Métiers en tension : FO et l’U2P dénoncent les insuffisances de la liste

26/05/2025

Alors que la nouvelle liste des métiers en tension est parue au Journal officiel du 22 mai, deux organisations font connaître leur déception. FO et l’U2P dénoncent l’absence de nombreux métiers de la restauration et du commerce alimentaire : boucher, charcutier-traiteur, poissonnier, employé de vente du commerce alimentaire…

Les deux organisations regrettent également que malgré les consultations conduites avec les partenaires sociaux, le gouvernement n’a apparemment pas tenu compte de leur avis. Selon l’U2P, “Si des consultations ont pu être conduites dans quelques régions, elles n’ont été que partielles et, en tout état de cause, les listes parues aujourd’hui ne résultent malheureusement pas d’un dialogue social approfondi avec les partenaires sociaux”.

Selon Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de Force Ouvrière, la liste “ne reprend aucune des demandes exprimées par FO et ne répond pas aux réalités du terrain”.  Elle se limite “à l’ajout d’un métier sur seulement 3 régions”, et se résume à un “simple ‘copier/coller’ de la liste provisoire”. FO rejette également ce qu’elle voit comme “une approche utilitariste de l’immigration”. Elle défend au contraire la participation des travailleurs migrants au financement de la protection sociale et considère que cette liste maintiendra “bon nombre de travailleurs migrants dans l’illégalité et dans une grande précarité”.

L’U2P regrette également que l’absence de prise en compte des “métiers de bouche” crée “un préjudice important aux entreprises concernées, (…) des situations humaines difficiles pour de nombreux salariés en fin de titres de séjour (…) et l’insécurité juridique” subie par les employeurs. Elle réclame donc une procédure d’urgence pour les salariés de ces métiers “afin que l’activité économique ne pâtisse pas de la lenteur de l’administration”.

Source : actuel CSE

Handicap : une mobilité sociale freinée dès l’entrée sur le marché du travail

26/05/2025

Une note publiée par France Stratégie, jeudi 22 mai, met en avant les obstacles auxquels sont confrontés les jeunes en situation de handicap dans leur insertion professionnelle. Quelle que soit leur origine sociale, ces derniers accèdent moins souvent aux postes de cadres ou aux professions intermédiaires : leur probabilité d’y parvenir est 1,7 fois inférieure à celle des jeunes sans handicap.

Ce différentiel s’explique en grande partie par un niveau de diplôme plus faible. Dans les milieux favorisés, les jeunes sans handicap ont 1,6 fois plus de chances d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur que leurs homologues en situation de handicap. L’écart est encore plus marqué dans les milieux défavorisés, où il atteint un facteur de 1,9.

Autre constat préoccupant : les jeunes en situation de handicap sont quatre fois plus nombreux à n’avoir jamais travaillé. Cet écart est particulièrement prononcé parmi les jeunes issus de milieux favorisés (4,9 fois), contre 3,3 fois pour ceux issus de milieux défavorisés. “Ce constat résulte à nouveau en partie du niveau de diplôme : le handicap multiplie par 3,7 le risque de sortir du système éducatif sans diplôme pour un jeune favorisé, contre « seulement » 2,1 pour un jeune défavorisé”, observent les auteurs de la note qui précisent que  “dans les familles favorisées, les jeunes handicapés ont la possibilité de ne pas travailler grâce aux ressources de leurs parents, alors que les jeunes défavorisés « valides » n’ont pas d’autre choix que de travailler”. 

Ainsi, loin de compenser les effets du handicap, une origine sociale élevée semble offrir une protection moindre contre l’échec scolaire et l’exclusion du marché du travail.

Source : actuel CSE

Le ministère du travail publie un référentiel pour prévenir les discriminations dans l’emploi

26/05/2025

Le ministère du travail vient de publier un référentiel de formation pour prévenir les discriminations dans l’emploi.

“La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté est venue renforcer le cadre juridique en matière de lutte contre les discriminations au travail en créant, à l’article L.1131-2 du code du travail, une obligation de formation à la charge des entreprises d’au moins 300 salariés et de toutes celles, quel que soit leur effectif, spécialisées dans le recrutement, rappelle le ministère du travail. Si la loi a posé le principe d’une obligation de formation à la non-discrimination à l’embauche, elle n’a pas précisé quel devait en être le contenu et les modalités de mise en œuvre dans les entreprises concernées. Ce référentiel a pour objectif de permettre aux entreprises d’au moins 300 salariés de mettre en conformité leurs obligations de formation avec l’obligation de formation en matière de lutte contre les discriminations. Au-delà de l’obligation légale, il est également recommandé que l’ensemble du personnel des entreprises soit formé (RH, managers, représentants du personnel, salariés). Par ailleurs, si ce référentiel vise l’étape du recrutement, il est également adapté à toute la carrière du salarié”. 

