Budget : les ressorts constitutionnels d’une semaine à risque
02/12/2024
L’Assemblée nationale examine aujourd’hui le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. L’occasion pour le gouvernement de passer ce texte en utilisant la procédure de l’article 49.3 de la Constitution en l’absence de majorité favorable. L’opposition sera tentée de lui opposer la motion de censure. Explication de ces notions constitutionnelles et esquisse des scénarios possibles.
Qu’adviendra-t-il ce soir et cette semaine du gouvernement de Michel Barnier ? C’est tout l’enjeu de l’examen du PLFSS 2025 qui se tient aujourd’hui devant l’Assemblée nationale. Mardi 26 novembre, le Premier ministre est allé chercher du soutien politique en intervenant au Journal de 20 heures de TF1. Il n’a pas caché garder dans sa manche l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Ce dernier entraîne la possibilité pour l’opposition de déclencher une motion de censure. Comment fonctionnent ces mécanismes ? Que peut-il advenir de leur mise en œuvre ? On fait le point.
49.2 et 49.3 : les deux facettes d’une même censure
La procédure d’adoption d’un projet de loi sans vote de l’Assemblée et la motion de censure constituent en réalité deux motions de censure prévues au même article de la Constitution. L’un permet de censurer le Parlement, l’autre de censurer le gouvernement. L’article 49 prévoit en effet que le Premier ministre peut engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Telle est bien la menace agitée par Marine Le Pen qui a posé quatre “lignes rouges” à Michel Barnier : l’indexation pour tous les retraités des pensions au 1er janvier 2025, engagement de ne pas dérembourser les médicaments, la suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité, le retrait de la suppression des exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires sans mesure pour favoriser la hausse des salaires (communiqué de presse du RN).
Pour mémoire, depuis la loi de révision constitutionnelle de 2008, l’article 49.3 ne peut être utilisé qu’une fois par session parlementaire sur un texte de loi simple. Son usage est en revanche illimité en matière de lois de finances.
Si Michel Barnier parvient à trouver suffisamment d’appuis pour faire voter le PLFSS 2025, l’examen de ce texte sera achevé puisqu’il a déjà fait l’objet d’une lecture des deux assemblées et d’une Commission mixte paritaire lors de laquelle députés et sénateurs ont trouvé un accord.
En revanche, si le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement et déclenche une procédure de l’article 49.3, les oppositions pourront lui répondre par une motion de censure.
L’Assemblée nationale devant se réunir aujourd’hui à 15 heures sur le PLFSS pour 2025, les partis d’opposition disposeront de 24 heures pour déposer la motion de censure à l’encontre du gouvernement Barnier.
Motion de censure : un dixième de signatures et 289 voix
La motion de censure provient aussi de l’article 20 de la Constitution, selon lequel le gouvernement est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50. Elle illustre donc ce principe de responsabilité et mesure le degré de confiance entre les parlementaires et le gouvernement. Elle doit cependant réunir plusieurs conditions de recevabilité.
Selon l’article 49.2 de la Constitution, la motion doit être signée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale, soit 58 députés. Par ailleurs, le vote de la motion ne peut intervenir que 48 heures après son dépôt. Ce délai permet au gouvernement ne rechercher des soutiens chez les parlementaires indécis. Enfin, la motion n’est valable que si elle recueille la majorité absolue des suffrages exprimés, soit 289 votes en sa faveur.
Le règlement de l’Assemblée nationale (articles 153 et suivants) précise qu’une motion de censure, une fois déposée ne peut pas faire l’objet d’un retrait après sa mise en discussion. Une fois le débat engagé, il se poursuit jusqu’au vote. Aucun député ne peut par ailleurs déposer un amendement à une motion de censure.
Motion de censure : 64 tentatives, un seul succès
Le succès d’une telle procédure est assez rare sous la Ve République. Bien qu’engagée 64 fois, la motion de censure n’a abouti qu’une fois au renversement du gouvernement Pompidou en 1962. Le président Charles de Gaulle avait proposé un référendum pour que le président de la République française soit élu au suffrage universel.
Quant à ses effets, une motion de censure valablement adoptée devant l’Assemblée nationale contraindrait Michel Barnier à présenter la démission de son gouvernement au Président de la République (article 50 de la Constitution de 1958). Ce texte ne lui fixe cependant pas de délai. En 1962, Charles de Gaulle ne l’accepta que le 28 novembre, alors qu’elle lui fût présentée le 5 octobre. Il choisît de dissoudre l’Assemblée nationale le 10 octobre, ce que ne pourra pas décider Emmanuel Macron. Une dissolution a déjà eu lieu en juin 2024 et la Constitution prévoit qu’un délai d’un an doit s’écouler avant toute nouvelle dissolution (lire notre article).
Si la motion de censure à l’encontre du gouvernement Barnier était adoptée la semaine prochaine, qu’adviendrait-il du budget ?
Les PLF remplacés par une loi spéciale
Si les oppositions mettent en œuvre une motion de censure et que celle-ci recueille suffisamment de voix, le gouvernement ne reste pas démuni et dispose de plusieurs outils. Il demande alors (avant le 11 décembre) l’adoption de la première partie du projet de loi de finances. Autre possibilité donnée par l’article 45 de la Loi Organique relative aux lois de finances, déposer avant le 19 décembre un projet de “loi spéciale” l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Selon Priscilla Jensel Monge, maître de conférences en droit public, les textes ne prévoient rien sur le refus du Parlement de voter la loi spéciale, mais dans la mesure où il s’agit juste d’une autorisation de percevoir les impôts, peu de parlementaires ont intérêt à ne pas la voter. Encore moins s’ils ne veulent pas être pointés comme responsables d’un chaos et d’une crise financière.
L’article 47 de la Constitution prévoit également qu’il “ouvre par décret les crédits relatifs aux services votés”, à savoir les crédits qu’il juge nécessaires pour assurer le fonctionnement des services publics en référence aux crédits votés lors de l’année précédente.
Enfin, quand le Parlement rejette un PLFSS, les plafonds d’autorisation d’endettement sont soumis par un autre texte au Conseil constitutionnel sous l’égide du principe de continuité de la vie nationale. Rappelons par ailleurs que les cotisations sociales seront toujours prélevées sur les salaires et versées aux différentes caisses, même en l’absence de tout texte.
Marie-Aude Grimont
Les pistes du Conseil d’analyse économique pour réduire les inégalités salariales femmes/hommes
03/12/2024
Dans une note publiée le 28 novembre, le Conseil d’analyse économique préconise une stratégie globale pour réduire les écarts de rémunération entre sexes. Il suggère d’inciter les branches à négocier le rétablissement de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les évolutions de carrière et propose de créer un congé de paternité de 10 semaines.
C’est une réforme ambitieuse que propose le Conseil d’analyse économique (CAE) pour juguler les inégalités salariales femmes/hommes. Dans une note publiée jeudi 28 novembre, les trois auteurs, Emmanuelle Auriol, Camille Landais et Nina Roussille, se prononcent pour un grand pas en avant ou “Big push” pour mettre un terme définitif aux écarts de revenus entre les femmes et les hommes qui caracolent toujours à 30 % en 2020, comme on le voit ci-dessous.
Leur stratégie globale prend en compte trois volets, l’éducation, la maternité et le déroulé des carrières ; des moments clefs qui pénalisent les femmes.
Limites des dispositifs législatifs
Car en dépit des progrès observés (le différentiel était de près de 50 % en 1990 et de 35 % en 2020), le chemin est encore long en matière d’égalité salariale. Certes, les contraintes législatives ont été de puissants aiguillons. C’est particulièrement vrai pour la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 qui impose une proportion minimale de femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Elles sont aujourd’hui 46,4 % à siéger dans ces cénacles au sein des sociétés du Cac 40 et 46,3 % au sein du SBF 120.
Mais selon le CAE elles peinent à franchir le seuil des comités stratégiques et des comités d’audit, le “cœur des décisions importantes”. Surtout, la théorie du ruissellement n’a pas fonctionné : “la féminisation de ces instances de pouvoir ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de la part des femmes dans l’ensemble de la direction opérationnelle de l’entreprise”.
