destination des entreprises industrielles afin de recueillir leur besoin en termes de prix sur leur approvisionnement en électricité à l’horizon 2035. Cette consultation cible les entreprises “électro-intensives” ou “dont le coût de l’électricité représente un enjeu particulier”. Les contributions peuvent être déposées jusqu’au 29 septembre 2023.

Source : actuel CSE

[3 Q / R] Accès de l’expert-comptable aux documents de l’entreprise, assistance juridique aux salariés, droit aux activités sociales et culturelles

20/09/2023

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : A quels documents de l’entreprise l’expert-comptable mandaté par le CSE peut-il avoir accès ? Un CSE peut-il proposer une assistance juridique aux salariés dans le cadre des activités sociales et culturelles (ASC) ? Un signataire d’un contrat civique a-t-il droit aux ASC ?

Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone de Lefebvre Dalloz, les juristes de l’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois de septembre 2023. Bonne lecture ! 

[3 questions d’élus, 3 réponses d’expert]

Stéphanie Menegakis-Lacheré, juriste pour l’Appel Expert, répond à 3 questions posées par des élus de CSE en septembre 2023

A quels documents l’expert-comptable mandaté par le CSE peut-il avoir accès ?

Aux mêmes documents que le commissaire aux comptes

En application de l’article L.2315-88 du code du travail, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur situation économique et financière de l’entreprise. Sa mission va porter sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social, environnemental qui seront nécessaires à la compréhension des comptes et application de la situation de l’entreprise (article L.2315-89 du code du travail).

Pour opérer toute vérification et contrôle entrant dans l’exercice de ses missions, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise (article L.2315-90 du code du travail).

Concrètement, il peut se faire communiquer sur place toutes pièces qu’il estime utiles à l’exercice de sa mission et notamment tous les contrats, livres, documents comptables et registres des procès-verbaux d’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire (article L.823-13 du code de commerce).

Un CSE peut-il proposer une assistance juridique aux salariés dans le cadre des ASC ?

Oui, la jurisprudence le permet

Dans le cadre des ASC, le CSE peut proposer aux salariés une assistance juridique. Une convention est alors passée avec un cabinet d’avocats pour offrir individuellement aux salariés accès aux services de consultation. Selon une décision du TGI (tribunal de grande instance de Paris (4 juin 2013, n°12-05.394), l’assistance peut aussi porter sur le droit social.

Les élus du CSE peuvent se demander sur quel budget imputer les sommes versées au cabinet d’avocats. Il s’agit du budget des ASC, comme l’indique la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juillet1986 n°85-13.424). Les missions d’assistance du comité dévolues à un tiers sont pratiquées dans l’intérêt des salariés ou anciens salariés de l’entreprise sans aucune discrimination. En conséquence, l’adhésion du CSE et le versement de cotisations correspondait au but des œuvres sociales qu’il est appelé à gérer en assurant un avantage particulier au salarié.

Un signataire d’un contrat civique a-t-il droit aux activités sociales et culturelles ?

Il revient au CSE de le décider

L’accès d’un stagiaire aux activités sociales et culturelles (ASC) ne pose pas de difficultés : il dispose des mêmes droits d’accès aux ASC que les salariés, en application de l’article L.124-16 du code de l’éducation. En revanche, le signataire d’un contrat civique n’est ni un salarié ni un stagiaire : il bénéficie d’un statut spécifique. Ce contrat de volontariat associatif ne prévoit pas de lien de subordination envers l’association. Il ne perçoit pas de salaire mais une indemnité. Aucun article du code du travail ne précise sa position vis-à-vis des prestations du CSE. En pratique, il revient au CSE de décider de son accès aux ASC dans une délibération.

Une infographie de Marie-Aude Grimont avec les juristes de l’Appel Expert du groupe

Partage de la valeur : les entreprises ont versé en moyenne 1 681 euros par salarié en 2023

20/09/2023

Les entreprises ont octroyé, en moyenne, 1 681 euros par salarié en 2023 au titre du partage de la valeur (intéressement et participation), soit une hausse de 3,7 % par rapport à 2022, selon une enquête du gestionnaire d’actifs Amundi, une filiale du Crédit Agricole et retraite qui gère l’épargne retraite de plus de trois millions de salariés (sur près de 12 millions de salariés français qui en détiennent). Le nombre de salariés bénéficiaires a, lui, aussi augmenté de 3,5 %.

