SANTÉ, SÉCURITÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL

L’employeur doit s’assurer que la charge de travail du salarié n’est pas excessive et ne porte pas atteinte à sa santé

24/04/2023

L’employeur qui ne justifie pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels permettant d’évoquer la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle manque à son obligation de sécurité.

Un salarié, engagé en en 2012 en qualité de “Global key account manager” (responsable monde grands comptes), est licencié en 2015. L’intéressé saisit les prud’hommes, devant lesquels il fait notamment valoir un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en raison de sa charge de travail excessive et réclame à ce titre le paiement de dommages et intérêts.

Sous prétexte que l’intéressé ne démontrait pas un “rythme de travail important” et que sa responsable lui avait à deux reprises expressément proposé de l’aide pour son activité au cas où il ne serait pas en mesure d’assurer certaines tâches, la cour d’appel rejette la demande.

Pour la cour d’appel, le travail demandé l’était dans “un délai raisonnable”

D’après les juges, si la responsable lui avait effectivement adressé de nombreux mails pour lui demander d’accomplir des tâches, les délais impartis lors des demandes initiales étaient raisonnables. Et “si les messages étaient adressés à des horaires tardifs ou lors des fins de semaine, ils correspondaient au rythme de travail de sa supérieure hiérarchique et n’appelaient pas de réponse immédiate”. De plus, l’employeur qui a assuré le suivi médical du salarié, n’avait pas été destinataire d’une information particulière de la médecine du travail.

D’où, pour la cour d’appel, “l’absence de manquement imputable à l’employeur”.

La Cour de cassation ne voit pas les choses ainsi.

Pour la Cour de cassation, la charge de travail doit faire l’objet d’un entretien annuel

En effet, rappelle la Cour de cassation, “l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs”. Il ne méconnaît pas cette obligation légale dès lors qu”il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Ces mesures, nous dit l’article L. 4121-1, comprennent des actions d’information et de formation et “la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés”. L’article L. 4121-2,  quant à lui, liste les neufs principes de prévention qui servent à guider l’employeur dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa politique de prévention (lire notre encadré).

Or, comme cela avait été constaté, “contrairement à ce qu’il soutenait, l’employeur ne justifiait pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels au cours desquels étaient évoquées la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle”. De ce fait, il y avait donc bien eu un manquement de sa part à l’obligation de sécurité.

Rappelons, pour finir, qu’en cas d’accident du travail (AT), une charge de travail excessive peut faire partie des éléments pris en compte pour caractériser une faute inexcusable de l’employeur (Cass. 2e civ., 19 sept. 2013, n° 12-22.156). En dehors de tout AT, elle peut caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et justifier une prise d’acte de rupture du contrat par le salarié (par exemple, Cass. soc., 7 juill. 2016, n° 15-10.546).

Dans cette affaire, bien qu’alerté à plusieurs reprises par le salarié sur sa charge de travail et sur son état d’anxiété, l’employeur n’avait apporté aucune réponse à l’intéressé et n’a pris aucune mesure de nature à améliorer ses conditions de travail.

Les 9 principes de prévention
Pour “assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs” (art. L.4121-1 du code du travail), l’employeur doit fonder sa politique de prévention sur les 9 principes généraux listés par l’article L. 4121-2 :   1. Éviter les risques ; 2. Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3. Combattre les risques à la source ; 4. Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7. Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ; 8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Frédéric Aouate

OETH : un décret fixe une contribution forfaitaire en l’absence de déclaration annuelle de l’employeur

25/04/2023

Un décret du 20 avril 2023 précise les modalités de fixation forfaitaire de la contribution liée à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en l’absence de satisfaction, par l’entreprise, de son obligation déclarative annuelle.

Il fixe par ailleurs l’échéance déclarative annuelle au mois de mai au lieu du mois de mars à compter de 2022 et précise les modalités de ce report.

Source : actuel CSE

Négociation interprofessionnelle AT-MP : les partenaires sociaux butent sur la réparation

26/04/2023

Les partenaires sociaux, qui négocient en ce moment sur la branche AT-MP, ne sont pas parvenus à se mettre d’accord hier. L’ensemble du texte envoyé la veille par le Medef a en revanche été examiné. Une réunion qui pourrait être conclusive est programmée le 15 mai.

Le texte comporte quatre parties : la prévention, la réparation, la gouvernance et les moyens. La version sur laquelle ils ont planché toute la journée d’hier et que nous avons consultée comporte beaucoup de reprises de l’ANI sur la santé au travail du 10 décembre 2020. Plusieurs mesures consistent à évaluer les dispositifs existants et tenter d’en mesurer l’impact.

Le sujet de la gouvernance et la volonté que les partenaires sociaux prennent véritablement la main sur la branche et décident de l’utilisation de ses excédents semble faire l’unanimité. L’idée serait de transformer la CAT-MP en conseil d’administration paritaire. Une mesure qui nécessitera une modification de la loi.

