PROTECTION SOCIALE

Réforme des retraites : nos réponses aux 31 questions posées lors d’un webinaire

10/07/2023

La rédaction sociale Lefebvre Dalloz a présenté, le 6 juin dernier, un webinaire consacré à la réforme des retraites. Nous vous partageons ici les réponses à certaines des questions qui ont été posées par les participants.

Âge et durée d’assurance

Les décotes sont-elles maintenues avant un départ à 64 ans ?

Lorsque l’âge légal de départ à la retraite sera à 64 ans (générations nées à compter de 1968), l’assuré ne pourra pas bénéficier d’une pension de retraite avant d’atteindre cet âge, même avec une décote.

La décote est liée à la non-atteinte de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Ce qui présuppose que l’assuré :

a atteint l’âge légal de départ à la retraite. Soit, à compter du 1er septembre 2023 : 62 ans pour les générations nées avant le 31 août 1961; 64 ans pour les générations nées à compter de 1968 et entre 62 et 64 ans pour les générations nées entre le 1er septembre 1961 et 31 décembre 1967;

a moins de 67 ans, âge dit “d’annulation de la décote” permettant de percevoir une pension de retraite à taux plein, quelle que soit sa durée d’assurance, de manière automatique ;

n’a pas le nombre de trimestres requis pour avoir un taux plein.

Lié à la décote, le coefficient de minoration à appliquer au taux plein est toujours de 1,25% par trimestre manquant.

Si, à 67 ans, on n’a pas le nombre de trimestres cotisés exigés, le montant de la retraite sera-t-il impacté ?

Oui. Le montant de la pension de retraite se calcule selon 3 paramètres qu’on peut résumer dans cette multiplication :

Formule : Taux X salaire annuel moyen X la durée d’assurance acquise/durée d’assurance requise pour une pension entière.

Si à 67 ans, le taux applicable reste le taux plein (50 %), le fait de ne pas avoir la totalité des trimestres aura un impact sur le montant du 3e paramètre (durée d’assurance acquise/durée d’assurance requise pour une pension entière) et abaissera le montant de la pension.

La durée d’assurance requise pour une pension entière dépend de l’âge de l’assuré : 167 trimestres pour la génération née avant 1961 et jusqu’à 172 trimestres pour la génération née à compter de 1965.

Exemple : Un salarié né en 1962 partant à 67 ans (soit en 2029) devra avoir acquis 169 trimestres pour une pension complète. S’il n’a que 164 trimestres, le calcul de sa pension est : salaire moyen X 50% X 164/169

Comment le temps passé en travaux d’utilité collective (TUC) sera-t-il pris en compte pour les trimestres ?

Selon l’exposé des motifs de la loi, le décret d’application devrait prévoir que 50 jours de stage de formation professionnelle dans le cadre du TUC seraient nécessaires pour ouvrir droit à la validation d’une période assimilée. Nous n’avons pas plus d’information tant que le décret n’est pas paru.

Peut-on racheter les trimestres d’études supérieures ?

Oui. La réforme des retraites ne remet pas en cause le rachat des trimestres d’études supérieures.

Mais pour les demandes de rachat à tarif réduit, le rachat devra intervenir jusqu’à un âge qui sera fixé par décret (texte encore à paraître) qui ne pourra pas être inférieur à 30 ans et non plus comme actuellement dans les 10 ans suivant la fin des études (Code de la sécurité sociale -CSS- art. L 351-14-1, II modifié).

Le rachat de trimestres restera possible après ces 10 ans, et après l’âge fixé par le futur décret, mais sans pouvoir alors bénéficier du tarif préférentiel.

Concernant la durée d’assurance, des trimestres peuvent-ils être accordés au titre de la maternité, de l’éducation ou de l’adoption d’un enfant ?

Une majoration de durée d’assurance de 4 trimestres est attribuée aux mères pour chacun de leurs enfants au titre des conséquences de la maternité sur leur vie professionnelle (majoration “maternité” ; CSS art. L 351-4, I). Une majoration de durée d’assurance de 4 trimestres est accordée aux parents pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption (majoration “éducation”; CSS art. L 351-4, II).

