La mise en disponibilité provisoire d’un salarié protégé est possible
05/05/2025
L’employeur peut prendre, dans l’attente d’une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées, telles qu’une mise en disponibilité provisoire d’un salarié protégé, pourvu qu’il n’en résulte pas, sans l’accord du salarié, une modification durable de son contrat de travail.
Le salarié protégé reste soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur. Toutefois, aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut lui être imposée. La Cour de cassation a récemment jugé que la mise à pied disciplinaire n’emporte ni modification de son contrat de travail, ni changement de ses conditions de travail, et n’est pas subordonnée à l’accord du salarié (Cass. soc., 11 déc. 2024, n° 23-13.332).
Mais qu’en est-il en amont de la sanction disciplinaire, lors d’une enquête par exemple ? De quelle latitude l’employeur dispose-t-il vis-à-vis du salarié protégé ? Le Conseil d’État répond à cette question dans un arrêt du 4 avril 2025, mentionné au recueil Lebon.
La mise en disponibilité d’un salarié protégé pendant une enquête…
Dans cette affaire, à l’issue d’une enquête interne diligentée à la suite de plusieurs signalements effectués par certains salariés pour des faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement moral, une association demande l’autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de la salariée protégée impliquée.
L’autorisation est accordée et la salariée conteste sur plusieurs fondements.
Elle conteste notamment la mise en disponibilité prononcée par l’employeur à son encontre. En effet, suite à ces signalements, l’employeur ouvre une enquête le 12 février. Par courrier du 22 février, l’employeur notifie à la salariée sa “mise en disponibilité provisoire rémunérée” afin de “permettre la poursuite sereine de l’enquête”, laquelle s’est achevée le 26 février. Le 5 mars, un nouveau courrier notifie à la salariée sa mise à pied conservatoire et sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Enfin, par courrier du 22 mars, l’employeur sollicite de l’inspecteur du travail l’autorisation de la licencier.
…est possible s’il n’en résulte pas une modification durable de son contrat de travail
Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la salariée protégée et en profite pour expliquer, pour la première fois à notre connaissance, dans quelles conditions la mise en disponibilité peut faire partie de l’arsenal disciplinaire de l’employeur.
Ainsi, l’employeur peut prendre, dans l’attente d’une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées destinées à garantir les intérêts de l’entreprise, des autres salariés et des usagers, telles que la mise en disponibilité provisoire du salarié concerné,pourvu qu’il n’en résulte pas, sans l’accord du salarié, une modification durable de son contrat de travail.
Puis le Conseil d’État vérifie les conditions de la mise en disponibilité de la salariée protégée en l’espèce. Il est constaté que la mise en disponibilité de la salariée protégée, “qui n’avait pas privé l’intéressée de revenus, était intervenue avant l’engagement d’une procédure disciplinaire, avait été suivie peu de temps après d’une mise à pied conservatoire, et avait pour seul objet de permettre le bon déroulement de l’enquête interne diligentée pour rechercher si les faits de harcèlement moral allégués à son encontre et portés à la connaissance de l’employeur étaient susceptibles de constituer une faute de nature à justifier le déclenchement d’une procédure disciplinaire”.
La Haute cour en conclut que cette mise en disponibilité, ne pouvant être regardée comme une mise à pied conservatoire, était bien valable.
En d’autres termes, la mise en disponibilité, rémunérée, peut constituer une mesure préalable à une procédure disciplinaire pour un salarié protégé, notamment dans le cadre d’une enquête interne, laquelle permet de vérifier les faits de harcèlement allégués qui pourront constituer la base du déclenchement de la procédure disciplinaire. La mise à pied conservatoire est en effet une mesure de nature différente car elle intervient dans le cadre de la procédure disciplinaire, la faute grave étant déjà alléguée par l’employeur à l’appui de la demande d’autorisation de licenciement du salarié protégé (C. trav., art.L. 2421-1).
► Remarque : cette décision est une première pour le Conseil d’État, mais ce dernier s’inspire largement de la Cour de cassation. En effet, concernant un salarié “ordinaire”, non protégé, la Cour de cassation a validé une mise en disponibilité provisoire, décidée par l’employeur dans l’attente de l’engagement d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié, ayant eu pour seul objet de permettre le déroulement serein de l’enquête interne rendue indispensable après la révélation de faits graves au sein du magasin où le salarié était affecté, cette mise en disponibilité n’ayant duré que 3 jours et n’ayant pas entraîné de modification durable du contrat de travail de l’intéressé (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-23.503).