L’Index égalité professionnelle, instauré par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018, a également fait bouger les lignes, mais il a fait du surplace en 2024. Et si les entreprises sont tenues de dévoiler le gap hommes-femmes par tranche d’âge et par catégorie socio-professionnelle, elles n’ont aucune obligation de communiquer le montant de ces augmentations.
La loi Rixain du 24 décembre 2021 pourrait enfin contribuer à réduire les inégalités salariales. Avec, à la clef, des quotas d’au moins 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes d’ici à 2026, puis de 40 % en 2029 dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Des changements structurels
Reste que ces mesures doivent s’accompagner de changements structurels, selon le CAE. Faute de quoi, “les femmes n’accèderont qu’à des postes de représentation plutôt qu’à des postes de décision”.
Pour les auteurs, il faut intervenir bien en amont. A l’école tout d’abord. Car les choix d’orientation restent fortement genrés : les filles sont sous-représentées dans les filières scientifiques et technologiques, plus rémunératrices que les filières littéraires.
Au travail, ensuite. La parentalité a toujours plus d’impact sur la carrière des femmes que sur celle des hommes. Faut-il encore choisir entre maternité et carrière ? C’est à la naissance du premier enfant que les femmes décident de réduire leur temps de travail ou d’opter pour un travail “moins exigeant” et donc moins bien rémunéré, souvent plus proche de leur domicile. Elles “perdent 38 % de leurs revenus dans les 10 années suivant la naissance des enfants”, observent les auteurs.
Enfin, bien qu’elles “ne soient pas moins ambitieuses”, elles sont moins promues. Or, pour leurs collègues masculins, ces évolutions de carrière s’accompagnent de “larges augmentations de salaire”. Et même lorsqu’elles montent en grade, elles “sont souvent assignées à des tâches moins valorisées, avec moins d’autonomie et de responsabilités que leurs homologues masculins”.
Plan d’action interministériel
Pour inverser la tendance, le Conseil d’analyse économique propose de porter au plus haut niveau politique un plan d’action interministériel couvrant à la fois l’éducation, la carrière et la parentalité.
Dans le détail, ce programme pourrait comporter un congé de paternité à 10 semaines (contre quatre aujourd’hui) dont six obligatoires, comme pour les mères. Son coût est évalué à 1,3 milliard d’euros.
Transparence salariale
Il pourrait également introduire une obligation pour les employeurs pour qu’ils indiquent le salaire ou la fourchette de rémunération dans l’annonce de l’offre d’emploi ou avant l’entretien, sous peine de sanction.
C’est d’ailleurs tout l’objet de la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations qui devrait être effective d’ici à juin 2026. Une mesure “simple à mettre en place” qui devrait “avoir des effets immédiats et significatifs”, prédisent les auteurs.
Ce plan pourrait aussi encourager les partenaires sociaux à négocier des accords de branche pour rétablir l’égalité hommes-femmes dans les évolutions de carrière et pour l’accès aux promotions, à l’image de ceux de la métallurgie ou des architectes. Et rendre plus contraignantes les politiques de quotas aux postes exécutifs et d’encadrement.
Soit une approche systémique qui pourrait éliminer les impacts négatifs des moments clefs de la vie qui cristallisent encore et toujours les inégalités salariales.
Négociations de branche et d’entreprise sur l’égalité F/H : rappel de l’existant |
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fait partie des thèmes du bloc 1 pour lesquels l’accord de branche prime sur les dispositions d’un accord collectif d’entreprise. Autrement dit, en cas d’accord de branche sur le sujet, les négociations d’entreprise sur l’égalité F/H ne pourront porter que sur des mesures plus favorables aux salariés ou au moins équivalentes. Dans la branche Tous les 3 ans, les partenaires sociaux d’une branche doivent négocier sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées (art. L. 2241-11). La négociation, qui s’appuie sur un rapport de situation comparée F/H et sur des indicateurs chiffrés par secteur d’activité (art. D. 2241-3), porte notamment sur les points suivants : – les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle ; – les conditions de travail et d’emploi, et notamment celles des salariés à temps partiel. Dans l’entreprise Les discussions font partie de la négociation périodique l’égalité professionnelle F/H et la qualité de vie et des conditions de travail (art. L. 2242-1 du code du travail). Un accord peut fixer cette négociation à un rythme d’une fois tous les quatre ans, sinon l’obligation de négocier sur l’égalité s’impose tous les ans. La négociation doit a minima inclure les thèmes suivants : – mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les sexes (l’obligation est renforcée lorsque l’index F/H est inférieur à 75 points) ; – objectifs de progression portant sur la rémunération effective et les actions permettant de les atteindre ; – les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre portant sur au moins 3 ou 4 (selon si l’entreprise a plus ou moins de 300 salariés) domaines suivants : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, sécurité et santé au travail, articulation activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. La négociation s’appuie sur les éléments de la BDESE, la base de données économiques, sociales et environnementales. |
Anne Bariet
La France sociale en quelques chiffres clés
03/12/2024
Pour nourrir votre réflexion et donc votre mandat, voici quelques éléments du portrait social de la France dressé récemment par l’Insee, portant sur les ménages, la mobilité sociale, l’emploi, la durée du travail, les revenus salariaux ou encore les accidents du travail ou les discriminations
Dans le bilan social de la France qu’il vient de publier, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) aborde de multiples facettes de notre pays qui compte 68,4 millions d’habitants au 1er janvier 2024. De ce bilan, nous avons retenu quelques éléments, éléments dont nous pensons qu’ils peuvent vous intéresser en tant que représentants du personnel.
Ménages : de plus en plus de personnes seules |
Dans la population française majoritairement féminine (51,6 %), la part des personnes de 65 ans et plus augmente (21,5 % en 2024 contre 20,4 % en 2020 et 15,8 % en 2000).
► De plus en plus de ménages sont composés d’une personne seule, tant pour les hommes (7,7 % en 2021 contre 3,9% en 1990) que pour les femmes (9,9% en 2021 contre 6,5 % en 1990).
La part de familles monoparentale (un parent et un ou plusieurs enfant (s)) progresse également (11,2 % des ménages en 2021 contre 6,7 % en 1990).
Formation : les jeunes et les femmes davantage diplômées |
Le niveau de diplôme de la population en âge de travailler augmente au fil des générations :
- 75 % des 25-34 ans ont le bac, contre 43% des 55-64 ans ;
- 40 % des 25-34 ans ont au moins bac +3, contre 16 % des 55-64 ans.
Davantage de jeunes femmes sont diplômées du supérieur (56 % des 25-34 ans, contre 48 % des hommes).
► Sans surprise, plus le niveau de diplôme est élevé, meilleur est le taux d’insertion professionnelle. Ainsi, sont au chômage en 2023 :
- plus de 40 % des actifs sortis de formation initiale sans aucun diplôme depuis 1 à 4 ans ;
- 18 % des actifs sortis de formation initiale depuis 1 à 4 ans avec un CAP, BEP ou le baccalauréat ;
- 8 % des actifs sortis de formation initiale depuis 1 à 4 ans avec un diplôme du supérieur.
Mobilité sociale : des améliorations et des déclassements |
Le taux de mobilité mesure le changement d’appartenance à un groupe socioprofessionnel d’une personne par rapport à celui de ses parents, qu’il s’agisse d’une position supérieure (“mobilité ascendante”), inférieure (“mobilité descendante”) ou différente mais sans hiérarchie (“non verticale”).
Ce taux est resté “globalement stable” depuis 40 ans en France chez les hommes : 65 % des 35-59 ans relèvent d’un groupe socioprofessionnel différent de celui de leur père en 2015, contre 64 % en 1977.
► Chez les femmes, en revanche, ce taux a progressé de 11 points en 40 ans.
L’ascension sociale, mesurée par le taux de mobilité ascendante, est plus forte qu’auparavant :
- chez les hommes, 28 % occupent en 2015 une position sociale plus élevée que celle du père, contre 23 % en 1977 ;
- chez les femmes, 40 % occupent en 2015 une position sociale plus élevée que celle de la mère, contre 17 % en 1977.