En outre, une majoration de durée d’assurance de 4 trimestres est attribuée, pour chaque enfant adopté durant sa minorité, à ses parents au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de l’accueil de l’enfant et des démarches préalables à celui-ci (majoration « adoption » ; CSS art. L 351-4, III).

Alors que les majorations “éducation” ou “adoption” pouvaient jusqu’à présent être attribuées, au choix du couple, soit intégralement au père, soit intégralement à la mère, ou être réparties entre eux, la moitié devra désormais impérativement revenir à la mère. Ainsi, hors adoption, la mère d’un enfant est assurée d’avoir au moins 6 trimestres : 4 au titre de la maternité et 2 au titre de l’éducation.

► Remarque : À noter, la réforme introduit une surcote pour les parents dès 63 ans

Départs anticipés pour carrières longues (RACL)

Pour pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée pour carrière longue (RACL), la réforme évoque la nécessité d’avoir travaillé avant 16, 18, 20 ou 21 ans : qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce avant la date anniversaire ou à la fin de l’année de son anniversaire, soit le 31 décembre ?

La condition de début d’activité requise pour bénéficier d’une RACL se traduit par la nécessité de disposer de 5 trimestres cotisés ou réputés cotisés (ou 4 trimestres pour les assurés nés au cours du 4e trimestre) à la fin de l’année au cours de laquelle l’assuré atteint l’une des 4 bornes d’âge prévues par le dispositif, à savoir 16, 18, 20 et 21 ans (CSS art. D 351-1-3 modifié).

Quels trimestres sont-ils pris en compte pour les carrières longues ?

Les trimestres pris en compte dans le dispositif de la RACL sont les trimestres cotisés et ceux réputés cotisés comme, notamment, les périodes de service national, dans la limite de 4 trimestres, de chômage indemnisé, dans la même limite, et les périodes de congés d’arrêt maladie, maternité ou accident du travail dans la même limite.

Les trimestres de majoration de durée d’assurance attribués pour les enfants (naissance, éducation ou adoption) ne sont pas comptabilisés pour le bénéfice de la carrière longue (CSS, art. L. 351-4,IX). Sous réserve de la publication d’un décret, devraient être pris en compte les trimestres d’assurance acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer ou au titre de la nouvelle assurance vieillesse des aidants.

Les contrats d’alternance sont-ils pris en compte pour les carrières longues ?

La réforme ne modifie pas les règles actuelles : les trimestres validés au cours d’une période d’alternance sont comptabilisés pour évaluer l’éligibilité à la retraite anticipée pour carrière longue.

Les jobs d’été peuvent-ils être pris en compte au titre de la condition de début d’activité pour le bénéfice du dispositif de carrières longues ?

Pour remplir la condition de début d’activité ouvrant droit au dispositif RACL, tous les trimestres cotisés sont pris en compte. De fait, les jobs d’été comptent comme toute autre activité professionnelle. En revanche, le nombre de trimestres comptabilisés avec ces activités ne dépend pas de leur durée, mais des revenus perçus. Il faut ainsi avoir gagné l’équivalent de 150 Smic horaire (200 jusqu’au 31 décembre 2013) au cours de l’année pour valider un trimestre.

Cette somme peut être obtenue en cumulant plusieurs salaires, parmi lesquels ceux issus d’un ou de plusieurs jobs d’été.

La clause de sauvegarde signifie-t-elle qu’il est possible de partir en carrière longue selon les règles antérieures à la réforme ?

La clause de sauvegarde prévue par l’article 8 du décret 2023-436 du 3 juin 2023 s’adresse uniquement aux assurés qui réunissent les 2 conditions :

nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 ;

et éligibles au dispositif de départ anticipé pour carrières longues avant le 1er septembre 2023 (avec donc la totalité de leurs trimestres avant cette date), mais qui ne le seraient plus après cette date en raison du relèvement de la durée d’assurance requise pour leur génération. 

Les assurés concernés peuvent alors demander à se voir appliquer, pour une pension prenant effet à partir du 1er septembre 2023, les dispositions relatives aux carrières longues dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme.

 Exemple : une personne née en 1963, ayant cotisé 5 trimestres avant 20 ans, pourra bien partir en retraite anticipée après le 1er septembre 2023 avec seulement 168 trimestres cotisés (normalement 170 avec la réforme), dès lors que ces trimestres étaient déjà acquis avant cette date.