Rappel : l’obligation de sécurité prévaut
Rappelons que, dans le cas du signalement de faits de harcèlement, si l’enquête n’est pas obligatoire dès lors que l’employeur a pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité du salarié (Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-13.975), l’employeur est redevable d’une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés.
En effet, l’article L. 4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des salariés et les articles L. 1152-4 et L. 1153-5 du même code mettent à la charge de l’employeur une obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et sexuel. A cet égard, même lorsqu’un salarié protégé est impliqué, c’est bien l’obligation de sécurité qui prévaut. En effet, la Cour de cassation a jugé que, tenu par son obligation de sécurité, l’employeur ne pouvait pas réintégrer un salarié protégé impliqué dans le cadre d’un harcèlement moral (Cass. soc., 1er déc. 2021, n° 19-25.715), comme d’un harcèlement sexuel (Cass. soc., 8 janv. 2025, n° 23-12.574).
Séverine Baudouin
Projet de loi simplification : les députés créent un examen de conformité sociale
05/05/2025
L’examen du projet de loi simplification de la vie économique a repris mardi soir devant l’Assemblée nationale, jusqu’à l’article 3 quater du texte. Un amendement n° 1846 proposant un examen de conformité sociale a été adopté. Inspiré de l’examen de conformité fiscale créé en 2021, il permet aux entreprises de solliciter un audit préventif de leurs obligations sociales auprès d’un prestataire agréé. Selon l’exposé des motifs de l’amendement, cela donne “une meilleure visibilité sur leurs obligations et [réduit] les risques de contentieux avec l’administration”. Ce nouveau dispositif serait envisagé comme “un outil complémentaire aux services déjà proposés par les organismes de recouvrement” et ne se substituerait pas aux contrôles exercés par l’administration (rescrit social, visites conseil de l’Urssaf, contrôles automatisés des déclarations sociales nominatives).
Cet examen de conformité sociale n’aurait pas de caractère obligatoire mais permettrait “d’identifier et de corriger en amont d’éventuelles anomalies en matière de cotisations sociales, de conditions de travail et d’application des conventions collectives. Il n’entraînerait pas d’exonération systématique des sanctions en cas de contrôle ultérieur de l’administration, en revanche cette dernière pourrait le prendre en compte “dans une logique d’incitation à la conformité”.
On peut d’emblée se demander si cet examen pourrait recouvrir la conformité Urssaf du CSE…
Sur les CSE, un autre amendement adopté n° 2546 généralise l’usage de la dématérialisation “pour les démarches administratives internes aux entreprises au moyen d’outils numériques, sauf disposition contraire des statuts, et sauf avis contraire expressément exprimé de la part des parties concernées”. L’exposé des motifs de l’amendement évoque notamment “les réunions de CSE, les réunions des institutions représentatives du personnel, les Assemblées générales ou les Conseils d’administration”. Pourtant, l’article L.2315-4 du Code du travail régit déjà les réunions en visioconférence du CSE : “Le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l’employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l’absence d’accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile”.
Toujours en matière de simplification, un amendement adopté n° 1108 prévoit une publication obligatoire des décisions tacites de l’administration (rendues selon le principe “le silence vaut acceptation”), et ce dans trois objectifs :
- assurer une transparence accrue sur les décisions tacitement prises par l’administration ;
- garantir un égal accès à l’information pour tous les citoyens susceptibles d’être concernés ;
- ouvrir la possibilité d’un recours contre une décision tacite, dans le respect des principes du droit administratif.
Source : actuel CSE
Manifestations du 1er mai : pour les syndicats, le jour férié doit rester sanctuarisé
05/05/2025
Jeudi 1er mai, les cortèges syndicaux ont réuni « près de 300 000 personnes » selon la CGT, dont 100 000 à Paris. Des chiffres dans la moyenne des 1ers mai, plutôt meilleurs qu’en 2024 (210 000 selon les syndicats) et inférieurs à la mobilisation exceptionnelle du 1er mai 2023 dans le contexte de la réforme des retraites. Pour la préfecture de police, les cortèges ont réuni 157 000 manifestants en France, dont 32 000 dans la capitale.