Source : actuel CSE

Système de décompte du temps de travail par anticipation : conformité sous réserve de correction journalière et hebdomadaire

26/05/2025

Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur est tenu de procéder à un décompte individuel du temps de travail (article L.3171-2 du code du travail), réalisé au moyen d’un système objectif, fiable et accessible (Conseil d’Etat, 6 octobre 2023). Il doit être effectué (article D.3171-8 du code du travail) :

  • quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail accomplies ;
  • et chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié.

Un système qui repose sur un décompte anticipé et une rectification manuelle du salarié est-il valide ? Telle fut la question posée au Conseil d’État par une entreprise sanctionnée par une Dreets pour son décompte individuel du temps de travail. Ce décompte reposait sur un logiciel paramétré pour afficher par défaut une durée théorique, rectifiée a posteriori par le salarié pour y faire figurer les heures effectivement travaillées.

Le Conseil d’État valide un tel système, à condition néanmoins qu’il soit garanti que les éventuelles discordances, entre le nombre d’heures anticipées et le nombre d’heures effectivement réalisées, soient corrigées chaque jour et chaque semaine. Ainsi, c’est la brièveté du délai de correction qui répond au critère d’objectivité, de fiabilité et d’accessibilité.

Source : actuel CSE

Twitter condamné pour harcèlement moral à l’encontre d’une salariée française

27/05/2025

Après le rachat du réseau social Twitter par Elon Musk en octobre 2022, le climat social s’est dégradé. Une salariée en congé maternité, qui en a fait les frais, a saisi les juges après sa prise d’acte estimant avoir été harcelée.

Ce n’est pas tous les jours qu’Elon Musk s’invite dans le contentieux prud’homal français ! C’est bien pourtant le réseau social Twitter, devenu X, après son rachat par Elon Musk, qui est au cœur de l’affaire jugée le 3 avril dernier par la cour d’appel de Paris. Et c’est peu dire qu’Elon Musk ne s’embarrasse pas du droit du travail français… 

Les juges ont été saisis par une salariée qui était responsable des relations publiques de Twitter depuis 2019. Pendant son congé maternité (suivi de ses congés payés) du 8 juillet au 28 décembre 2022, cette dernière reçoit des mails – collectifs et individuels – la pressant de prendre des décisions très rapidement quant à son avenir dans la société.

Un rachat qui provoque des remous en interne

Elon Musk acquiert Twitter en octobre 2022. Dès le 4 novembre 2022, tous les salariés reçoivent un mail leur annonçant que si leur emploi n’est pas menacé à la suite du rachat, ils recevront une notification sur leur messagerie professionnelle. En revanche, si leur emploi est affecté par le rachat, ils seront destinataires d’un mail sur leur messagerie personnelle “avec les prochaines étapes”. 

Ce mail collectif annonçait également de manière abrupte : “Nos bureaux seront temporairement fermés et l’accès à tous les badges suspendus, si vous êtes dans un bureau ou sur le chemin pour aller dans un bureau, veuillez rentrer chez vous”. Il était également intimé aux salariés de ne pas discuter d’informations confidentielles de l’entreprise sur les réseaux sociaux, avec la presse ou ailleurs”.

Le 17 novembre 2022, un autre mail intimait aux salariés de cliquer sur un lien avant 17h le lendemain s’ils “sont sûrs de vouloir faire partie du nouveau Twitter (…) Tous ceux qui ne l’auront pas fait [avant cette échéance] recevront trois mois d’indemnités de rupture”.

La salariée en congé est donc également destinataire de l’ensemble de ces mails. Elle reçoit également des mails individuels. “Nous comprenons que vous êtes actuellement en congé autorisé, lui est-il notifié. Le 17 novembre (…) il a été demandé aux employés d’indiquer s’ils souhaitaient rester chez Twitter. Si vous êtes en mesure de prendre cette décision  maintenant nous vous demandons de vous connecter à votre messagerie Twitter et de rechercher la ligne d’objet “fork in the road”. Cet e-mail contient un lien vers un formulaire Google, vous pouvez enregistrer votre décision. Si vous avez besoin de plus de temps que ce qui est indiqué ci-dessous, nous vous donnerons jusqu’à 15h (…) le mercredi 23 novembre pour prendre votre décision finale. Si vous ne prenez pas de décision avant cette date, nous considérerons qu’il s’agit d’une démission (…)”. 