Quid du malus Agirc-Arrco de 10 % pendant 3 ans pour les carrières longues ?

Ce sont les partenaires sociaux qui gèrent la retraite complémentaire de l’Agirc-Arrco. Ce sont donc eux qui vont décider du sort du malus de 10 %. D’après nos informations, l’abandon de ce malus ferait consensus entre organisations patronales et syndicales, mais il n’a pas encore été acté.

Reste aussi à savoir si la bonification accordée après 2 ans de travail au-delà du taux plein sera maintenue.

Ces points vont devoir être arbitrés en septembre, voire en octobre, dans l’accord Agirc-Arrco. À défaut d’accord, les règles actuelles, avec le bonus et le malus, continueront de s’appliquer

Départs anticipés pour handicap ou incapacité permanence 

Concernant le départ anticipé pour handicap, quelle est la différence entre les trimestres cotisés et validés ?

Les trimestres cotisés correspondent aux périodes pendant lesquelles des cotisations d’assurance vieillesse ont été prélevées sur le revenu et versées aux caisses de retraite. À l’inverse, les trimestres assimilés (ou non cotisés) sont des trimestres attribués gratuitement lors de périodes d’interruption involontaire d’activité (maladie, chômage, maternité, invalidité, etc.).

Les trimestres validés sont la somme des trimestres cotisés et des trimestres assimilés. La réforme ne conserve que les trimestres cotisés (CSS art. L 351-1-3 modifié).

Quel statut est retenu pour le départ en retraite anticipé pour handicap : statut RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) ou invalidité ?

La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est prise en compte pour les périodes d’activité antérieures au 31 décembre 2015.

Depuis le 1er janvier 2016, le statut de travailleur handicapé ne suffit plus : les assurés doivent être atteints d’un taux d’incapacité permanente de 50 % ou d’un handicap de niveau comparable. Toutes les périodes de RQTH à compter du 1er janvier 2016 et pour lesquelles le taux d’incapacité permanente est inférieur à 50 % ne sont pas prises en compte dans la durée d’assurance retenue pour partir à la retraite anticipée pour handicap.

Faut-il avoir un certain taux d’incapacité pour partir en retraite anticipée à 62 ans ?

Avec la réforme, le régime du départ anticipé pour incapacité permanente (IP) à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle se scinde en deux : 

un départ dès 60 ans sera toujours possible lorsque le taux d’incapacité est supérieur ou égal à 20 % ;

pour un départ anticipé 2 ans avant l’âge légal de droit commun, soit à 62 ans à terme, ce taux devra être compris entre 10 et 19 % (CSS art. L 351-1-4 modifié).

Si les conditions pour en bénéficier sont remplies, il faudra compléter un formulaire de demande (n° S5130b) et le transmettre à sa Carsat (Caisse d’assurance retraite et de santé au travail) 4 mois avant la date de départ choisie.

Retraite progressive

Les salariés en forfait jours peuvent-ils bénéficier de la retraite progressive ?

Les salariés titulaires d’une convention de forfait jours sont éligibles au dispositif de retraite progressive depuis le 1er janvier 2022 (D. 2022-677, 26 avr. 2022, art. 7 ). Leur exclusion du dispositif avait été jugée inconstitutionnelle (Cons. const. 26-2-2021 n° 2020-885 QPC), ce qui avait conduit le législateur à leur en étendre le bénéfice.

Actuellement, pour être en retraite progressive, il faut travailler entre 40 % et 80 % de la durée légale ou conventionnelle du travail applicable dans l’entreprise (CSS art. D 351-14-4, II-1°). Dans une entreprise où tous les cadres en forfait jours “à temps plein” travailleraient par exemple 218 jours annuels, le passage en retraite progressive devrait correspondre à un travail entre 87 et 174 jours travaillés.

Le salarié en forfait jours qui souhaite passer en retraite progressive doit effectivement conclure un avenant pour acter la convention individuelle de forfait jours réduit qui précisera le nombre exact de jours travaillés et la rémunération correspondante. Le travail à temps réduit n’est pas le travail à temps partiel.

L’âge d’accès à la retraite progressive est-il réduit pour les carrières longues ?