Cette année, la coordination syndicale est également revenue à la normale. La CFDT et l’Unsa ont organisé de leur côté un débat d’une heure trente sur le travail, tandis que la CGT, FO, la FSU et Solidaires se sont retrouvées Place d’Italie.

Du point de vue des revendications, on a retrouvé le mot d’ordre d’abrogation de la réforme des retraites, la défense de l’emploi et de la réindustrialisation, alors que le plan social d’ArcelorMittal a plané au-dessus des toutes les têtes. Dans les discours sont également revenus la défense des services publics et la célébration des 80 ans de la Sécurité sociale.
Les syndicats ont aussi dénoncé la proposition de loi qui propose d’aligner le régime du travail le 1er mai sur celui du travail dominical. Marylise Léon (CFDT) s’est agacée du lobbying des employeurs et de certains responsables politiques “qui n’ont même pas demandé leur avis aux personnes directement concernées”. Elle ajoute qu’ “il ne s’agit pas des vrais sujets qui préoccupent les salariés de la boulangerie, alors que leurs classifications n’ont pas été renégociées depuis dix ans” et que le sujet “doit être avant tout discuté avec les représentants du personnel” avant de conclure : “Le 1er mai doit rester sanctuarisé”.
Sophie Binet juge cette proposition de loi “extrêmement dangereuse (…) et rédigée de manière très floue afin d’étendre les possibilités de travail le 1er mai à tous les secteurs”. Pour la secrétaire générale de la CGT, “on veut encore nous voler un jour férié, alors que nous sommes dans une période où il y a énormément de ballons d’essai et que cela revient à faire travailler plus les salariés pour un salaire plus faible”.
À Force Ouvrière, Frédéric Souillot voit dans ce texte un énième “marronnier” : “C’est comme les projets de réforme du droit de grève à l’approche des vacances, mais le 1er mai est le seul jour férié et chômé. Les mêmes diront qu’on ne travaille pas assez et qu’il y a trop de ponts au mois de mai. Pendant ce temps, ils ne parlent pas des priorités des travailleurs, à savoir le pouvoir d’achat, l’emploi et les services publics”.
Murielle Guilbert, co-déléguée de Solidaires, partage ce point de vue d’une volonté politique de diversion : “On essaie de détourner l’attention, les vrais sujets sont les conditions de travail, les salaires et les plans de licenciements, sans parler des milliards d’aides publiques qu’on ne remet jamais en cause”. Laurent Escure (Unsa) a quant à lui appelé à “respecter le temps commun qui a été gagné par les batailles syndicales” et dénoncé qu’ “à chaque crise, ce sont les salariés les variables d’ajustement”.
Source : actuel CSE
Projet de loi seniors et mandats de CSE : les modifications suggérées par le Conseil d’Etat
06/05/2025

À quelques semaines de l’arrivée du projet de loi transposant les accords nationaux interprofessionnels sur les seniors et les mandats d’élus de CSE, le Conseil d’Etat a suggéré des modifications au texte gouvernemental. Sous réserve de nouvelles modifications, des précisions sémantiques sont apportées sur les “salariés expérimentés” et les thèmes facultatifs de négociation seraient revus.
En novembre 2024, les partenaires sociaux faisaient la Une en proposant trois accords nationaux interprofessionnels (ANI) sur l’assurance chômage, l’emploi des seniors et le dialogue social (suppression de la limitation à trois mandats d’élus de CSE). Après la censure du gouvernement Barnier, les syndicats attendaient de voir leurs accords transposés par le gouvernement. La semaine dernière, le Conseil d’État s’est prononcé sur la copie gouvernementale. Selon nos informations, il reviendrait sur la notion de “salariés expérimentés”, modifierait les négociations de branche et d’entreprise et conserverait tel quel le texte relatif à la suppression de trois mandats de CSE
Mandats de CSE : l’article L.2314-33 réduit à deux alinéas
L’accord national interprofessionnel relatif au dialogue social de novembre 2024 prévoyait dans son article 2 que “les organisations signataires demandent la suppression dans le Code du travail de la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique”. Pour mémoire, il s’agissait de permettre le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles. Les élus de CSE craignent en effet des défauts de candidatures aux élections professionnelles une fois la limite de trois mandats atteinte. Rappelons également que l’issue des mandats voit tomber le régime du salarié protégé au bout de six mois.