Les salariés investissent et épargnent à long terme dans leur plan d’épargne d’entreprise (ou Perco/PER collectif), y compris dans un contexte de forte inflation et de volatilité des marchés financiers puisque 70% des montants versés ont été épargnés.

Si les salariés sont légèrement plus nombreux, cette année, à avoir placé cette épargne sur des fonds dits d’actions (21 % des investissements en 2023, +2 points) et des fonds monétaires (17,7 %, + 2 points), 22, 8% ont privilégié l’actionnariat salarié, contre 23,2 % en 2022. En revanche, les fonds obligataires et diversifiés ont été moins favorisés par les épargnants en 2023.

A noter : les fonds solidaires ont également été davantage choisis par les salariés pour investir leur participation et/ou intéressement.

Seuls 30 % des salariés ont demandé un versement immédiat, une proportion quasi-stable sur un an et qui concerne essentiellement les plus petits montants.

Source : actuel CSE

[Renégocier son accord CSE] “Il faut revoir la liaison CSE-CSSCT car elle ne fonctionne pas”

21/09/2023

Alors que les élections professionnelles se poursuivent jusqu’à la fin de l’année, peu d’accords de CSE sont réellement renégociés par les délégués syndicaux. Les élus courent donc le risque de reproduire les défauts de l’accord sur la nouvelle mandature. Nous avons donc demandé à Camille Piat, avocate spécialiste des CSE, ses conseils pour renégocier un accord, en particulier sur la composition du CSE et la liaison avec la CSSCT.

Avez-vous constaté que peu d’accords sur le CSE sont renégociés à l’occasion des élections professionnelles ? 

Effectivement, par rapport à 2019, nous sommes moins consultés sur les accords CSE. Pour autant, cela ne signifie pas forcément qu’il y a peu de renégociations. Dans les entreprises où la culture de la négociation est bien installée, on constate que, dès 2019, employeurs et délégués syndicaux sont allés plus loin que le minimum légal. De ce fait, aujourd’hui ils peuvent renégocier certains points car ils se sont aguerris. Mais ce n’est pas la majorité des CSE à mon avis : dans de nombreuses entreprises, il n’y a jamais eu de vraies négociations de l’accord en 2019, et les clauses sont réduites au minimum. 

Selon vous, quelle est la raison de ce phénomène ? 

Les élus ne savent tout simplement pas par où commencer, même après 4 ans de mandat, ils peinent à tirer le bilan de l’instance.  

Des délégués syndicaux nous ont indiqué craindre un “moins-disant social”. Qu’en pensez-vous ? 

Cela reflète le climat dans lequel ils négocient. Il existe une vraie dichotomie : il y a les entreprises où on négocie vraiment, et celles où le dialogue stagne. Je conseille aux élus et délégués syndicaux de s’y mettre étape par étape. S’ils ont l’impression de devoir franchir un mur, ils peuvent commencer par se pencher sur le règlement intérieur du CSE, puis aborder le sujet des consultations, puis passer à un autre sujet. Et il faut bien-sûr avant tout se contraindre à réaliser un bilan de la mandature, étudier ce qui a marché, ce sur quoi le CSE a été entravé, etc. A défaut, ils vont conserver les défauts de l’accord et reporter les difficultés sur la mandature suivante. 

Quel conseil leur donnez-vous pour lancer une renégociation des accords ? 

Cela dépend du type d’entreprise, il faut étudier sa taille, sa composition, la présence de plusieurs sites ou d’un seul. Dans l’industrie, les enjeux de santé sont particulièrement lourds, beaucoup plus que dans le secteur tertiaire qui subit en revanche plus de risques psychosociaux. Je conseille d’abord de poser le bilan et peser les enjeux.