Selon les textes actuellement en vigueur, la retraite progressive est ouverte à condition d’avoir atteint l’âge légal de départ de droit commun (soit 62 ans à ce jour) diminué de deux années. Pour le régime applicable à compter du 1er septembre prochain, un décret doit encore venir fixer la nouvelle condition d’âge, mais il devrait toujours correspondre à l’âge légal diminué d’un ou deux ans (CSS art. L 351-1-1 A nouveau).

Cet âge d’accès ne devrait pas être réduit pour les bénéficiaires d’une retraite anticipée car les textes devraient continuer à faire référence à l’âge légal de départ et non à l’âge de départ anticipé (carrières longues, inaptitude…).

Comment le départ à la retraite pour les salariés déjà en retraite progressive s’organisera-t-il avec la réforme ?

Les bénéficiaires d’une retraite progressive au 1er septembre 2023 continueront à relever du régime applicable avant la réforme, mais la liquidation de leur pension complète ne pourra être obtenue que lorsqu’ils rempliront les nouvelles conditions d’âge et de durée d’assurance qui seront définies par décret.

En cas de retraite progressive, le salarié va voir sa base de cotisations réduite. Cela aura-t-il un impact sur le montant de sa retraite à terme ?

Oui, une fois que le salarié décidera de prendre sa retraite, sa pension provisoire sera recalculée en tenant compte des droits acquis du fait de l’exercice d’une activité à temps partiel ou à temps réduit. Toutefois, pour éviter cet impact, l’employeur et le salarié peuvent convenir de maintenir le calcul des cotisations retraite sur la base d’un salaire à temps plein.

Lorsqu’un salarié est en retraite progressive à 50 % pendant 2 ans, peut-on le faire travailler à 100 % la première année et à 0 % la deuxième année ?

Non, pour être en retraite progressive il faut actuellement travailler entre 40 et 80 % d’un temps plein. Il n’est donc pas possible de travailler à 100 % la première année dans le cadre du dispositif de retraite progressive.

En retraite progressive, quand l’indemnité de départ sera-t-elle versée et sur quelle base sera-t-elle calculée ?

Sauf accord plus favorable, l’indemnité de départ à la retraite est perçue lors du départ effectif de l’entreprise, donc au terme de la retraite progressive. Elle sera calculée en prenant en compte toute la durée de présence dans l’entreprise, y compris les périodes de travail à temps partiel ou à temps réduit, ce qui peut avoir pour effet d’en diminuer le montant total.

Cumul emploi retraite 

Quelle est la différence entre la retraite progressive et le cumul emploi-retraite ?

Dans le cadre de la retraite progressive, l’assuré poursuit son activité en réduisant son temps de travail ( temps partiel ou forfait jours à temps réduit) : 

pour son “temps libéré”, il commence à percevoir une fraction de sa pension de retraite correspondant à ce temps de travail libéré ;

sur son temps de travail , il continue, bien entendu, à acquérir des droits à retraite ;

lorsqu’au terme de la retraite progressive, l’assuré partira définitivement en retraite et cessera totalement son activité professionnelle, la pension provisoire sera réévaluée.

Le cumul emploi-retraite implique d’avoir déjà liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont l’assuré a relevé. La reprise d’activité pour le compte du dernier employeur est possible, dans le cadre d’un cumul emploi-retraite, dès la date d’effet de la retraite. L’assuré doit alors rompre son contrat de travail et en conclure un nouveau.

S’il a déjà repris une activité dans le cadre du cumul plafonné, un délai de carence de 6 mois doit être observé en cas de reprise chez le même employeur et le cumul des revenus et de la pension de retraite est plafonné.

En cas de cumul emploi-retraite total, le salarié ne souhaitant pas acquérir de nouveaux droits peut-il reprendre une activité chez le même employeur sans période de carence de 6 mois ?

Le respect d’un délai de carence de 6 mois en cas de cumul emploi-retraite total ne s’applique pas :

pour les assurés ayant liquidé leur pension au plus tard le 16 octobre 2023 (soit 6 mois après la publication de la loi) ;

si l’assuré ne souhaite pas s’ouvrir de nouveaux droits à la retraite et qu’il remplit bien les conditions du cumul emploi-retraite total. Dans ce cas, il peut en principe reprendre ou poursuivre son activité chez le même employeur sans avoir à respecter de délai de carence. Ce point devra toutefois être confirmé par les décrets à paraître.

