Attention à la proclamation des résultats des élections professionnelles

21/05/2025

Lorsque l’entreprise n’établit pas la date à laquelle les résultats du scrutin ont été proclamés, le délai de recours contentieux ne commence pas à courir, peu importe la date à laquelle le syndicat agissant en nullité des élections a été informé de la liste des élus.

Les élections professionnelles obéissent à plusieurs articles du code électoral. Dans ce cadre, l’article R. 67 du code électoral prévoit les modalités de proclamation des résultats et il faut s’y tenir !

Respect de l’article R. 67 du code électoral

Ainsi, la Cour de cassation a déjà précisé la marche à suivre :

  • immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau ;
  • dès l’établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote (publicité du scrutin). 

Le non-respect de cette formalité est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s’agissant d’un principe général du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l’annulation des élections (Cass. soc., 7 déc. 2016, n° 15-26.096 ; Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-13.504).

En outre, a précisé la Cour de cassation, si la proclamation des résultats n’a pas eu lieu, le délai de 15 jours pour contester la régularité des élections ne peut pas commencer à courir (Cass. soc., 19 mai 1988, n° 86-60.537).

En effet, lorsque l’employeur n’établit pas la date à laquelle le procès-verbal a été dressé et les résultats du scrutin proclamé, le délai de recours contentieux ne commence pas à courir (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-11.691).

La jurisprudence à cet égard est donc déjà bien établie. L’arrêt du 6 mai 2025 apporte une illustration intéressante dans ce cadre.

Une demande d’annulation des élections

Dans cette affaire, un représentant de section syndicale (RSS) demande l’organisation des élections professionnelles dans son entreprise, par courriel du 5 février 2023. Il se voit informé par son employeur par retour du courriel (6 février) de la tenue desdites élections en avril 2022.

► Remarque : on ne sait pas bien pourquoi ni le RSS, ni le syndicat n’avaient pas connaissance de l’existence d’un CSE dans leur entreprise, l’arrêt n’apportant pas de précision à cet égard. Le jugement du tribunal judiciaire précise seulement qu’à la suite de la démission d’un élu du 2e collège, des élections globales ont été organisées en 2022.

Le 20 septembre 2023, le syndicat saisit le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections “qui auraient pu se dérouler au sein de la société au mois d’avril 2022”.

Il est débouté, le tribunal estimant qu’il était forclos en cette action. Le jugement retient que la société produit les PV des élections et les témoignages de deux salariés qui affirment avoir assisté à la proclamation des résultats. En outre, soulève le tribunal, le syndicat a eu connaissance par courriel du 6 février 2023 de la tenue des élections en avril 2022, puis par lettre du 22 février 2023, de la liste des élus.

Précisions sur les délais 

Cependant, la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle rappelle les principes posés par l’article R. 67 du code électoral, ainsi que l’article R. 2314-24 du code du travail qui prévoit le délai de 15 jours pour la contestation des élections.

Elle en déduit, conformément à sa jurisprudence constante, que le délai de 15 jours ne court qu’à compter de la proclamation des résultats. Mais elle ne suit pas les juges du fond sur les arguments retenus. Pour elle, la société n’établissait pas la date à laquelle les résultats du scrutin avaient été proclamés, ce dont il résultait que le délai de recours contentieux n’avait pas commencé à courir. Le syndicat pouvait donc demander l’annulation desdites élections.

Peu importe, donc, la date à laquelle le syndicat a eu connaissance du résultat des élections, ce n’est pas cette date qui compte, mais celle de la proclamation des résultats, or, dans cette affaire, la société ne précise pas les modalités selon lesquelles les résultats auraient été diffusés.

Séverine Baudouin

Représentation équilibrée des femmes et des hommes : le retrait d’une candidature n’a pas d’incidence

23/05/2025

La régularité d’une liste, au regard du nombre de femmes et d’hommes qu’elle doit comprendre, est appréciée au moment de son dépôt. Le retrait ultérieur d’une candidature ne permet pas de contester cette régularité.

L’histoire se déroule au sein d’un grand hôtel parisien, le Royal Monceau, à l’occasion de l’élection du CSE. L’union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris fait tout comme il faut : le 4 avril, avant la date limite du 5 avril prévue par le protocole préélectoral, elle dépose pour les huit postes à pourvoir au sein collège des employés une liste de 8 candidats, composée de 5 hommes et 3 femmes, avec une alternance homme-femme.

Une liste normalement constituée mais une candidate se retire

Le 6 avril, une salariée en sixième position change d’avis. Elle informe les RH et la CGT qu’elle retire sa candidature. 

Pour l’élection du CSE, il existe une règle de représentation équilibrée des femmes et des hommes qui impose aux listes comportant plusieurs candidats d’être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (article L. 2314-30 du code du travail). Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.

Attention, cette règle de représentation équilibrée doit seulement être respectée par les listes syndicales. Les listes du second tour sans étiquette syndicale ne sont pas concernées (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-60.222).

En cas de liste ne respectant pas la proportion de femmes et d’hommes du collèges, le tribunal judiciaire peut annuler, à la demande d’une organisation syndicale concurrente ou de l’employeur, l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste de candidats (article L. 2314-32 du code du travail).

Le premier tour a normalement lieu le 19 avril. La CGT obtient 6 élus.

La CFDT conteste l’élection

Mais la CFDT conteste et poste l’affaire en justice. Estimant que la liste CGT était devenue “bancale” au regard des règles de représentation proportionnée entre les femmes et les hommes, elle demande l’annulation de l’élection du candidat homme en surnombre par rapport à la composition F/H du collège des employés.

Pour le tribunal judiciaire, pour apprécier la régularité de la liste au regard de la règle de représentation équilibrée, “ce qui compte n’est pas la liste déposée à la date limite de dépôt des candidatures, mais la liste effectivement présentée aux électeurs par le syndicat”.

Il est donc fait droit à la demande de la CFDT.

La Cour de cassation retient la liste déposée sans le retrait de la candidate

La Cour de cassation ne voit pas les choses ainsi.

Elle rappelle d’abord que “nul ne pouvant être candidat sur une liste sans son accord, la décision d’un salarié de ne pas figurer sur une liste de candidats s’impose au syndicat ayant présenté cette liste, lequel doit retirer le salarié de sa liste de candidats dès qu’il en est informé”. La CGT n’avait donc pas d’autre possibilité que de retirer le nom de la salariée ayant décidé de ne plus être candidate.

Ensuite, elle décide pour la première fois que “l’appréciation de la régularité des listes au regard de l’article L. 2314-30 du code du travail s’entend des listes déposées avant cette date limite de dépôt, peu important que la liste de candidats soumise au scrutin soit incomplète à la suite de la décision ultérieure de certains candidats de se retirer de la liste”.

Telle qu’elle avait été déposée, la liste CGT était correctement composée par rapport au nombre de femmes et d’hommes du collège des employés. Le retrait d’une candidature, après la date limite de dépôt des listes prévue par le protocole préélectoral, ne permettait pas de remettre en cause sa régularité.

► Remarque : cette décision est logique, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’elle fait naître un risque ! Celui de permettre l’utilisation du retrait de candidature comme une stratégie électorale et syndicale, au détriment de l’obligation de présenter des listes de candidats équilibrées. Le stratagème consisterait à déposer une liste irréprochable au regard du nombre de candidats de chaque sexe, tout en sachant parfaitement qu’une fois la liste déposée, un ou plusieurs candidats ou candidates se retireront. La liste était régulière au moment de son dépôt, rien à dire sur un plan juridique.

Frédéric Aouate