 Le secrétaire et le trésorier ont besoin d’heures de délégation supplémentaires

J’ai constaté par expérience que le secrétaire du CSE et le trésorier ont besoin d’heures de délégation supplémentaires, afin que les procès-verbaux de réunion soient rédigés et transmis à l’employeur dans les temps impartis, soit 15 jours à défaut d’accord. Il faut au moins que, lors de la réunion du CSE, l’employeur fasse connaître ses décisions sur les propositions de la réunion précédente.  

La loi prévoit une répartition des clauses relatives à la composition du CSE entre le protocole d’accord préélectoral (le “PAP”) et l’accord sur le CSE. Pourquoi ? 

En effet, le PAP peut revenir sur le nombre d’élus ou le volume des heures de délégation, et je déconseille aux négociateurs de s’en affranchir pour inclure toutes les clauses dans l’accord CSE. Ce serait prendre le risque d’une contestation en justice. La raison de cette répartition est que le protocole d’accord préélectoral est soumis à une condition de double majorité de signature, ce qui n’est pas le cas de l’accord CSE. Il faut le voir comme un garde-fou : cela permet d’éviter qu’une organisation syndicale majoritaire ne signe avec l’employeur une baisse du nombre d’élus, notamment en contrepartie d’une hausse des heures de délégation. Avec la double majorité, les autres syndicats ont leur mot à dire. Il fallait donc prévoir que ces éléments figurent dans le protocole d’accord préélectoral. 

Quel est selon vous l’enjeu majeur des clauses de compositions du CSE ?  

Le plus important selon moi est de prévoir la présence des élus suppléants du fait de la limitation à 3 du nombre de mandats successifs.

 Faire des suppléants d’aujourd’hui les titulaires de demain

Au début de leur 2e mandat, il faut absolument qu’ils s’intéressent au renouvellement des élus et prévoient des successeurs potentiels. Tous les élus que je rencontre me confient qu’ils peinent à trouver des candidats. Il est donc indispensable de prévoir dans l’accord que les suppléants assistent aux réunions. On leur met ainsi le pied à l’étrier, et on fait des suppléants d’aujourd’hui les titulaires de demain. 

Qu’en est-il de la liaison entre le CSE et la CSSCT ? 

En pratique, je constate qu’elle ne fonctionne pas car elle n’a pas été suffisamment pensée par le législateur. Je vois souvent un fonctionnement en vase clos de la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail), par des élus qui reproduisent ce qu’ils ont connu en CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Dans ce cas, il vaut mieux réduire les prérogatives des CSSCT dans les clauses car les CSE laissent passer trop de choses. Le point de rupture est atteint quand le CSE délègue son droit d’alerte à la CSSCT, et de ce fait se désintéresse de la commission. Ils finissent ainsi par se déconnecter des questions de santé, sécurité et conditions de travail, alors que c’est un sujet majeur pour les salariés. 

Un CSE qui a délégué par accord son droit d’alerte à la CSSCT peut-il revenir sur cette clause en cours de mandat ? 

En effet, contrairement aux délégations de droit civil, la délégation du droit d’alerte du CSE à la CSSCT n’est pas rédigée de manière indépendante, c’est une clause de l’accord CSE. Et c’est une question juridique sensible : le CSE se trouve-t-il dépourvu de son droit d’alerte ou peut-il le reprendre ? Selon moi, il a délégué le droit mais il le conserve quand même. C’est en fait un partage du droit d’alerte. En théorie, du fait de la délégation, le CSE ne peut plus user du droit d’alerte mais il conserve la possibilité de le faire. La réponse n’est pas évidente, j’en conviens ! Il faut en tout cas lister dans les accords les fonctions que le CSE délègue à la CSSCT. 

En revanche, le CSE ne peut pas aller trop loin en confiant par exemple un droit d’expertise à la CSSCT. Pourquoi ? 

Parce que la CSSCT ne dispose pas de la personnalité morale. Le CSE peut donc lui déléguer un droit d’alerte danger grave et imminent, mais pas une demande d’expertise. La commission fait partie du CSE, elle ne constitue pas une instance en tant que telle, ce n’est pas une instance dans l’instance. D’ailleurs, ses comptes rendus n’ont pas la valeur juridique des procès-verbaux du CSE. 