Le cumul emploi-retraite intégral sera-t-il créateur de droits dans les régimes complémentaires ?

Pour le moment, seuls les régimes de base sont concernés. C’est aux partenaires sociaux de décider si les régimes complémentaires se calqueront sur les nouvelles dispositions pour ouvrir des droits nouveaux à leurs assurés en cumul emploi-retraite total.

Comment l’employeur déclare-t-il un salarié en cumul emploi-retraite sur la déclaration sociale nominative (DSN) ?

La déclaration du cumul emploi-retraite dans la DSN ne se fait pas dans le bloc “Contrat de travail”, rubrique “Motif de recours » (S21.G00.40.021). Le motif de recours sert en effet à préciser la raison pour laquelle a été signé un contrat à durée déterminée ou un contrat de mission entre l’individu et l’employeur (exemples : remplacement d’un salarié, accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, emploi à caractère saisonnier, etc.).

En revanche, il existe une rubrique “Cumul emploi-retraite” (S21.G00.30.023) dans le bloc “Individu”.

Compte épargne temps (CET)

Quid des salariés qui ont utilisé leur compte épargne-temps (CET) dans le cadre d’un congé de fin de carrière (CFC) et qui, du fait de la réforme, n’aurait plus la durée d’assurance requise pour partir à taux plein ou n’aurait pas atteint le nouvel âge légal de départ à la retraite ? Que faire si ces salariés reviennent alors qu’ils ont déjà été remplacés ?

La loi ne prévoit rien dans ce cas. Nous avons interrogé le ministère du travail .Il nous a été répondu qu’il appartenait aux partenaires sociaux de négocier en interne au sein de chaque entreprise sur la façon de traiter ces situations. 

Certains grands groupes ont d’ores et déjà accepté de prendre à leur charge l’allongement de la durée de prise en charge jusqu’au terme du nouvel âge de départ en retraite.

D’autres ont proposé un triple choix aux salariés concernés : soit opter pour un congé sans solde pour la durée restant à courir jusqu’à l’âge légal de départ, même sans atteindre le taux plein, soit revenir travailler pour combler les trimestres manquants, ou lisser leur rémunération jusqu’à leur nouvelle date de départ en intégrant par avance l’indemnité de départ en retraite.

Dans tous les cas, à notre sens, ces situations pourraient donner lieu à des contentieux. Elles méritent d’être anticipées par les services des ressources humaines à travers des négociations, sinon collectives, au moins individuelles avec les salariés concernés.

Régime social des indemnités de rupture conventionnell et de mise à la retraite

La contribution patronale de 30 % s’appliquera-t-elle jusqu’à 2 Plafonds annuels de sécurité sociale (PASS) ?

La future contribution patronale de 30 % portera sur la part exonérée de cotisations sociales de l’indemnité de rupture conventionnelle ou de mise à la retraite, c’est-à-dire pour la fraction non imposable dans la limite de 2 plafonds annuels de la sécurité sociale ou Pass (soit 87 984 € en 2023).

Y a-t-il une différence entre le forfait social et la contribution patronale pour la rupture conventionnelle (hormis le pourcentage qui change) ?

Il n’y en a pas. C’est dans les deux cas une contribution à la charge exclusive de l’employeur et qui porte uniquement sur la part exonérée de cotisations. Seul le pourcentage change, puisque le forfait social était de 20 % jusqu’à présent sur la part de l’indemnité de rupture conventionnelle exonérée de cotisations (lorsque le salarié n’était pas en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse) et que la future contribution patronale sera de 30 % sur cette même assiette, pour les ruptures intervenant à partir du 1er septembre 2023 (que le salarié soit ou non en droit de bénéficier d’une pension de retraite).

Jusqu’à quelle date l’entreprise peut-elle conclure une rupture conventionnelle pour bénéficier du forfait social de 20 % ?