Le sujet était également relié à celui de l’emploi des seniors négocié en parallèle, l’accord souhaitant “préserver l’expérience et les compétences acquises”. Rappelons également à ce sujet que l’accord sur le dialogue social prévoit une nouvelle négociation relative à la valorisation des parcours syndicaux dès 2025.
Le Conseil d’État conserverait le projet du gouvernement de modifier l’article L.2314-33 : les alinéas 2, 3, 4, 5 et 7 de l’article actuel prévoyant le principe et les exceptions (entreprises de moins de 50 salariés, accord dans les 50 à 300 salariés) de la limitation à trois mandats ainsi que la nécessité d’un décret en Conseil d’Etat seraient supprimés.
Par conséquent, une fois le projet de loi adopté s’il n’est pas modifié par le Parlement, l’article L.2314-33 se réduirait à ces dispositions : “Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus pour quatre ans. Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle”.
Serait par ailleurs totalement supprimé l’article R.2314-26 du code du travail selon lequel “A défaut de stipulations contraires, les stipulations du protocole d’accord préélectoral relatives à l’exception à la limitation du nombre de mandats successifs mentionnée au 2° de l’article L. 2314-33 sont à durée indéterminée”.
Seniors : des salariés expérimentés “en considération de leur âge”
Afin d’éviter une stigmatisation des salariés les plus vieux, les partenaires sociaux avaient préféré dans leur accord évoquer les “salariés expérimentés” à l’expression de” seniors”. Si l’intention était louable, la formulation ne serait pas retenue par le Conseil d’État : elle lui semble trop ambiguë et risquerait de porter selon lui atteinte à la lisibilité et l’accessibilité de la loi, notamment si l’on retient qu’un salarié peut être expérimenté sans être senior.
Rappelons que le code du travail ne définit pas la notion de seniors. Les anciennes dispositions sur l’entretien professionnel de deuxième partie de carrière mentionnaient cependant la 45e année du salarié. L’Agence national pour l’amélioration des conditions de travail considère quant à elle que cette catégorie statistique vise les plus de 55 ans.
Pas question cependant de retenir l’expression “salariés âgés” qui aurait été contraire à l’esprit de l’accord des partenaires sociaux. Le Conseil d’État trancherait donc en faveur d’un ajout et adopterait l’appellation “salariés expérimentés en considération de l’âge”. Elle serait ajoutée aux dispositions suivantes du code du travail :
- article L.2241-2 sur les thèmes des négociations de branches ;
- nouveaux articles L.2241-2-1, L.2241-14-1, L.2242-2, L.2242-13 et L.2242-22 sur les négociations de branche et d’entreprise relatives aux seniors.
Un aménagement des thèmes facultatifs de négociation
Concrètement, l’ANI seniors ayant prévu une nouvelle négociation de branche, un nouvel alinéa (le 6°) serait ajouté à l’article L.2241-1 du code du travail. Le Conseil d’État reprendrait les thèmes obligatoires négociés entre syndicats et patronat : le recrutement des salariés expérimentés, leur maintien dans l’emploi, la transmission de leurs savoirs et compétences (avec mention du tutorat, mentorat et mécénat de compétences).
En revanche, le Conseil d’État ne souhaiterait pas conserver certains thèmes de négociations facultatifs fixés par les partenaires sociaux, comme les pratiques managériales mobilisables et les relations sociales. Il propose en remplacement “les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés”. Pourrait également sortir le thème de négociation relatif à la santé au travail et à la prévention des risques professionnels qui selon les magistrats relève d’un cadre normatif déjà existant.
Il garderait en revanche le développement des compétences et l’accès à la formation, les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers, l’organisation et les conditions de travail.