Les négociateurs peuvent-ils réviser des clauses relatives à la composition du CSE en cours de mandat ? 

La jurisprudence a déterminé que le protocole d’accord préélectoral (PAP) est un accord à durée déterminée. Certes, il peut être reconduit par tacite reconduction, mais cela n’en fait pas un accord à durée indéterminée. On ne peut donc pas le réviser, il doit aller à son terme. Il peut certes être dénoncé mais dans ce cas, la totalité de l’accord tombe, pas seulement une partie des clauses.

Quels sont les points de vigilance à avoir en tête si on renégocie les clauses de désignation des membres de la CSSCT par le CSE ?

La CSSCT doit comprendre au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège. Évidemment, la composition de la CSSCT doit prendre en compte la composition de l’entreprise. La question qui se posait récemment était de savoir si lorsqu’une entreprise avait un troisième collège, un représentant membre de la CSSCT devait être issu du troisième collège.

La CSSCT n’a pas de siège réservé pour le collège cadre 

Dans une décision de juillet 2023, la Cour d’appel d’Aix en Provence a jugé qu’il n’y a pas de siège réservé pour le collège cadre mais seulement pour les collèges 2 et 3. Cette position n’a pas été confirmée par la Cour de cassation mais il s’agit d’un point de réflexion car de nombreux accords de mise en place du CSE réservent une place au sein de la CSSCT pour un membre du 3collège.

Quelles clauses conseillez-vous sur les moyens de la CSSCT ?

Idéalement, il peut être prévu des heures de délégation supplémentaires pour les membres de la CSSCT, notamment si des élus suppléants sont membres de la CSSCT et n’ont pas d’heures de délégation qui seraient déjà prévues conventionnellement. Concernant la formation, il est possible de prévoir une formation spécifique réservée aux membres de la CSSCT, en plus de celle ouverte pour l’ensemble des élus du CSE. Cette formation doit correspondre spécifiquement aux risques ou facteurs de risque particuliers, en rapport avec l’activité de l’entreprise selon le Questions/Réponses édicté par le Ministère du travail au moment de la mise en place des CSE.

Marie-Aude Grimont

Situation économique et financière : pas de consultation du CSE d’établissement, pas d’expert

22/09/2023

Le CSE d’établissement ne peut pas désigner un expert sur la situation économique et financière si l’employeur n’a pas décidé de le consulter, et qu’aucun accord collectif ne prévoit une consultation à ce niveau.

La question de la désignation d’un expert par le CSE d’établissement (CSEE) fait l’objet d’une jurisprudence abondante depuis près de 2 ans. La Cour de cassation tranche, dans cet arrêt publié du 20 septembre 2023 (en pièce jointe), un nouveau cas de figure dans le cadre de la consultation récurrente sur la situation économique et financière. La solution est sans surprise mais mérite d’être détaillée.

Désignation d’un expert par le CSEE dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière

Dans cette affaire, le CSE d’établissement du secteur d’activité de la cohésion sociale d’une association en faveur des personnes handicapées décide du recours à une expertise en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

L’employeur conteste le droit à consultation et à expertise du CSEE et demande au tribunal judiciaire l’annulation de la délibération.

Le tribunal judiciaire refuse, au motif que “la possibilité du comité central d’entreprise d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen annuel de la situation économique et financière de l’entreprise ne prive pas le comité social et économique d’établissement, qui dispose d’une autonomie suffisante et dans les limites de pouvoirs confiés au chef d’établissement, d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen des comptes annuels, et donc plus largement de la situation économique et financière de l’établissement pour pouvoir notamment se comparer avec les autres établissements”.

► Le tribunal judiciaire applique ici une jurisprudence de la Cour de cassation de 2019, laquelle a reconnu le droit à expertise du comité d’établissement sous l’empire de la loi Rebsamen, contrairement à toute attente, afin de permettre à ce dernier de connaître la situation économique, sociale et financière de l’établissement dans l’ensemble de l’entreprise et par rapport aux autres établissements ; et ce sur le fondement de l’identité des attributions du comité d’établissement avec le CCE dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement, et de l’application du critère d’autonomie suffisante nécessaire à la mise en place d’un tel comité d’établissement (Cass. soc., 16 janv. 2019, n° 17-26.660). Cette solution avait surpris, et la rédaction avait émis des réserves sur son applicabilité suite à mise en place du CSE par l’ordonnance Macron. 