Le nouveau régime social concerne les ruptures intervenant à compter du 1er septembre 2023. La date de la rupture est librement négociée entre les parties, mais elle peut être fixée au plus tôt au lendemain de l’homologation de la convention. Il faut donc que cette date soit antérieure au 1 er septembre 2023 pour bénéficier du forfait social à 20%.

D’après nos calculs, le nouveau régime social devrait s’appliquer aux ruptures conventionnelles conclues à partir du 27 juillet 2023 (sauf s’il est prévu une date de rupture postérieure au 31 août 2023). Il faudrait donc signer au plus tard le 26 juillet la convention de rupture pour dépendre du régime social actuel. Toutefois, il paraît prudent de prévoir une certaine marge afin de tenir compte par exemple d’un allongement exceptionnel des délais postaux.

Les plafonds d’exonération pour les ruptures ont-ils changé ?

Pour les ruptures conventionnelles individuelles prenant effet avant le 1er septembre 2023 (prise en compte de la date du lendemain de l’homologation), l’indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié en droit de prendre sa retraite est intégralement assujettie à cotisations sociales, à CSG-CRDS et à l’impôt.

A compter du 1er septembre 2023, elle bénéficiera, pour les ruptures intervenant à compter du 1er septembre 2023, des mêmes exonérations de cotisations sociales et de CSG-CRDS que celles actuellement applicables aux indemnités de rupture conventionnelle conclue avec un salarié qui n’est pas en droit de prendre sa retraite.

Le régime fiscal en revanche reste inchangé : les indemnités de rupture conventionnelle conclue avec un salarié en droit de prendre sa retraite restent intégralement soumises à l’impôt sur le revenu, tandis que celles de rupture conventionnelle conclue avec un salarié qui n’est pas en droit de prendre sa retraite bénéficient d’une exonération d’impôt dans certaines limites.

Quel est le régime pour une mise à la retraite notifiée avant le 1er septembre, mais pour un départ après cette date ?

C’est à la date de notification de la mise à la retraite qu’il faut se situer pour connaître le régime social et fiscal applicable. C’est-à-dire soit la date d’envoi de la lettre, soit la date de sa remise en main propre au salarié. Le nouveau régime social s’appliquerait à toute notification effectuée avant le 1 er septembre même si la rupture effective du contrat a lieu après le 31 août 2023.

Les indemnités de départ volontaire à la retraite sont-elles concernées ?

Non, seules les indemnités de rupture conventionnelle homologuée et les indemnités de mise à la retraite sont concernées par le changement de régime social. Les indemnités de départ volontaire à la retraite ne sont pas visées. 

La rédaction sociale

Contracyclicité de l’assurance chômage : le Conseil d’Etat refuse de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel

13/07/2023

La CGT, Solidaires et la FSU avaient saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir du décret du 26 janvier 2023 relatif au régime d’assurance chômage. Les syndicats avaient demandé le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question de conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L.5422-2-2 du code du travail. Introduit par la loi du 21 décembre 2022, cet article prévoit que “les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail”.

Le Conseil d’Etat refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, la question ne présentant pas le caractère de sérieux et n’étant pas non plus nouvelle. 

Le juge administratif retient que la prise en compte d’indicateurs “a pour seul objet de permettre une modulation des conditions de versement de l’allocation d’assurance, laquelle n’est pas de nature à porter atteinte, par elle-même, à l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi”. Ces dispositions ne méconnaissent ainsi pas le principe de fraternité ou le droit au respect de la dignité de la personne humaine, pas plus que les dispositions des cinquième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.

Le Conseil d’Etat écarte ensuite la critique tirée de l’incompétence négative. L’article 34 de la Constitution ne réserve “pas à la loi la détermination de la nature exacte des indicateurs pris en compte pour moduler les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits ou la durée des droits à l’allocation d’assurance, ni les modalités de cette prise en compte”. 

Enfin, les juges administratifs estiment “le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit”.

Dès lors, “le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité devant la loi en permettant que les conditions d’activité antérieure prises en compte pour l’ouverture ou le rechargement des droits à l’allocation d’assurance et la durée de ces droits soient modulées au regard de la situation de l’emploi et du marché du travail, différence de traitement qui est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit, laquelle est d’assurer l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi tout en encourageant la reprise d’une activité professionnelle”. 

Source : actuel CSE