► Mais les déclassements sociaux sont aussi plus nombreux :
- 15 % des hommes ont une position inférieure en 2015 à celle de leur père, contre 7% en 1977 ;
- 12 % des femmes ont une position inférieur en 2015 à leur mère, contre 6 %.
82,6 % des 25-49 ans sont en emploi |
Le taux d’activité mesure la part des personnes en emploi par rapport à la population totale.
Depuis que l’Insee le mesure, c’est-à-dire depuis 1975, ce taux atteint aujourd’hui le niveau le plus élevé avec 68,4% des 15-64 ans en emploi (+1,2 point en 2021, +0,9 point en 2022, + 0,3 point en 2023).
Ce taux est différent selon la classe d’âge. Sont ainsi en emploi en 2023 :
- 35,2 % des 15-24 ans ;
- 82,6 % des 25-49 ans ;
- 66,9 % des 50-64 ans dont 38,9 % des 60-64 ans.
► Au total, 82,6 % des personnes travaillent à temps complet et 17,4 % à temps partiel (26,5 % des femmes contre 8,7 % des hommes).
Durée du travail : 40 heures à temps complet |
La durée du travail hebdomadaire en France en 2023 atteint 40 heures à temps complet, 22,7 heures à temps partiel, ces durées variant selon les catégories socio-professionnelles.
► De plus en plus de salariés travaillent :
- le samedi : 2 personnes sur 5 au moins une fois par mois, soit 11,6 millions de personnes ;
- le dimanche : près d’1 sur 4, soit 6,6 millions ;
- le soir : 3 personnes sur 10, soit 8,5 millions ;
- la nuit : 1 sur 10 (3,2 millions).
Accidents du travail et maladies professionnelles : les ouvriers en 1ère ligne |
Les ouvriers sont les plus exposés aux accidents du travail : ils cumulent 37 millions d’heures de travail arrêtées, contre 21 pour l’ensemble des salariés. Du fait de la dominante masculine de la population ouvrière, les hommes sont plus exposés aux accidents avec 23 accidents par million d’heures de travail, contre 18 pour les femmes.
En 2019, 52 400 maladies professionnelles ont été reconnues par la sécurité sociale, dont 26 800 ont entraîné une incapacité.
► Sur ce total, 69 % des maladies affectent des ouvriers, qui forment l’essentiel des maladies professionnelles graves (ex : 92% des cas de surdité).
Les revenus salariaux augmentent avec l’âge, jusqu’à 54 ans |
Sur le revenu salarial, l’Insee détaille les chiffres de 2021 avec un revenu moyen de 22 420€, public et privé confondus (voir ci-dessous).
Ce revenu, note l’Insee, augmente avec l’âge, mais jusqu’à 54 ans, seuil à partir duquel il fléchit.
De 1995 à 2000, l’écart salarial annuel moyen entre femmes et hommes est resté autour de 28 %, avant de fléchir à 21 % en 2021.
Ces données sont complétées par des estimations des niveaux de vie. En France, la moitié de la population avait, en 2022, un niveau de vie inférieur à 24 330 €, soit 2 028€ par mois.
Les 10 % les plus modestes ont moins de 12 970€ et les 10 % les plus aisées disposent de 43 840 €.
En France, plus de 9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 60 % du niveau de vie médian.
► Sur la base des chiffres 2023, l’Insee affirme que le revenu disponible brut des ménages (RDB) progresse de 8 %, sous l’effet du revenu des loyers et des intérêts financiers, et de 5.3 % pour les revenus salariaux. Attention, il s’agit ici des chiffres englobant tous les ménages. L’Insee a par ailleurs expliqué que le salaire net moyen avait baissé du fait d’une inflation encore forte (+ 4,9 % en 2023, après + 5,2 % en 2022), cette baisse allant de -0,3 % chez les ouvriers à -2,9 % chez les cadres.
La redistribution atténue les inégalités |
La politique de redistribution à la française (prestations sociales, aides au logement, minima sociaux, prime d’activité, fiscalité, etc.) atténue fortement les inégalités.
► Ces redistributions augmentent de 55 % le niveau de vie moyen des 20 % des personnes les plus modestes et diminuent de 20 % celui des 20 % les plus aisées.
L’impôt sur le revenu participe pour 32 % à la réduction des inégalités, devant les minima sociaux et la prime d’activité (28 %), les prestations familiales (20 %), les aides au logement (9 %).
À noter encore que le sentiment de solitude est davantage éprouvé par les personnes les plus modestes, comme on le voit ci-dessous :
Les plus modestes souffrent davantage de la hausse des prix |
La contribution du modèle social français à la réduction des inégalités n’a toutefois pas suffi à compenser la hausse des prix pour les plus modestes.
► Notamment parce que certaines aides ponctuelles n’ont pas été reconduites en 2023 (prime exceptionnelle de rentrée, indemnité inflation de 2022, bonus de 200€ et versement de 100€ pour le chèque énergie).
“En faisant l’hypothèse qu’en 2023 les ménages n’ont pas modifié leur consommation en réaction à la hausse des prix, l’inflation a représenté en moyenne une perte de 1 230€ par personne“, explique l’Insee. Si l’on tient compte des revenus, cette perte de pouvoir d’achat liée à la hausse des prix a représenté 730€ en moyenne pour les 10 % les plus modestes à 2 170 € pour les 10 % les plus aisés.
“Rapportées au niveau de vie, ces pertes pèsent davantage chez les plus modestes. L’ampleur du choc est deux fois plus grande pour les 20 % les plus modestes, qui ont déjà les plus fortes contraintes financières, que pour les 20 % les plus aisées”, ajoute l’institut.
Il faut dire que les deux-tiers de la hausse des dépenses proviennent de l’alimentation (34 %), du logement (19 %) et du transport (13 %). Sur chacun de ces postes, l’inflation a davantage pesé pour les plus modestes.
► Autrement dit, la hausse du niveau de vie (hausse des rémunérations et des revenus du patrimoine) a couvert l’inflation chez les 20 % de personnes les plus aisées, alors que ces progressions n’ont couvert seulement que 30 % de la hausse des dépenses des 10 % des personnes les plus modestes.
Les discriminations persistent |
Le bilan de l’Insee fait un focus sur les discriminations.
Dans notre pays, 1,9 % des personnes de 18 ans et plus déclarent avoir subi en 2021 au moins une fois des discriminations liées à leur couleur de peau, origine, religion, orientation sexuelle, sexe ou handicap. Les motifs les plus fréquents sont l’origine (48 %), la couleur de peau (29 %), la religion (25 %).
► Les immigrés et descendants d’immigrés déclarent respectivement 2,2 fois et 1,9 fois plus avoir été victimes de discriminations en 2021.
Concernant la religion, se déclarer de confession musulmane plutôt que chrétienne multiplie par 2,6 le risque d’être victime de discriminations.
Bernard Domergue
PLFSS 2025 : Michel Barnier déclenche la procédure de l’article 49.3
03/12/2024
Hier à 15 heures, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) issu de la Commission mixte paritaire était soumis aux députés. Après les présentations du rapporteur de la commission Yannick Neuder, du ministre du budget et des comptes publics Laurent Saint-Martin, le Premier ministre Michel Barnier a défendu son projet (extraits) : “J’ai dit et je redis que je tiendrai un langage de vérité sur les contraintes qui pèsent sur notre pays et les efforts que cela nous impose. J’ai été au bout du dialogue avec les groupes politiques avec lesquels je suis resté ouvert et à l’écoute. Je respecte le débat et la culture du compromis est indispensable. Ce texte enrichi n’est pas anecdotique, il est temps d’agir et de le mettre en œuvre. Nous sommes parvenus à un moment de vérité qui met chacun devant ses responsabilités. A vous, députés, de le décider ou de nous faire entrer en terrain inconnu. Je pense que les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l’avenir de la Nation. Sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement sur ce texte”.
En conséquence, les débats sur le PLFSS ont été suspendus comme l’exige l’article 155.3 du Règlement de l’Assemblée. Le PLFSS sera considéré comme adopté sans vote des députés sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures, soit avant 15h42 aujourd’hui. Si tel est le cas, la Conférence des Présidents, l’instance de l’Assemblée qui fixe l’ordre du jour, en fixera la date et les modalités de discussion. Les débats sur cette motion ne pourront se tenir avant un délai de 48 heures après son dépôt.