Les négociations sont plus âpres sur la prévention et surtout la réparation. Alors que le projet d’accord national interprofessionnel prévoit davantage d’aides pour financer les actions de prévention des entreprises, les organisations syndicales souhaitent des avancées en matière de réparation, alors que la sous-reconnaissance des maladies professionnelles et accidents du travail est reconnue de tous.

Cette négociation s’inscrit dans l’agenda économique et social paritaire. Les premières discussions ont démarré en juillet 2022. Après s’être mis d’accord sur le diagnostic, les partenaires sociaux ont démarré les négociations à proprement parler en décembre. Les tractations ont bien sûr été percutées de plein fouet par la réforme des retraites. La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit en effet la création d’un fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle. Ces négociations ont par ailleurs retardé la signature de la prochaine COG AT-MP (Convention d’objectifs et de gestion), alors que la dernière a pris fin en 2022. 

Source : actuel CSE

Souffrance psychique et TMS : des maladies non reconnues mais bien présentes

27/04/2023

Source : Santé publique France

Depuis 2003, un programme de surveillance des maladies à caractère professionnel, les MCP, existe. Des données intéressantes viennent d’être publiées sur la période 2012 à 2018.

Depuis la loi de santé publique de 2004, l’agence Santé publique France a la charge de surveiller les maladies à caractère professionnel (MCP) chez les salariés français en collaboration avec l’Inspection médicale du travail. Dans ce cadre, l’agence vient de publier deux rapports : un premier sur le résultat de la surveillance de ces MCP entre 2012 et 2018 et, à partir de cet état des lieux, un second sur les facteurs organisationnels, relationnels et éthiques (FORE) en milieu professionnel.

Les maladies à caractère professionnels (MCP)

Pour rappel, une maladie professionnelle est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un risque ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.

Une maladie professionnelle indemnisée (MPI) peut l’être soit via les tableaux de MPI, soit via le système complémentaire de reconnaissance (CRRMP). Une maladie à caractère professionnel correspond donc à toute maladie (ou symptôme) présentant un caractère professionnel mais non reconnue en MPI par les régimes de Sécurité sociale.

Face à l’absence de données sur celles-ci, un programme de surveillance a été mis en place en 2003. Ce programme a comme objectif d’estimer les prévalences des MCP chez les salariés vus dans le cadre du programme, de décrire les agents d’exposition professionnelle associés, de suivre l’évolution des MCP dans le temps, de contribuer à l’estimation de la sous-déclaration des MPI, de fournir des éléments pour la révision ou l’extension des tableaux de MPI et enfin, de contribuer à l’orientation des politiques de prévention en milieu professionnel.

Le dispositif fonctionne avec 2 périodes de recueil de 15 jours, deux fois par an (les « quinzaines MCP »). Il est aujourd’hui basé sur le volontariat avec un réseau de médecins du travail volontaires qui signalent toutes les MCP identifiées pendant les visites médicales (entre 2012 et 2018, 1 375 médecins du travail et leurs équipes ont participé à une quinzaine). Les données s’arrêtent en 2018 car il y a un délai entre la remontée des informations du niveau régional vers le national, puis l’exploitation des données nécessite du temps. Par ailleurs, très peu de données ont été récoltées pendant la période de la crise sanitaire (une étude devrait sortir prochainement sur les TMP et les RPS pendant cette période spécifique).

Prévalence de la souffrance psychique et des TMS

Entre 2007 et 2018, on note une augmentation de la fréquence de signalement (qui est doublée chez les femmes). Pour les hommes, les MCP sont constituées à près de 50% de troubles musculo-squelettiques (TMS), un tiers de souffrance psychique, des troubles de l’audition (<5%) et des irritations ou allergies (<5%). Chez les femmes, la répartition est différente, on constate 42 à 52% de souffrance psychique, environ 40% de TMS, moins de 5% d’irritations ou allergies et très peu de troubles de l’audition (<0,5%)

La prévalence des TMS augmente à partir de 2015.  Cette augmentation est à tempérer puisque Santé publique France note que les réformes successives de la médecine du travail ont modifié les fonctionnements, il y a par exemple moins de visites périodiques, et davantage de visites de reprise ou à la demande.

De façon prévisible, la prévalence augmente avec l’âge, et les ouvriers sont plus touchés que les cadres : jusqu’à 16 fois plus pour les hommes (principalement dans le secteur de la construction) et jusqu’à 11 fois plus pour les femmes (surtout dans des secteurs comme le transport, l’industrie, la santé humaine, l’action sociale et l’hébergement-restauration).

Santé publique France a étudié les agents d’exposition associés : près de 80% étaient des facteurs biomécaniques, les secondes expositions les plus fréquentes étaient physiques pour les hommes et de nature organisationnelle, relationnelle ou éthique (FORE) pour les femmes. Il est très intéressant de noter que 71% des TMS signalés en MCP en 2018 correspondaient à un tableau de MPI. Or les trois-quarts de ces TMS n’avaient pas fait l’objet d’une déclaration en MPI. La principale raison évoquée est une méconnaissance du processus de demande de réparation du salarié (65%). Pour 22% des salariés, il s’agit d’un refus de leur part, lié pour la moitié à la crainte de perdre son emploi.