Des modifications du contrat de valorisation de l’expérience
Les partenaires sociaux avaient créé à titre expérimental pour 5 ans un contrat de valorisation de l’expérience (à durée indéterminée) ouvert aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus inscrits à France Travail. Le Conseil d’État exclurait de ce contrat les salariés bénéficiant de la retraite progressive au nom du principe d’égalité envers les salariés en cumul emploi-retraite qui sont eux aussi exclus du dispositif.
Les magistrats remplaceraient également l’expression de “mise à la retraite” par “l’employeur peut rompre le contrat de travail” sans modifier la procédure applicable.
Par ailleurs, les magistrats maintiendraient l’exonération de cotisation patronale liée à la mise en retraite (article L.137-12 du code de la sécurité sociale). Cette exonération serait cependant limitée aux sommes légales et conventionnelles.
Enfin, l’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance sur les transitions professionnelles viserait notamment à simplifier et harmoniser les dispositifs de formation, à améliorer le fonctionnement des réseaux d’accompagnement des transitions, et à assurer la cohérence des dispositions législatives.
Le projet de loi sera présenté mercredi 7 mai en Conseil des ministres puis au Parlement au mois de juin.
Un projet de décret sur la retraite progressive |
L’accord national interprofessionnel relatif aux seniors a également adopté la retraite progressive à 60 ans sans condition. Selon le projet de décret que nous avons pu consulter, la mesure serait bien transposée à l’article D.161-2-24 du code de la sécurité sociale. Selon cette disposition, “L’âge d’ouverture du droit à la retraite progressive mentionné au premier alinéa de l’article L. 161-22-1-5 correspond à l’âge défini par l’article L. 161-17-2 abaissé de deux ans”. Le projet de décret prévoit de remplacer les termes “correspond à l’âge défini par l’article L. 161-17-2 abaissé de deux ans” par “est égal à 60 ans”. De plus, les réunions de négociation entre syndicats et ministère sur la transposition de l’accord ont abouti à ce que le dispositif soit étendu aux fonctionnaires, dans un premier temps sur le périmètre de la fonction publique d’Etat puis dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières. Le dispositif entrerait en vigueur le 1er septembre 2025. |
Marie-Aude Grimont
L’action de groupe est élargie
06/05/2025
La loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 “portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes” est parue au Journal officiel du 2 mai 2025. Ce texte contient des dispositions variées (voir notre article dans cette même édition au sujet de la consultation du CSE sur le rapport de durabilité de l’entreprise) parmi lesquelles figure un élargissement de l’action de groupe.
Jusqu’à présent circonscrit en matière sociale à la lutte contre les discriminations et à la protection des données personnelles, le champ de l’action de groupe est en effet élargi à l’ensemble des manquements de l’employeur à ses obligations légales et contractuelles. Ce texte offre donc, pour les actions lancées à compter du 3 mai 2025, de nouveaux leviers en perspective pour les organisations syndicales, avec une procédure préalable qui implique le CSE. Sur ce point, nous vous renvoyons à notre article paru le 14 avril 2025 après l’adoption définitive de la loi.
Source : actuel CSE
Le Pacte de pouvoir de vivre veut avoir voix au chapitre dans les débats budgétaires
07/05/2025

Quelques membres du Pacte : C. Thoury (Mouvement associatif), C. Robert (Fondation logement), M. Léon (CFDT), C. Duflot (Oxfam), M. Nizan (Fage), E. Chenu (Mutualité), MA Grard (ATD Quart Monde)
Au nom d’une certaine vision de la société et du bien commun, les organisations du Pacte du pouvoir d’achat (CFDT, Fage, ATD Quart Monde, Fondation pour le Logement, etc.) veulent participer aux débats sur le budget 2026 annoncés par le Premier ministre, afin de porter certaines propositions en faveur du pouvoir d’achat : triplement du chèque énergie, prolongation du plafonnement des loyers, refonte des bourses universitaires, abandon du projet de sanctions contre les allocataires RSA, etc.
Cette fois, les 65 organisations du Pacte de pouvoir de vivre (*) n’ont pas avancé de nouvelles revendications sur le travail, même si leurs précédentes demandes (conditionner les aides publiques aux entreprises, plafonner les rémunérations des dirigeants, négocier le partage de la valeur avec les sous-traitants, etc…) restent toujours à l’ordre du jour.