En réponse, la salariée promet de répondre avant le 23 novembre avant de constater, le 21 novembre, qu’il n’est plus possible de répondre au formulaire Google. La salariée réaffirme par la suite son souhait de rester à son poste à son retour de congé maternité “dans des conditions d’emploi dignes et respectueuses de [sa] personne”. La salariée fait également état de plusieurs courriels datant de février 2023 enjoignant aux salariés d’effectuer des rapports mensuels et des mises à jour dans des délais très brefs.

Une salariée en congés pressée de répondre à ses mails

À son retour de congé, le 28 décembre 2022, elle présente sa candidature comme suppléante pour le collège unique au second tour des élections du CSE. Le 12 janvier 2023, dans un contexte de travail difficile, la salariée fait un malaise sur son lieu de travail dont elle déplore la déclaration tardive par l’employeur.

Le 14 avril 2023, la salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur. Elle saisit la justice aux fins d’en obtenir la requalification en licenciement.

Au soutien de sa prise d’acte :

  • “une organisation du travail non conforme à la loi et attentatoire à [ses] droits” ;
  • le non-respect de la visite de reprise à l’issue du congé maternité ;
  • l’absence de versement de sa rémunération variable pour l’année 2022 ;
  • l’absence d’objectif fixé pour l’année à venir ;
  • le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité avec le développement de risques psychosociaux ; 
  • la suppression “brutale et unilatérale” du télétravail;
  • l’absence de réponse de la DRH et de la direction à ses demandes ;
  • la suppression de tous ses avantages en nature ; 
  • la restrictions d’accès sur les outils de travail ; 
  • la  mise en demeure de signer de nouvelles politiques de confidentialité. 

Un harcèlement moral incontestable et autres manquements de la part de l’employeur

En conclusion, les juges estiment que la salariée “présente des éléments, d’une part, montrant des pressions successives et tangibles sur elle par des courriels la concernant personnellement et lui imposant une décision rapide à transmettre pendant son congé de maternité en vue de son maintien ou non dans l’entreprise, une exigence forte au vu d’une présence effective au minimum 40 heures par semaine, d’autre part, en décrivant un malaise de l’intéressée sur son lieu de travail, enfin, en faisant état d’une suspension de son contrat de travail pour syndromes anxieux éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre”.

La cour d’appel retient également “les informations alarmistes et courriels comminatoires qui lui ont été transmis au cours de son congé de maternité les 4, 10, 16, 17 novembre, ainsi que le 10 décembre 2022 à 3h46 puis à son retour dans l’entreprise dans des conditions anxiogènes (rumeurs, départs et fermeture de bureaux, supervision pressante du dirigeant, fin du télétravail notamment) alors qu’elle avait annoncé sa candidature au second tour des élections professionnelles”.

Les juges du fond rappellent à Twitter France qu’il revient à l’employeur de prouver que les faits allégués ne sont pas constitutifs de harcèlement moral (article L.1154-1 du code du travail). Or, Twitter conteste ces accusations et “affirme avoir agi dans le cadre de ses obligations et par anticipation d’un projet éventuel de réorganisation de l’entreprise”. La société se prévaut par ailleurs “du caractère général des courriels adressés à l’ensemble des salariés du groupe, de son désir de transparence pour tous, de la prise en considération du congé maternité [de la salariée] (…) de l’option prise volontairement par la salariée de rester dans l’entreprise et de son retour à son poste sans modification de son temps de travail, ni de sa rémunération”.

Des arguments qui ne convainquent pas la cour d’appel. “Il est constant que les courriels reçus par la salariée, qu’ils aient été généraux ou la concernant individuellement, ne contenaient pas les précisions spécifiques aux législations locales applicables, que l’employeur ne peut se retrancher derrière l’option prise très rapidement par la salariée pour justifier ses envois successifs, que le délai supplémentaire laissé [à la salariée] n’a pas permis de la dispenser de se positionner sur la poursuite de son contrat de travail pendant son congé de maternité et que l’employeur n’a pas respecté cette période particulière prévue par les dispositions de l’article L.1225-4 du code du travail”. 

Par ailleurs, les juges du fond considèrent que Twitter “ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité” en invoquant la mise en place d’un programme d’assistance aux salariés “Modern Health”. Twitter ne pouvait pas plus “minimiser le dommage subi par la salariée, du fait qu’elle n’ait pas demandé à en bénéficier”.