Hier après-midi, Marine Le Pen (RN) a indiqué déposer une motion de censure et vouloir voter celle de la gauche le cas échéant. Une seconde motion a été déposée par Éric Coquerel (LFI).
Source : actuel CSE
Apprentissage : l’Igas propose un bonus financier pour les CFA soucieux de la qualité de leurs formations
03/12/2024
Alors que le ministère du Travail vient de lancer une concertation avec les partenaires sociaux sur la “régulation du financement des centres de formation pour apprentis”, l’Igas propose, dans un rapport mis en ligne le 21 novembre, deux scénarios pour le financement de ces établissements ; le système actuel étant “intrinsèquement inflationniste”. Le premier vise à permettre aux branches professionnelles de moduler les niveaux de prise en charge à la hausse comme à la baisse dans le respect d’un cadrage financier fixé par l’État, en fonction du type de formation poursuivie.
Le second propose de fixer un niveau de prise en charge socle déterminé par l’État de chacune des 3 800 certifications actuellement utilisées en fonction de ses priorités, complété par des contributions conventionnelles des branches. Avec, par exemple, un soutien renforcé pour certains niveaux de qualification ou secteurs / enjeux considérés cruciaux (transition écologique, transformation métiers peu attractifs à forte utilité sociale…).
Au-delà, l’Igas insiste sur la prise en compte de la qualité des formations, en préconisant des financements complémentaires afin d’inciter les établissements à se rallier à cet objectif. Seraient pris en compte les taux d’insertion dans l’emploi, de poursuite d’études ainsi que des questionnaires de satisfaction définis au niveau national auprès des apprentis et de leurs employeurs.
Source : actuel CSE
Congé sabbatique refusé : le juge doit s’assurer de la réalité des effets préjudiciables invoqués
04/12/2024
Lorsque l’employeur refuse un congé sabbatique en raison des conséquences préjudiciables qu’il aurait sur la bonne marche de l’entreprise, le juge doit, en cas de litige, examiner la réalité des conséquences invoquées.
En application des articles L. 3142-29 et L.3142-113 du code du travail, l’employeur peut refuser d’accorder un congé sabbatique dans une entreprise de moins de 300 salariés, après avis du CSE, s’il estime que ce congé aura des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.
Il appartient à l’employeur, le cas échéant, d’apporter la preuve du caractère préjudiciable du départ en congé devant le conseil de prud’hommes. En effet, le juge a la possibilité d’annuler le refus de l’employeur si aucune conséquence préjudiciable pour l’entreprise n’est démontrée (arrêt du 2 février 1999).
Pour ce faire, il doit apprécier la réalité des conséquences préjudiciables invoquées par l’employeur. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 20 novembre 2024.
Dans cette affaire, un employeur refuse la demande de congé sabbatique d’une salariée en lui indiquant, qu’en tant que seule responsable grands comptes sur les clients stratégiques, “votre absence aurait des conséquences préjudiciables sur nos obligations auprès de nos clients et pour différents projets clients en cours et à venir. Cette absence aurait un fort impact sur l’organisation de l’équipe à laquelle vous appartenez”.
La salariée conteste ce refus devant le conseil des prud’hommes et obtient gain de cause. Les juges du fond ordonnent à l’employeur de lui accorder ce congé afin de préserver les intérêts des deux parties.
À tort pour la Cour de cassation. Les juges du fond auraient plutôt dû vérifier si les conséquences préjudiciables invoquées par l’employeur étaient avérées.
Source : actuel CSE
Un poste de travail s’élève à 11 051 euros en 2023
04/12/2024
Selon une étude de l’Association des directeurs de l’environnement de travail (Idet, ex-Aserg), conduite auprès de 110 établissements (soit 105 000 postes de travail), le coût moyen d’un poste de travail a augmenté de 4 % par rapport à 2022. Tous secteurs confondus, il s’établit à 11 051 euros en 2023.
Dans le détail, l’immobilier, notamment les loyers et les assurances, représente 61 % des dépenses (soit 7 708 euros par poste de travail) et devient le premier poste de dépenses avec une augmentation de 4 % par rapport à 2022. L’exploitation technique et fonctionnelle constitue 19 % des coûts totaux (2 047 euros par poste de travail), en hausse de 3 %, notamment en raison de l’aménagement des espaces de travail post pandémie.
À l’inverse, les dépenses liées aux services aux salariés restent stables ; les coûts de restauration ont légèrement reculé notamment en raison du télétravail.
À noter également le recul des dépenses annexes (voyage, flotte auto, courrier, fournitures…), en baisse de 4 % (3 070 euros par poste de travail). Une tendance qui souligne, selon l’Idet, “des efforts d’optimisation des directeurs des environnements de travail pour contenir le coût des environnements professionnels”.
Source : actuel CSE
Solde de tout compte : la Cour de cassation se prononce sur les effets de l’absence de signature du salarié
05/12/2024
Le solde de tout compte non signé par un salarié ne peut pas constituer une preuve de paiement des sommes qui y sont mentionnées et n’a aucun effet sur le délai de prescription de l’action en paiement. Celui-ci n’est interrompu ou suspendu qu’en cas d’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Pour rappel, à l’occasion de toute rupture du contrat de travail l’employeur est tenu d’établir, en double exemplaire, un document dit “reçu pour solde de tout compte” récapitulant les sommes versées au salarié (montant des salaires, primes, indemnités diverses…) à ce titre. Le salarié a la possibilité de le dénoncer par lettre recommandée dans les 6 mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Si l’employeur a l’obligation de remettre un reçu pour solde de tout compte au salarié, ce dernier n’est pas tenu de le signer.
Dans le cas où le salarié ne signerait pas ou refuserait de signer le reçu pour solde de tout compte, cette absence de signature a-t-elle un impact sur la valeur de ce document ? Cela a-t-il une incidence sur le délai de prescription applicable à l’action en paiement des sommes mentionnées ? Plus précisément, le fait que le salarié n’ait pas signé son reçu pour solde de tout compte en raison de son incarcération empêche-t-il la prescription de courir ? Autant de questions auxquelles la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 14 novembre 2024.
Le contexte
L’affaire concernait un salarié licencié pour motif disciplinaire par lettre du 11 avril 2013 avec dispense de préavis de 2 mois. A l’issue de celui-ci, l’employeur avait établi son solde de tout compte en date du 13 juin 2013.
Mais le salarié ne l’a jamais signé du fait de son incarcération du 25 juin 2013 jusqu’au 22 juin 2017. A sa sortie, il avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes au titre de son solde de tout compte.
La cour d’appel avait déclaré sa demande recevable. La Cour de cassation lui donne tort et expose sa position dans un attendu de principe.
La signature du salarié : un élément essentiel du reçu pour solde de tout compte
La Haute Cour rappelle tout d’abord les termes des articles L.1234-20 relatif au reçu pour solde et L.1471-1 du code du travail qui concerne le délai de prescription applicable à l’action.
► Le délai de prescription appliqué dans cette affaire est celui de l‘article L.1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Ce texte avait prévu que ce délai (passé de cinq ans à deux ans) pour les actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail devait s’appliquer aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Elle poursuit en indiquant que “le reçu pour solde de tout compte non signé par le salarié, qui n’a pas de valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées, n’a aucun effet sur le délai de prescription, lequel ne court pas ou n’est suspendu qu’en cas d’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure”.
► Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence antérieure sur les effets de l’absence de signature du reçu pour solde de tout compte. La Cour de cassation a déjà précisé que le reçu pour solde de tout compte non signé par le salarié ne fait pas preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées. Il appartient en conséquence à l’employeur de justifier de ce paiement (arrêt du 27 mars 2019). Implicitement, la Cour de cassation ne retient pas l’incarcération comme cause d’interruption ou de suspension du délai de prescription.
Elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu, pour déclarer l’action recevable, que le solde de tout compte, que le salarié n’avait jamais signé en raison de son incarcération (du 25 juin 2013 au 22 juin 2017) n’avait produit aucun effet libératoire et qu’aucune prescription n’avait commencé à courir. Or, elle avait aussi constaté que la prescription s’était appliquée à compter du 16 juin 2013 et que le salarié avait eu jusqu’au 16 juin 2015 pour engager toute action portant sur l’exécution et la rupture de son contrat travail. Mais comme elle n’avait pas en l’espèce caractérisé une cause d’interruption ou suspension du délai de prescription, celui-ci était donc logiquement forclos. L’arrêt devait donc être cassé.
Conséquences pratiques : la signature du salarié apparaît un élément essentiel du reçu pour solde de tout compte. Son absence prive ce document de son effet libératoire au-delà du délai de six mois prévu par l’article L.1234-20 du code du travail. Comme le salarié n’a aucune obligation de le signer, l’employeur ne peut pas conditionner le paiement des sommes mentionnées dans ce document à la signature du salarié.
De son côté le salarié reste libre tant qu’il n’a pas signé son reçu de tout compte de contester le contenu de celui-ci.
Toutefois, le salarié reste tenu, s’il veut contester les sommes mentionnées dans ce reçu pour solde de tout compte non signé, d’agir dans le délai de prescription puisque l’absence de signature du salarié ne produit pas d’effet sur le délai de prescription. Celui-ci continue de courir. Seule l’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure peut interrompre celui-ci. L’incarcération du salarié n’est pas un motif, en soi, permettant de suspendre le délai de prescription.
Françoise ANDRIEU
Les députés font tomber le gouvernement Barnier, les dossiers sociaux en suspens
05/12/2024
Lors de la passation de pouvoirs en septembre dernier, Michel Barnier avait ironisé sur les 8 mois à Matignon de Gabriel Attal. Lui-même n’y sera donc resté que…3 mois. Quel sera le sort des dossiers sociaux ?
Une majorité absolue de députés ont voté hier la motion de censure déposée par les députés de gauche à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 (*).
Alors qu’un accord avait été trouvé en commission mixte paritaire (CMP) sur ce texte qui établit les prévisions de dépenses et de recettes des cinq branches de la sécurité sociale (maladie, famille, accidents du travail, retraites, autonomie), c’est finalement une coalition hostile au gouvernement Barnier qui a provoqué sa chute, le Premier ministre ayant engagé sa responsabilité pour faire adopter le projet de loi sans vote (article 49 alinéa 3 de la Constitution).
Signalons au passage que la mention, dans la motion de censure déposée par la gauche, du Front républicain contre l’extrême droite n’a pas empêché le Rassemblement national de voter cette censure (**).
Que va-t-il se passer maintenant ?
Le président de la République a répété récemment qu’il n’envisageait absolument pas de démissionner avant la fin de son mandat en 2027. Il va donc devoir nommer un nouveau Premier ministre, sans doute après une série de consultations politiques. Ce sera le sixième chef de gouvernement depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, le quatrième depuis le début de son second mandat en avril 2022.
Mais la donne politique n’a pas changé depuis la dissolution de juin 2024 : aucune des grandes forces politiques présentes à l’Assemblée ne possède à elle seule de majorité.
Faute d’alliance entre partis fondée sur un programme politique partagé et donc soutenue par une majorité de députés, il est donc probable que le nouveau Premier ministre et son gouvernement connaîtront la même fragilité en étant exposés à un risque de censure.
Rappelons que le président de la République n’est pas tenu par un délai légal pour nommer un nouveau Premier ministre. Après l’élection de nouveaux députés en juin et juillet 2024, il avait ainsi longtemps attendu avant de nommer, le 5 septembre, Michel Barnier, ce dernier n’ayant ensuite constitué son gouvernement que le 21 septembre, ce qui lui laissait peu de temps pour préparer les textes budgétaires, sachant de plus qu’il devait laisser un temps d’examen de 70 jours aux parlementaires sur ces textes. Par ailleurs, Emmanuel Macron ne ne peut pas dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale avant un délai d’un an depuis la dissolution de juin 2024, soit pas avant juillet 2025.
La question des lois de finances
Par ailleurs va se poser la question des budgets de l’Etat (PLF, le projet de loi de finances 2025) et de la sécurité sociale (PLFSS) que le gouvernement démissionnaire de Michel Barnier peut encore chercher à faire adopter, au moins par le Sénat, dans un contexte de dégradation des comptes de la Nation.
Il est néanmoins probable que l’exécutif doive actionner les mécanismes de secours pour doter la Nation de ces budgets faute d’avoir pu les faire adopter par le Parlement. Cela pourrait être fait à l’occasion d’une loi spéciale, prévue par l’article 45 de la loi organique sur les lois de finances. Encore faut-il que celle-ci soit votée au Parlement, mais on on peut penser que le contexte politique serait différent avec un texte se contentant de prévoir des crédits a minima sans reprendre les projets politiques du gouvernement. Ce projet de loi, qui doit être déposé avant le 19 décembre, vise à autoriser le gouvernement à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année, ce projet de loi étant discuté en procédure accélérée.
Il existe aussi une autre voie prévue par l’article 47 de la Constitution : celle d’ordonnances budgétaires permettant au gouvernement d’agir, pour l’affectation de crédits assurant a minima le fonctionnement de l’Etat et des services publics.
Les dossiers sociaux en suspens
Mais cette situation politique inhabituelle soulève d’autres questions concernant les dossiers sociaux que nous énumérions lors de la nomination de Michel Barnier. Examinons quelques-uns de ces points.
► La situation économique et sociale s’est enfin dégradée avec de nombreux plans sociaux et restructurations, au point que la ministre du travail a évoqué une nouvelle forme d’allocation partielle de longue durée (APLD) avec une obligation de formation faite aux employeurs : ce projet sera-t-il mis en œuvre ?
► Depuis la nomination du gouvernement Barnier, les organisations syndicales et patronales ont trouvé trois accords nationaux interprofessionnels sur l’assurance chômage, les seniors, la fin de la limitation de trois mandats successifs au CSE. La nouvelle convention d’assurance chômage sera-t-elle agréée par l’exécutif pour pouvoir être mise en œuvre ? Sur ce point, la ministre du travail se montre rassurante : la convention s’appliquera bien en 2025 car elle sera agréée par le gouvernement démissionnaire qui gérera les affaires courantes, même si les dispositions sur les frontaliers pourraient ne pas être reprises (lire notre brève dans cette même édition). D’autre part, les accords sur les seniors (dispositions sur la retraite progressive et création d’un CDI seniors) et sur le CSE (fin de la limite de 3 mandats successifs) pourront-ils faire l’objet d’une transposition dans la loi avec un nouveau gouvernement ?
► À moyen terme, quelle sera la politique du futur gouvernement s’agissant des allègements de cotisations sociales des entreprises : ira-t-il dans le sens d’une remise en cause de ces allègements, un cap esquissé par Michel Barnier mais ensuite nettement adouci (la réduction de ces allègements passant de 4 milliards à 1,6 milliards dans le texte de la CMP), ou fermera-t-il cette voie au motif que ce n’est pas le moment d’augmenter le coût du travail ? Les organisations patronales plaident en ce sens tandis que les syndicats, CFDT comprise, demandent de plus en plus un conditionnement des aides publiques aux entreprise….
► Quel sera la suite donnée à la promesse faite par la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, d’une prochaine concertation sur les retraites ainsi que l’annonce d’une conférence sociale au premier trimestre 2025 sur le thème de la santé au travail ?
► Les enjeux concernent aussi la politique de l’apprentissage (quid des aides de l’Etat aux entreprises) et le déficit de France compétences, l’évolution du Smic (le comité d’experts plaide pour l’absence de coup de pouce au 1er janvier), sans oublier des sujets qui s’imposeront d’eux-mêmes comme la transposition de la directive sur l’égalité entre femmes et hommes avec d’éventuelles retouches à l’index sur l’égalité…
(*) Hier soir, 331 députés ont voté la motion de censure, soit davantage que la majorité absolue requise (288 députés)
(**) Le texte de la motion dit ceci : “Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique”.
