NÉGOCIATION COLLECTIVE

Minima conventionnels : le ministre du travail réunit le 7 juillet le comité de suivi des branches

Vendredi matin sur Europe1, le ministre du Travail Olivier Dussopt a annoncé la tenue d’un comité de suivi des négociations salariales de branche. Objectif : pousser les branches récalcitrantes à négocier en cas de paliers de rémunérations minimales inférieurs au Smic, dans un contexte de grogne sociale sur le pouvoir d’achat. Mais qu’en pensent les négociateurs de branche ?

Le gouvernement cherche le moyen de pousser les branches à renégocier leurs minima, certains seuils se retrouvant sous le Smic du fait de l’inflation et des revalorisations du salaire minimum.

Un suivi particulier des branches qui n’ouvrent pas de négociations salariales

Mais le ministre du travail entend aussi convaincre les partenaires sociaux de négocier : Olivier Dussopt a annoncé vendredi 1er juillet sur Europe 1 la réunion cette semaine, le jeudi 7 juillet, du comité de suivi des négociations salariales de branche. “Ce sera l’occasion pour nous de rappeler que le gouvernement est attaché à ce que la loi soit respectée. Et la loi dit que lorsqu’il y a un niveau de rémunération inférieur au niveau du Smic, il faut que la branche ouvre des négociations. Si elles ne le font pas, ces branches feront l’objet d’un suivi particulier. Il en va de l’intérêt des partenaires sociaux, y compris pour des raisons d’attractivité des métiers. Si vous avez dans une branche 1, 2 voire parfois 5 paliers de salaire inférieurs au Smic, cela signifie qu’un salarié intégrant cette branche au premier niveau devra attendre 7, 8, 9 ans pour avoir l’espoir d’une rémunération supérieure au Smic. Cela n’est pas attractif”, a déclaré le ministre. 

► Selon les chiffres du gouvernement au 17 juin, sur 171 branches couvrant plus de 5 000 salariés, 120 branches (soit 71%) affichent une grille comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur revalorisé le 1er mai 2022, et 51 branches (soit 29 %) ont conclu un accord ou émis une recommandation patronale conforme au SMIC revalorisé le 1er mai 2022.

Le ministre agite également la menace d’une fusion des conventions collectives en cas d’inactivité de la négociation conventionnelle, ce qui doit faire l’objet d’une nouvelle disposition dans le projet de loi de pouvoir d’achat.

L’avis des négociateurs de branche 

Nous avons contacté quelques négociateurs de branche afin de recueillir leur réaction sur ces annonces. Pour Amar Lagha, secrétaire général de la CGT distribution commerces et services, “c’est de la communication politicienne, qui va y croire ? Il faut 6 voire 8 mois pour réunir une branche. Nous avons prévenu le ministère du Travail du refus de négocier des organisations patronales. Leur seule réponse a été “Merci de nous avoir alertés”. En fait, quand le patronat refuse de négocier, c’est avec l’accord du gouvernement ! 80 % de nos branches ont 3 paliers sous le Smic. Le seul moyen serait d’appliquer des pénalités, ou de conditionner les aides versées aux entreprises aux à la tenue de négociations “. Selon le syndicaliste, cette annonce serait en réalité liée au fait que le gouvernement “sent la révolte qui monte”.

On est plus mesurés côté CFE-CGC par exemple : “Nous savons que c’est un sujet que nous allons devoir traiter d’ici la fin du second semestre en raison des revalorisations du Smic. Il faut qu’on regarde certaines branches comme la bijouterie joaillerie, le nautisme, l’automobile ou encore le machinisme agricole”, explique Gabriel Artero, président de la métallurgie du syndicat des cadres. Quant à l’efficacité du comité de suivi, il juge que “ça peut faire bouger les branches récalcitrantes au dialogue social. Avoir des niveaux sous le Smic n’a de toute façon pas de sens, et c’est la question de la loyauté des négociations qui est finalement posée”. Il faut dire que la branche de la métallurgie fait plutôt figure de bonne élève en termes de négociations, elle a notamment mis sur pied une nouvelle convention collective.

Qu’en est-il dans une branche plus en difficulté comme les industries électriques et gazières qui ont connu récemment un échec des négociations salariales ? Dominique Bousquenaud, secrétaire général de la CFDT Chimie Énergie, voit l’intervention gouvernementale d’un bon oeil mais doute de l’efficacité de la sanction d’une fusion des branches. “Cela n’améliorera pas la situation, ce qu’il faut c’est redonner une dynamique de négociation sur les grilles de salaires, notamment en mettant le “standby” sur certaines aides aux entreprises en cas de refus de négocier”. Une idée partagée également par Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT en charge des questions de rémunération et de pouvoir d’achat.