Enfin, “si le contrat de travail [de la salariée] stipule expressément une obligation de confidentialité à sa charge, rien ne justifie le courriel du 10 décembre 2022 adressé à la salariée, lui promettant « la réponse qu’elle mérite » en cas d’envoi « d’informations détaillées aux médias » dans l’intention de nuire à Twitter et la sollicitant à nouveau pour confirmer son engagement de confidentialité”. 

Twitter France est donc condamné pour licenciement nul. 

La cour d’appel la condamne à verser à la salariée : 

  • 29 207,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
  • 2 920,70 euros au titre des congés payés ; 
  • 58 414,08 euros au titre de la nullité du licenciement ;
  •  7 000 euros au titre du harcèlement ; 
  • 5 000 euros au titre des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité en l’absence de toute visite médicale de reprise ; 
  • 15 000 euros de dommages intérêts pour perte de chance d’acquérir des actions gratuites ; 
  • 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
“Il y avait des violations du droit tellement flagrantes”
Julien Damanio du cabinet Greenwich Avocats qui a défendu la salariée est satisfait de cette décision qui prend acte de plusieurs manquements de la part de Twitter : harcèlement, non-respect de l’obligation de sécurité, faits commis pendant la période de protection liée à la maternité. “Il y avait des violations du droit tellement flagrantes”. Il est également intéressant de souligner selon lui qu’une “communication générale” (les mails envoyés à tout le personnel) peuvent constituer un élément “impactant les situations individuelles” dont le juge tient compte pour caractériser le harcèlement moral.

L’avocat tient également à souligner que dans le climat d’inquiétude généré par Twitter lors du rachat, à aucun moment la société “n’a caractérisé l’existence de difficultés économiques”.

Pour l’heure, Twitter n’a pas fait part de son souhait de faire un pourvoi en cassation.

Florence Mehrez

Directive sur la transparence salariale : de nouveaux leviers pour les élus du personnel

28/05/2025

L’égalité salariale hommes-femmes est parfois reléguée très loin dans la liste de priorité des représentants du personnel. Avec la transposition de la directive sur la transparence salariale, les élus de CSE et délégués syndicaux vont disposer de nouveaux leviers. L’occasion de remettre le sujet sur la table des négociations et d’embarquer les salariés.

Les travaux de transposition de la directive transparence salariale ont commencé le 15 mai 2025 avec la présentation d’un document gouvernemental aux partenaires sociaux par la ministre du travail. Astrid Panosyan-Bouvet a également annoncé son intention de refondre l’index d’égalité professionnelle, issu des travaux d’une précédente ministre du travail, Muriel Pénicaud, et entré en vigueur depuis 2019. Depuis lors, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent publier tous les ans leur note obtenue grâce aux calculs de l’index.

Un index loin de faire l’unanimité, notamment parmi les organisations syndicales et les représentants du personnel. Jeu sur les seuils, impossibilités de calculer, coefficients de pondération et autres mécanismes peuvent permettent à certains employeurs de favoriser eux-mêmes leur note.

Quoi qu’il en soit, l’index actuel connaîtra sa dernière application en 2026. Un nouveau système prendra alors le relais avec 7 nouveaux indicateurs issus de la directive sur la transparence salariale (n° 2023-970). De plus, depuis la crise sanitaire puis l’irruption de l’inflation, les statistiques montrent que les élus du personnel ont parfois relégué l’égalité hommes femmes loin des chantiers prioritaires.

Quels nouveaux leviers la transposition de la directive va-t-elle leur fournir ? Une table ronde organisée par l’Ajis (association des journalistes de l’informations sociale) mardi 27 mai a permis de faire le point avec deux expertes du sujet : Lena Quer Riclet, experte au cabinet Syndex, et Sophie Pochic, sociologue, directrice de recherche au CNRS, experte qualifiée au Haut conseil à l’égalité.

La directive signe la fin de « l’étouffoir à revendications »

De l’avis des deux expertes, l’index d’égalité imaginé par la ministre Muriel Pénicaud n’a pas eu que des défauts. Pour Lena Quer Riclet (cabinet Syndex), il a permis de montrer que la loi sur l’égalité salariale entre hommes et femmes n’est tout simplement pas respectée, quelle que soit la note obtenue par l’employeur. Mais ce système a aussi selon elle fourni un argument-massue aux directions d’entreprises : “Quand les organisations syndicales veulent aborder l’égalité professionnelle, la direction répond que la note à l’index suffit, il n’est pas besoin de discuter du sujet avec eux”, témoigne-t-elle.