Les déclarations des différentes forces politiques avant le vote |
► “Votre navire prend l’eau, la colère monte. Le chaos est déjà là, il n’arrivera pas avec votre chute (…) Arrêtez de faire croire que tout s’éteindra. La loi spéciale permettra de décaler au début de l’année la discussion sur les lois de finances”, a déclaré Eric Coquerel (LFI, Nouveau Front populaire) pour défendre la motion de censure de la gauche, après avoir estimé que “l’écrasante majorité veut l’abrogation de la réforme des retraites”. ► “Nous avons voulu améliorer votre budget de la sécurité sociale (..) Nous avons cherché des compromis avec des prélèvements sociaux justes et équilibrés (..) Monsieur le Premier ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer votre projet (..), vous n’êtes pas entrés en dialogue avec la gauche”, a lancé Boris Vallaud (PS, Nouveau Front populaire) en pointant “une trahison du Front républicain”. Boris Vallaud a revendiqué le gouvernement pour la gauche, “avec la recherche d’une majorité texte par texte”. ► “Le président de la République a refusé sa défaite dans les urnes. Il a cherché à maintenir sa politique quoi qu’il en coûte (..) Il faut en finir avec l’approche verticale du pouvoir. Le prochain gouvernement devra renoncer au 49.3”, a déclaré Cyrielle Chatelain (Ecologiste et social, NFP). ► “Allez dire aux milliers de personnes qui risquent de perdre leur emploi (..) que la vie sera plus douce avec votre maintien au gouvernement. Le chaos, c’est le refus d’entendre le peuple et les organisations syndicales”, a dit Nicolas Sandu (Gauche Démocrate et République, NFP). ► Marine Le Pen (Rassemblement national) a fustigé de son côté un “gouvernement éphémère” qui présente “un budget de gaspillage” avec “40 milliards d’impôts nouveaux dont 20 milliards pour les entreprises” et qui “refuse de garantir la revalorisation des retraites à hauteur de l’inflation” (voir le texte de la motion de censure du RN). Tout en critiquant la gauche, Marine Le Pen a justifié de voter sa motion de censure en la considérant “comme un simple outil”. ► Eric Ciotti (UDR) a parlé d’une “saignée fiscale” : “C’est un mauvais budget, un budget socialiste !” ► “Vous vous injuriez les uns les autres, et vous vous apprêtez à voter ensemble pour faire tomber le gouvernement (..) Par votre irresponsabilité vous allez enfoncer la France dans une crise économique et financière”, a lancé Laurent Wauquiez (LR) à la gauche et à l’extrême droite en saluant “la droiture” de Michel Barnier et sa volonté de redresser la situation budgétaire. ► Marc Fesneau (Les Démocrates) a cité “les avancées” du texte de la CMP comme “la taxe sur les sodas et l’équilibre sur les exonérations de cotisations sociales”. ► “Personne n’a gagné les dernières élections législatives (..) Sur l’accès aux soins, sur la sécurité et même sur les déficits publics, des accords seraient possibles”, a estimé Laurent Marcangeli (Horizons). ► Charles de Courson (Liot) : “Notre groupe ne votera pas la motion de censure, car ce serait redonner la main au président de la République qui est à l’origine du chaos actuel, et ce serait aggraver la crise démocratique. Que penser d’une démocratie dans laquelle le Parlement est incapable d’adopter les projets de lois de finances ? (..) Un tel vote fragiliserait l’économie alors que le chômage augmente depuis 6 mois”. ► “Les Français sont déboussolés par tout ce qui se passe et par le spectacle désolant des extrêmes de cet Hémicycle (..) Les Français veulent moins de bruit et plus d’action, et c’est le projet de Michel Barnier (..) Les députés de mon groupe ont su faire des compromis”, a déclaré Gabriel Attal (Ensemble pour la République) en lançant un appel aux socialistes : “Affranchissez-vous (des Insoumis, Ndlr)”. ► Michel Barnier, Premier ministre : “Moins de bruit et plus d’action, c’est compliqué ici ! (..) J’ai pris la décision d’engager la responsabilité de mon gouvernement après avoir fait preuve d’écoute, et nous avons amélioré le texte (du PLFSS, Ndlr) comme sur les retraites ou sur la taxe sur l’électricité pour le projet de loi de finances (..) Avec ce budget, nous faisons de la santé mentale une grande cause nationale pour 2025, nous améliorons la prise en charge des femmes victimes de violences (..), nous luttons contre la fraude avec la sécurisation de la carte vitale (..) Ce texte répond à l’urgence de réduire notre dette en regardant en face nos comptes publics (..) J’aurais préféré distribuer de l’argent plutôt que vous présenter des textes difficiles. Mais cette réalité est là et elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure (..) Cette motion de censure que vous vous apprêtez à approuver rendra tout plus difficile”. |
Bernard Domergue
Un arrêté fixe la liste des unités de contrôle de l’inspection du travail
05/12/2024
Un arrêté paru hier au Journal officiel fixe la liste et la répartition des unités de contrôle de l’inspection en France, dans un tableau que nous reproduisons ci-dessous :
Le nombre d’unités de contrôle d’inspection du travail est réparti comme suit :
RÉGIONS | NOMBRE D’UNITES DE CONTRÔLE |
Grand Est | 19 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Nouvelle-Aquitaine | 21 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » 1 unité de contrôle régionale « grandes opérations BTP » 1 unité de contrôle interdépartementale rattachée à la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités de Pyrénées Atlantique |
Auvergne-Rhône-Alpes | 29 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » 1 unité de contrôle à compétence interdépartementale sur le « transport routier » rattachée à la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités de la Drôme |
Normandie | 12 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Bourgogne-Franche-Comté | 12 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » 1 unité de contrôle interdépartementale rattachée à la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations du territoire de Belfort 1 unité de contrôle régionale « transport routier » |
Bretagne | 11 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Centre-Val de Loire | 9 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Corse | 3 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Ile-de-France | 45 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » 1 unité régionale d’appui et de contrôle Grands Chantiers 1 unité de contrôle interdépartementale rattachée à l’unité départementale de Seine St Denis 2 unités de contrôle interdépartementales rattachées à l’unité départementale du Val de Marne |
Occitanie | 21 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Hauts-de-France | 20 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Provence-Alpes-Côte d’Azur | 18 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Pays de la Loire | 13 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Martinique | 2 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Guadeloupe | 3 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Guyane | 2 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
La Réunion | 3 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Mayotte | 2 dont : 1 unité régionale « lutte contre le travail illégal » |
Source : actuel CSE
Discriminations des seniors au travail : la Défenseure des droits appelle aux sanctions
06/12/2024
La Défenseure des droits, Claire Hédon, publie un baromètre consacré aux discriminations envers les seniors. Selon son enquête, les stéréotypes persistent sur “les vieux”, en particulier au travail où bon nombre d’entre eux se disent discriminés. Lors de la présentation de ce dernier baromètre, les partenaires sociaux sont aussi revenus sur les mérites de leur dernier accord sur les salariés expérimentés.
“Ils sont moins performants, moins dynamiques, plus difficiles à former et à intégrer dans les équipes, ils sont perdus en nouvelles technologies”. Voici un florilège des stéréotypes à éradiquer envers les seniors et que la Défenseure des droits, Claire Hédon, dénonce avec force.
Mercredi 5 décembre, elle a présenté son 17e baromètre consacré aux discriminations envers les seniors, notamment dans leur environnement professionnel. Son enquête, réalisée par l’institut CSA du 8 au 28 avril 2024 sur un échantillon représentatif de 1005 individus, révèle qu’un quart des seniors déclarent avoir déjà subi des discriminations tout au long du parcours, et spécialement au moment de l’embauche.
Face à cette situation, Claire Hédon hausse le ton contre l’âgisme et invite les employeurs à prévenir et sanctionner les stigmatisations.
“Vous êtes trop vieux pour ce poste”
Après avoir rappelé que le taux d’emploi des seniors de 60 à 64 ans en France se trouve le plus bas de toute l’Union européenne, la Défenseure des droits est retournée aux chiffres inquiétants du baromètre : la moitié des seniors a connu une situation de travail dévalorisante. L’environnement de travail se montre trop souvent malveillant à leur égard. La Défenseure des droits insiste : “Notre volonté est bien de supprimer et j’ai bien dit supprimer ces discriminations”.