La raison de cette absence ? Sans doute le souci de ne pas interférer dans les discussions des partenaires sociaux autour des retraites, de la pénibilité et bientôt des reconversions professionnelles, un sujet qui pourrait être lancé le 15 mai.
Plus sûrement, ces syndicats (CFDT, Fage, etc.), associations et ONG (ATD Quart Monde, Action pour le climat, Mutualité française, Oxfam, etc.), qui font la promotion d’une politique de long terme ne faisant pas l’impasse sur les défis sociaux, entendent pousser la voix des citoyens “invisibles” à l’occasion des débats publics promis par François Bayrou au sujet de la préparation du budget 2026 (voir notre encadré).
L’idée est que la préparation du budget ne se fasse pas dans les couloirs de Bercy en ignorant les besoins sociaux, expliquent les promoteurs du Pacte. Mais les courriers adressés en ce sens il y a un mois au Premier ministre puis au ministre de l’économie étant restés lettre morte, les animateurs du Pacte de pouvoir de vivre ont donc saisi la presse pour relayer leurs demandes.
Un gouvernement jugé “déconnecté” par rapport aux réalités sociales
Tous ces responsables syndicaux et associatifs déplorent “la déconnexion des politiques au pouvoir d’avec la réalité sociale des territoires” (Christophe Robert, Fondation pour le logement, ex-Fondation Abbé Pierre) ainsi que leur vision “court-termiste”. Marylise Léon (CFDT) a dénoncé “des absences d’arbitrage qui sont en train de se dissiper mais sous le seul prisme des restrictions budgétaires”. Et la secrétaire générale de la CFDT d’ajouter : “Nous avons besoin de responsables politiques ayant une vision. On ne bâtira pas le monde de demain avec les recettes d’hier, il faut des solutions durables et des efforts partagés”.
Critiquant, comme Claire Thoury (Le Mouvement associatif”) “l’intégration par les politiques eux-mêmes de leur impuissance”, ou fustigeant, comme Marie-Aleth Grard (ATD Quart Monde) “l’absence jamais vue à ce point de réponses à nos courriers et demandes de rendez-vous”, ces responsables avancent des propositions précises.
Côté recettes, tout en approuvant l’impératif de maîtrise de la dette publique, les promoteurs du Pacte du pouvoir de vivre insistent sur la nécessité de faire contribuer aux finances publiques les hauts-revenus dans un souci d’équité fiscale. Cécile Duflot (Oxfam) défend ainsi le retour à une plus grande progressivité de l’impôt et une réforme de la fiscalité “sur les super-héritages”, notamment afin de financer la transition écologique.
Logement : loyers encadrés et triplement du chèque énergie
Concernant les besoins sociaux et notamment la question du pouvoir d’achat, Christophe Robert demande la prolongation de la loi permettant l’expérimentation du plafonnement des loyers : “Cette loi, qui ne coûte pratiquement rien, va prendre fin en novembre 2026, il faut la reconduire sans attendre afin de laisser le temps du débat parlementaire de préparer la suite. Car cette loi d’encadrement a produit des effets là où elle a été volontairement appliquée, comme à Paris, Nantes, Grenoble : elle a fait baisser les prix des loyers et le nombre de propriétaires qui ne la respectent pas a également eu tendance à baisser”.
Le président de la fondation Logement revendique également le triplement du montant du Chèque énergie qui n’a pas été valorisé depuis 2019. “Nous demandons de le faire passer de 150€ à 450€, mais aussi d’élargir son attribution : actuellement, il ne faut pas dépasser 11 000€ de ressources par an et par personne pour pouvoir le toucher, ce qui exclut les classes moyennes modestes”. La France pourrait défendre une telle mesure dans le cadre du plan social pour le climat qu’elle doit présenter à Bruxelles d’ici le 30 juin 2025, insiste Christophe Robert.
“RSA : supprimez les sanctions !”
C’est peu dire que la politique du gouvernement au sujet du RSA (contraindre sous peine de sanction les allocataires à avoir une activité hebdomadaire au nom de l’objectif de “plein emploi”) met la présidente d’ATD Quart Monde en colère : “Depuis le 1er janvier, les deux millions d’allocataires du RSA ont peur. Ils sont affectés à France travail mais ils ne comprennent rien. Ce n’est plus une assistante sociale qui est en relation avec eux mais un employé de France Travail qui n’est pas habitué aux personnes en grande précarité”, gronde Marie-Aleth Grard.