Rappelons pourtant que la base de données économiques sociales et environnementales doit, sous réserve d’accord plus détaillé, contenir des indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle selon que l’entreprise emploie moins de 300 salariés (article R.2312-8 du code du travail) ou plus de 300 salariés (article R.2312-9).

La sociologue Sophie Pochic ne mâche pas ses mots à l’égard de l’index actuel, qu’elle qualifie “d’étouffoir à revendications” : “L’index a eu sur les DRH un effet bonne note, il n’est souvent pour eux qu’un outil de pilotage. Mais il est devenu un étouffoir à revendications et un ralentisseur à négociations, les directions se sont appuyées dessus pour dire aux élus du personnel que l’égalité salariale n’est plus un sujet, puisqu’il est traité dans l’index”. La directrice de recherches au CNRS reconnaît à cet égard qu’il est difficile pour les élus de CSE et pour les délégués syndicaux de contraindre les directions à agir sur le sujet quand elles leur présentent une note de 90 sur 100.

Pire, elle en dénonce les effets pervers : “Dans les secteurs féminisés du commerce, de l’action sociale, de l’éducation ou de la santé, on a même vu les employeurs obtenir des notes encore meilleures alors que ce sont des domaines sont connus pour leurs bas salaires et leurs faibles promotions, tout y est plafonné. On voit donc bien que l’index n’a fourni aucun levier de négociation”. Au contraire, elle avance que la transposition de la directive constituera un axe pour transformer les actuelles politiques de communication vers de véritables actions.

La directive ouvre la boîte noire des politiques de rémunération

Selon la ministre du travail, les actuels critères de l’index seront remplacés par les 7 indicateurs de la directive sur la transparence salariale, à savoir :

  • l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;
  • l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables et complémentaires  ;
  • l’écart de rémunération médian ;
  • l’écart de rémunération médian au niveau des composantes variables et complémentaires ;
  • la proportion de femmes et d’hommes bénéficiant de composantes variables et complémentaires ;
  • la proposition de femmes et d’hommes dans chaque quartile de rémunération ;
  • l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire et par composantes variables ou complémentaires.

Mais ce n’est pas tout, la directive impose aux employeurs d’informer le candidat à l’embauche de la rémunération initiale (ou de la fourchette) du poste à pourvoir sur la base de critères objectifs et non sexistes. Au menu également, un droit individuel d’information pour les salariés en poste.

Pour Sophie Pochic, la directive sera donc un soutien à la négociation collective. Les élus du personnel disposeront de davantage d’informations sur les écarts de rémunération, les critères de fixation des salaires et la politique de progression. “L’employeur devra disposer de structures garantissant des rémunérations pour un travail de même valeur. Il devra évaluer si des travailleurs sont dans des situations comparables, c’est l’ouverture de la boîte noire des politiques de rémunération”, affirme-t-elle.

Une évaluation conjointe entre employeurs et IRP

De plus, si les écarts de rémunération entre hommes et femmes sont supérieurs à 5 %, cumulés à l’absence de justification par des critères objectifs non sexistes et à un échec à remédier à cette situation dans un délai de six mois, l’employeur sera contraint d’ouvrir une évaluation conjointe avec les instances de représentation du personnel. Cependant, on ignore pour l’instant comment cette exigence sera transposée par le gouvernement et le Parlement dans la loi française.

Selon l’experte Lena Quer Riclet, cette évaluation conjointe permettra peut-être aux élus du personnel d’embarquer les salariés avec eux, “car force est de constater que pour l’instant, ils ne sont pas forcément soutenus par les salariés quand ils veulent challenger les directions sur l’égalité en faveur des femmes. Conduire cette stratégie pourra donc leur permettre de visibiliser la question et de renforcer leur légitimité d’IRP”.

Les élus devront réfléchir aux outils à mettre en place pour rendre opérationnels les nouveaux outils issus de la directive afin d’allouer par exemple des éléments de rémunérations annexes au salaires de base, ce qui est aujourd’hui exclu du dialogue social. Autre nouveau pan de négociation : les critères d’allocation des rémunérations qui constituent aujourd’hui aussi une boîte noire des directions. Aujourd’hui, ces critères gardés secrets dépendent beaucoup des performances individuelles.