Gilles Lecuelle, secrétaire national CFE-CGC en charge du dialogue social, pointe enfin que la restructuration des branches n’a de toute façon pas la même temporalité : “Il faut négocier rapidement sur le pouvoir d’achat et les salaires, mais il faut des mois voire des années pour une restructuration des branches administrée”. Rappelons que l’obligation des branches de négocier sur les salaires figure à l’article L. 2241-8 du code du travail, selon lequel “Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires”. Côté sanctions, le refus d’engager la discussion au niveau de la branche n’est pas susceptible de sanction pénale. En revanche, le juge des référés peut être saisi pour faire cesser le trouble manifestement illicite créé par la partie récalcitrante à négocier, et y contraindre celle-ci sous astreinte en vertu des règles de la responsabilité civile.

Bernard Domergue, Marie-Aude Grimont

Référendum de validation d’un accord collectif minoritaire : les salariés peuvent voter blanc ou nul

Dans le cadre d’une consultation relative à la validation d’un accord collectif minoritaire, les salariés peuvent exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique. Peu importe le silence du protocole d’accord préélectoral sur cette faculté.

La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.

Toutefois, si les organisations syndicales signataires n’atteignent pas le seuil de 50 % mais ont recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives aux élections susvisées, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent demander une consultation des salariés visant à valider l’accord. Elles disposent d’un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord pour formuler cette demande. Au terme de ce délai, l’employeur peut demander l’organisation de cette consultation, à condition toutefois qu’aucune organisation syndicale signataire ne s’y oppose. Si, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande ou de l’initiative de l’employeur, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives n’ont pas permis d’atteindre le taux de 50 %, la consultation des salariés doit alors être organisée dans un délai de deux mois (articles L.2232-12 et D.2232-6 du code du travail).

La consultation des salariés a lieu pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe ou par voie électronique. Son organisation matérielle incombe à l’employeur. Elle se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral, selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (signataires ou non de l’accord soumis à consultation) ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.

Ce protocole doit comporter :

  • la liste des salariés couverts par l’accord qui, à ce titre, doivent être consultés ;
  • les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord ;
  • le lieu, la date et l’heure du scrutin ;
  • l’organisation et le déroulement du vote ;
  • le texte de la question soumise au vote.

Le protocole d’accord préélectoral doit-il prévoir la possibilité du vote nul ou blanc pour que ces votes soient pris en compte ?

C’était la question posée à la Cour de cassation.

Dans cette affaire, une société signe le 30 septembre 2020 un accord collectif minoritaire dans le cadre de la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Le 23 décembre 2020, les organisations syndicales signataires de l’accord concluent avec l’entreprise un protocole d’accord préélectoral pour consulter les salariés en vue de la validation de l’accord.

Le scrutin se déroule, par voie électronique, du 29 janvier au 1er février 2021. 667 des 3262 électeurs inscrits votent, 665 suffrages étant valablement exprimés et deux suffrages étant nuls ou blancs.

Le rappel des faits dans la décision de la Cour de cassation ne dit pas si l’accord est validé ou non mais, le 12 février, un salarié saisit la justice aux fins d’annuler le vote et, à titre subsidiaire de faire constater la caducité du protocole d’accord préélectoral. Selon lui, le protocole d’accord préélectoral et la note d’information envoyée aux salariés ne prévoyant pas la possibilité de pouvoir voter nul ou blanc, les deux salariés qui avaient voté blanc ou nul l’avait fait par inadvertance et non par choix délibéré, faussant ainsi la sincérité de la consultation.

Les juges du fond le déboutent de ces demandes. Il se pourvoit en cassation. 

En vain.

Se fondant sur l’article L.2232-12 du code du travail et sur les principes généraux du droit électoral, la Cour de cassation précise que les salariés ont la faculté d’exprimer un vote blanc ou nul. Que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique n’y change rien. Cette faculté n’est prohibée par aucun texte ; au contraire, elle est ouverte à tout électeur en application de sa liberté fondamentale de voter. Etant une liberté fondamentale, le protocole d’accord préélectoral n’a pas à la prévoir et encore moins à l’interdire (cela entraînerait sa nullité).

Géraldine Anstett

Négociations salariales de branche : Olivier Dussopt propose de compléter le projet de loi pouvoir d’achat

Hier s’est tenue la réunion entre le ministre du Travail Olivier Dussopt et les organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC). Selon le communiqué de presse (en pièce jointe) diffusé à l’issue de cette rencontre, le nombre de branches affichant des minima inférieurs au SMIC, du fait des revalorisations successives du SMIC depuis octobre 2021, “s’établit à 112 sur les 171 branches suivies est cependant en baisse rapide. Ce nombre s’élevait en effet à 146 au 1er mai, immédiatement après la dernière revalorisation du SMIC”. Ainsi, “les situations de blocage structurels des négociations sont en net recul” par rapport au bilan du dernier comité de suivi de décembre.

Quant aux branches qui refusent d’engager des négociations, le communiqué indique que le gouvernement va ajouter une disposition au projet de loi pouvoir d’achat présenté hier en conseil des ministres : il s’agit “de compléter les critères en fonction desquels il est possible de procéder à la fusion de branches. Le fait de disposer de minima durablement en dessous du SMIC serait explicitement intégré aux critères existant afin d’encourager les négociations salariales”. 

actuEL CE