Car malgré le décret de 2009 qui prévoit des plans d’action en faveur des salariés âgés, un quart des seniors au chômage rapportent qu’on leur a fait comprendre qu’ils étaient trop âgés pour le poste lors d’un entretien d’embauche. De plus, 56 % des seniors au chômage affirment avoir déjà postulé à un emploi inférieur à leurs compétences. Selon le baromètre, la situation empire en cas de cumul de discriminations : les seniors perçus comme étant d’origine étrangère déclarent ainsi deux fois plus de stigmatisations dans l’emploi que les autres travailleurs âgés (43% contre 22%).
L’expérience des discriminations est aussi plus saillante chez les femmes seniors (26 %) que chez les hommes (20 %).
Un tiers des seniors se disent également inquiet pour leur avenir professionnel : un sur cinq déclare travailler avec la peur au ventre de perdre son emploi. Des tourments qui se répercutent sur l’état de santé. Or, l’employeur est bien garant de l’état de santé physique et mentale de ses salariés, quel que soit leur âge (article L. 4121-1 du code du travail).
Retraite progressive : les syndicats en ligne avec les seniors
Le baromètre de la Défenseure des droits évoque également les souhaits des seniors. Les partenaires sociaux présents lors de la présentation du baromètre ont pu se satisfaire de voir les seniors rejeter le compte épargne temps mais plébisciter la retraite progressive, perçue comme un dispositif susceptible d’améliorer leur situation.
L’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 a justement acté une retraite progressive dès 60 ans, sans toutefois parvenir à entériner un droit opposable.
Selon Marylise Léon (CFDT), “l’accord est un premier pas vers une facilitation de la retraite progressive. Le sujet des seniors ne relève pas de l’âge mais d’une prévention et d’une anticipation tout au long de la vie. La fin de carrière se prépare à mi-carrière, il faut pouvoir se projeter. Et si on commence à s’en occuper à 50 ans c’est déjà trop tard”.
Sophie Binet (CGT) a pointé des “discriminations massives, pas du tout marginales mais bien structurelles envers les seniors”. Sa solution pour y remédier : imposer davantage de contraintes normatives aux employeur. “Les pétitions de principe ne suffisent plus”, a-t-elle affirmé en rappelant également les méfaits de la réforme des retraites de 2023 qui a reporté l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. La CGT a en revanche refusé de signer l’accord de novembre, considérant que “le CDI seniors est une véritable aubaine pour le patronat”.
Au contraire, pour Frédéric Souillot (FO), “l’accord part d’un diagnostic partagé et on a inscrit la retraite progressive. Certes, il manque un peu d’opposabilité mais au moins on a une prise sur le travail. Si on avait acté toutes nos revendications, c’est que n’aurions pas revendiqué assez. Quant au contrat de valorisation de l’expérience, nous ferons une évaluation dans trois à cinq ans et nous verrons ce que ça donne. Si ce n’est pas bien, on se remettra autour d’une table et on réfléchira à autre chose”.
Anne-Catherine Cudennec (CFE-CGC) s’est également félicitée de l’accord notamment sur les entretiens proposés aux salariés : “Le texte entérine également une négociation spécifique sur les seniors qui permettront de discuter du travail en tant que tel et de la façon dont le salarié envisage la suite de sa carrière”.
Les recommandations de la Défenseure des droits
En conclusion du baromètre, Claire Hédon a exprimé quelques recommandations à l’égard des employeurs, notamment :
- L’information de tous les personnels sur leurs droits ;
- Des campagnes de sensibilisation et de formation ;
- La formation des recruteurs à la lutte contre les discriminations ;
- Des dispositifs de signalement et de traitement des discriminations ;
- Le développement des indicateurs et des pratiques d’audit ;
- L’anticipation des fins de carrière ;
- La prévention de l’obsolescence des compétences ;
- Des conditions favorables à l’expression des difficultés.
Marie-Aude Grimont
Attention à bien respecter les modalités de désignation des représentants de proximité prévue par l’accord !
06/12/2024
Lorsque l’accord prévoit que les représentants de proximité sont désignés sur des listes de candidats présentées par des syndicats représentatifs, un délégué syndical ne peut pas présenter de liste s’il n’a pas reçu mandat à cet effet.
Les jurisprudences relatives aux représentants de proximité sont rares. Donc, forcément, quand il y en a une, elle retient notre attention !
Tel est le cas d’une jurisprudence du 27 novembre 2024, qui nous montre à quel point il est important de respecter les modalités de désignation des représentants de proximité telles qu’elles ont été fixées par accord entre l’employeur et les organisations syndicales.
Mais avant d’examiner cette affaire, rappelons que le code du travail ne prévoit quasiment rien à propos des représentants de proximité. Il laisse aux partenaires sociaux, qui s’entendraient pour que l’entreprise en soit dotée, le soin de tout définir par accord. A savoir essentiellement, le nombre de représentants de proximité, les règles de désignation, les modalités de fonctionnement, les missions et les moyens dont ils disposeront pour l’exercice de leur mandat (article L. 2313-7). Il est par ailleurs prévu que ces représentants de proximité sont membres du CSE ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
Les syndicats doivent présenter leur liste
Notre affaire, donc, se déroule au sein de la société Fiducial sécurité humaine. Un accord d’entreprise du 10 octobre 2019 relatif à la mise en place des CSE au sein de ses trois établissements prévoit la mise en place de représentants de proximité. Plus précisément, cet accord dispose qu’au cours de la première réunion du CSE, “seront rappelées les modalités de désignation des représentants de proximité, à charge pour les organisations syndicales ayant au moins un élu au sein du CSE d’établissement de présenter leur liste pour chacun des secteurs pour la réunion suivante”.
En vue du renouvellement en 2022 des mandats des représentants de proximité, deux listes distinctes de candidats sont déposées pour le syndicat Sud solidaires prévention et sécurité, sûreté. La première l’est par le délégué syndical central du syndicat et est transmise au CSE l’établissement IDF-Normandie. La seconde est transmise à la société par le secrétaire général du syndicat.
Le CSE, ensuite réuni pour désigner les représentants de proximité, prend en compte la liste présentée par le DS central et désigne les salariés figurant sur cette liste.
L’affaire est alors portée en justice par Sud solidaires, qui demande l’annulation des désignations opérées par le CSE et l’organisation de nouvelles désignations.
Demande rejetée, à tort
Sous prétexte “qu’aucune des stipulations de l’accord n’impose, comme condition d’éligibilité, que les listes de candidats soient présentées par une personne mandatée à cette fin par une organisation syndicale représentative” et “qu’aucune disposition ne réglemente davantage la marche à suivre dans l’hypothèse où deux listes se réclament du même syndicat”, la demande est rejetée par le tribunal judiciaire.
Mauvaise interprétation ! Pour la Cour de cassation, il résultait bien de l’accord que les représentants de proximité étaient “désignés sur des listes de candidats présentées par des syndicats représentatifs” et qu’un délégué syndical ne pouvait présenter de liste de candidats au nom de son syndicat qu’à la condition d’avoir “expressément reçu mandat à cette fin”.
L’affaire est donc renvoyée devant un autre tribunal judiciaire en vue d’être rejugée.
► Remarque : il est à noter également que la Cour de cassation reprend ici les règles applicables à la présentation des listes de candidats aux élections professionnelles. Autrement dit, il faut un mandat du syndicat pour que le délégué syndical puisse procéder à la désignation de représentants de proximité.
Quelles missions confier à ses représentants de proximité ? |
Il appartient aux partenaires sociaux de définir les missions des représentants de proximité dans l’accord qui prévoit leur création. Beaucoup d’accords d’entreprise insistent sur le rôle local du représentant de proximité en matière d’application du droit du travail, de prévention des risques professionnels et de santé et sécurité au travail. En pratique, l’étendue des missions du représentant de proximité va essentiellement dépendre du rôle qu’on veut lui faire jouer en local, de la marge de manœuvre dont il disposera mais aussi de l’étendue de la délégation donnée au manager local, au directeur de site ou de pôle, au RRH, etc. pour traiter et résoudre les difficultés liées au quotidien. Certains accords se contentent de faire du représentant de proximité un observateur ou un intermédiaire de terrain chargé de collecter et de transmettre au CSE, alors que d’autres prévoient qu’il doit pouvoir agir directement au niveau de son périmètre de désignation et, si besoin est, faire remonter au comité. |
Frédéric Aouate
Emmanuel Macron va nommer un Premier ministre à la tête d’un gouvernement “d’intérêt général” et annonce une loi spéciale sur le budget
06/12/2024
Le président de la République a pris acte hier de la démission du Premier ministre et de son gouvernement, au lendemain du vote de la motion de censure qui a renversé Michel Barnier trois mois à peine après son arrivée à Matignon suite aux législatives de juin et juillet dernier.