Enfin, la fixation de critères objectifs et non sexistes devrait faire bouger les branches professionnelles. Aujourd’hui, certaines n’ont pas révisé leurs grilles de classification depuis plusieurs décennies comme les centres d’hébergement social (depuis 1966) ou la chimie (depuis 1978).

Quelques conseils concrets

En conclusion, nous avons demandé aux expertes leurs conseils concrets pour les élus du personnel qui ne se sont pas penchés depuis longtemps sur l’égalité professionnelle.

Léna Quert Riclet leur suggère de systématiquement poser les sujets d’égalité lors de la consultation du CSE sur la politique sociale et de faire établir un bilan d’égalité professionnelle. Construire du lien avec les salariés et suivre leurs revendications lui semble également essentiel. Si l’employeur impose un plan d’action unilatéral, il conviendra d’en réaliser aussi un bilan.

Sophie Pochic envisage quant à elle la création dans l’entreprise d’un comité salarial composé de deux tiers de salariés avec la moitié de femmes. Elle conseille aussi aux élus de prendre leurs distances avec les lieux communs que la direction peut leur opposer, du type “il n’existe pas de problème d’inégalités puisque les hommes sont aussi mal payés que les femmes dans l’entreprise”. Elle relève que grâce à la directive, le vent tourne, et que les élus doivent en profiter.

Transposition de la directive en droit français, quels apports ?
Pour l’instant, le gouvernement a peu dévoilé ses intentions et le projet de loi de transposition n’est pas encore public : il serait déposé au Parlement en septembre 2025 pour une adoption finale de la loi d’ici début 2026.

Le document présenté aux partenaires sociaux indique que la première déclaration devra être réalisée avant le 7 juin 2027 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et avant le 7 juin 2031 pour les entreprises de 100 à 149 salariés.

Le gouvernement envisage par ailleurs de conserver une obligation de déclaration pour les entreprises de 50 à 100 salariés même si la directive n’impose ses obligations qu’à partir de 100 salariés. Encore faudra-t-il résoudre le problème des PME placées dans l’impossibilité de calculer leur index.

Le calcul des six premiers indicateurs pourrait être automatisé grâce aux données fournies par l’employeur dans la déclaration sociale nominative (DSN). Le septième indicateur pour les entreprises de 50 à 249 salariés suivrait un rythme triennal comme le permet la directive.

Concernant les sanctions, le gouvernement envisage qu’elles comportent “un effet dissuasif réel” et tiennent compte des violations répétées et sous la forme d’une amende en pourcentage de la masse salariale. Il n’en fixe cependant pas le niveau. 

Pour l’instant, les organisations patronales ont alerté sur leur crainte d’une “surtransposition” de la directive, tandis que les syndicats, eux, refusent toute perte par rapport aux exigences de la directive.

Marie-Aude Grimont

[Veille JO] Les textes parus en début de semaine : fonction publique, formation, nominations, protection sociale, prud’hommes

28/05/2025

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 23 mai au mardi 27 mai inclus.
► Nous ne traitons pas ici les textes liés aux conventions collectives, car nous vous proposons tous les mois un baromètre des branches sur ces nouveautés.

Fonction publique

  • Un arrêté du 13 mai 2025 fixe pour la fonction publique de l’Etat la liste, la structuration, la présentation des données contenues dans les bases de données sociales

Formation

  • Un arrêté du 22 mai 2025 porte commissionnement pour effectuer des contrôles au titre de la formation professionnelle
  • Un décret du 23 mai 2025 modifie le décret n° 2024-210 du 11 mars 2024 instituant un haut-commissaire à l’enseignement et à la formation professionnels

Gouvernement

  • Un décret du 24 mai 2025 pris en application de l’article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 précise les attributions des ministres

Nominations

  • Un arrêté du 19 mai 2025 porte nomination (CFDT) à la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle
  • Un décret du 23 mai 2025 porte nomination de Clément Beaune comme Haut-Commissaire à la stratégie et au plan
  • Un arrêté du 16 mai 2025 porte nomination au Conseil national de la transition écologique
  • Un décret du 20 mai 2025 porte nomination du président du conseil d’administration de l’agence Business France

Stratégie

Protection sociale

  • Un arrêté du 19 mai 2025 fixe les conditions dans lesquelles les plateformes numériques se portent volontaires à la phase pilote du dispositif prévu à l’article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale

Prud’hommes

  • Un arrêté du 14 mai 2025 porte modification de l’annexe de l’arrêté du 7 avril 2025 fixant le tableau de répartition entre les sections du conseil de prud’hommes pour le mandat prud’homal 2026-2029

Source : actuel CSE