“Notre gouvernement ne lutte pas contre la pauvreté mais contre les pauvres”, juge la présidente associative, qui rappelle qu’un allocataire ne touche en réalité qu’autour de 500€, et parfois rien lorsqu’il a loupé une formalité numérique à accomplir. “Nous demandons un moratoire sur le projet de décret sur les sanctions des allocataires du RSA, arrêtons de stigmatiser les plus pauvres”, dit Marie-Aleth Grard en rappelant l’intérêt d’une autre initiative, celle des Territoires zéro chômeur, “avec 4 000 personnes embauchées en CDI après parfois 4 à 7 ans de chômage”.
Davantage de bourses pour les étudiants
Ces problèmes de fin de mois n’épargnent pas le monde étudiant. Maëlle Nizan, présidente du syndicat étudiant la Fage, constate que le système actuel des bourses (679 000 étudiants boursiers) laisse de côté de nombreuses familles des classes moyennes, avec des parents incapables d’aider leurs enfants, lesquels doivent donc travailler “de 20 à 25 heures par semaine” au risque de rater leurs études.
Pour éviter ce gâchis, la jeune syndicaliste revendique la révision des bourses afin qu’elles servent un million d’étudiants : “Les décideurs ne tiennent pas les promesses faites aux jeunes, ils privilégient la population de leurs parents et de leurs grands parents !”
Toujours à propos des classes modestes, le collectif demande, par la voix d’Anne Bringault (Réseau Action Climat), que la possibilité de leasing pour les véhicules électriques (50 000 ménages en ont bénéficié en 2024 pour 100€ par mois) soit élargie : “Il faut baisser le coût par dossier, et avoir une aide entre 5 000 et 10 000€ afin de rendre cela accessible aux plus modestes, en privilégiant les territoires les plus enclavés qui n’ont pas d’alternative à la voiture”. Et la militante d’ajouter : “La transition écologique est le premier budget public touché par les restrictions budgétaires. Ma Prime rénov pourrait même s’arrêter, ce qui serait catastrophique”.
Le monde associatif réclame la fin des contrats d’engagement
Une autre demande forte du collectif concerne le monde associatif, et l’obligation qui lui est désormais imposée depuis 2021 de signer “un contrat d’engagement républicain” pour respecter certaines valeurs dès lors que l’association reçoit un financement public. Claire Thoury (Mouvement associatif) conteste la mesure (“c’est un contrat qui n’a de contrat que le nom puisqu’il est imposé”) et l’appréciation arbitraire faite par les pouvoirs publics de ce respect.
Elle demande son abrogation. Elle s’inquiète par ailleurs de la tendance de l’Etat à préférer la commande publique, qui suppose une mise en compétition entre organisations, au classique subventionnement. Depuis le début de l’année, selon elle, ce sont pas moins de 166 associations qui ont été liquidées, faute de ressources.
Préparer l’avenir
Les membres du Pacte de pouvoir de vivre ont également d’autres idées à faire valoir auprès des pouvoirs publics (expérimenter pendant 3 ans la mise en place d’équipes de soin traitantes pluridisciplinaires pour éviter les déserts médicaux, suggère Éric Chenu, le président de la Mutualité française).
Mais ils entendent aussi préparer l’avenir en formant les jeunes. Une cinquantaine de personnes de moins de 35 ans ont ainsi constitué la première promotion de l’école du Pacte de pouvoir de vivre. “C’est une école dispensée par nos organisations, qui offre donc notre vision de la société, complémentaire à la vision universitaire”, dit Amandine Lebreton, la directrice du Pacte de pouvoir de vivre.
(*) Le Pacte de pouvoir de vivre se présente comme un “collectif d’organisations de la société civile unies au niveau local et national pour porter ensemble des réponses aux enjeux environnementaux, sociaux, économiques et démocratiques”. Cette organisation se donne pour mission d’influencer les pouvoirs publics, de créer un espace d’engagement, de former et d’informer et d’agir localement.