Dans une allocation radiotélévisée diffusée hier soir, Emmanuel Macron, après avoir remercié pour son action Michel Barnier, a accusé les parlementaires ayant censuré le gouvernement de penser d’abord à l’élection présidentielle avant les intérêts des Français et d’avoir constitué “un front anti-républicain”.
Assurant qu’il exercera “pleinement” son mandat jusqu’à son terme, en 2027, le président de la République a jugé qu’une “époque nouvelle doit commencer” où “il faudra bâtir des compromis nouveaux”, compte-tenu d’une assemblée nationale où “aucune force politique ne peut prétendre avoir seule une majorité” : “Nous ne pouvons nous permettre ni les divisions ni l’immobilisme”.
Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de nommer, dans les prochains jours, un Premier ministre qu’il chargera “de former un gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement qui puissent y participer, ou à tout le moins qui s’engagent à ne pas le censurer”. Ce Premier ministre, a précisé le président de la République, “aura à mener ses consultations pour former un gouvernement à votre service”.
Concernant le budget, Emmanuel Macron a annoncé qu’une loi spéciale, hypothèse que nous évoquions lundi 2 décembre, sera déposée avant la mi-décembre, une “loi temporaire qui permettra (..) la continuité des services publics et de la vie du pays”. Ce texte se contentera de reconduire pour 2025 les choix de 2024, explique le chef de l’Etat “qui compte bien qu’une majorité puisse se dégager pour l’adopter au Parlement”. En début d’année, le nouveau gouvernement préparera un nouveau budget, a poursuivi le président de la République, “c’est nécessaire pour protéger les Français des hausses d’impôts mécaniques provoquées par l’inflation”, et “c’est nécessaire pour permettre au pays d’investir pour nos armées, notre justice, nos forces de l’ordre, mais aussi aider nos agriculteurs en difficulté ou venir en soutien à la Nouvelle-Calédonie”.
“Nous avons devant nous 30 mois pour que le gouvernement puisse agir pour faire de la France un pays plus fort et plus juste”, a déclaré le chef de l’Etat en ajoutant : “Je ne crois pas que l’avenir de la France puisse se faire avec plus d’impôts et plus de normes”.
Peut-on tirer un bilan des 3 mois passés à Matignon par Michel Barnier ? L’exercice, déjà délicat pour un Gabriel Attal resté seulement 8 mois Premier ministre, devient ici aléatoire. Peut-être faut-il souligner le changement de ton de l’exécutif à l’égard des organisations syndicales, avec un début de rabibochage dont témoignent les trois accords nationaux interprofessionnels trouvés par les partenaires sociaux sur le dialogue social, l’assurance chômage et les seniors. Mais l’éventuelle inflexion de la politique économique et sociale esquissée par Michel Barnier, notamment avec une remise en cause des allègements des cotisations sociales patronales, n’aura pas résisté à l’examen des projets de loi budgétaires, alors que les coupes envisagées dans le budget du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale commençaient à susciter le mécontentement social, dont l’action intersyndicale hier dans la fonction publique constituait une sorte d’avertissement. A ce sujet, lire aussi dans cette même édition notre brève sur le communiqué intersyndical. |
Source : actuel CSE
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : activité partielle, apprentis, inspection du travail, prime de fin d’année, prud’hommes
06/12/2024
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 29 novembre au jeudi 5 décembre inclus.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.
Activité partielle
- Un décret du 4 décembre 2024 porte modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’allocation d’activité partielle spécifique en cas de réduction d’activité durable
Aides aux entreprises
- Un arrêté du 29 octobre 2024 porte attribution de l’aide financière exceptionnelle prévue par l’article 5 du décret n° 2024-717 du 5 juillet 2024
Droits des salariés
- Un décret du 4 décembre 2024 fixe les modalités de mobilité à l’étranger des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation
Inspection du travail
- Un arrêté du 2 décembre 2024 modifie l’arrêté du 16 novembre 2021 relatif aux modalités de formation et aux conditions d’évaluation et de sanction de la scolarité des inspecteurs élèves du travail
- Un arrêté du 27 novembre 2024 porte répartition des unités de contrôle de l’inspection du travail
Nominations
- Un arrêté du 29 novembre 2024 porte nomination du président du conseil d’administration de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire (Jean-Louis Rouquette)
- Un arrêté du 21 novembre 2024 porte nominations au cabinet du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
- Un arrêté du 27 novembre 2024 porte nomination au cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie du tourisme
- Un arrêté du 3 décembre 2024 porte nomination au conseil des acteurs des plateformes de l’établissement public Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi
- Un arrêté du 29 novembre 2024 porte nomination au Comité national pour l’emploi
- Un décret du 4 décembre 2024 institue un coordonnateur interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes en outre-mer
- Un arrêté du 20 novembre 2024 modifie l’arrêté du 19 décembre 2022 portant nomination des membres titulaires et suppléants du Conseil national de l’inspection du travail
Protection sociale
- Un décret du 4 décembre 2024 porte attribution d’une aide exceptionnelle de fin d’année aux bénéficiaires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire pour reprise d’activité et de l’allocation équivalent retraite
Prud’hommes
- Un décret du 28 novembre 2024 modifie diverses dispositions relatives à l’organisation judiciaire
Santé sécurité
- Un décret du 29 novembre 2024 précise les conditions d’accès aux établissements pénitentiaires des services de prévention et de santé au travail
Source : actuel CSE
Les taux horaires de l’allocation d’activité partielle sont revalorisés
06/12/2024
Deux décrets parus hier au Journal officiel (lire ici et ici pour Mayotte) revalorisent les taux horaires minima de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur.
À compter du 1er novembre 2024, le taux horaire passe à :
- 8,46€ (au lieu de 8,30€) pour l’allocation d’activité partielle de droit commun (et 7,29€ pour Mayotte) ;
- 9,40€ (au lieu de 9,22€) pour l’APLD, l’allocation d’activité partielle de longue durée (et 8,10€ pour Mayotte).
Source : actuel CSE
Un CDD saisonnier doit être conclu pour une mission… saisonnière
06/12/2024
Il n’est possible d’embaucher en CDD, ou de prendre des intérimaires, que dans des cas listés par la loi, par exemple en cas de surcroît exceptionnel d’activité, de nécessité de remplacer un salarié absent ou d’activité saisonnière. Les emplois à caractère saisonnier consistent en des tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
Recourir à des contrats saisonniers sans respecter ces conditions est susceptible d’entraîner leur requalification en CDI, ainsi qu’a récemment pu le constater un laboratoire pharmaceutique. Celui-ci avait conclu plusieurs CDD et recouru à des intérimaires, tous affectés à des postes d’opérateurs de production de souches de vaccins contre la grippe.
Les contrats et missions ayant été renouvelés à plusieurs reprises, les intéressés ont fini par en demander la requalification, estimant que les emplois occupés correspondaient en réalité à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les juges d’appel, soutenus en cassation, leur donnent raison, malgré les arguments de l’employeur qui insistait sur le caractère saisonnier de la grippe et donc du vaccin, qui impliquait des tâches appelées à se répéter chaque année. Mais pour les juges, deux arguments jouaient en faveur des salariés :
- la production du vaccin contre la grippe représentait 30 à 35 % de l’activité de l’employeur ;
- la fabrication des souches de ce vaccin, à laquelle les salariés étaient affectés, avait une durée quasiment ininterrompue (pour répondre aux besoins des hémisphères nord et sud), chaque année, de septembre à juin, hormis une courte période de suspension de fin décembre à mi-janvier, et une fermeture du site de production de fin du mois de juin à début septembre.
Source : actuel CSE