Pour la souffrance psychique, on note également une augmentation de la prévalence depuis 2007, mais cette fois le gradient social est inversé des cadres vers les ouvriers (3 à 6 fois plus élevées chez les cadres). La prévalence est 2 à 3 fois supérieure chez les femmes. Logiquement, 99% des agents d’exposition associés sont des FORE. En 2018, le facteur managérial était pointé par 45% (ex. :  tout ce qui est lié à une réorganisation imposée, un déficit de reconnaissance perçu, un contrôle excessif de la hiérarchie sur le salarié, etc.), venait ensuite la qualité de la relation au travail. Les facteurs organisationnels, relationnels et éthiques (FORE) sont de nature différente selon le groupe de pathologies.

Perspectives de ce programme

Pour une meilleure connaissance de l’impact du travail sur la santé, des données complémentaires aux données de reconnaissance sont nécessaires, constate toutefois Santé publique France. Ainsi, l’agence souhaite étendre la participation à ce programme MCP à l’ensemble du territoire, ce dispositif couvrant, fin 2018, sept régions du territoire métropolitain et deux DROM.

Clémence Andrieu

Les préconisations du CESE pour une meilleure prise en compte des dérèglements climatiques au travail

27/04/2023

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu mardi soir un avis intitulé “Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques”. Il y formule 17 préconisations parmi lesquelles : 

  1.  créer une base de données communes à partir des informations issues des documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et des données épidémiologiques collectées par les services de prévention en santé au travail, qui pourra constituer un support exhaustif et utile au dialogue social sur la santé au travail ; 
  2. créer un fonds financé par une part des excédents de la branche AT-MP afin de financier des investissements dans la recherche, la prévention primaire et l’amélioration des conditions de travail, dans une perspective d’adaptation et d’atténuation du risque climatique ; 
  3. mobiliser dans les entreprises, les branches et le secteur public pour accélérer la prise en compte des risques environnementaux ; 
  4. diffuser une campagne nationale visant la mobilisation des employeurs autour de la prévention des risques propositions afin d’encourager les employeurs à mieux associer les travailleurs et/ou leurs représentants à l’identification des risques ; 
  5. faire du respect de l’obligation de réalisation et d’actualisation du DUERP une condition d’attribution et de maintien des aides publiques ; 
  6. élargir les conditions du débat démocratique au travail sur l’exposition de la santé aux risques professionnels et environnementaux ; 
  7. inscrire l’écoute des salariés parmi les principes généraux de prévention du code du travail, comme cela a déjà été préconisé dans le cadre du rapport issu des Assises du travail. 

Source : actuel CSE

JO 2024 : le ministère du travail prévoit de nouvelles mesures pour la prévention des accidents du travail sur les chantiers

27/04/2023

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a tenu hier une réunion de travail, en présence également des ministres des sports, Amélie Oudéa-Castera, des transports, Clément Beaune et de la ville et du logement, Olivier Klein, avec les maitres d’ouvrage des grands chantiers en Île de France couvrant le périmètre des jeux olympiques et paralympiques de 2024) et de la Société du Grand Paris (SGP) pour faire le point sur la prévention des accidents du travail graves et mortels sur ces chantiers.

Cette initiative s’inscrit dans le déploiement du plan 2022-2027 pour la prévention des accidents du travail graves et mortels. 

Entre le 1er novembre 2019 et le 21 avril 2023, l’inspection du travail a mené 2800 interventions et procédé à 141 enquêtes d’accidents du travail sur site.

Des mesures visant à améliorer les dispositifs qui permettent de garantir la santé et de la sécurité de tous au sein de ces chantiers seront dévoilées en fin de semaine. 

Source : actuel CSE

Les entreprises peuvent couper l’eau chaude des sanitaires jusqu’au 30 juin 2024

28/04/2023

Un décret du 24 avril 2023 ouvre la faculté pour les entreprises de déroger à l’obligation de mettre à disposition des travailleurs de l’eau à température réglable sur les lieux de travail jusqu’au 30 juin 2024, dans un objectif de sobriété énergétique.

Ainsi, jusqu’à cette date, par dérogation au deuxième alinéa de l’article R. 4228-7 du code du travail, l’employeur peut, après avis du comité social et économique, s’il existe, mettre à disposition des travailleurs, sur leur lieu de travail, de l’eau dont la température n’est pas réglable, sous réserve que l’évaluation des risques réalisée en application de l’article L.4121-3 du code du travail, mise à jour préalablement, n’ait révélé aucun risque pour la sécurité et la santé des travailleurs du fait de l’absence d’eau chaude sanitaire et en tenant compte des besoins liés à l’activité éventuelle de travailleurs d’entreprises extérieures.

Source : actuel CSE