Pas d’accord sur les consultations récurrentes et pas de consultation au niveau des CSEE

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord avec cette décision. Elle rappelle que :

– selon l’article L. 2312-22 du code du travail, en l’absence d’accord prévu à l’article L. 2312-19, le CSE est consulté chaque année sur la situation économique et financière de l’entreprise, laquelle est conduite au niveau de l’entreprise, sauf si l’employeur en décide autrement et sous réserve de l’accord de groupe prévu à l’article L. 2312-20 du code du travail ;
– aux termes de l’article L. 2315-88 du même code, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Elle constate ensuite qu’il n’y a pas d’accord relatif aux consultations récurrentes dans cette association, et que l’employeur n’a pas décidé de consulter le CSEE sur la situation économique et financière.

La Haute juridiction en déduit, en toute logique que « la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise relevait du seul comité social et économique central et que le comité social et économique de l’établissement ne pouvait recourir à une expertise à ce titre ». Ainsi, en l’absence d’accord, et si l’employeur n’a pas soumis à la consultation du CSEE les comptes de l’établissement, et plus largement sa situation économique et financière, la consultation ne s’effectue qu’au niveau de l’entreprise et de son CSEC, et en conséquence, il n’y a aucun droit à expertise du CSEE.

Une solution dans la lignée de la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur la répartition des compétences entre CSEC et CSEE

La Cour de cassation a rendu plusieurs décisions en matière de répartition des compétences entre CSEC et CSEE au cours des derniers mois. Elle a tout d’abord confirmé le lien de cause à effet entre droit à consultation, et droit à expertise. Ainsi, dès lors que le CSEE n’a pas compétence pour être consulté, il n’a pas de droit à expertise, et ce qu’il s’agisse d’une consultation récurrente (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373, notamment) ou d’une consultation ponctuelle sur un projet (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622).

Les décisions relatives aux consultations récurrentes concernaient toutes la politique sociale. Or, rappelons que cette consultation a la spécificité de se tenir au niveau des CSEE dès lors qu’aucun accord n’en décide autrement, et qu’il existe des mesures d’adaptation au niveau de l’établissement. Dans ce cas et seulement dans ce cas, le CSEE doit être consulté et donc peut désigner un expert, mais uniquement sur le champ desdites mesures d’adaptation (Cass. soc. 9 mars 2022, n° 20-19.974, notamment, et Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-23.992).

La Cour de cassation semble donc boucler la boucle en précisant dans l’arrêt du 20 septembre 2023 que le CSEE n’est consulté et donc n’a droit à un expert sur la situation économique et financière, que lorsque l’employeur a lui-même décidé de soumettre à la consultation dudit CSEE les comptes (et plus largement la situation économique et financière) de l’établissement. Bien sûr, rappelle la Cour de cassation, un accord peut en décider autrement, et dans ce cas, ce sont les dispositions de l’accord qu’il faudra appliquer. Il est donc possible de prévoir une telle consultation au niveau des établissements afin que les CSEE puissent comparer leur situation entre eux, et dans ce cas, l’expertise sera possible, et ce même si elle n’est pas prévue expressément par l’accord (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.974).

Séverine Baudouin

Elections professionnelles : la CFDT passe en tête aux Chantiers de l’Atlantique

22/09/2023

Selon la fédération de la métallurgie CFDT, l’organisation de Marylise Léon devient première organisation syndicale à l’issue des élections professionnelles des Chantiers de l’Atlantique. Elle recueille en effet 31,8 % des voix, devant la CGT (29,44 %), la CFE-CGC (24,9 %) et FO (13,8 %). Avec 9 élus titulaires et 8 suppléants dans les 2e et 3e collèges, les fonctions de secrétaire et de trésorier du CSE reviendront à la CFDT.

Source : actuel CSE