François Bayrou prépare le budget mais aussi les esprits |
Le Premier ministre François Bayrou souhaite présenter avant juillet 2025 les grandes lignes du projet de budget pour 2026. Le Premier ministre, qui a déjà évoqué le financement des transports et des territoires, entend associer les parlementaires à des “revues de mission” sur les politiques publiques, et associer les partenaires sociaux à l’ouverture d’un chantier sur le financement de la sécurité sociale, à l’issue des discussions en cours sur les retraites. Le 3 mai, le chef de gouvernement a également envisagé, dans une interview au Journal du Dimanche, d’avoir recours au référendum afin de faire trancher la question budgétaire par les Français, sachant que le gouvernement pourrait projeter de réaliser 40 milliards d’économies pour le prochain budget, un peu comme s’il s’agissait d’une menace à l’adresse des parlementaires : “Je pense que la question est assez grave, assez lourde de conséquences pour l’avenir de la Nation, pour qu’elle s’adresse directement aux citoyens. Je n’écarte donc aucune possibilité. Ce serait inédit. C’est un plan d’ensemble que je veux soumettre, il demandera des efforts à tout le monde, et par l’ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas”. |
Bernard Domergue
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Durabilité, fonction publique, formation, nominations, santé sécurité
07/05/2025
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du mercredi 30 avril au mardi 6 mai inclus.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.
Durabilité / CSRD
- Loi du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
Fonction publique
- Un arrêté du 7 avril 2025 porte règlement intérieur du comité social d’administration de la direction générale de la sécurité extérieure
- Un arrêté du 7 avril 2025 modifie l’arrêté du 20 mars 2024 relatif aux modalités d’élection des représentants du personnel du comité social d’administration de la direction générale de la sécurité extérieure ainsi qu’aux règles de convocation et de fonctionnement de ce comité
Formation
- Un arrêté du 22 avril 2025 révise le titre professionnel d’opérateur régleur en usinage assisté par ordinateur
Nominations
- Un arrêté du 25 mars 2025 porte nomination au conseil d’administration de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines
Santé sécurité
- Un arrêté du 29 avril 2025 fixe la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans les exploitations minières et assimilées pour l’année 2025
- Un arrêté du 29 avril 2025 fixe la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour l’année 2025
- Un arrêté du 29 avril 2025 fixe le montant des majorations prévues à l’article D. 242-6-9 du code de la sécurité sociale et de la contribution prévue à l’article D. 242-6-9-1 du même code pour l’année 2025
- Un décret du 29 avril 2025 précise le calcul du taux de la contribution prévue à l’article L. 4163-21 du code du travail (compte professionnel de prévention)
Source : actuel CSE
70 % des répondants au baromètre CFDT pensent qu’il faut renforcer les élus du personnel
07/05/2025
À l’occasion du 1er mai, la CFDT a diffusé son premier baromètre “L’état du travail”, un sondage réalisé sur un panel représentatif de 1 300 personnes salariées du privé ou fonctionnaires. Il en ressort que 70 % des répondants considèrent que le rôle des élus du personnel est à renforcer. De plus, 7 personnes sur 10 estiment que les pouvoirs publics doivent impliquer les syndicats pour préparer l’avenir et 73 % affirment que les syndicats ont un rôle à jouer dans la définition du travail de demain.
Sur le travail en lui-même, 59 % des sondés déclarent qu’il est source d’épanouissement et 64 % qu’ils en sont satisfaits. Les travailleurs des professions intermédiaires sont les plus nombreux à y trouver du sens (80 %). Dans ce domaine, les cadres (68 %) et les jeunes de 25 à 34 ans (62 %) éprouvent le moins de satisfaction.
Concernant la santé, 59 % des répondants estiment que leur travail est mentalement éprouvant et 35 % que leur travail a un effet négatif sur leur santé mentale. Pour 43 % des sondés, le travail a également un impact négatif sur leur santé physique. 61 % des cadres reconnaissent par ailleurs penser à leur travail pendant leur temps de repos.
Le sondage classe enfin les aspirations des sondés sur leur travail : arrive en premier le salaire, en second une meilleure reconnaissance et en troisième position un manager plus à l’écoute.
Rappelons que de son côté, l’Unsa sonde régulièrement le moral des salariés. Le baromètre de la CFDT sera mis à jour tous les ans.
Source : actuel CSE